Par. Nada Elkouzi. Sciences de la gestion



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Transcription:

ƒcole DES HAUTES ƒtudes COMMERCIALES AFFILIƒE Ë LÕUNIVERSITƒ DE MONTRƒAL Alliances stratžgiques et apprentissagesê: deux cas en Žconomie sociale ( le ComitŽ Žconomie sociale inter-cdƒc et le Collectif des entreprises dõinsertion du QuŽbec) Par Nada Elkouzi Sciences de la gestion MŽmoire pržsentž en vue de lõobtention du grade de ma tre s sciences (M.Sc.) Novembre 2000 Nada Elkouzi, 2000

ii Remerciements Ë travers ces lignes, je tiens ˆ remercier les personnes qui ont contribuž, de pr s ou de loin, ˆ la ržalisation de ce travail. Mes remerciements vont tout dõabord ˆ ma directrice de recherche, Marie-Claire Malo, qui a cru en moi et qui, par son Žnergie communicative, sa disponibilitž et son enthousiasme, a su me procurer de pržcieux conseils tout au long de mon mžmoire. JÕexprime Žgalement ma reconnaissance ˆ Linda Rouleau, ma professeure de lõatelier de recherche et ma lectrice pour ses conseils judicieux et ses encouragements. Mes remerciements vont aussi ˆ Yvan Comeau, professeur ˆ lõuniversitž Laval, qui, en acceptant dõ tre sur mon comitž de lecture, mõa permis de bžnžficier de ses gžnžreux commentaires. JÕadresse ma gratitude ˆ tous ceux qui ont participž ˆ cette recherche en ržpondant ˆ mes nombreuses questions, notamment les agents de džveloppement en Žconomie sociale dans les CDƒC/CLD, les directeurs gžnžraux des entreprises dõinsertion et le directeur gžnžral du Collectif. Enfin, jõaimerais remercier quelques personnes qui me sont tr s ch res : mes parents et mes sïurs, pour mõavoir soutenue constamment malgrž la distance physique qui nous sžpareê; mes amies et amis pour leur ržconfort et leurs encouragements. Merci ˆ vous tousê!

Table des Mati res SOMMAIRE... X INTRODUCTION...1 CHAPITRE IÊ: REVUE DE LITTƒRATURE...4 1 LÕƒCONOMIE SOCIALE AU QUƒBEC...5 1.1 Les interventions de la socižtž civileê: les trois gžnžrations du mouvement populaire et communautaire...7 1.2 Les interventions des pouvoirs publicsê: reconnaissance gouvernementale de lõžconomie sociale...9 1.3 La nouvelle Žconomie sociale et le partenariat...11 2 LE DƒVELOPPEMENT ƒconomique COMMUNAUTAIRE...11 2.1 Le džveloppement Žconomique communautaire : une approche du džveloppement local...12 2.2 Le partenariat et la concertation dans le milieu du džveloppement Žconomique communautaire...15 3 LES CORPORATIONS DE DƒVELOPPEMENT ƒconomique COMMUNAUTAIRE...17 3.1 LÕŽmergence des CDƒC...17 3.2 Le mod le CDƒC...19 3.3 Les CDƒC et lõƒtat...21 4 LES ENTREPRISES D'INSERTION SOCIALE PAR L'ƒCONOMIQUE...23 4.1 Le contexte dõžmergence des initiatives dõinsertionê: probl me de lõexclusion...23 4.2 Les approches visant lõinsertion...25 4.3 Le mod le entreprise dõinsertion sociale par lõžconomique...28 4.4 Le partenariat dans les initiatives dõinsertion par lõžconomique...30 CONCLUSION...31 CHAPITRE IIÊ: CADRE THƒORIQUE...34 1 LES ALLIANCES STRATƒGIQUES : CADRE GƒNƒRAL...34 1.1 DŽfinitions...35 1.2 La coopžrationêinterentreprises : diffžrentes perspectives...37 1.3 Le mod le gžnžral dõinterpržtation des alliances stratžgiques...40 1.3.1 L'intention stratžgique des alližs...41 1.3.2 Le type d'alliž choisi...42 1.3.3 L'engagement des alližs...43 1.4 La gestion des alliances stratžgiques...44

iv 2 LES ALLIANCES STRATƒGIQUES COMME LIEU D'APPRENTISSAGE...45 2.1 Fondements thžoriques de lõapprentissage...46 2.2 Processus dõapprentissage dans les alliances stratžgiques...52 2.3 MŽcanismes favorisant lõapprentissage dans les alliances stratžgiques...55 CONCLUSION...56 CHAPITRE IIIÊ: MƒTHODOLOGIE DE RECHERCHE...59 1 STRATƒGIE DE RECHERCHE...59 2 TECHNIQUES ET OUTILS DE COLLECTE DE DONNƒES...61 2.1 Les entrevues semi-directives...61 2.2 Recueil des donnžes existantes...63 2.3 L'observation directe...63 3 CHOIX DES RƒPONDANTS...63 4 ANALYSE DES DONNƒES...64 CHAPITRE IVÊ: PRƒSENTATION DES RƒSULTATSÊ: LE COMITƒ ƒconomie SOCIALE INTER-CDƒC...66 1 PRƒSENTATION DU COMITƒ ƒconomie SOCIALEÊINTER-CDƒC...66 2 COMITƒ ƒconomie SOCIALE INTER-CDƒC ET ALLIANCE STRATƒGIQUE...69 2.1 Le type des alližs...69 2.1.1 Les CDƒC/CLD...70 2.1.2 Les agents de džveloppement...72 2.2 LÕintention stratžgique des alližs...73 2.3 LÕengagement des alližs...77 3 COMITƒ ƒconomie SOCIALE INTER-CDƒC ET APPRENTISSAGE ORGANISATIONNEL...80 3.1 Fonctionnement interne des CDƒC...80 3.2 Relations interorganisationnelles...83 3.3 Relations entre CDƒC et pouvoirs publics...86 CHAPITRE VÊ: PRƒSENTATION DES RƒSULTATSÊ: LE COLLECTIF DES ENTREPRISES DÕINSERTION DU QUƒBEC...89 1 PRƒSENTATION DU COLLECTIF DES ENTREPRISES DÕINSERTION DU QUƒBEC...89 2 COLLECTIF DES ENTREPRISES DÕINSERTION ET ALLIANCE STRATƒGIQUE...90 2.1 Type des alližs...90 2.2 Intention stratžgique des alližs...94 2.3 DegrŽ dõengagement des alližs...99 3 COLLECTIF DES ENTREPRISES DÕINSERTION ET APPRENTISSAGE ORGANISATIONNEL...103 3.1 Fonctionnement interne des entreprises dõinsertion...103 3.2 Relations interorganisationnelles...108

v 3.3 Relations entre entreprises dõinsertion et pouvoirs publics...110 CHAPITRE VIÊ: INTERPRƒTATION DES RƒSULTATS...115 1 LE COMITƒ ƒconomie SOCIALE (CƒS)...115 1.1 ComitŽ Žconomie sociale inter-cdƒcê: quelle allianceê?...115 1.2 ComitŽ Žconomie sociale inter-cdƒcê: quels apprentissagesê?...118 1.2.1 Apprentissage intra-organisationnel...119 1.2.2 Apprentissage interorganisationnel...120 1.2.3 Apprentissage extra-organisationnel...121 2 LE COLLECTIF DES ENTREPRISES DÕINSERTION DU QUƒBEC...125 2.1 Collectif des entreprises dõinsertionê: quelle allianceê?...125 2.2 Collectif des entreprises dõinsertionê: quels apprentissagesê?...128 2.2.1 Apprentissage intra-organisationnel...129 2.2.2 Apprentissage interorganisationnel...130 2.2.3 Apprentissage extra-organisationnel...131 3. DISCUSSION...134 3.1 CaractŽristiques communes...135 3.2 CaractŽristiques spžcifiques...138 4 CONTRIBUTIONS DE LA RECHERCHE Ë LA REVUE DE LITTƒRATURE...141 CONCLUSION...143 1 APPORTS DE LA RECHERCHE...143 2 LIMITES DE LA RECHERCHE...145 3 AVENUES DE RECHERCHE...146 ANNEXES...148 BIBLIOGRAPHIE...164

vi Liste des tableaux Tableau 1 : PrŽsentation synthžtique des initiatives dõinsertion... 27 Tableau 2Ê : Les similitudes et les diffžrences entre les alližs (CDƒC)... 71 Tableau 3Ê : Formation des agents de džveloppement... 72 TableauÊ4 : Les raisons principales derri reêla cržation du ComitŽ Žconomie sociale inter-cdƒc... 77 Tableau 5 Ê : Les c tžs informel et formel du ComitŽ Žconomie sociale... 79 Tableau 6 : Impacts de la cržation du ComitŽ Žconomie sociale sur les CDƒC... 82 Tableau 7Ê : Impacts de la cržation du ComitŽ Žconomie sociale sur les relations entre CDƒC... 86 Tableau 8Ê : Impacts de la cržation du ComitŽ Žconomie sociale sur les relations entre CDƒC et pouvoirs publics... 88 Tableau 9Ê : Les similitudes et les diffžrences entre les entreprises dõinsertion... 94 Tableau 10 : Les raisons principales derri re la cržation du / adhžsion au Collectif 98 Tableau 11Ê: Rencontres formelles du Collectif et membres qui y participent... 102 Tableau 12Ê: Impacts de lõadhžsion au Collectif sur les entreprises dõinsertion... 106 Tableau 13Ê: Impacts de la cržation du Collectif sur les relations entre entreprises dõinsertion... 110 Tableau 14 : Impacts de la cržation du Collectif sur les relations entre entreprises dõinsertion et gouvernement... 113 Tableau 15Ê: CaractŽristiques du CƒS inter-cdƒc... 118 Tableau 16Ê: Types dõapprentissage identifižs concernant le cas du CƒS... 123 Tableau 17Ê: CaractŽristiques du Collectif... 128 Tableau 18Ê: Types dõapprentissage identifižs concernant le cas du Collectif... 132 Tableau 19Ê: SchŽma comparatif entre les deux alliances... 141

vii Liste des figures Figure 1Ê: SchŽma de la revue de littžrature... 33 Figure 2Ê: ReprŽsentation schžmatique dõune alliance... 37 Figure 3Ê: Cycle de lõapprentissage organisationnel... 49 Figure 4Ê: SchŽma conceptuel de l'apprentissage organisationnel ˆ travers les alliances stratžgiques... 58

viii Liste des annexes Annexe 1Ê: Organigramme dõune CDƒC... 149 Annexe 2Ê: Grilles dõentrevues... 150 Annexe 3Ê: Fonctions occupžes par les personnes rencontržes... 153 Annexe 4Ê: ƒnoncž des crit res de reconnaissance selon le CEIQ... 154 Annexe 5Ê: Charte des entreprises dõinsertion... 156 Annexe 6Ê: Organigramme du Collectif des entreprises dõinsertion du QuŽbec... 160 Annexe 7Ê: Rappel des principaux engagements gouvernementaux ˆ lõžgard des entreprises dõinsertion... 161 Annexe 8Ê: Liste des documents consultžs pour la partie empirique... 163

ix Liste des sigles CDC CDƒC CEIQ CƒS CƒSëMÊ CLD CRƒS DƒC E.I. FƒS IFDEC OSBL PLACƒE SADC Corporations de džveloppement communautaire Corporations de džveloppement Žconomique communautaire Collectif des entreprises dõinsertion du QuŽbec ComitŽ Žconomie sociale ComitŽ Žconomie sociale de lõ le de MontrŽal Centres locaux de džveloppement ComitŽs ržgionaux dõžconomie sociale DŽveloppement Žconomique communautaire Entreprise dõinsertion Fonds Žconomie sociale Institut de formation en džveloppement Žconomique communautaire Organisme sans but lucratif Plan local dõaction concertže pour lõžconomie et lõemploi SociŽtŽs dõaide au džveloppement des collectivitžs

x Sommaire Nous nous sommes intžressže, au cours de cette recherche, aux relations de coopžration interentreprises dans le champ de lõžconomie sociale. Nous avons donc ŽtudiŽ ces relations selon lõapproche des alliances stratžgiques, approche qui a ŽtŽ tr s peu utilisže pour džcrire la coopžration interentreprises dans le champ de lõžconomie sociale. Or, cette approche est pertinente. En effet, elle consid re que les organisations qui sõengagent dans une alliance, en vue de ržaliser des objectifs communs, ne renoncent pas ˆ leur autonomie stratžgique et conservent des intžr ts qui leur sont propres. LÕobjectif principal est dõidentifier les impacts de la formation dõalliances stratžgiques entre organisations communautaires de m me nature (entre corporations de džveloppement Žconomique communautaire dõune part et entre entreprises dõinsertion dõautre part) sur plusieurs aspects de ces organisations dont leur fonctionnement interne, la nature des interactions entre elles et leurs rapports avec les pouvoirs publics. Nous avons pu džvelopper un cadre thžorique qui prend en considžration les particularitžs des organisations communautaires ŽtudiŽes et qui se base essentiellement sur la thžorie de lõapprentissage organisationnel. Deux organisations ont ŽtŽ comparžes (le ComitŽ Žconomie sociale inter-cdƒc et le Collectif des entreprises dõinsertion du QuŽbec) ˆ partir dõune collecte de donnžes de type qualitatif portant sur le fonctionnement interne des organisations engagžes dans les alliances et sur leur relation avec lõextžrieur (relations entre elles et relations avec lõƒtat). Notre recherche a permis de montrer que la formation dõalliances stratžgiques entre organisations appartenant au champ de lõžconomie sociale peut donner lieu ˆ plusieurs processus dõapprentissages pour ses promoteurs. Nous avons classž ces apprentissages selon quõils concernent le fonctionnement des organisations alližes, leurs relations avec les autres partenaires et leurs rapports avec les pouvoirs publics.

xi Nous avons Žgalement pu constater que les alliances stratžgiques en Žconomie sociale se manifestent sous diverses formes et en ržponse ˆ diffžrents besoins. Notre recherche consiste donc en une modeste contribution ˆ la revue de littžrature sur la coopžration interentreprises en Žconomie sociale. Elle se veut Žgalement un lien entre deux domaines diffžrents qui ont ŽtŽ, jusquõˆ pržsent, tr s peu associžs lõun ˆ lõautre, notamment, celui des alliances stratžgiques et celui de lõžconomie sociale. Elle a ouvert la voie ˆ dõautres recherches futures.

Introduction Devant la multiplication des relations de partenariat entre les diffžrents types dõacteurs et au moment o le concept de coopžration remplace, de plus en plus, celui de compžtition dans le domaine de lõžconomie de marchž, les organisations qui appartiennent au champ de lõžconomie sociale ne se trouvent pas exclues de cette tendance. En effet, la notion de partenariat est devenue la principale caractžristique des initiatives de lõžconomie sociale dans la mesure o nous remarquons un foisonnement des lieux de concertation et de partenariat entre divers milieux (communautaire, public et privž). Seulement, si ces relations de partenariat sont tr s peu considžržes, jusquõˆ pržsent, comme des alliances stratžgiques, il est important de souligner lõžmergence dõinitiatives ržcentes dont la dynamique est plus proche de celle des alliances stratžgiques que de celle de la concertation. CÕest dans ce contexte que se situe notre question de recherche : comment la formation dõalliances stratžgiques entre organisations communautaires influence-t-elle le fonctionnement de ces organisations, la nature des interactions entre elles et leurs rapports avec les pouvoirs publicsê? Cette recherche a donc pour objectif gžnžral dõidentifier les impacts que la formation dõalliances stratžgiques entre organisations communautaires (corporations de džveloppement Žconomique communautaire dõune part et entreprises dõinsertion dõautre part) a sur plusieurs aspects. Pour ce faire, il nous faut tout dõabord faire une description du contexte dõžtude et expliciter les principales notions dont celles dõžconomie sociale et de džveloppement Žconomique communautaire. CÕest dans ce sens que le premier chapitre propose une revue de la littžrature sur le sujet. Nous pržsentons Žgalement dans ce chapitre les organisations communautaires qui nous intžressent. Au cours de cette partie, plusieurs travaux sur les relations partenariales dans les champs dõžconomie sociale et de džveloppement Žconomique communautaire sont citžs. Au terme de ce premier chapitre nous pržsentons

Introduction 2 bri vement les deux regroupements qui vont nous servir de terrain et que nous Žtudions sous lõapproche des alliances stratžgiques. ƒtudier les relations de coopžration dans le domaine de lõžconomie sociale avec la lunette des alliances stratžgiques suppose que lõon Žlabore un mod le dõanalyse adaptž qui puisse prendre en considžration les caractžristiques des organisations de lõžconomie sociale. CÕest ainsi que le deuxi me chapitre propose un cadre conceptuel sur lequel nous nous appuyons pour lõanalyse des ržsultats. Nous pržsentons bri vement dans ce chapitre le phžnom ne des alliances stratžgiques ainsi que les diffžrentes thžories qui ont contribuž ˆ lõžvolution de ce concept. CÕest la thžorie de lõapprentissage organisationnel que nous retenons pour expliquer la cržation dõalliances stratžgiques en Žconomie sociale. Si les alliances stratžgiques ont ŽtŽ tr s peu utilisžes pour džcrire la coopžration interentreprises entre organisations communautaires, la thžorie de lõapprentissage organisationnel a ŽtŽ encore moins adoptže pour justifier les rapprochements entre ce type dõorganisations. Nous Žlaborons ˆ la fin de cette partie une proposition de recherche gžnžrale ˆ partir de laquelle nous formulons quelques sous-propositions qui se veulent une ržponse ˆ notre question de recherche. Une fois notre cadre conceptuel mis en place, nous pržsentons la stratžgie de recherche utilisže pour tenter de vžrifier les pržmisses et nous justifions nos choix. Nous džveloppons Žgalement dans cette partie les outils de collecte des donnžes utilisžs pour les fins de la recherche. DÕautres considžrations sont aussi prises en compte dans ce chapitre telles que le choix des ržpondants et la mžthode dõanalyse et dõinterpržtation que nous utilisons pour traiter nos donnžes empiriques. Dans le quatri me chapitre, nous pržsentons les ržsultats de notre džmarche empirique aupr s du ComitŽ Žconomie sociale inter-cdƒc. Nous pržsentons donc ces ržsultats selon les dimensions que nous avons retenues dans le cadre thžorique et qui serviront dans lõinterpržtation. De la m me mani re que le chapitre pržcždent, le

Introduction 3 cinqui me chapitre pržsente les ržsultats de notre collecte de donnžes effectuže, cette fois-ci, aupr s du Collectif des entreprises dõinsertion. Le sixi me et dernier chapitre consiste essentiellement ˆ interpržter ces ržsultats en se basant sur le cadre conceptuel. Il sõagit donc de džterminer ˆ quels types dõalliance ont donnž lieu les regroupements des CDƒC dõune part et des entreprises dõinsertion dõautre part. Il sõagit Žgalement dõanalyser les impacts de la cržation de ces alliances selon plusieurs niveaux. Nous opžrons aussi dans ce chapitre une br ve comparaison entre les deux cas afin de faire ressortir certains traits en commun ainsi que les caractžristiques de chacun des cas. Au terme de ce chapitre, nous tentons de montrer en quoi cette recherche contribue ˆ la revue de littžrature relative ˆ lõžconomie sociale en gžnžral et aux organisations communautaires en particulier. La conclusion de ce travail se propose de džvelopper les apports de cette recherche et ce, dõun point de vue empirique. Nous pržsentons par la suite les limites de cette džmarche ainsi que quelques avenues de recherches potentielles.

Chapitre IÊ: Revue de littžrature Les corporations de džveloppement Žconomique communautaire et les entreprises dõinsertion sõinscrivent dans le courant du džveloppement Žconomique communautaire. Afin de mieux cerner la nature des organisations ŽtudiŽes, ainsi que la dynamique des relations de coopžration entre ce type dõorganisations, il importe tout dõabord dõapprofondir le contexte dans lequel elles sõins rent, notamment, le džveloppement Žconomique communautaire. Avant de džvelopper cette approche, il convient dõexpliciter un autre concept qui est plus global et dont lõžvolution ˆ travers le temps nõest pas sans lien avec lõapproche du džveloppement Žconomique communautaire. En effet, il sõagit de lõžconomie sociale ou plus particuli rement de la nouvelle Žconomie sociale. La premi re section Žlabore la notion de lõžconomie sociale au QuŽbec ainsi que lõžvolution de sa signification et ce, ˆ travers lõžvolution du mouvement communautaire et populaire. La question de la reconnaissance et du džveloppement de ce secteur, par les pouvoirs publics, sera aussi abordže. Le džveloppement Žconomique communautaire peut tre considžrž comme lõaboutissement logique du processus dõžvolution du mouvement communautaire. CÕest ainsi que la deuxi me section sera consacrže au concept de džveloppement Žconomique communautaire ainsi quõaux diffžrentes approches en lien avec celui-ci. Dans la mesure o nous nous intžressons dans ce mžmoire aux relations de coopžration interentreprises au niveau des initiatives du džveloppement Žconomique communautaire, nous procždons dans cette section ˆ la recension des Žcrits sur la notion de partenariat en džveloppement Žconomique communautaire. La troisi me section traite des corporations de džveloppement Žconomique communautaire, de leur origine, de leur mission et de leur relation avec lõƒtat. Nous consacrons la derni re section aux entreprises dõinsertionêsociale par lõžconomique, ˆ leur contexte dõžmergence et aux diffžrentes approches dõinsertion. Un portrait global des entreprises dõinsertion est aussi dressž.

Chapitre IÊ: Revue de littžrature 5 1 LÕŽconomie sociale au QuŽbec LÕŽconomie sociale Žtait une notion presque mžconnue au QuŽbec jusquõau džbut des annžes 1990 (LŽvesque et Malo, 1992 : 385). En effet, si lõexpression ÇŽconomie socialeêè est peu courante, nombreuses sont les appellations qui sont utilisžes pour la džsigner, dont : Žconomie coopžrative, mouvement coopžratif, Žconomie communautaire, Žconomie alternative, džveloppement Žconomique communautaire, organismes sans but lucratif, tiers secteur et, dans certains cas, Žconomie informelle (Ross et Usher, 1986) 1. L'Žconomie sociale džsigne, selon Defourny (1992), l'ensemble des activitžs Žconomiques dirigžes principalement par les coopžratives, les mutuelles et les organisations ˆ but non lucratif qui souscrivent ˆ plusieurs principes tels que le service ˆ la collectivitž plut t que la recherche du profit uniquement, la gestion autonome, le processus de džcision džmocratique et la prioritž aux usagers et aux travailleurs plut t quõau capital pour la redistribution des revenus. Pour plusieurs auteurs (Defourny, 1992 ; Monzon Campos, 1992), l'žconomie sociale est le troisi me grand secteur Žconomique avec lõžconomie publique et lõžconomie privže. Pour Favreau et LŽvesque (1996), les entreprises dõžconomie sociale remettent en cause la domination du capital tout en ržalisant une certaine adaptation au marchž. Elles concernent gžnžralement des activitžs nžcessaires mais džlaissžes par le capitalisme ou par lõƒtat. Ces m mes auteurs attribuent les corporations de džveloppement Žconomique communautaire et les entreprises dõinsertion ˆ lõžconomie sociale dans la mesure o Çelles ržalisent des arbitrages entre des visžes Žconomiques et des visžes socialesêè (Favreau et LŽvesque, 1996). 1 Auteurs citžs par LŽvesque et Malo (1992Ê: 388)

Chapitre IÊ: Revue de littžrature 6 LÕŽconomie sociale sõest džveloppže en deux gžnžrations. En effet, la plupart des auteurs Žtablissent une distinction entre une ancienne Žconomie sociale (coopžratives et mutuelles dõassurance datant du džbut du si cle) et une nouvelle Žconomie sociale (entreprises collectives apparues ˆ partir des annžes 1970). Cette distinction est tr s importante selon DÕAmours (1997) dans la mesure o elle permet de voir de quelle mani re lõžconomie sociale prend des formes diffžrentes dans lõhistoire et comment elle est portže par des acteurs diffžrents, en ržponse ˆ des demandes sociales diffžrentes. LÕŽconomie sociale au QuŽbec a ŽmergŽ au XIXe si cle, portže principalement par les petits producteurs (agriculteurs) qui tentaient de se protžger contre la montže de la marchandisation en cržant des coopžratives dõapprovisionnement et dõžcoulement. Dans les milieux ouvriers Žmergent Žgalement des socižtžs dõentraide (les mutuelles dõassurance) pour les impržvus, Žtant donnž que le salaire ne couvrait ˆ ce moment-lˆ que la subsistance. Enfin, au džbut du si cle, Alphonse Desjardins crže la premi re caisse dõžpargne et de crždit.êë partir de la crise des annžes 1930, on assiste ˆ la multiplication des coopžratives dans les secteurs les plus varižs dont la consommation, lõhabitation, les p cheries, les for ts, etc. (Favreau et LŽvesque, 1996Ê: xxii). Une nouvelle Žconomie sociale Žmerge ˆ partir des annžes 1970 sous la poussže de mouvements sociaux Žmergents et de nouvelles demandes sociales (Favreau et LŽvesque, 1996). En effet, les initiatives dõžconomie sociale, selon LŽvesque (1999), sont gžnžralement portžes par des mouvements sociaux qui ont comme spžcificitž de džfendre une vision de la socižtž. Ces mouvements sociaux sont tr s diversifižs. Il sõagit essentiellement du mouvement communautaire, du mouvement des femmes, du mouvement Žcologique, du mouvement syndical, du mouvement coopžratif, du mouvement nationaliste, etc. Les initiatives de la nouvelle Žconomie sociale se distinguent des anciennes, outre par leur financement qui regroupe plusieurs sources (publique, privže et communautaire),

Chapitre IÊ: Revue de littžrature 7 par plusieurs caractžristiques. Favreau et Saucier (1996) ont regroupž ces caractžristiques en trois dimensions principalesê: la nouvelle Žconomie sociale combine plus efficacement les impžratifs Žconomiques et les impžratifs sociauxê; elle a une approche plus territorialisže dans la mesure o elle favorise les projets locaux plut t que sectoriels, ce qui ržpond mieux aux besoins des localitžsê; elle est spžcifique aussi par sa džmarche partenariale puisquõelle met en lien de partenariat des acteurs provenant de diffžrents secteurs (public, communautaire, syndical, privž, etc.). Compte tenu des objectifs de notre recherche, lõaccent sera surtout mis sur lõžvolution du mouvement communautaire. Ce dernier a changž ses stratžgies suite aux nombreuses ržcessions qui se sont succždžes ˆ partir du milieu des annžes 1970 (Comeau et Favreau, 1999). Selon ces auteurs, la crise de lõƒtat-providence, la globalisation des marchžs, le džplacement des entreprises vers dõautres pays, lõobsolescence du taylorisme face ˆ la demande de biens nouveaux et personnalisžs constituent autant de facteurs ayant contribuž ˆ lõaugmentation de phžnom nes de socižtžs tels que la pauvretž et le ch mage et donc ˆ lõexclusion dõune bonne partie de la population. CÕest dans ce contexte difficile que la socižtž civile, suivie des pouvoirs publics, sõest engagže dans de nouvelles interventions ayant pour but de faire face ˆ lõenjeu de lõinsertion des exclus. 1.1 Les interventions de la socižtž civileê: les trois gžnžrations du mouvement populaire et communautaire Le mouvement populaire et communautaire a commencž ˆ se džvelopper au QuŽbec au cours des annžes 1960. En effet, plusieurs auteurs (Favreau, 1989 ; BŽlanger et LŽvesque, 1992Ê; BŽlanger et al., 1994 ; Favreau et LŽvesque, 1996Ê; DÕAmours, 1997) ont identifiž trois phases ou gžnžrations au džveloppement de ce mouvement. La premi re gžnžration du mouvement populaire s'est džveloppže en milieu urbain entre 1963 et 1969 avec l'organisation des premiers comitžs de citoyens de MontrŽal.

Chapitre IÊ: Revue de littžrature 8 L'action de ces groupes a pris la forme de revendication aupr s des pouvoirs publics pour džnoncer les conditions de vie des habitants des quartiers džfavorisžs de la ville. En milieu rural, des mobilisations semblables ont eu lieu afin de contrer la fermeture de villages ŽloignŽs. CÕest au cours de cette pžriode que la notion de džveloppement ržgional sõest imposže. La deuxi me gžnžration voit le jour au milieu des annžes 1970. Les groupes populaires cherchent cette fois-ci ˆ offrir des services tout en menant des actions de revendication, mais sur une base plus spžcialisže : protection du consommateur, association de džfense des sans-emploi, Žducation populaire, alphabžtisation, etc. Ces groupes veulent ržpondre ˆ une double aspiration : le besoin de services collectifs moins bureaucratisžs que ceux offerts par le secteur public et le džsir dõavoir un contr le aussi bien sur la finalitž du travail que sur son organisation. Ë partir de la moitiž des annžes 1980 se džveloppe une troisi me gžnžration dõorganismes qui vont emprunter principalement la voie du džveloppement Žconomique. Le džveloppement Žconomique communautaire est la principale stratžgie d'action de ces groupes. Le colloque international (Europe-AmŽrique du Nord) sur le džveloppement local 2 en 1988 a Žtabli les premi res bases de ce type de džveloppement. Durant cette pžriode et en ržponse ˆ la crise de lõemploi et ˆ lõexclusion croissante, foisonnent les initiatives qui combinent de fa on formelle objectifs Žconomiques et objectifs sociauxê: coopžratives de travailleurs actionnaires, groupes qui soutiennent les jeunes et les femmes dans leurs džmarches pour intžgrer le marchž du travail, corporations de džveloppement communautaire (CDC) ou de džveloppement Žconomique communautaire (CDƒC), entreprises dõinsertion, socižtžs dõaide au džveloppement des collectivitžs (SADC), cercles dõemprunt, fonds ržgionaux et locaux dõinvestissement, etc. (DÕamours, 1997 : 40). Parmi toutes ces initiatives, ce sont les CDƒC et les entreprises dõinsertion qui vont tre ŽtudiŽes dans ce mžmoire. 2 Ouvrage collectif (1989), Le local en action, Paris, Les Žditions de lõžpargne.

Chapitre IÊ: Revue de littžrature 9 Ainsi, les corporations de džveloppement Žconomique communautaire et les entreprises dõinsertion font partie de la troisi me gžnžration du mouvement populaire communautaire. Elles sont considžržes comme des ržponses ˆ la crise de la socižtž salariale et de ce qui la constitueê: lõaffaiblissement de lõƒtat-providence, la hausse du ch mage et les difficultžs quõžprouvent de nombreuses communautžs locales (Favreau et LŽvesque, 1996). 1.2 Les interventions des pouvoirs publicsê: reconnaissance gouvernementale de lõžconomie sociale LÕŽvolution du mouvement communautaire a conduit ržcemment ˆ une reconnaissance formelle, par lõƒtat, du secteur de lõžconomie sociale. En ržaction ˆ la Marche des femmes contre la pauvretž, organisže par les groupes de femmes en juin 1995, le gouvernement qužbžcois proc de ˆ la cržation dõun ComitŽ dõorientation et de concertation sur lõžconomie sociale ainsi que de comitžs ržgionaux dõžconomie sociale (CRƒS) avec le mandat de faire des recommandations au gouvernement concernant la džfinition, les crit res et les projets dõžconomie sociale (DÕamours, 1997). Cette marche des femmes a Žgalement donnž lieuêˆ la cržation dõun Fonds de lutte contre la pauvretž de 225 millions de dollars sur cinq ans qui vise, entre autres, le soutien de lõžconomie sociale (LŽvesque et Mendell, 1999). En mars 1996, le gouvernement convoque une confžrence socio-žconomique au cours de laquelle sont invitžs pour la premi re fois, en tant que partenaires, groupes communautaires et groupes de femmes afin de discuter de questions Žconomiques et sociales (DÕAmours, 1997Ê; LŽvesque et Mendell, 1999). Plusieurs sous-groupes de travail sont cržžs ˆ la suite de cette confžrence, dont lõun sur lõžconomie sociale (Chantier de lõžconomie sociale). Ce dernier a pour mandat dõidentifier le mod le qužbžcois dõžconomie sociale, les conditions de ržussite et les projets porteurs.

Chapitre IÊ: Revue de littžrature 10 Le džveloppement deêlõžconomie sociale a ŽtŽ possible gr ce ˆ une sžrie de mesures gouvernementales (LŽvesque et Mendell, 1999Ê: 15). La premi re sžrie de mesures concerne la reconnaissance du statut de Çpartenaire ˆ part enti reêè des acteurs de lõžconomie sociale pour les grands enjeux de džveloppement et leur repržsentation dans les instances partenariales et dans les džmarches de concertation. Le financement de lõžconomie sociale par le biais de lõouverture de certaines institutions publiques de capital de risque (Investissement QuŽbec) et par la mise en place de fonds ržservžs ˆ lõžconomie sociale repržsente la seconde sžrie de mesures. Enfin, la troisi me sžrie de mesures concerne le cadre lžgislatif. Ainsi, selon LŽvesque et Mendell (1999), on remarque la cržation de nouveaux statuts juridiques, dont la coopžrative de solidaritž, permettant une meilleure adaptation aux services de proximitž. Dans la m me optique de reconnaissance, le gouvernement adopte, en avril 1997, une politique de soutien au džveloppement local et ržgional. Cette politique pržvoit la cržation de Centres locaux de džveloppement (CLD) qui regroupent diffžrents acteurs socio-žconomiques sur un territoire dõarrondissement en milieu urbain. Ë MontrŽal, ce sont les CDƒC qui assurent ces mandats CLD. Les CDƒC/CLD 3 ont le mandat de travailler tant au džveloppement de lõentrepreneurship traditionnel quõˆ celui de lõžconomie sociale. Le volet Žconomie sociale dispose, depuis avril 1998, dõune enveloppe protžgže 4 qui porte le nom de Çfonds Žconomie socialeè. La participation du communautaire au Sommet sur lõžconomie et lõemploi (automne 1996) repržsente en elle-m me une certaine institutionnalisation et une reconnaissance explicite de la part de lõƒtat et des autres acteurs sociaux. Cette reconnaissance donne naissance ˆ des conditions favorables ˆ lõžconomie socialeê; ce qui nous am ne ˆ passer dõune pžriode dõexpžrimentation et de projets pilotes ˆ une pžriode de diffusion ˆ une plus grande Žchelle (LŽvesque et Mendell, 1999). 3 Cette notion de CLD sera beaucoup plus ŽlaborŽe dans une partie ultžrieure. 4 DÕAmours (1997Ê: 43)

Chapitre IÊ: Revue de littžrature 11 1.3 La nouvelle Žconomie sociale et le partenariat La structure partenariale est une des composantes principales de la nouvelle Žconomie sociale. En effet, JettŽ et Mathieu (1999) utilisent des termes tels que ržseautage entre organisations communautaires pour džsigner la notion de partenariat ou de concertation dans le domaine du džveloppement local. LÕŽtude qui a ŽtŽ menže par ces chercheurs concernant les raisons de lõaugmentation des activitžs partenariales auxquelles participent, de plus en plus, les organisations communautaires, a montrž que ces derni res sont motivžes par des objectifs de nature stratžgique. En effet, que ce soit pour obtenir du financement, pour džvelopper un rapport de force avec lõƒtat ou tout simplement pour ržpondre aux exigences de leur mission (autrement dit, tre un acteur dans le džveloppement (local, ržgional, national)), les groupes communautaires sõimpliquent, de plus en plus, dans des activitžs de concertation-partenariat. Ces activitžs de ržseautage se ržv lent m me tre des lieux privilžgižs pour cerner les besoins des communautžs et Žtablir des liens de complžmentaritž entre les divers organismes pržsents sur un territoire (JettŽ et Mathieu, 1999Ê: 46). Outre les bžnžfices directs retiržs par les organismes, la concertation-partenariat constitue, selon JettŽ et Mathieu (1999Ê: 52), un instrument stratžgique de la nouvelle repržsentation et de la lžgitimitž que tente dõacqužrir le mouvement communautaire aupr s de la classe politique et des institutions publiques. 2 Le džveloppement Žconomique communautaire Le concept de džveloppement Žconomique communautaire (DƒC) a suscitž de nombreux džbats quant ˆ la terminologie utilisže et ˆ la signification de ses diverses expressions. La littžrature sur ce sujet est assez abondante. Ceci est dõautant plus vrai quõil nõexiste pas de typologie et de džfinition bien arr tžes de ce concept (Favreau et LŽvesque, 1996). La notion de DƒC regroupe, dõapr s ces auteurs, deux dimensionsê:

Chapitre IÊ: Revue de littžrature 12 le džveloppement Žconomique et le džveloppement social. Ces m mes auteurs expliquent la complexitž de ces notions par le fait que le džveloppement local se trouve au carrefour de plusieurs disciplines (Žconomie, gestion, gžographie, sociologie, sciences du džveloppement ržgional, travail social) et est analysž ˆ partir dõapproches thžoriques diffžrentes. 2.1 Le džveloppement Žconomique communautaire : une approche du džveloppement local Avant de džcrire ces deux approches, il importe tout dõabord dõexpliciter la notion de ÇdŽveloppementÊÈ qui en est ˆ la base. Selon Rouleau (1988 : 8), la notion de džveloppement sous-tend un objectif social et politique. ÇÊ[É] DÕabord utilisže par lõƒtat pour lžgitimer ses capacitžs dõintervention dans les diffžrents secteurs de la vie sociale, cette notion [de džveloppement] est reprise, au džbut des annžes 1970, par divers groupes sociaux afin de spžcifier leurs revendications.êè (Rouleau, 1988Ê: 8-9) Pour certains auteurs (Tremblay et Fontan, 1994), le DƒC repržsente une orientation du džveloppement local. Ces auteurs identifient deux orientations fondamentales au džveloppement local (Comeau et Favreau, 1999Ê: 6). La premi re, qui est de nature libžrale, se caractžrise par une approche sectorielle et vise la croissance Žconomique et la cržation dõemploi sans pržoccupation sociale. Cette approche est qualifiže par Bryant (1992) de ÇdŽveloppement industrielêè. La deuxi me orientation du džveloppement local est de nature communautaire, emprunte une approche globale et opte pour le džveloppement Žconomique en joignant la cržation dõemplois ˆ des objectifs sociaux. Le džveloppement local est : ÇÊun projet qui vise ˆ džpasser les impžratifs de la croissance Žconomique et ˆ en corriger les effets non souhaitablesêè (Vachon et Coallier, 1993). Selon ces auteurs, le džveloppement local est une stratžgie qui repose sur trois principes fondamentaux. Le premier suppose que le džveloppement est un

Chapitre IÊ: Revue de littžrature 13 processus global qui ne doit pas tre limitž ˆ la seule dimension Žconomique. Le second suppose que le progr s et le bien- tre social ne sont pas uniquement attribuables aux grandes entreprises mais aussi aux micro-projets. Le dernier principe sugg re que l' tre humain constitue la force motrice de ce džveloppement. La notion de džveloppement local selon Hamel (1989) se comprend avant tout par la volontž des acteurs locaux d'intervenir plus directement dans la planification et l'amžnagement de leur milieu. L'auteur identifie deux catžgories de facteurs permettant d'žclairer cette nouvelle Žmergence du local, ˆ savoir des facteurs internes relatifs aux dynamismes des milieux locaux et des facteurs externes faisant appel au contexte de restructuration de l'žconomie mondiale. Le DƒC peut tre considžrž selon certains auteurs (DÕAmours, 1997) comme un sous-ensemble du džveloppement local. Le DƒC serait une stratžgie territoriale qui ne pourrait fonctionner sans Çinstances de gouvernance localesêè, cõest ˆ dire sans ces structures qui am nent des acteurs diffžrents (patronaux, syndicaux, communautaires) ˆ se concerter autour dõun certain nombre de prioritžs de džveloppement du territoire. Les notions de DƒC et dõžconomie sociale sont fortement apparentžes dans la mesure o le DƒC fait une large place ˆ lõžconomie sociale dans ses interventions et que ses instances de gouvernance locale (CDƒC, SADC, etc.) peuvent apporter un pržcieux soutien aux entreprises ou initiatives dõžconomie sociale. Ces deux notions sont aussi ližes par les valeurs, les acteurs, les finalitžs, etc. (DÕAmours, 1997Ê: 34). Favreau et LŽvesque (1996 : xix) džfinissent le DƒC comme Žtant une approche globale de revitalisation Žconomique et sociale des collectivitžs qui conjugue quatre ŽlŽments : une dimension Žconomique, une dimension locale, une dimension sociale et politique et une dimension communautaire. La dimension Žconomique ržf re au džploiement dõun ensemble dõactivitžs de production et de vente de biens et de services. La seconde dimension concerne la mise en valeur des ressources locales sur un territoire donnž dans le cadre dõune džmarche partenariale o sõengagent les principales composantes de la communautž. Quant ˆ la troisi me dimension du DƒC,

Chapitre IÊ: Revue de littžrature 14 elle fait ržfžrence ˆ la revitalisation aussi bien Žconomique que sociale dõun territoire et ˆ la ržappropriation par la population ržsidante de son devenir Žconomique et social. Enfin, la dimension communautaire prend la communautž comme point de džpart et comme point dõarrivže en tant quõespace du Çvivre ensembleêè et le communautaire en tant que dispositif associatif premier de revitalisation. D'autres auteurs (Morin et al., 1994) combinent les deux appellations : džveloppement local et džveloppement Žconomique communautaire en une seule expression : ÇÊdŽveloppement Žconomique local communautaireêè (DƒLC). Selon ces auteurs, le DƒLC est une notion qui comprend trois principales dimensionsê: Žconomique, locale et communautaire. CÕest de cette džfinition que se sont inspiržs Favreau et LŽvesque (1996). Ainsi, le DƒLC seraitê: ÇÊ[É] un processus de revitalisation socio-žconomique dõune communautž vivant sur un territoire donnž, processus qui mise sur la valorisation des ressources locales et qui se fonde sur la concertation dõacteurs locaux issus des milieux public, privž, syndical et communautaire de m me que sur la participation des populations marginalisžes sur les plans Žconomique et social.êè (Morin et al., 1994Ê: 11) Si ces auteurs ont ŽlaborŽ un portrait global de ce que signifie le DƒLC, ils soulignent par ailleurs que dõun point de vue empirique il nõy a pas de mod le unique du DƒLC. Les interventions du džveloppement Žconomique local communautaire se diffžrencient selon les contextes o elles sõinscrivent. Si l'expression varie d'un auteur ˆ l'autre, on n'arrive cependant pas ˆ percevoir clairement les distinctions au niveau de leurs significations. C'est dans ce sens que Fontan (1993) nous offre une meilleure compržhension des diffžrences existant entre les types de džveloppement. Cet auteur op re une distinction entre le džveloppement local libžral qui ržf re au džveloppement de l'entrepreneurship local et ˆ la croissance Žconomique et le džveloppement Žconomique communautaire, ou ce qu'il appelle

Chapitre IÊ: Revue de littžrature 15 initiatives communautaires et locales progressives qui visent ˆ changer l'approche du džveloppement en vue d'amžliorer l'environnement socio-žconomique de la communautž. Ainsi, le DƒC se diffžrencie, dõapr s Fontan (1993), du džveloppement local de trois fa ons. La premi re concerne la volontž de s'attaquer ˆ toutes les formes de marginalisation socio-žconomique rencontrže tant par les groupes concernžs que dans les territoires qui sont touchžs. Il s'agit pour la deuxi me distinction de l'importance accordže aux notions de contr le local et de prise en charge du džveloppement par une communautž d'intžr t ou une communautž ˆ base gžographique. Enfin le DƒC se diffžrencie du džveloppement local par la volontž des intervenants d'intžgrer les dimensions sociales et Žconomiques tout en Žlaborant une approche globale et non segmentže. 2.2 Le partenariat et la concertation dans le milieu du džveloppement Žconomique communautaire La littžrature sur le džveloppement local fait souvent ržfžrence aux notions de partenariat et de concertation. En effet, comme le soulignent certains auteurs comme Vachon et Coallier (1993), la pratique du džveloppement local nžcessite l'žtablissement de ržseaux d'žchange de connaissances, de mžthodes d'apprentissage et de services dans tous les domaines car elle tend ˆ associer le plus de partenaires possibles autour d'un projet commun de džveloppement. Ce qui suppose les deux notions : la concertation et son corollaire, le partenariat. Selon ces m mes auteurs, la concertation exploite les avantages du dialogue et des synergies cržžes par la mise en commun des ressources et conduit ˆ des alliances et ˆ l'žchange de compžtences et d'žnergies concourant ˆ un but commun. L'exercice de la concertation appelle un changement profond des mentalitžs et des attitudes ainsi que l'acquisition de nouvelles aptitudes qui devront tenir compte de nouvelles r gles dont le partage du pouvoir de džcision entre les diffžrents partenaires

Chapitre IÊ: Revue de littžrature 16 par l'žtablissement de consensus, la solidaritž dans l'action par la poursuite d'objectifs communs et la mise ˆ contribution des ressources de chaque partenaire et la responsabilitž conjointe des actions (Vachon et Coallier, 1993). Ces m mes auteurs soulignent que le succ s des projets de džveloppement local džpend de deux ŽlŽments essentiels : l'organisation du partenariat et le facteur humain. Ce deuxi me ŽlŽment fait ržfžrence aux capacitžs des personnes ˆ acqužrir de nouvelles aptitudes. Le partenariat dans le džveloppement local est aussi nommž par Gagnon et Klein, (1991) partenariat public-communautaire. Ainsi selon ces auteurs, ce type de partenariat s'žtablit entre des associations ˆ caract re communautaire, des institutions de pouvoir local, des institutions gouvernementales et, dans certains cas, des entreprises. Dans ce type de partenariat, la stratžgie visant ˆ susciter des investissements a ŽtŽ combinže ˆ la recherche de solutions aux probl mes des couches džmunies. Comme le soulignent Gagnon et Klein (1991), le partenariat est une caractžristique fondamentale et une condition inhžrente du džveloppement local. Dans cette perspective, le partenariat est associž ˆ la territorialisation de l'action sociale, ˆ la mise sur pied de ržseaux de communication entre les organisations, ˆ la reconnaissance de l'autonomie et l'identitž locale, ˆ la convergence des stratžgies publiques et privžes, ainsi qu'ˆ la mobilisation de la population et ses ressources. Cependant, le partenariat n'exclut pas les conflits propres aux rapports sociaux, nous confirment Gagnon et Klein (1991). Pour que le partenariat ne risque pas de demeurer un cadre de gestion des rapports sociaux et ainsi privilžgier les intžr ts des Žlites dirigeantes, il doit satisfaire un certain nombre de conditions. Celles-ci consistent en l'žquitž et le consensus entre les partenaires, le r le central que doit avoir l'initiative locale, et l'ouverture de l'ƒtat et des structures de pouvoir local dont le r le est de veiller au respect des conditions Žtablies entre les partenaires afin d'amžliorer la qualitž de vie des citoyens.

Chapitre IÊ: Revue de littžrature 17 Les pratiques du džveloppement local tournent autour de deux p les : la cržation dõemplois pour la main dõïuvre locale et lõinsertion sociale par lõžconomique. Ces pratiques se traduisent concr tement par la mise en place d'outils d'intervention adaptžs aux besoins des communautžs. Ces outils prennent plusieurs formes dont les plus importantes sont des initiatives territorialisžes, notamment les corporations de džveloppement Žconomique communautaires (CDƒC) qui sont considžržes comme des organismes de gouvernance locale, et les entreprises d'insertion qui sont des initiatives sectorialisžes dont la mission est principalement lõinsertion sociale par lõžconomique. Ces interventions socio-žconomiques s'inscrivent dans la perspective de l'žconomie sociale et contribuent ˆ la fois ˆ son džveloppement (Favreau et LŽvesque, 1996). 3 Les corporations de džveloppement Žconomique communautaire Cette section traite essentiellement de lõorigine des CDƒC et de leur mission ainsi que de la relation qui existe entre ces organisations et les pouvoirs publics. 3.1 LÕŽmergence des CDƒC Les CDƒC sont la version qužbžcoise des Community Development Corporations (CDC) amžricaines. En effet, les premi res corporations de džveloppement Žconomique nord-amžricaines ont vu le jour dans les annžes 1960 suite ˆ la montže du mouvement des droits civiques ainsi quõˆ lõengagement de lõƒtat fždžral dans la Çguerre ˆ la pauvretžêè en ržponse aux Žmeutes dans les principales villes des ƒtats- Unis (Favreau, 1994). Soutenues essentiellement par des professionnels de lõorganisation communautaire, les CDC sont des initiatives locales de džveloppement cherchant ˆ concilier ˆ la fois des objectifs Žconomiques et des objectifs sociaux. Elles se chiffrent ˆ plus de deux mille au džbut des annžes 1990 (Favreau, 1994). C'est dans un contexte particulier (crise de lõemploi et de lõƒtat-providence) o la pauvretž devient un fait social majeur, que surgissent les premi res initiatives de

Chapitre IÊ: Revue de littžrature 18 džveloppement Žconomique communautaire au QuŽbec. En effet, selon de nombreux auteurs (Joyal, 1985 ; Morin et al, 1994 ; Favreau et LŽvesque, 1996), la premi re CDƒC au QuŽbec a vu le jour en 1984 dans un quartier džfavorisž du Sud-ouest de MontrŽal, Pointe-Saint-Charles. Apr s avoir ŽtŽ l'une des premi res et des plus importantes zones industrielles au Canada, le quartier Pointe-Saint-Charles commence ˆ džcliner ˆ partir des annžes 1950. Le vieillissement des infrastructures et surtout certaines mesures gouvernementales (ouverture de la voie maritime du Saint- Laurent et construction d'autoroutes ˆ proximitž du quartier) vont au fil des annžes avoir des consžquences catastrophiques. Les pertes d'emploi se comptent par milliers, la population quitte massivement le quartier laissant ceux qui restent fortement džpendants de l'aide sociale. Pour sauver le quartier, des organisations communautaires se ržunissent autour d'une table de concertation. Un vžritable ržseau communautaire d'entraide et de solidaritž est constituž. C'est dans ce contexte que le Programme Žconomique de Pointe-Saint-Charles (PEP) proposera au mouvement communautaire local de nouvelles formes et stratžgies d'intervention. En 1989, la CDƒC du quartier Pointe-Saint-Charles Žlargit son territoire dõintervention ˆ dõautres quartiers du m me secteur pour devenir le Regroupement pour la relance Žconomique et sociale du Sud-ouest (RESO). Dans les annžes suivant la mise sur pied du PEP, deux nouvelles CDƒC verront le jour dans dõautres quartiers en džclin : le Programme action-revitalisation Hochelaga- Maisonneuve, devenu actuellement la CDEST, et la CDƒC du Centre-sud. En 1990, d'autres quartiers montržalais cržent leur CDƒC : Rosemont-Petite-Patrie, le Centrenord et C te-des-neiges / Notre-Dame-de-Gr ce. La plus ržcente CDƒC est celle cržže en 1992 dans les quartiers Ahunstic et Cartierville. Actuellement, ces CDƒC couvrent non plus des quartiers, mais des arrondissements qui ont triplž la superficie du territoire ˆ desservir. La ville de MontrŽal compte aujourdõhui sept CDƒC, chacune couvrant un arrondissement ˆ la fois. Les promoteurs des CDƒC sont des dirigeants dõorganismes populaires, des intervenants sociaux, des organisateurs communautaires professionnels, des

Chapitre IÊ: Revue de littžrature 19 animateurs de groupes de jeunes, des militants chržtiens socialement engagžs, des intervenantes de groupes de femmes et parfois des directeurs de caisses populaires. Des dirigeants de syndicats au plan local et ržgional sont venus sõy greffer par la suite (Favreau et LŽvesque, 1996Ê; Comeau et Favreau, 1999). 3.2 Le mod le CDƒC Les corporations de džveloppement Žconomique communautaire 5 sont des organismes ˆ but non lucratif dont le conseil d'administration est composž de repržsentants locaux qui proviennent du secteur communautaire, syndical et du secteur des affaires (Fontan, 1994). L'intervention des CDƒC s'adresse d'abord et directement ˆ l'ensemble de la communautž locale plut t qu'au renforcement des organismes qui les composent (Favreau et Ninacs, 1993). Ces corporations ont la mission de faire le lien entre le džveloppement Žconomique et le džveloppement social pour amžliorer la qualitž de vie de la population (Lemelin et Morin, 1989). MalgrŽ certaines diffžrences au niveau de la taille, des conditions d'žmergence et des moyens utilisžs, toutes les CDƒC vžhiculent un mod le assez similaire de džveloppement Žconomique communautaire. En effet, Favreau et LŽvesque (1996Ê: 83) džfinissent la mission des CDƒC en quatre volets. Dans un premier volet, cette mission consiste en la formation de la main d'ïuvre ržsidante des quartiers en difficultž quõelles desservent. Les CDƒC facilitent aussi la cržation ou la consolidation d'organisations communautaires qui ont pour objectif de favoriser le džveloppement de l'employabilitž sur leur territoire. Il sõagit, pour le second volet, de relancer et de džvelopper les entreprises locales (service aux entreprises). Les CDƒC utilisent ainsi des outils pour susciter la venue, la cržation ou la consolidation d'entreprises traditionnelles, principalement par le biais du soutien aux entreprises. Les CDƒC nžgocient en troisi me lieu l'entrže de la main d'ïuvre locale dans les 5 LÕorganigramme-type dõune CDƒC se trouve ˆ lõannexe 1.