KF/AB/KS REPUBLIQUE DE CÔTE D IVOIRE ------------------- COUR D APPEL D ABIDJAN --------------- TRIBUNAL DE COMMERCE D ABIDJAN --------------- RG N 1194/15 ------------- JUGEMENT CONTRADICTOIRE Du 04/06/2015 ----------------- Affaire : Monsieur LOBA ADON MARCEL (SCPA RAUX, AMIEN et Associés) Contre La Société de Distribution d Eau de la Côte d Ivoire dite SODECI (Maître ADJOUSSOU N DEYE THIAM) DECISION : ------- CONTRADICTOIRE Reçoit Monsieur LOBA ADON Marcel en son action ; L y dit partiellement fondé ; Condamne la SODECI à lui restituer la somme de 151 788 francs CFA représentant le montant de la facture complémentaire acquittée et à lui payer la somme d un million (1 000 000) de francs CFA à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de la suspension abusive de sa fourniture en eau ; Déboute Monsieur LOBA ADON Marcel pour le surplus de ses demandes ; Condamne la SODECI aux dépens. AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU 04 JUIN 2015 Le Tribunal de Commerce d Abidjan, en son audience publique du quatre juin deux mil quinze tenue au siège dudit Tribunal, à laquelle siégeaient : Docteur KOMOIN FRANCOIS, Président du Tribunal ; Messieurs KACOU BREDOUMOU FLORENT, FOLOU IGNACE, RENE DELAFOSSE, N GUESSAN GILBERT, AMUAH DAVID et Madame KOUASSI AMOIN HELENE épouse DJINPHIE, Assesseurs ; Avec l assistance de Maître ANGUI ATSE, Greffier ; A rendu le jugement dont la teneur suit dans la cause entre : Monsieur LOBA ADON MARCEL, né le 16/11/1962 à AKANDJE, de nationalité ivoirienne, propriétaire de l Hôtel SYRIUS, situé à Abidjan-II Plateaux, 023 BP 0650 Abidjan ; Demandeur représenté par la SCPA RAUX, AMIEN et Associés, Avocats à la Cour, demeurant à Abidjan Cocody II Plateaux Vallon, Immeuble Antilope, 2 ème étage BP 503 Cidex 3 Riviera : Tel : 22 41 76 72/Fax : 22 41 79 14, comparaissant et concluant ; d une part, Et La Société de Distribution d Eau de la Côte d Ivoire en abrégé SODECI, société anonyme au capital de 4.500.000.000 francs CFA, dont le siège social est sis à Treichville 1 Av Christiani, 01 BP 1843 Abidjan 01, Tel : 21 23 30 00 ; prise en la personne de son représentant légal, le Directeur Général, demeurant au siège social ; Défenderesse représentée par Maître ADJOUSSOU N DEYE THIAM, Avocat à la Cour, comparaissant ; D autre part ; Enrôlée pour l audience du jeudi 02 avril 2015, l affaire a été 1
appelée ; La conciliation des parties s étant soldée par un échec, le Tribunal a ordonné la mise en état de la procédure confiée au juge KACOU Brédoumou ; Ensuite, la cause a été renvoyée à l audience publique du 07 juillet mai 2015 où elle est mise en délibéré pour décision être rendue le 04 juin 2015 ; L instruction a fait l objet d une ordonnance de clôture n 586/2015 du 06 mai 2015 ; Advenue l audience susdite, le Tribunal vidant son délibéré conformément à la loi, a rendu le jugement qui suit : Vu les pièces du dossier ; LE TRIBUNAL Vu l échec de la tentative de conciliation ; Ouï le demandeur en ses fins, demandes et conclusions ; Après en avoir délibéré conformément à la loi ; FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES Par exploit de Maître ZAHOUI DACOURY Joachim d huissier de justice en date du 24 Janvier 2015, Monsieur LOBA ADON Marcel a assigné la société de Distribution D Eau en Côte D Ivoire dite SODECI à comparaitre le 02 avril 2015 devant le Tribunal de Commerce d Abidjan pour s entendre : - condamner à lui payer le montant de la facture complémentaire à savoir la somme de 151 788 francs CFA indument perçue ; - condamner à lui payer la somme de 3 000 000 de francs CFA à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice économique et celle de 1 000 000 francs CFA en réparation de son préjudice moral ; - Condamner aux dépens. Au soutien de son action, Monsieur LOBA ADON Marcel expose qu il est propriétaire de l hôtel SYRUS situé à Cocody 2
les II Plateaux ; Que pour les besoins de son établissement hôtelier, il a souscrit à un contrat d abonnement pour la fourniture d eau avec la SODECI ; Qu il a régulièrement payé ses factures, de sorte qu il n accuse aucun impayé ; Que curieusement après avoir réglé la facture du mois de Septembre 2014 qui s élevait à la somme de 84 545 francs CFA, il a constaté que la quittance qui lui a été délivrée lors de ce paiement marquait «impayés exigibles immédiatement : 151 788 francs» ; Il explique qu il a pris contact avec le responsable de l agence SODECI pour contester ce montant, mais que celui-ci n a pu justifier l impayé mentionné sur la quittance ni présenter les factures complémentaires ; Il indique donc qu à défaut pour la SODECI de justifier l impayé, il s est contenté de régler les factures mensuelles émises ; Poursuivant, Il fait observer que sans sommation, la SODECI a enlevé son compteur le 05 Février 2015, suspendant la fourniture d eau dans son complexe hôtelier ; Il ajoute que pour éviter les désagréments à ses clients, il n a pas eu d autre choix que de payer la facture de 151 788 francs CFA émise ; Estimant avoir indument payé cette facture, il sollicite du Tribunal qu il condamne la SODECI à lui restituer le montant de la facture complémentaire et à lui payer des dommages intérêts en réparation du préjudice subi ; En réplique, la SODECI fait valoir que la facture complémentaire d un montant de 151 788 francs émise est due ; Elle explique que ses agents ont relevé que les indices de cubage consommé par l hôtel paraissaient disproportionnés, et qu elle a donc procédé au changement du compteur avec l accord du demandeur ; Elle ajoute que suite au changement, elle a constaté que la consommation enregistrée en 24H était de 5 M3 ; ce qui induisait un enregistrement partiel du cubage consommé au titre des factures antérieures ; 3
Qu elle a donc procédé à une réévaluation moyenne de la consommation mensuelle, réévaluation qui a donné la somme de 151 788 francs CFA correspondant à 225 M3, objet de la facture complémentaire ; Elle sollicite donc du Tribunal qu il rejette purement et simplement la demande en paiement de dommages et intérêts au motif que la facture complémentaire est due ; En réaction aux moyens de la SODECI, le demandeur fait remarquer que la SODECI n exprime pas réellement sa pensée, mais sous-entend une fraude ou anomalie ; Il ajoute en outre qu il n a jamais été consulté et n a pas donné son accord au changement du compteur contrairement aux déclarations de la SODECI ; Il relève enfin que la SODECI ne rapporte pas la preuve du constat de fraude pour justifier la suspension de la fourniture de l eau. En la forme SUR CE Sur le caractère de la décision La SODECI a comparu et fait valoir ses moyens ; Il y a lieu de statuer contradictoirement. Sur le taux du ressort L article 8 de la loi organique n 424/2014 du 14 Juillet 2014 portant création, organisation et fonctionnement des juridictions de commerce disposent que : «les Tribunaux de commerce statuent : - En premier ressort sur toutes les demandes dont l intérêt du litige excède un milliard de francs ou dont le montant n est pas déterminé ; - En premier et dernier ressort sur toutes les demandes dont l intérêt du litige n excède pas un milliard ;» En l espèce l intérêt du litige qui est de 4 151 788 francs CFA, n excède pas un milliard de francs ; Il convient donc de statuer en premier et dernier ressort ; Sur la recevabilité L action initiée par Monsieur LOBA ADON Bernard est 4
intervenue dans les forme et délai légaux ; Il convient de la recevoir. Au fond Sur la rupture de la fourniture de l eau Monsieur LOBA ADON Marcel soutient que le changement et la manipulation frauduleuse de son compteur à son insu par les agents de la SODECI constitue une faute qui rend la suspension de la fourniture de l eau intervenue par la suite abusive ; La SODECI conteste cela en faisant valoir que la suspension est intervenue suite au constat fait par ses agents que les indices de cubage consommé par l hôtel paraissaient disproportionnés par rapport à la réalité. En la présente cause, la SODECI en affirmant que les indices de cubage de consommation paraissaient disproportionnés, sous-entend une fraude ou anomalie au niveau de l enregistrement de la consommation d eau par le compteur du demandeur. Cependant la SODECI ne rapporte pas la preuve formelle de la fraude ou anomalie qui aurait été constatée pour justifier la facture complémentaire qu elle a émise et qui a donné lieu à la suspension litigieuse ; Elle se contente d avancer que les «indices de cubage de consommation paraissaient disproportionnés» sans pour autant prouver cette disproportion, qui reste pour le tribunal au stade de simples allégations. A défaut donc de faire la preuve de la fraude ou anomalie constatée, il convient de dire que c est à tort que la SODECI a procédé à une réévaluation moyenne de la consommation mensuelle du demandeur et interrompu par la suite sa fourniture en eau. Il y a là un abus qui appelle réparation. Sur la demande en paiement Monsieur LOBA ADON Marcel sollicite la condamnation de la SODECI à lui restituer la somme de 151 788 francs CFA représentant le montant de la facture complémentaire et les sommes de 3 000 000 et 1 000 000 de francs CFA à titre de réparation du préjudice subi du fait de la suspension abusive ; Il a été jugé que la fraude ou l anomalie à l origine de la 5
facture complémentaire émise par la SODECI n a été justifiée par aucune pièce, de sorte qu il a y a lieu de dire qu elle n est pas due ; et donc d ordonner la restitution au demandeur de la somme de 151 788 francs CFA acquittée à ce titre ; Le demandeur sollicite également la somme de 3 000 000 de francs CFA à titre de réparation du préjudice économique subi ; L article 1315 du code civil dispose que «celui qui réclame l exécution d une obligation, doit la prouver» ; Le tribunal constate que le demandeur ne produit aucune pièce pour justifier le préjudice économique qu il allègue ; Il convient par conséquent de rejeter cette demande comme étant mal fondée ; Le demandeur sollicite enfin la somme de 1 000 000 de francs CFA à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi ; Il est indéniable que la suspension de la fourniture de l eau jugée abusive a causé un préjudice moral certain au demandeur, celui-ci se trouvant ainsi privé de la fourniture d eau à laquelle il a légitimement droit ; il convient de réparer ce préjudice en condamnant la SODECI à lui payer la somme de 1 000 000 de francs CFA sollicitée à titre de dommages intérêts. Sur les dépens La SODECI succombe en l instance. Il y a lieu de la condamner aux dépens. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement, en premier et dernier ressort ; Reçoit Monsieur LOBA ADON Marcel en son action ; L y dit partiellement fondé ; Condamne la SODECI à lui restituer la somme de 151 788 francs CFA représentant le montant de la facture complémentaire acquittée et à lui payer la somme d un million (1 000 000) de francs CFA à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de la suspension abusive de sa fourniture en eau ; 6
Déboute Monsieur LOBA ADON Marcel pour le surplus de ses demandes ; Condamne la SODECI aux dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus. ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./. 7
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