REPUBLIQUE DE CÔTE D IVOIRE ------------------- COUR D APPEL D ABIDJAN --------------- TRIBUNAL DE COMMERCE D ABIDJAN --------------- RG N 4705/2015 ------------- JUGEMENT CONTRADICTOIRE DU 09/03/2016 Monsieur CHENG Paul ANKIAMBOM Contre La société DRUM COMMUDITIES (Maître Germain TRE SIAGBE) ----------- DECISION CONTRADICTOIRE Se déclare incompétent pour connaître du présent litige au profit du tribunal de première instance d Abidjan, statuant en matière sociale ; Condamne monsieur CHENG Paul ANKIAMBOM aux dépens. AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU 09 MARS 2016 Le Tribunal de Commerce d Abidjan, en son audience publique ordinaire du 09 Mars 2016 tenue au siège dudit Tribunal, à laquelle siégeaient : Madame FIAN A. Rosine, Epouse MOTCHIAN Président; Mesdames TANO A. Isabelle, Epouse DIAPPONON, TRAORE née KOUAO Marthe, messieurs EMERUWA Edjikemé, DOUKA Christophe, Assesseurs ; Avec l assistance de Maître BAH Stéphanie, Greffier; A rendu le jugement dont la teneur suit dans la cause entre : Monsieur CHENG Paul ANKIAMBOM, né le 07 juin 1984 à BELO/CAMEROUN de MBZIBUI EMMANUEL CHENG et de NJONG STELLA NGWE, Cadre commercial, de nationalité camerounaise, demeurant à Abidjan-Koumassi Remblais, lot N 641 ilot 51, 15 BP 447 Abidjan 15 ; Demandeur; Et d une part, La Société DRUM COMMUDITIES, société de droit britannique, dont le siège social est sis en Grande Bretagne, à 18 VALLIS WAY, Frome, Somerset BA, 3BJ, UK, Téléphone: +44 1373 301 382 ayant une succursale à Abidjan (Côte d'ivoire) dénommée DRUM COMMODITIES IVORY COAST LIMITED, laquelle (succursale), immatriculée au registre de commerce et du crédit mobilier d'abidjan sous le numéro CI-ABJ-2014-B-15948, est sise à Treichville, Boulevard Valery Giscard d Estaing ; Laquelle a pour conseil maître Germain TRE SIAGBE, avocat à la cour, 01 BP 725 Abidjan 01, téléphone 20 21 51 36; Défenderesse; d autre part, Enrôlée pour l audience du 17/12/2015, l affaire a été appelée ; Le tribunal a procédé à la tentative de conciliation qui s est soldée par 1
un échec. Une mise en état a alors été ordonnée et confiée au Juge DIAPPONON née TANO A. Isabelle et la cause a été renvoyée à l audience publique du 24/02/2016; La mise en état a fait l objet d une ordonnance de clôture N 350/2016; A l audience du 24/02/2016, la cause a été mise en délibéré pour décision être rendue le 09/03/2016; Advenue cette date, le tribunal a vidé son délibéré ; LE TRIBUNAL Vu les pièces du dossier ; Vu l échec de la tentative de conciliation ; Ouï les parties en leurs demandes, fins et conclusions ; Et après en avoir délibéré conformément à la loi; FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES Suivant exploit d huissier en date du 1 er décembre 2015, monsieur CHENG Paul ANKIAMBOM a fait servir assignation à la société DRUM COMMUDITIES d avoir à comparaître devant le tribunal de ce siège le 17 décembre 2015 aux fins d entendre : -Condamner la défenderesse au paiement de la somme de 4.750.000F CFA à titre d indemnité d occupation ; -Condamner la défenderesse aux dépens; Au soutien de son action, monsieur CHENG Paul ANKIAMBOM expose qu alors qu il était salarié de la société DRUM COMMUDITIES au Cameroun, il a fait l objet d une mutation en Côte d Ivoire, en janvier 2013 en vue d y créer et diriger une succursale de ladite société; Il ajoute que cette dernière, qui s est engagée à lui fournir, dès son arrivée en terre ivoirienne, les moyens financiers nécessaires à la location et à l équipement d un local devant servir de bureaux, n a pas honoré cette promesse ; Selon lui, devant l urgence, il a été contraint d aménager dans son appartement personnel qu il louait à ses propres frais, des placards et des casiers destinés au rangement des dossiers de la société ; 2
Ainsi, poursuit-il, son lieu d habitation a également servi de cadre de réception des clients et de réunions de travail de la société DRUM COMMUDITIES ; Il souligne que cependant, après avoir mis en place sa succursale ivoirienne, ladite société a procédé à son licenciement en septembre 2014, sans lui verser de somme d argent au titre de l occupation prolongée de son lieu d habitation et de l inconfort qui en a résulté ; Il conclut qu ainsi, pendant 19 mois, la demanderesse a joui de son appartement et de ses meubles, sans payer le loyer qui était fixé à 250.000 F CFA par mois ; Il fait remarquer qu elle s est ainsi enrichie à son détriment en faisant l'économie des loyers qu'elle aurait supportés dans le cadre d'une location de bureaux meublés, tandis qu il s'est appauvri de la non rémunération de l usage de son lieu d'habitation et de ses meubles ; Estimant que les conditions de l'action de in rem verso sont remplies, il sollicite la condamnation de la société DRUM COMMUDITIES à lui payer la somme de 4.750.000 F CFA soit 250.000 x 19, à titre d indemnité d occupation de son appartement ; La Société DRUM COMMUDITIES s oppose à cette action et soulève in limine litis l incompétence du tribunal de céans pour connaitre de la présente procédure au motif que le litige qui les oppose est fondé sur la rupture d un contrat de travail les ayant liés ; Elle soulève en outre l irrecevabilité de l action du demandeur au motif que la tentative de conciliation devant l inspection du travail ayant échoué dans le cadre du conflit qui les oppose sur la rupture de leur contrat de travail, ils sont dans l'attente des citations à comparaitre devant le tribunal de travail ; Subsidiairement au fond, elle fait valoir qu étant une société de droit anglais, ayant son siège en Angleterre, elle a engagé monsieur CHENG Paul ANKIAMBOM, d abord au Cameroun, avant d être muté en Côte d'ivoire, précisément à Abidjan, le 07 janvier 2013 ; Elle indique qu en septembre 2014, une rupture négociée a mis fin à la relation de travail existant entre eux, moyennant l octroi d une 3
indemnité de 4.750 000 F CFA à son ex employé ; Elle fait observer que s il est vrai qu elle a nommé monsieur CHENG Paul ANKIAMBOM en qualité de Directeur-pays, elle ne lui a jamais demandé d organiser des relations d affaires à son domicile; Du reste, poursuit-elle, cette situation n a jamais été portée à sa connaissance pendant la durée du contrat de travail de ce dernier alors que c est elle qui s est acquittée de ses loyers ; Estimant que l enrichissement sans cause invoquée n est pas fondée, elle sollicite le rejet des prétentions du demandeur; En réaction à cette réplique, monsieur CHENG Paul ANKIAMBOM relève que le tribunal de ce siège est compétent au motif que son action n est pas fondée sur le contrat de travail l ayant lié à la défenderesse mais sur le quasi-contrat que constitue l enrichissement sans cause de cette dernière ; Il fait également noter que son action est recevable, parce qu il n y a pas litispendance, l inspection du travail n étant pas une juridiction et qu il n a saisi aucune autre juridiction avant le tribunal de céans; Il maintient donc sa demande de condamnation de la société DRUM COMMUDITIES au paiement du montant sus indiqué à titre d indemnité d occupation de son lieu d habitation à titre de bureau par la défenderesse; DES MOTIFS EN LA FORME Sur le caractère de la décision La société DRUM COMMUDITIES a comparu et a même fait valoir ses moyens de défense; Il y a lieu de statuer par décision contradictoire; Sur le taux du ressort Aux termes de l article 8 de la loi organique n 424/2014 du 14 4
juillet 2014, «Les tribunaux de commerce statuent : -En premier ressort, sur toutes les demandes dont l intérêt du litige est supérieur à un milliard de francs CFA ou est indéterminé. -En premier et dernier ressort sur toutes les demandes dont l intérêt du litige n excède pas un milliard»; En l espèce, monsieur CHENG Paul ANKIAMBOM sollicite la condamnation de la société DRUM COMMUDITIES à lui payer la somme de quatre millions sept cent cinquante mille francs (4.750.000 F) CFA à titre de d indemnité d occupation; Le taux du litige étant inférieur à 1.000.000.000F CFA, il y a lieu de statuer en premier et dernier ressort ; Sur la compétence du tribunal de céans La société DRUM COMMUDITIES prétend que le tribunal de ce siège est incompétent au motif que ledit litige concerne les suites d une rupture de contrat de travail ; Le défendeur s y oppose, prétendant que son action n est pas fondée sur le contrat de travail l ayant lié à la demanderesse mais sur le quasi-contrat que constitue l enrichissement sans cause de cette dernière ; Aux termes de l article 3 de loi organique 424/2014 du 14 juillet 2014 portant création, organisation et fonctionnement des Tribunaux de commerce : «la compétence des juridictions de commerce est déterminée par la présente loi et éventuellement par les lois spéciales» En outre, l article 7 de la même loi dispose que : «les Tribunaux de commerce connaissent : -des contestations relatives aux engagements et transactions entre commerçants au sens de l Acte Uniforme portant sur le droit commercial général ; -des contestations entre toutes personnes, relatives aux actes de commerce au sens de l Acte Uniforme portant sur le droit commercial général...» ; Il ressort de ces textes, que la compétence du Tribunal de 5
commerce est déterminée soit par un élément objectif tenant à la nature commerciale de la contestation soit par une condition subjective ayant trait à la qualité de commerçant des parties au procès ou par un texte spécial; En l espèce, il est constant que monsieur CHENG Paul ANKIAMBOM et la défenderesse ont été liés par un contrat de travail auquel il a été mis fin ; Des pièces du dossier, notamment de l exploit d assignation du 1 er décembre 2015, il ressort que le demandeur sollicite la condamnation de la société DRUM COMMUDITIES à lui payer une indemnité d occupation parce que pendant 19 mois, il a utilisé son lieu d habitation pour les besoins du fonctionnement de ladite société sans que celle-ci paie le loyer, de sorte qu elle s est enrichie à son détriment ; Le tribunal constate que pour justifier sa compétence, le demandeur soutient que son action est fondée sur l enrichissement sans cause de la défenderesse; Or, de ce qui précède, il s établit que le dommage dont celui-ci se prévaut, est rattaché à l exécution du contrat de travail l ayant lié à la défenderesse ; Il s ensuit que la présente cause est fondée sur des rapports d employé à employeur, donc relative à un litige à caractère social, qui ne relève pas de la compétence du tribunal de ce siège, en application des textes précités mais du juge du fond de droit commun; Dans ces conditions, il y a lieu de se déclarer incompétent pour connaître du présent litige au profit du tribunal de première instance d Abidjan, statuant en matière sociale et de condamner monsieur CHENG Paul ANKIAMBOM aux dépens de l instance; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement, en premier et dernier ressort ; Se déclare incompétent pour connaître du présent litige au profit du tribunal de première instance d Abidjan, statuant en matière sociale ; 6
Condamne monsieur CHENG Paul ANKIAMBOM aux dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jours, mois et an que dessus. ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER. /. 7