LA MISE EN PLACE DES RÉGIMES D OBLIGATION : UN AIGUILLON POUR LA MUTUALITÉ TARNAISE



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Transcription:

UMT-Mutualite? Tarnaise - livret:mise en page 1 11/03/08 16:45 Page 19 LA MISE EN PLACE DES RÉGIMES D OBLIGATION : UN AIGUILLON POUR LA MUTUALITÉ TARNAISE Mouvement de solidarité volontaire par définition, faisant largement appel à la responsabilité individuelle, la Mutualité a eu du mal à s intégrer dans des systèmes de protection sociale collective, rendus obligatoires, et encadrés par des dispositions législatives contraignantes. Pour autant, elle a toujours su faire preuve d une capacité d adaptation remarquable, et, à chaque étape, se servir de cet «aiguillon» pour faire évoluer ses structures et son fonctionnement, tout en mettant à la disposition des nouveaux systèmes créés, sa capacité gestionnaire et la compétence de ses ressources humaines bénévoles. Les retraites ouvrières et paysannes C est en 1911, quatre ans après sa création, que la Fédération départementale doit se prononcer sur sa participation à la gestion des «retraites ouvrières et paysannes», première véritable tentative de couverture sociale généralisée pour certaines catégories de la population. L assemblée générale décide «d inviter toutes les sociétés de secours mutuel à participer à l application de la loi». Toutefois, plutôt que de créer une caisse départementale, la fédération décide de donner son adhésion à la «Caisse régionale de retraites du Midi». Très rapidement, le tissu des sociétés locales révèle son efficacité : l assemblée générale de 1913 constate avec plaisir que le Tarn a recruté 2 500 adhérents sur les 6 500 recensés par la Caisse régionale! Cette expérience, malheureusement, ne résistera ni aux dommages de la guerre, ni à la récession économique, mais elle sera reprise sous d'autres formes quelques années plus tard dans le cadre des Assurances sociales. Les Assurances sociales L intervention mutualiste dans les «retraites ouvrières et paysannes» avait suscité de nombreuses interrogations dans le mouvement, dans la mesure où il s'agissait de participer à un régime de protection sociale qui tentait de mettre en place un équilibre entre l'intervention de l'état et l'initiative volontaire chère à la Mutualité. On retrouve ces mêmes interrogations pour l application de la loi sur les Assurances sociales (Assurance maladie et retraite), dont les premiers projets, au niveau départemental, sont discutés à l assemblée générale de 1921: les mutualistes voient dans l obligation de cotiser une atteinte à la liberté individuelle... et une entrave au développement de leur propre activité : «il s agit de savoir si les organismes mutualistes doivent disparaître ou ١٩

UMT-Mutualite? Tarnaise - livret:mise en page 1 11/03/08 16:45 Page 20 Entre 1930 (Assurances sociales) et 1945 (Sécurité sociale), la participation des mutualistes à la gestion des régimes obligatoires de protection sociale nouvellement créés génère de nombreux conflits avec les organisations syndicales. On en voit un exemple dans ce courrier (ci-contre) adressé à un adhérent de la Caisse d'assurances sociales «Le Travail», gérée par la CGT, qui veut rejoindre la caisse mutualiste... Dès 1945, et jusqu'aux «ordonnances» modifiant l'organisation de la Sécurité sociale en 1967, la Mutualité présente ses propres listes pour l'élection des conseils d'administration de l'assurance maladie (ci-contre). ٢٠

UMT-Mutualite? Tarnaise - livret:mise en page 1 11/03/08 16:45 Page 21 doivent se transformer en organismes d application du nouveau régime». Car cette première forme de prévoyance obligatoire, étatisée et généralisée, pourrait remettre en question l autonomie de gestion à laquelle sont tant attachées les sociétés de secours mutuels. S ajoute, dans le Tarn - département mi-industriel mi-rural à l époque - le problème de la différence de traitement entre assurés sociaux et assurés agricoles. Aussi l assemblée générale de 1924 émet-elle un vœu «tendant à la suppression du titre IV du projet, à seule fin de ne pas toujours opposer les travailleurs des champs aux travailleurs des villes». Finalement, à la suite de nombreux amendements suggérés par les mutualistes, la loi, votée en 1928, accorde une large place aux organismes mutualistes, et plus particulièrement à l échelon départemental. Ce qui permet au président de la Fédération tarnaise, Jules Laucou, de déclarer devant son assemblée générale : «nous voici arrivés, mes chers amis, à ce grand carrefour entrevu depuis tant d années (...) L article vingt-six de la nouvelle loi reconnaît d une façon éclatante les Unions mutualistes en leur accordant un rôle considérable, et ce rôle sera fonction de leur puissance! (...) Il ne faut pas que la Mutualité meure de l Assurance sociale, mais qu au contraire elle se régénère à son contact». Ainsi, en 1930, la Fédération départementale crée sa «Caisse primaire d assurances sociales dite Union Mutualiste Tarnaise», qui accueille les adhérents des Sociétés de secours mutuels ayant le statut de salarié. Mais la concurrence est vive, car, en dehors des organismes mutualistes, les syndicats professionnels, notamment, et les Assurances sociales elles-mêmes, ont la possibilité de gérer des caisses primaires. En 1936, on en compte dix dans le département, dont l «UMT», «la famille métallurgiste» (Saut du Tarn), et «le Travail», gérée, elle, par la CGT. Cette concurrence ne manque pas d engendrer des conflits, témoin cette lettre (page 20) adressée à un assuré qui, quittant la caisse de la CGT, se voit signifier qu il rejoint «les cléricaux de la Mutualité». La Sécurité sociale La loi de 1945 instituant la Sécurité sociale - qui reprend la loi précédente en élargissant le cercle des bénéficiaires - prolonge ces oppositions et creuse un fossé entre mutualistes et syndicalistes, qui se retrouvent sur des listes concurrentes lors des premières élections. Les représentants mutualistes ont du mal à trouver leur légitimité dans cette organisation, et, s ils peuvent manifester leur expérience de «bons gestionnaires», ils n en sont pas moins suspectés par leurs contradicteurs de faire passer l intérêt de leurs sociétés mutualistes avant la défense du régime de protection sociale. Il est vrai que les prises de position de la Mutualité dans les années 50-60, plutôt conservatrices, ne sont pas de nature à favoriser le rapprochement avec le mouvement syndical, l origine sociale des dirigeants (petits patrons, professions libérales, commerçants ) expliquant également les divergences d appréciation sur les évolutions de la protection obligatoire. ٢١

UMT-Mutualite? Tarnaise - livret:mise en page 1 11/03/08 16:45 Page 22 L Assurance maladie des agriculteurs et des travailleurs indépendants Les «professions indépendantes», agriculteurs, artisans et commerçants, n ont accepté qu avec un temps de retard sur les salariés un régime obligatoire d Assurance maladie : 1961 pour l Assurance maladie des exploitants agricoles (AMEXA) et 1966 pour l Assurance maladie des travailleurs indépendants (AMTI). Dans le premier cas, même si la loi leur reconnaît le droit de gérer, les sociétés mutualistes n ont pas vraiment les moyens de lutter à armes égales avec les organisations agricoles qui imposent sans trop de difficulté, dans le Tarn en tout cas, le monopole de la «Mutualité sociale agricole». Cette situation est reconnue de fait en 1963 lorsque l Union Mutualiste Tarnaise signe avec la MSA et la CRA- MAT (Caisse d assurances mutuelles agricoles) un accord qui répartit la gestion des risques suivant les spécificités de chacun : régime obligatoire (MSA), régime complémentaire (sociétés mutualistes UMT) et accidents du travail (CRAMAT). Cet accord restera en vigueur jusqu en 1980, date à laquelle la CRAMAT - devenue ensuite Groupama - prétextera l installation de la mutuelle d assurances Matmut dans les locaux de l UMT, pour revendiquer sa légitimité à gérer directement la complémentaire santé. Le problème se pose en des termes différents pour les travailleurs indépendants, qui constituent une partie importante des effectifs des sociétés mutualistes, dont ils apprécient à la fois le système d adhésion volontaire et l adaptation aux besoins locaux. La loi de 1966 (réellement appliquée en 1969) met en concurrence sociétés mutualistes et compagnies d assurances pour la gestion de l Assurance maladie obligatoire en tant qu «organismes conventionnés». Une répartition des rôles entre «mutuelle artisanale» (artisans) et «Union Mutualiste Tarnaise» (commerçants) permet à la Mutualité de récupérer les trois-quarts des effectifs affiliés au nouveau régime, et de jouer un rôle important dans la gestion de la «Caisse mutuelle régionale» où elle réussira, petit à petit, à occuper une place prépondérante aux côtés des syndicats traditionnels du commerce et de l artisanat. La Mutualité d entreprise Toutes ces évolutions de la protection sociale n ont encore que peu d incidences sur le personnel dirigeant des sociétés mutualistes et de l Union départementale, qui accompagnent ces mutations dans l esprit libéral qui caractérise les classes moyennes de l époque. ٢٢ Les organismes mutualistes, dont l'union Mutualiste Tarnaise, ont pris une part prépondérante dans la mise en place (1966-1969) et dans le développement du régime d'assurance maladie-maternité obligatoire des travailleurs non-salariés (AMTNS). La tendance s infléchit quelque peu à la fin des années soixante, avec l arrivée dans les conseils d administration des sociétés mutualistes et de l Union départementale, de représentants des salariés d entreprises, issus pour la plupart des milieux syndicaux.

UMT-Mutualite? Tarnaise - livret:mise en page 1 11/03/08 16:45 Page 23 Et la couverture des «accords de mensualisation», après 1968, permet à la Mutualité de faire-valoir ses compétences gestionnaires auprès des entreprises elles-mêmes. Assez rapidement, la Mutualité élargit son champ de recrutement et adapte ses réponses en ajoutant à ses garanties individuelles traditionnelles une panoplie de couvertures collectives, tant dans le domaine de la santé que de la prévoyance. Cette démarche nouvelle vers les salariés modifie du même coup l attitude des dirigeants mutualistes vis-à-vis de la Sécurité sociale, dont tout le monde désormais reconnaît le rôle majeur, la Mutualité se positionnant comme «organisme complémentaire», davantage en partenaire qu en adversaire. Dans le Tarn comme un peu partout en France, les «déclarations communes» se multiplient entre Unions départementales mutualistes et syndicales. La défense de la Sécurité sociale et des libertés mutualistes Les revendications d une Sécurité sociale «au plus haut niveau» trouvent donc un écho naturel dans les mutuelles, et rejoignent les préoccupations plus générales vis-à-vis des «libertés mutualistes» : après l interdiction d ouverture de nouvelles pharmacies mutualistes, le gouvernement franchit le pas en 1980 en instaurant un «ticket modérateur d ordre public» qui génère un mouvement de protestation sans précédent. A l initiative de la Fédération nationale de la Mutualité française et de son nouveau président René Teulade, les mutuelles et les Unions départementales engagent une campagne de pétitions sous forme de cartes postales : sept millions de cartes sont adressées à l Élysée, l Union Mutualiste Tarnaise, pour sa part, en rassemblant trente mille dans le département! Une grande manifestation réunit cinq cent délégués mutualistes au théâtre municipal d Albi le 15 mars 1980, après un défilé en voitures dans les rues de la ville, sous le slogan «Défense des libertés mutualistes - Non au ticket modérateur d ordre public». Et lors de l assemblée générale de l UMT, cette même année, la salle manifeste bruyamment en tapant des pieds, avant de se vider ostensiblement pendant le discours un brin provocateur du Trésorier payeur général. Les mutualistes, du même coup, osent désormais s afficher aux côtés des syndicalistes lors des manifestations de rue pour la défense «de la Sécurité sociale et des libertés mutualistes». Les multiples «plans de redressement de la Sécurité sociale», dans les années 80-90, avec leur cortège de déremboursements et de nouveaux prélèvements, continuent de mobiliser les mutualistes, et les Tarnais sont régulièrement présents comme lors du grand rassemblement national de Vincennes, en 1987, où cent mille participants proclament «La Sécu pas sans moi» et construisent une pyramide de quatre millions de «briques» en carton représentant les voix du «référendum mutualiste pour le maintien et l aménagement de la protection sociale». ٢٣

UMT-Mutualite? Tarnaise - livret:mise en page 1 11/03/08 16:46 Page 24 La lutte pour la défense de la Sécurité sociale et des libertés mutualistes a régulièrement mobilisé les mutualistes dès les années 1970. En 1980, le rejet du «ticket modérateur d'ordre public» réunit mutualistes et syndicalistes dans les rues d'albi (ci-contre). La presse mutualiste (ci-dessous) relaie la campagne de pétitions lancée par la Mutualité française contre le «ticket modérateur d ordre public» (1980). Quelques années plus tard (1991/2004), les «réformes» de la protection sociale sont toujours à la «une» du «Mutualiste tarnais». ٢٤

UMT-Mutualite? Tarnaise - livret:mise en page 1 11/03/08 16:46 Page 25 La charte de la Mutualité française... et les plans de réforme de la Sécurité sociale Malgré tout, la nécessité se fait cruellement sentir pour la Mutualité de se doter d une véritable doctrine, et de retrouver sa véritable nature en passant de la revendication... à la proposition. C est ce qu elle fait au congrès national de Bayonne, en 1994, en proposant de bâtir «la protection sociale de l an 2000». Les délégués tarnais adoptent à une très large majorité la «charte de la Mutualité française», lors de l assemblée générale de juin 1994, à la suite d un exposé magistral du professeur Claude Béraud. La reprise des principaux éléments de cette charte par le gouvernement, en décembre 1995, dans le cadre d un plan de réforme de la Sécurité sociale («plan Juppé») met le mouvement mutualiste dans une situation paradoxale : soutenir les mesures gouvernementales, alors même que ses principaux alliés syndicaux de la période précédente les rejettent! L UMT, comme les autres Unions départementales, est le théâtre de débats passionnés sur le sujet lors des assemblées générales, et son alignement sur les positions de la FNMF entraîne la démission de deux mutuelles d entreprise. Mais c est aussi l occasion de confirmer et de préciser la notion d «indépendance» chère depuis toujours aux mutualistes tarnais, comme le rappelle le président Yves Robert devant l assemblée générale du 11 mai 1996 : «Nous sommes les représentants de tous les mutualistes, qu ils soient salariés du privé ou du public, agriculteurs, viticulteurs, travailleurs indépendants, qu ils soient de droite ou de gauche, qu ils soient syndiqués ou qu ils ne le soient pas. Notre objectif, c est l intérêt général, et, pour ce qui concerne l Assurance maladie, c est de permettre à l ensemble de la population d avoir accès aux soins dans les meilleures conditions. Voilà notre religion, voilà notre politique!» La place désormais reconnue à la Mutualité dans les caisses d assurance maladie va permettre de défendre concrètement ces idées... et de les faire partager par le plus grand nombre. Cette «indépendance active» se matérialisera, dans le Tarn, par l élection d un mutualiste à la présidence de la Caisse primaire : Jean-Pierre Azam en 2002, Michel Vialelle en 2005. Parallèlement, la Mutualité Tarnaise poursuivra son action au sein de la Mutualité française, en particulier lors du congrès national de Toulouse en 2003 pour faire valoir les «vingt-cinq mesures pour réduire les inégalités de santé», reprises très partiellement dans le plan de réforme de la Sécurité sociale en 2004, puis réduites à néant par la convention médicale de 2005. ٢٥