8 e Conférence d Examen des Etats Parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) Débat général Déclaration prononcée par

Documents pareils
Sécurité nucléaire. Résolution adoptée le 26 septembre 2014, à la neuvième séance plénière

COMPRENDRE CE QU EST L OTAN

Conférence de révision du Statut de Rome : position de la Coalition suisse pour la Cour pénale internationale

Ordonnance sur l engagement d entreprises de sécurité privées par la Confédération

GROUPE DE RÉDACTION SUR LES DROITS DE L HOMME ET LES ENTREPRISES (CDDH-CORP)

Observatoire du fait religieux en entreprise Synthèse des résultats de l étude 2014

Ce projet de loi fixe un plafond pour le budget de la Défense et un plancher pour le budget de l Aide internationale.

Réunion mondiale sur l Éducation pour tous UNESCO, Mascate, Oman mai 2014

lj~ion DE L'EUROPE_OCCIDENT ALE Plate-forme sur les interets europeens en matiere de securite La Haye, 27 octobre 1987

Les Canadiens continuent de négliger des moyens simples de régler leurs dettes personnelles plus rapidement

CHARLES DAN Candidat du Bénin pour le poste de Directeur général du Bureau international du Travail (BIT)

DU ROLE D UN BUREAU MILITAIRE AU SEIN D UNE MISSION PERMANENTE

«La sécurité d investissement comme préalable à un approvisionnement fiable» Le 5 octobre 2011 Foire du Valais, Journée de l énergie

LES ESPOIRS SONT IMMENSES

Observations de Reporters sans frontières relatives aux projets de loi sur la presse marocains -

Convention sur la réduction des cas d apatridie

BELGIQUE. Septième session de la Conférence des Etats Parties à la Convention relative aux Droits des Personnes handicapées

COURS D INSTITUTIONS EUROPEENNES Mme Catherine SCHNEIDER, Professeur, Chaire Jean Monnet. PLAN dossier 2 : LES INSTITUTIONS DE DEFENSE ET DE SECURITE

Nucléaire : l électricité ou la bombe? Les liens entre nucléaire civil et nucléaire militaire

au concept de «développement durable» Pour une éducation ouverte sur le monde

LAURENT FABIUS, MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES

Initiative socialiste pour des impôts équitables Commentaires Bernard Dafflon 1

Commission de la défense nationale

Intervention du Premier ministre, François FILLON. Séminaire Ambrosetti «Une stratégie économique pour l Europe» Cernobbio, samedi 5 septembre 2009

Forum Paris Europlace. Intervention de Michel SAPIN, ministre des Finances et des Comptes publics. Pavillon d Armenonville. Mercredi 9 juillet 2014

exigences des standards ISO 9001: 2008 OHSAS 18001:2007 et sa mise en place dans une entreprise de la catégorie des petites et moyennes entreprises.

Commission canadienne de sûreté nucléaire : Leadership dans la réglementation aux fins de la sûreté

Fiche de synthèse sur la PNL (Programmation Neurolinguistique)

Toronto (Ontario) Le vendredi 26 octobre 2007 L ÉNONCÉ FAIT FOI. Pour de plus amples renseignements, s adresser à :

LES ETAPES DU MANAGEMENT LE CONTEXTE MONDIAL

NPT/CONF.2010/PC.III/WP.39

étude La mise en œuvre d un Traité sur le commerce des armes et son suivi P. LE MEUR

VISUAL STUDIO ET LES ANCIENS ETUDIANTS DE L IAI

La Lettre de la Conférence des Bâtonniers

CODE DE VIE

Numéro du rôle : Arrêt n 181/2005 du 7 décembre 2005 A R R E T

Le futur doit s ancrer dans l histoire

INTERVENTION DE MONSIEUR EMMANUEL RENE MOISE A LA TROISIEME REUNION BIENNALE DU PROGRAMME D ACTION DES NATIONS UNIES SUR LES ARMES LEGERES

*Ce Master peut donner accès au Doctorat en Études Internationales pour la Paix, les Confits, et le Développement. Il a été honoré de la mention de

Contribution au débat sur le Livre Vert «Vers une stratégie européenne de sécurité d approvisionnement énergétique»

votre courtier d assurances ou agent bancaire AXA

Service de presse novembre 2014

Commission pour la consolidation de la paix Configuration pays République centrafricaine

POLITIQUE D ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES

SOMMAIRE QU EST-CE QU UNE SITUATION DE VENTE POUR LE REFERENTIEL BTS?

La qualité de l emploi dans l économie sociale et solidaire: analyse et enjeux. une enquête en Alsace et en Lorraine

Second communiqué 1 Conférence mondiale 2015 sur la réduction des risques de catastrophe (3 e édition)

Décision du 20 juin 2013 Cour des plaintes

TABLEAU DE BORD DES REFORMES PAR PRIORITE

Le Ministre Pieter De Crem prend la parole

COMMENT RENFORCER LES ENFANTS A SE PROTEGER EUX-MEMES. Production: Groupe d enfants participants à l atelier Présentation: Essenam & Paa Kwessi

Réception de Montréal Secteur des valeurs mobilières. Discours d ouverture

Copie préliminaire du texte authentique. La copie certifiée par le Secrétaire général sera publiée ultérieurement.

«courtier» : un broker ou un dealer au sens de la Loi de 1934 dont l'établissement principal est situé aux États-Unis d'amérique;

ÉVALUATION DES CONSEILS D ADMINISTRATION/SURVEILLANCE : UN RETOUR D EXPÉRIENCE TRÈS POSITIF DES ADMINISTRATEURS

PROJET D ARTICLES SUR LA RESPONSABILITE DE L ÉTAT POUR FAIT INTERNATIONALEMENT ILLICITE

THEME : LUTTE CONTRE LA PAUVRETE DES JEUNES.

Définition et exécution des mandats : analyse et recommandations aux fins de l examen des mandats

POUR ATTEINDRE SES OBJECTIFS RIO+20 DOIT PLACER LA RESPONSABILITE AU CŒUR DE SES PREOCCUPATIONS

Assemblée Générale 30 avril 2014 Rapport Moral du Président Ruben GARCIA

DROIT ET RÉGLEMENTATIONS DE LA PLACE FINANCIÈRE

PROJET D ARTICLES SUR LA RESPONSABILITE DE L ÉTAT POUR FAIT INTERNATIONALEMENT ILLICITE

Avis de consultation

Pourquoi et comment le monde se divise-t-il après 1945? I/DEUX BLOCS FACE A FACE ( p90/91)

Cadre général du Forum sur les questions relatives aux minorités

CLUB DE REFLEXION SUR LE MALI (CRM)

Enquête sur les perspectives des entreprises

FORMATION PNL CYCLE COMPLET. «Révélez vos talents»

Textes légaux essentiels pour les associations (sections et groupes sportifs)

Promouvoir des synergies entre la protection des enfants et la protection sociale en Afrique de l Ouest et du Centre

QU EST-CE QUE LE PLAIDOYER?

Journées Internet pour le droit, 6 ème édition, Paris, 3-5 novembre 2004 Etat des convergences

F RSE Plan d action A04 Bruxelles, le MH/JC/LC A V I S. sur

MINISTÈRE DE L ÉDUCATION DES ÉTATS-UNIS. Bureau des Droits Civiques (BDC) Formulaire de plainte pour discrimination

Centre d etudes. strategiques de l Afrique. E t a b l i r d e s p a r t e n a r i a t s p o u r l a v e n i r d e l A f r i q u e

Dans une étude, l Institut Randstad et l OFRE décryptent le fait religieux en entreprise

United Nations (8) Nations Unies

BULLETIN OFFICIEL DES ARMEES. Edition Chronologique n 20 du 3 mai 2013 TEXTE SIGNALE

Baromètre de la diversité > Logement. Chapitre 2. Recommandations

TABLE DES MATIÈRES PREMIÈRE PARTIE L ENGAGEMENT D UNE PROTECTION CLASSIQUE DE L INDIVIDU À TRAVERS L ACTION EN PROTECTION DIPLOMATIQUE...

Division Espace et Programmes Interarméeses. État tat-major des armées

RESPONSABILITÉ DE L ÉTAT POUR FAIT INTERNATIONALEMENT ILLICITE PREMIÈRE PARTIE LE FAIT INTERNATIONALEMENT ILLICITE DE L ÉTAT CHAPITRE PREMIER

M. Jean-Yves Le Drian, Ministre de la défense. Discours pour les vingt ans du lancement du satellite Hélios IA

Relations verticales au sein de la chaîne d'approvisionnement alimentaire: Principes de bonnes pratiques

Engagement actif, défense moderne

l ire agenda concours publications réseau liens Publication

Recommandation concernant les produits financiers durables

Le Titre II «Investir» du projet de loi pour la croissance, l activité et l égalité des chances économiques a été adopté par l Assemblée nationale

Cluster protection en RDC KATANGA BESOIN DE RENFORCEMENT DE LA PROTECTION DES CIVILS. Septembre avril 2015

«seul le prononcé fait foi»

Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones

Le ministre wallon de l Energie travaille sur la manière dont le vert doit trouver sa place en Wallonie. Entretien (Le Soir mis en ligne 5 mars 2015).

Avoir confiance en soi

DISCOURS de Sylvia PINEL. VIème congrès de l Union des syndicats de l immobilier (UNIS)

1 von :59. Vie numérique Dimanche5 mai 2013

72% des Français prêts à payer plus cher un produit fabriqué en France. Mais pas à n importe quel prix!

Questions-réponses sur le thème du nouveau droit du nom

Je suis sous procédure Dublin qu est-ce que cela signifie?

Déclaration sur le droit au développement

Transcription:

Mission permanente de la Suisse auprès des Nations Unies à New York 8 e Conférence d Examen des Etats Parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) Débat général Déclaration prononcée par Son Excellence Micheline Calmy-Rey Cheffe du Département Fédéral des Affaires Etrangères New York, 4 mai 2010

Quarante ans après son entrée en vigueur, le TNP se retrouve à la croisée des chemins. Après plusieurs années de blocage, et de régressions, nous avons assisté ces derniers mois à une série de développements sur l ensemble des dossiers de nature nucléaire : Ainsi, le désarmement nucléaire semble connaître un renouveau. Celui-ci s est concrétisé le 8 avril dernier par la signature d'un nouvel accord de réduction des armes nucléaires stratégiques entre Etats-Unis et Russie. La Suisse salue la signature de ce nouveau traité et encourage les deux Etats à le ratifier au plus vite. Par ailleurs, ce début d année 2010 a également vu la publication des nouvelles doctrines nucléaires des deux Etats les plus largement dotés. Nous y avons relevé certains développements positifs. Enfin, nous avons assisté récemment à une accélération des développements sur l ensemble des dossiers de nature nucléaire; notamment le Sommet sur la Sécurité Nucléaire de Washington. Si nous prenons toutefois un peu de recul en regard de ce que ces développements ont apporté en termes d impact immédiat, force est de constater que le résultat demeure modeste. Ainsi, les récentes adaptations des doctrines nucléaires des Etats dotés nous indiquent qu il n y a pas de remise en question fondamentale de l arme nucléaire dans les stratégies militaires de ces Etats. Bien que la Guerre Froide soit terminée depuis deux décennies, la doctrine de dissuasion nucléaire reste présente, avec un nombre considérable d armes prêtes à être engagées en quelques minutes, alors que des milliers d autres demeurent stockées. La pérennité de dispositifs de défense basés sur l arme nucléaire revient en fait à continuer de jouer de façon irresponsable avec le futur de l humanité. La Suisse ne voit pas très bien comment l on parviendra à gérer les problèmes du futur en maintenant de tels dispositifs. En effet, l arme nucléaire est à la fois inutilisable, immorale et illégale : 2

Inutilisable elle l est entre grandes puissances disposant d une capacité de seconde frappe ; inutilisable elle l est de par son caractère disproportionné face aux Etats non dotés ; inutilisable elle l est face au risque terroriste sur lequel la dissuasion n a pas d emprise. Immorale elle l est fondamentalement, car conçue pour occasionner des dégâts en masse et sans discrimination, que ce soit en termes de vies humaines, de destructions, de conséquences sur l environnement, et le tout dans un espace-temps que l être humain ne peut pas maîtriser. Plus qu une arme de destruction massive, l arme nucléaire est une arme d extermination. Illégale elle l est de par sa nature même au regard du droit international humanitaire. Elle frappe sans distinction aucune et son utilisation viole sans exception les principes et règles fondamentaux du droit international humanitaire. Nous ne voyons donc pas de cas de figure dans lequel cette arme pourrait être utilisée sans contrevenir de manière générale au droit international humanitaire. La Suisse est d avis que cette Conférence d Examen constitue une occasion unique pour asseoir sur des bases plus solides le mouvement en faveur du désarmement nucléaire. La Suisse attend donc de cette Conférence l adoption d un plan d action destiné à faire avancer le désarmement nucléaire de façon concrète, progressive et pragmatique. Il s agira de bâtir sur l acquis des conférences d examen précédentes, notamment les "Treize étapes pratiques" de l'année 2000, qu il faudra réactualiser, voire dépasser ou y ajouter une notion de mise en oeuvre dans le temps, à l image des recommandations du rapport de la Commission Evans- Kawaguchi que nous saluons. Bien que de notre point de vue le désarmement nucléaire soit resté le parent pauvre parmi les trois piliers du TNP, la Suisse est consciente que pour assurer son succès, cette Conférence se doit de ne pas négliger l ensemble des engagements qui y sont contenus. Ainsi, dans le domaine de la prolifération nucléaire, le point de vue selon lequel l AIEA n est plus à même d empêcher la prolifération s est répandu ces dernières années. La Suisse attend 3

de cette Conférence qu elle réfléchisse comment rendre le système des garanties de l AIEA moins sujet à de telles remises en cause. Dans le domaine de l utilisation pacifique de l énergie nucléaire, les décennies à venir vont voir la poursuite du développement du nucléaire civil. Des défis évidents se poseront quant à la capacité de gérer une telle source d énergie pour de nouveaux Etats. La Suisse attend donc l adoption par cette Conférence d un langage clair réaffirmant le lien entre le droit inaliénable de tous les Etats Parties à utiliser le nucléaire à des fins civiles et les obligations en termes de garanties, de sécurité et de sûreté qui en découlent. Si nous arrivons à l adoption d un plan d action couvrant les trois piliers du TNP, nous pourrons assurément parler d un succès de cette Conférence. Toutefois, la Suisse est d avis que nous devrions avoir l ambition d aller plus loin et de développer une vision qui va au-delà de cette Conférence notamment dans le domaine du désarmement. Il s agirait en fait de dépasser certaines notions de recours à l arme nucléaire toujours présentes dans les doctrines militaires des Etats dotés. En effet, du fait qu une éventuelle guerre nucléaire mettrait en péril la survie même de notre humanité commune, la réflexion doit être lancée de savoir si son emploi serait légitime, quel que soit le motif de légitime défense invoqué. Au-delà des considérations militaires et juridiques, il s agit donc pour la Suisse de ramener la composante humanitaire au cœur du débat actuel sur le désarmement nucléaire. Il s agit, de se poser la question de savoir à partir de quel moment le droit des Etats doit-il s effacer devant les intérêts de l humanité. Il s agit en définitive de mettre à terme horsla-loi l arme nucléaire, au moyen notamment d une nouvelle convention, comme le propose le Secrétaire Général des Nations Unies. La Suisse pense qu il est important de lancer le débat sur cette question. En ce sens, mon pays a initié une étude sur la thématique de la dé-légitimation de l arme nucléaire. J invite les Etats Parties ainsi que les ONG à participer à la présentation de cette étude le 10 mai en marge de cette Conférence. 4

La vision à terme d un monde sans armes nucléaires comme celle d un monde capable d utiliser l énergie nucléaire de manière responsable est du domaine du possible. Etats, société civile, tous et toutes nous avons un rôle à jouer pour qu une telle vision devienne réalité. La Suisse vous appelle donc à utiliser pleinement cette Conférence pour en faire un tremplin vers un dialogue, qui nous permettra d aller sereinement au-delà de cette croisée des chemins où se trouve aujourd hui le TNP. je vous remercie de votre attention. 5