Deuxième partie Peut-on s entendre autour des aéroports? Bernard Barraqué Directeur de Recherche CNRS
Le développement durable revient à traiter 3 questions ensemble: Le trafic aérien mondial : économie-énergie-environnement L insertion de l aéroport dans l économie de son territoire péri-urbain Les effets des mouvements d avions sur l environnement Mais en particulier à Roissy, elles sont traitées séparément Vision compétitive de la captation du trafic futur Amélioration des liens économiques avec les communes riveraines Un traitement séparé et autoritaire des impacts environnementaux Cas révélateur de la DUCSAI (troisième aéroport) Initiée pour pouvoir plafonner le trafic aérien à Roissy CdG Rapidement déviée vers la question du trafic européen et mondial Mais il aurait fallu traiter la question d une politique globale des transports
Notre recherche sur la dimension socio-technique du bruit aérien: Pourquoi n arrive-t-on pas à dépasser la situation actuelle, avec des phases d apathie suivies d explosions de conflits? Notre hypothèse c est que l échec de la politique (ex. Charte Gayssot) est lié à une divergence fondamentale sur la définition de la gêne Une définition partagée de cette gêne, entre aéroports, élus locaux et riverains permettrait-elle de trouver une solution négociée? Recherche conduite par le LATTS, L IPSHA et le CRESSON pour le comité Concertation Décision Environnement du MATE/MEDD, et financée par l ADEME
Une science écran pour une impasse politique: Origine américaine des études de bruit; épidémiologie, surdité On applique aux transports l approche médico-acoustique des surdités au travail: le volume sonore impacterait la santé au sens large On calcule le volume sonore, on le traduit par un indicateur (indice psophique) qui varie selon la distance (de l extrémité) des pistes On fait des zonages selon le bruit futur estimé par logiciel On réduit les droits de construire dans les zones de bruit, et on indemnise les riverains bénéficiant de l antériorité : plans d exposition au bruit Or, depuis 1974-75 les enquêtes de gêne montrent qu il n y a pas d effets directs sur la santé ; surtout, la corrélation avec l indice psophique est faible : une fraction importante des riverains est gênée hors des zones officielles
Comment a-t-on abouti à l ACNUSA? Les associations de riverains posent aussi le problème en termes de bruit et de santé (il y a aussi la pollution de l air due au kérosène) Elles contestent les zonages de bruit au nom de ce que les avions réels s écartent des trajectoires théoriques Après des années de conflits et d incompréhension, en suivant l exemple d autres aéroports, on arrive à obtenir l installation d un réseau de sonomètres couplés au radar de contrôle Et une Autorité indépendante de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (ACNUSA) chargée des trajectoires futures etc. Mais c est une autre instance qui sanctionne les pilotes et les compagnies ne respectant pas les règles d approche ou les niveaux de bruit nominaux des avions
Le principal conflit reste celui de l aménagement La démarche médico-acoustique a permis de ne pas négocier avec les riverains, seulement avec les élus locaux ; mais «régulation croisée et donc dérogations, surtout avant que les plans d exposition au bruit soient publiés, c est-à-dire avant la décentralisation. D ailleurs nous avons entrepris de vérifier le bien fondé d une affirmation fréquente: les riverains seraient venus s installer après, donc ils ne doivent pas se plaindre, ou alors à leurs élus Le malentendu s appuie sur la confusion entre l aire d impact économique de l aéroport, les communes partiellement touchées par le bruit, et les zones de restriction des PEB; sans oublier que le bruit réel peut être différent de celui calculé pour faire le zonage
Il faut redéfinir la gêne: nous rebondissons sur la nouvelle enquête par sondage confiée à l INRETS (1998-99), qui n arrive pas mieux à corréler acoustique et gêne, malgré certaines améliorations. Manuel Periáñez montre le lien plus net de la gêne avec un «IQV» propre à chacun. Les gens qui vont mal ou ont des difficultés d emploi sont davantage «coincées» dans des zones où la crise est aggravée par les nuisances Il soulève le problème des refus de réponse, mais aussi le fait que même les gens qui vont bien sont très gênés, et au delà des zones reconnues officiellement comme bruyantes. Comme G. Faburel, il constate l importance de l identité locale dans une expression en partie collective et territorialisée de la gêne. L incertitude face à l avenir du trafic aérien est très gênante: pas de négociation sinon sur le plafonnement des mouvements d avions En particulier la nuit
Qu avons-nous conclu? le Conseil d Etat a infirmé de fait le cœur de la politique: l administration des transports contrôlerait le respect des trajectoires par les pilotes, donc serait médiateur naturel entre avions et riverains; le bruit des avions serait hors du champ de l environnement Donc, décentraliser pour sortir du blocage au niveau de l administration centrale, et donner à l ADEME les moyens de conduire ensemble la négociation entre les parties en conflit et l acquisition des connaissances (il faut un comité scientifique) Constituer, au niveau de la région Ile de France et des départements concernés, un outil interactif de diagnostic et de gestion des représentations de la gêne entre les acteurs (forum hybride) Mesures du bruit au sol par l ACNUSA, pour cause de transparence; mais au delà de l acoustique, négocier des plafonnements de mouvements d avions, et aussi la réorganisation du territoire autour des pistes Poursuite des études de vécu du bruit (dimension subjective) et intégration de cette dimension, ainsi que la dimension collective, dans l aide aux communes riveraines Mais qu est-ce qui a été fait? Rien de tout ça.
Une décision courageuse: le plafonnement à Roissy? Il permettrait de lever l incertitude fondamentale de l avenir pour les riverains, et de négocier durablement l aménagement du territoire riverain Il permettrait d organiser bien mieux le contrôle aérien dans une perspective plus sécurisée (le ciel est saturé) Les économistes comme Olivier Godard pourraient recommencer à espérer quant à la limitation des gaz à effets de serre du transport On peut accomoder la demande en remplissant mieux de plus gros avions Et il y aura de toutes façons divers 3èmes aéroports Merci de votre attention