Café nile avec Marc de Garidel



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Transcription:

Café nile avec Marc de Garidel Mercredi 25 septembre 2013 au Sir Winston Marc de Garidel, vice-président du Comité Stratégique de Filière des Industries et Technologies de Santé (CSF Santé) nous a fait le plaisir et l honneur d intervenir à ce café nile sur le thème : «Avec les Lois de Financement de la Sécurité Sociale, reste-t-il une place pour une politique industrielle ambitieuse en santé?». Avant-propos d Olivier Mariotte Le paysage des industries et technologies de santé est largement dominé par quelques grandes entreprises, parfois au détriment de celles de tailles plus modestes, même si elles comptabilisent de nombreux centres de production, offrent de nombreux emplois, et couvrent jusqu à 95% des pathologies de ville avec les médicaments qu elles produisent. L évolution des taux de remboursements et le recul de la couverture de la Sécurité sociale, de l ordre de 50% pour ce type de pathologies, questionne par ailleurs la pérennité de leur modèle économique. À ce recul de la protection sociale s ajoutent les taxes toujours plus importantes qui leurs sont demandées chaque année à l occasion des Projets de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS). Outre l annonce des 34 plans de reconquête industrielle de la France annoncés à la mi-septembre par Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, et outre la mission «Mieux se soigner» dont la ministre du Commerce extérieur Nicole Bricq a chargé en mai dernier David Sourdive (cf. Café nile du 12 juin 2013) afin d améliorer les performances françaises à l exportation dans le domaine de la santé, l avis complémentaire de Marc de Garidel sur cette politique schizophrène apporte une vision et des solutions différentes et pertinentes. Intervention de Marc de Garidel Un secteur important Le secteur de la santé en France est très porteur. Il emploie en effet 200 000 personnes directement, représente 75 Md de chiffre d affaires et possède une balance commerciale pharmaceutique positive de plus de 8 Md. Les hôpitaux, la recherche scientifique et le système de santé sont également très bons et c est un secteur qui fait partie des trois pôles annoncés comme prioritaires par le Président de la République au cours de la présentation des 34 plans de reconquête industrielle à la mi-septembre. Café nile avec Marc de Garidel 25 septembre 2013 1

Quatre grands axes de travail Le travail du CSF Santé repose sur quatre grands axes dont le premier vise à renforcer la recherche et le développement. La France est en effet historiquement un pays dans lequel de nombreux essais cliniques sont réalisés (deuxième pays au Monde en 2010 mais 5 ème aujourd hui), même si la procédure de validation administrative de ces essais est de plus en plus longue (environ 12 mois contre 1 à 2 mois pour la Belgique par exemple). Le CSF Santé a donc fait la proposition, reprise par la ministre de la Santé Marisol Touraine, d instauration d un guichet unique permettant d éviter la multiplicité des contrats hospitaliers. La propriété intellectuelle fait également partie de ce renforcement de la recherche et du développement, avec une volonté de simplification des brevets. L accès au marché des innovations, sujet d inquiétude des industries de santé, est le deuxième grand axe de travail du CFS Santé. Il propose d améliorer l évaluation et la prise en charge des innovations, notamment pour les solutions multi-technologiques. Il est également essentiel de mettre en place rapidement le «Forfait Innovation» prévu déjà par la loi HPST. Troisième axe de travail, le développement de l emploi et de la production, avec une volonté de cohérence accrue entre la politique générale et la politique industrielle. Le CFS Santé propose donc de stimuler le secteur des biotechnologies, mais aussi d améliorer la transparence pour les patients en spécifiant le lieu de production des médicaments. Dernier axe de travail, la conquête de nouveaux marchés à l export. Les grandes entreprises pourront aider celles de taille plus petite à s implanter à l étranger en faisant jouer la solidarité nationale via la mise en place de Clubs Santé regroupant les acteurs publics et privés dans certains pays ciblés, la Chine, la Russie et le Brésil en particulier. Le PLFSS Les industries de santé sont fatiguées des efforts consécutifs qui leurs sont demandés. Sur une période de 10 ans, 56% des économies du budget de la Sécurité Sociale ont été réalisés grâce aux contributions des laboratoires pharmaceutiques, alors que le médicament ne représente que 15% des dépenses de santé. Le problème de financement de la Sécurité Sociale ne sera donc pas résolu en baissant systématiquement le prix des médicaments. L industrie souhaite cependant participer à l effort national, un effort qu elle souhaite mesuré et proportionnel aux dépenses. Une mesure symbolique simple à mettre en place pour réduire les dépenses : le développement de l automédication. De nombreux pays la pratiquent depuis plusieurs années, et si la France était au niveau de la moyenne européenne, la Sécurité Sociale pourrait économiser à terme 1,7 Md. Cette automédication se ferait avec un rôle accru du pharmacien d officine. Par ailleurs, de nombreuses innovations permettent aujourd hui de développer l'ambulatoire et donc de diminuer la part de l'hôpital et les coûts associés. Les discussions sur le PLFSS sont assez vives et nous parlons d 1,1 Md d économies à réaliser cette année par rapport au budget de l année passée, dont 1 Md assurés par le médicament et 100 M par le dispositif médical. Ces économies devront être réalisées intelligemment, en évitant les baisses de prix pour ne pas favoriser le déclin de l industrie de santé. Café nile avec Marc de Garidel 25 septembre 2013 2

Questions de la salle Olivier Mariotte, nile : Le mouvement des Pigeons, né sur les réseaux sociaux, ne possède pas la même puissance de lobbying que l industrie pharmaceutique mais fonctionne très bien et à permis d éviter de nombreuses contraintes fortes. Pourquoi réussissent-ils là où vous avez plus de difficultés? D autres secteurs réussissent en effet mieux leur lobbying comme l industrie du tabac ou l agroalimentaire. Marc de Garidel : Contrairement aux autres secteurs, celui de la santé réalise ses bénéfices grâce aux maladies des patients, ce qui est culturellement plus difficile à accepter. Il est important de savoir que le secteur pharmaceutique présente de nombreux risques et qu il est nécessaire de le rétribuer, sans quoi il ne peut pas se développer. C est un sujet sur lequel nous gagnerions en effet à plus communiquer. Gérard Bouquet, consultant : Au-delà des mesures qu il a annoncées, le CSF Santé ne risque-t-il pas de devenir le fossoyeur du Conseil Stratégie des Industries de Santé (CSIS)? Marc de Garidel : Le CSIS, initiative existant depuis une dizaine d années et chapeautée par le Président de la République ou le Premier Ministre, a bénéficié d une grande visibilité. Malgré cela, assez peu d actions concrètes en ont été issues depuis 2009. Je fais partie de ceux qui pensent que la logique du CSF de travail en commun entre industriels et Gouvernement dans la durée est très positive. Jacques Bonte, consultant : Vous dîtes que les économies en santé proviendront d une restructuration du système. Pourquoi ne la mettez-vous pas en œuvre? PricewaterhouseCoopers vient par ailleurs de publier un rapport sur les économies réalisables grâce à l e-santé. Comment ce sujet est-il abordé par le CSF? Enfin, le mésusage des médicaments est très répandu. Les pouvoirs publics ont-ils conscience de cette problématique? Marc de Garidel : Le déficit de la Sécurité Sociale ne pourra être résolu qu en allant vers une restructuration profonde. C est un avis unanimement partagé, mais sa mise en œuvre est compliquée politiquement et socialement, même si le besoin de changement est urgent. Concernant l e-santé, nous avons mis en place un groupe de travail et nous ferons des propositions pour permettre une prise en charge et une incitation des moyens technologiques. Enfin, le mésusage et la compliance ne sont pas des sujets qui ont été abordés par le CSF, même si nous partageons votre avis. Il y a là un grand travail d accompagnement des patients qui doit être porté par les médecins généralistes et tous les acteurs du système de santé doivent travailler ensemble pour le garantir. Alain Perez, journaliste : Les centres de décision de la pharmacie européenne se déplacent vers les États- Unis, le dernier en date étant AstraZeneca qui a décidé d y déménager son siège. Ce mouvement va-t-il continuer? L attractivité américaine est-elle devenue si forte que l Europe ne peut pas rivaliser? Marc de Garidel : D une manière générale, les États-Unis reconnaissent l innovation et encouragent les investissements, la recherche et la prise de risque. La dépendance du monde pharmaceutique vis-à-vis des États-Unis est réelle. Il existe cependant en France des filières émergentes qui doivent être encouragées, telles que la thérapie cellulaire par exemple. Bernard Lemoine, consultant : Nous avons le sentiment que le contenu classique du dialogue du Leem et de l industrie pharmaceutique en général en France ou en Europe avec les pouvoirs publics s est épuisé. Il faut reconnaître la rentabilité du secteur et déplacer le dialogue sur la contribution à l économie du médicament et à la maîtrise des coûts et des dépenses hospitalières. Cela passe par le soutien à l hospitalisation privée, aux réseaux de soins, à la médecine ambulatoire, et aux techniques structurelles Café nile avec Marc de Garidel 25 septembre 2013 3

de maîtrise de la dépense et du progrès de la qualité de vie. La vision électorale à court et moyen termes des pouvoirs publics est une notion importante. Marc de Garidel : Nous souhaitons en effet contribuer à la réflexion sur ces sujets pour lesquels nous partageons votre avis. Au niveau de l innovation, dans les années 2010, notre industrie a fourni une vingtaine de nouveaux médicaments par an, dont un tiers apportaient une véritable innovation, et ce chiffre est en progression puisque l année dernière, 40 nouveaux médicaments ont été enregistrés, tous possédant une haute valeur ajoutée. Si les systèmes de santé n arrivent plus à prendre en charge ces nouveaux médicaments, les patients se révolteront et les politiques évolueront.. Les nouvelles technologies vont modifier de manière fondamentale la façon de travailler des institutions de santé. Bernard Lemoine : Il faut anticiper la réponse qui pourrait être apportée à cette réflexion, qui dirait que l industrie pharmaceutique, voulant gagner trop d argent trop vite sur des ciblages de molécules innovantes, serait pour partie en cause dans la difficulté de faire accéder les malades auxdits médicaments. Marc de Garidel : Il faut revenir au principe de rémunération du risque. Lorsque celui-ci est très élevé, il doit être rémunéré. Olivier Mariotte, nile : Nous connaissons bien le monde des associations de malades et l analyse que nous en faisons va à l encontre de votre propos. L industrie pharmaceutique a d une part manqué le réveil de ces associations en tant qu acteurs de santé dans les années 90. D autre part, la vision de l industrie à l égard des associations est fondamentalement normée par la volonté de s en faire un allié dans la défense de ses intérêts propres, alors qu elle devrait voir la volonté d amélioration de la culture de cet acteur associatif pour permettre, dans une stratégie d alliance, de défendre des intérêts communs. À l heure actuelle, les chefs de files associatifs sont donc dans un recul culturel net et la prise de parole du Collectif Interassociatif Sur la Santé par rapport à l industrie pharmaceutique est négative, alors qu elle aurait dû se développer de manière positive. Il y a un grand travail de stratégie d alliances à réaliser, non pas dans la défense d intérêts particuliers, mais dans la volonté de bâtir un système différent. Cette paupérisation culturelle touche d ailleurs également les parlementaires. Marc de Garidel : C est un avis que je partage. L industrie a certainement beaucoup à faire avec les patients. Gérard Viens, Essec : Je ne comprends pas pourquoi dans la négociation avec les autorités françaises, la mondialisation du marché pharmaceutique n est pas mise en avant. L approche devrait aller dans le sens du progrès à l international de façon à avoir des retours sur investissements importants. L industrie devrait raisonner mondialement plutôt que nationalement. Marc de Garidel : Le CSF a pris de nombreuses mesures pour faire de l industrie pharmaceutique française un acteur international majeur. Nous approuvons votre approche, mais cela n exclu pas le problème de fond qui veut que nous devons réaliser en France des réformes structurelles profondes pour conserver notre système de santé. Demander 1 Md à l industrie pharmaceutique supplémentaire par an ne résoudra pas ce problème. Charles Descours, sénateur honoraire : L avènement des thérapies personnalisées très coûteuses a changé la donne. L Assurance Maladie, compte-tenu de sa crise financière, ne pourra pas continuer à couvrir l ensemble des risques. Les assurances complémentaires vont donc avoir un rôle de plus en plus Café nile avec Marc de Garidel 25 septembre 2013 4

important et devront participer à sa gestion. Cependant, leur très grand nombre leur est défavorable et un regroupement sera nécessaire. Pascal Beau, Espace Social Européen : Les complémentaires santé sont déjà dans le conseil d administration des caisses d assurance maladie. Par ailleurs, l automédication est un chantier absolument prioritaire. La possibilité de travail commun entre le CSIS et le CSF sur ce sujet ne s est malheureusement pas présentée. Comment peut-on construire une stratégie sur l automédication? Les médecins n y sont pas favorables. Marc de Garidel : Nous allons publier bientôt un sondage sur l appétence de la population à l automédication et les résultats sont encourageants. Alain Clergeot, Europe Biotech : Nous avons essentiellement parlé du médicament et non de la filière de santé. Le médicament représente certainement la part la plus importante de l industrie de santé, mais ne faut-il pas admettre que l innovation ne vient plus seulement du médicament, mais aussi de la convergence avec d autres technologies de santé, comme l on peut le voir avec par exemple les tests compagnons? La France a des atouts dans le développement des biotechnologies. Marc de Garidel : Le développement des solutions multi-technologiques est inévitable. Le médicament est un outil important, mais nous en possédons d autres tels le diagnostic, le dispositif médical, etc. La prise en charge de certains dispositifs médicaux peut en effet ne pas être assurée, d où l importance du «forfait innovation» qui devrait être mis en place d ici la fin de l année. Je rejoins complètement votre point de vue et nous avons créé des groupes de travail transversaux sur les produits de santé visant à améliorer leur prise en charge. Olivier Mariotte, nile : Quelles sont les zones-frontières et les zones d articulation mises en place par les industriels pour travailler avec les différents acteurs de santé? Marc de Garidel : Nous essayons d avoir la représentation la plus large possible au sein du CSF. Il y a au sommet un responsable de l administration et un responsable de l industrie, qui organisent suivant les sujets et leur complexité la composition des groupes avec les différentes professionnels, acteurs de santé et représentants des syndicats de salariés. En conclusion, je reste fondamentalement convaincu que les industries de santé sont un secteur très porteur et j espère que la France saura s adapter pour garder à la fois un système de prise en charge performant et permettre le rayonnement international de ses entreprises. Café nile avec Marc de Garidel 25 septembre 2013 5