REPUBLIQUE DE CÔTE D IVOIRE -------------------- COUR D APPEL D ABIDJAN -------------------- TRIBUNAL DE COMMERCE D ABIDJAN -------------------- RG N 1815/2013 JUGEMENT CONTRADICTOIRE du 10/01/2014 ------------------ Affaire : Monsieur YACOUBA KONE Monsieur TIORO dit MAMADOU KONE Monsieur SIAKA KONE Madame MINATA KONE LA SCPA KLEMET SAWADOGO KOUADIO dite KSK C/ Monsieur ATTIE FADEL LA SCPA RAUX ET AMIENS Décision Contradictoire Se déclare incompétent pour connaitre du présent litige ; Condamne les demandeurs aux dépens. AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU 10 JANVIER 2014 Le Tribunal de Commerce d Abidjan, en son audience publique ordinaire du dix Janvier deux mil quatorze tenue au siège dudit Tribunal, à laquelle siégeaient : Madame TOURE AMINATA épouse TOURE, Président du Tribunal ; Madame APPA Brigitte N guessan épouse LEPRY, Messieurs OUATTARA Lassina, EMERUWA Edjikémé et Sako Karamoko Fodé, Assesseurs ; Avec l assistance de Maître DOLEGBE Léonie SELIKA, Greffier ; A rendu le jugement dont la teneur suit dans la cause entre : Monsieur YACOUBA KONE, artiste comédien, né le 15 février 1971 à Adjamé, de nationalité burkinabé, demeurant à Abidjan- Adjamé Côte d Ivoire ; Monsieur TIORO dit MAMADOU KONE, menuisier, né en 1948 à Daka au Burkina Faso, acte de naissance N 356 du 2 Mai 1969 de nationalité burkinabé, demeurant à Abidjan-Adjamé Côte d Ivoire ; Monsieur SIAKA KONE, menuisier, né le 05 avril 1945 à Bingerville, de nationalité ivoirienne, demeurant à Adjamé quartier mairie, Abidjan Côte d Ivoire ; Madame MINATA KONE, ménagère, née en 1960 à Daka au Burkina Faso, de nationalité burkinabé, acte de naissance N 231 du 2 Mars 1971 du centre Tougan, Burkina Faso, demeurant à Abidjan-Adjamé Côte d Ivoire ; Lesquels ont élu domicile en l étude de la SCPA Klemet Sawadogo Kouadio dite KSK, avocats près la Cour d Appel d Abidjan, y demeurant Abidjan commune de Coccody, Avenue Jacques Aka, villa Médecine, 08 BP 118 Abidjan 08, Côte d Ivoire, téléphone : +225 22 40 05 00/télécopie : +225 22 40 05 00, courriel ksk@ksk-avocats.com; Demandeurs, comparaissant et concluant par leur conseil susnommé ; D une part, Et Monsieur ATTIE FADEL, de nationalité libanaise, demeurant à Adjamé face à la Pharmacie Saint Michel, chef d agence FAD 1
ASSUR, téléphone : 09 05 59 05/ 67 45 61 09, 03 BP 1141 Abidjan 03, Abidjan-Côte d Ivoire; Ayant pour conseil la SCPA AMIENS et RAUX, avocats près la Cour d Appel d Abidjan ; Défendeur comparaissant et concluant par son conseil susnommé ; D autre part ; Enrôlée pour l audience du 22 novembre 2013, l affaire a été appelée ; Le Tribunal ayant constaté la non conciliation des parties a renvoyé l affaire au 13 Décembre 2013 pour instruction ; A cette date, la cause étant en état d être jugée, elle a été mise en délibéré pour jugement être rendu le 10 Janvier 2014 ; Advenue cette audience, le Tribunal a rendu le jugement dont la teneur suit : LE TRIBUNAL Vu les pièces du dossier ; Vu l échec de la tentative de conciliation ; Ouï les parties en leurs demandes ; Après en avoir délibéré conformément à la loi ; FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES Par exploit d huissier du 11 novembre 2013, Monsieur YACOUBA KONE et autres ont fait servir assignation à Monsieur ATTIE FADEL, d avoir à comparaître devant le Tribunal de Commerce d Abidjan, pour entendre : -constater, dire et juger que le contrat de bail à construction conclu le 13 Mars 1981, entre monsieur Koné Daouda et monsieur ATTIE MOHAMED MOUSSA, pour une période de 13 ans a expiré ; -dire et juger que l avenant du 26 octobre 1998, n a rien à voir avec le contrat de bail à construction ; -dire et juger que la gestion de l immeuble appartient dorénavant aux héritiers de feu Daouda Koné ; -expulser monsieur ATTIE FADEL et tout occupant de son chef de l immeuble construit sur la parcelle Sud-Ouest du lot N 62 d Abidjan-Adjamé Etrangers immatriculée sous le numéro 20.604 de la circonscription Foncière de Bingerville ; -ordonner l exécution provisoire de la décision à intervenir ; Les demandeurs exposent au soutien de leur action, qu ils sont héritiers de feu Daouda Koné qui était propriétaire de la parcelle Sud-Ouest du lot N 62 d Abidjan-Adjamé Etrangers, immatriculée sous le numéro 20.604 de la circonscription Foncière de Bingerville ; 2
Ils ajoutent, que le 13 Mars 1981, monsieur DAOUDA KONE signait avec feu ATTIE MOHAMED un contrat de bail à construction en vertu duquel le preneur s engageait à édifier sur ladite parcelle, un immeuble R+1 pour une durée de 13 ans, soit jusqu au 13 mars 1995, étant entendu que la période allant du 13 mars 1981 au 13 mars 1982 devait servir à la construction de l immeuble et les treize années suivantes à l exploitation dudit immeuble ; A l expiration dudit contrat, disent les demandeurs, le preneur s est maintenu dans l immeuble, n observant pas ainsi les clauses du contrat ; Ils expliquent, que le 1 er février 2001, soit cinq années après l expiration du contrat, monsieur DAOUDA KONE a fait sommation au preneur d avoir à lui resituer l immeuble et à communiquer le quantum mensuel des loyers, puisque celui-ci ne s acquittait pas des loyers ; Le preneur, affirment les demandeurs, a alors prétendu qu il était en possession de deux avenants au contrat dont il détiendrait une copie, tandis que l autre serait en possession de son fils ATTIE FADEL ; Ils font noter, que le bailleur faisait alors sommation au preneur d avoir à lui communiquer les avenants et les pièces relatives au règlement des loyers, pour la période de 1982 à 2001 ; Selon les demandeurs, monsieur ATTIE MOHAMED MOUSSA étant décédé, son fils ATTIE FADEL dans la même logique, refuse de restituer l immeuble ; Ils relèvent, qu en application des articles 1728 et 1737 du code des loyers et de la copropriété, le contrat de bail a pris fin depuis 1982 pour non paiement des loyers et est arrivé à terme depuis le 13 mars 1995 ; Poursuivant, les demandeurs expliquent qu ils ont assigné monsieur ATTIE FADEL en référé pour entendre dire que le bail conclu par leur défunt père est venu à terme et que tant la propriété que la gestion de l immeuble leur revient ; Ils précisent, que devant le juge des référés, qui s est par la suite déclaré incompétent, le défendeur n a eu d autre choix que de produire un avenant en date du 26 octobre 1998 du contrat ; Ils avancent, que cet avenant est relatif à un terrain situé à Abidjan Adjamé Etrangers, formant la parcelle sud-ouest du lot N 6, immatriculé au nom de l Etat sous le N 13959 de la circonscription de Bingerville, alors que le contrat initial porte sur la parcelle N 62 d Abidjan-Adjamé Etrangers immatriculée sous le numéro 20.604 de la circonscription Foncière de Bingerville ; Il ne s agit, disent-ils, pas des mêmes parcelles et il ressort du préambule de l avenant, qu ils se réservent le droit d attaquer pour faux, qu il a été procédé le 06 octobre 1998 à une prorogation du bail pour une durée de six ans, devant s achever en 2001, puis une autre prorogation serait intervenue le 11 Août 1997 pour une durée de 7 ans, venant à terme en 2002 et à cette date une prorogation du bail aurait eu lieu pour une durée de 10 ans ; 3
En tout état de cause soutiennent les demandeurs, malgré ces curieuses prorogations, il n en demeure pas moins que le contrat est venu à expiration ; En réplique, monsieur ATTIE FADEL soulève l exception d incompétence de la juridiction de céans, au motif que le Tribunal de commerce a pour vocation de connaitre les affaires commerciales, des litiges nés des actes passés entre commerçants et ne peut donc connaitre d un litige qui a un objet civil et qui n oppose pas des commerçants ; Il explique, que feu ATTIE JAMAL DINE MOUSSA n a pas signé le bail à construction dans le cadre de l exercice de sa profession, et que le bail à construction n est pas un acte de commerce par nature ; Selon le défendeur, les demandeurs réclament la propriété d un immeuble, et cette demande n a rien de commercial ; En tout état de cause, dit-il, ATTIE JAMAL est décédé et les demandeurs ne peuvent fonder la compétence du Tribunal sur la qualité d une personne qui n est pas partie à l instance et qui est décédé ; Il fait noter, qu en ce qui le concerne personnellement, il n est pas commerçant et est plutôt chef d agence FAD ASSUR, ce qui ne signifie pas qu il soit commerçant comme tente de le faire croire les demandeurs ; Il fait observer, que la parcelle qu il occupe est un terrain situé à Abidjan Adjamé Etrangers, formant la parcelle sud-ouest du lot N 6, immatriculé au nom de l Etat sous le N 13959 de la circonscription de Bingerville, alors que les demandeurs revendiquent la propriété de la parcelle N 62 d Abidjan-Adjamé Etrangers immatriculée sous le numéro 20.604 de la circonscription Foncière de Bingerville ; Il en conclut, qu il n occupe pas la parcelle dont la propriété est revendiquée, de sorte que les demandeurs sont mal fondés en leur action ; SUR CE EN LA FORME Sur le caractère de la décision Le défendeur ayant comparu et conclu, il y a lieu de statuer par décision contradictoire. Sur l exception d incompétence Le défendeur soulève l exception d incompétence de la juridiction de céans, motif pris de ce que le présent litige a un objet purement civil et que les parties ne sont pas commerçantes ; 4
L article 7 de la Décision N 01/ PR du 11 janvier 2012 portant création, organisation et fonctionnement des Tribunaux de Commerce dispose : «Les Tribunaux de Commerce connaissent : -des contestations relatives aux engagements et transactions entre commerçants au sens de l Acte Uniforme relatif au Droit commercial général ; -des contestations entre associés d une société commerciale ou d un groupement d intérêt économique ; -des contestations entre toutes personnes, relatives aux actes de commerce au sens de l Acte Uniforme relatif au Droit Commercial général. Toutefois, dans les actes mixtes, la partie non commerçante demanderesse peut saisir les tribunaux de droit commun ; -des procédures collectives d apurement du passif ; -plus généralement des contestations relatives aux actes de commerce accomplis par les commerçants à l occasion de leur commerce et de l ensemble de leurs contestations commerciales comportant même un objet civil ; -des contestations et oppositions relatives aux décisions prises par les Tribunaux de Commerce.» ; Il ressort de ce texte que la compétence de la juridiction de céans est déterminée par des conditions subjectives tenant à la qualité de commerçant des parties et par des conditions objectives ayant trait au caractère commercial de l acte ; Ainsi, lorsque les parties sont commerçantes, même leurs contestations commerciales contenant un objet civil est de la compétence du Tribunal de commerce ; Lorsque les parties ne sont pas commerçantes, la contestation doit avoir un caractère commercial ; Il est en outre constant, en application de l article 101 de l acte uniforme OHADA portant droit commercial général, qui dispose en son alinéa 1 : «Les dispositions du présent titre sont applicables à tous les baux portant sur des immeubles rentrant dans les catégories suivantes : -1 ) locaux à usage commercial, industriel, artisanal ou à tout autre usage professionnel» ; 5
Il est constant en l espèce, comme résultant des pièces produites, notamment le contrat de bail à construction en date du 13 mars 1981, que KONE DAOUDA dont les demandeurs sont les ayants droit, a conclu avec feu ATTIE MOHAMED MOUSSA, dont le défendeur est ayant droit, un contrat de bail à construction aux termes duquel le preneur s engageait à construire sur la parcelle Sud-Ouest du lot N 62 d Abidjan-Adjamé Etrangers immatriculée sous le numéro 20.604 de la circonscription Foncière de Bingervill, un immeuble R+1 pour une durée de 13 ans ; Il est également constant comme résultant des pièces produites, que des avenants au contrat de bail à construction ont été conclus et ceux-ci précisaient que les constructions restaient la propriété du preneur durant toute la durée du bail, de même qu ils prorogeaient également la durée du bail ; Le bail à construction ainsi conclu, se définit comme une convention de longue durée passée en la forme notariée, en vertu de laquelle, le preneur s engage à construire des locaux sur un terrain appartenant au bailleur, lequel devient en fin de bail, propriétaire des constructions par accession sauf la volonté des parties de transférer la propriété du terrain au preneur ; En effet, il est possible de prévoir par une clause du contrat, une copropriété finale entre le bailleur et le preneur ou une vente finale du terrain au preneur ; Le bail à construction oblige donc le preneur à édifier des constructions sur le terrain du bailleur, et lui permet de consentir les servitudes ; - il confère au preneur un droit réel immobilier, librement cessible, hypothécable ; - il confère au preneur la propriété des constructions édifiées et l obligation de les conserver en bon état d entretien et d en supporter les charges et réparations, le bailleur en devenant, sauf stipulation contraire, propriétaire en fin de bail et profitant des améliorations ; -le preneur peut stipuler le paiement d un prix sous diverses formes ; Le bail à construction est de nature purement civile et ne trouve nullement son fondement dans une contestation relative aux actes de commerce au sens de l acte uniforme OHADA portant droit commercial général ; Un tel bail a un caractère purement civil et n entre donc pas dans le champ d application de l article 101 sus indiqué, puisque n étant pas soumis au statut d un bail commercial ; En outre en l espèce, il ne s agit pas d une contestation entre commerçants ; En effet, à aucun moment il n a été établi que le défendeur ou les demandeurs sont des commerçants ; 6
Il résulte de ces développements, que le Tribunal de commerce ne peut connaitre de l action tendant à la résiliation d un bail à construction et à l expulsion subséquente du défendeur ; Il y a donc lieu de se déclarer incompétent pour connaitre du présent litige, et ce, au profit du Tribunal civil ; Sur les dépens Les demandeurs succombant, il sied de mettre les dépens à leur charge ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort. Se déclare incompétent pour connaitre du présent litige, et ce, au profit du Tribunal civil ; Condamne les demandeurs aux dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus. ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER 7