Secrétariat du Grand Conseil M 1364 Proposition présentée par les députés: M mes et MM. Alberto Velasco, Erica Deuber Ziegler, Fabienne Bugnon, Jeannine de Haller, Dominique Hausser, Antonio Hodgers et Luc Gilly Date de dépôt: 5 septembre 2000 Messagerie Proposition de motion concernant l affiliation des personnes résidant à Genève sans permis de séjour à l assurance obligatoire de soins Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève considérant : que les personnes résidant sans permis de séjour en Suisse ne parviennent souvent pas à s affilier à l assurance-maladie obligatoire de soins, que la LAMal proclame que l assurance-maladie de soins est obligatoire et que toute personne domiciliée en Suisse est tenue de s assurer dans les trois mois qui suivent sa prise de domicile ou sa naissance, que les caisses-maladies refusent l affiliation des personnes sans permis de séjour au motif qu elles n auraient pas de domicile en Suisse et que les statuts des caisses exigeraient un permis de séjour valable alors même que cette condition ne figure pas dans la loi, que le service de l assurance-maladie du canton de Genève, autorité d exécution compétente dépendant du Département de l action sociale et de la santé (ci-après DASS), entérine ces refus, qu aux termes de l art. 41 de la Constitution fédérale toute personne doit bénéficier de la sécurité sociale, 08.2000 SRO-Kündig 650 ex. M 1364
2 qu au surplus, toute personne a droit à la sécurité sociale aux termes de l art. 9 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ratifiés par la Suisse, que sur la base de l article 6 LAMal, il incombe aux cantons de veiller au respect de l obligation de s assurer, que l OFAS a indiqué dans un courrier du 29 juin 1999 que l exclusion des personnes sans permis de séjour de l assurance-maladie serait contraire au droit fédéral, que par conséquent la pratique des caisses d assurance-maladie viole non seulement le droit international, mais aussi le droit fédéral constitutionnel et administratif, que Genève a fait le choix de scolariser les enfants clandestins et que, pour être scolarisé, il est obligatoire de fournir une attestation d'affiliation, invite le Conseil d'etat à s assurer que l affiliation à l assurance-maladie soit faite en conformité avec le droit fédéral constitutionnel et administratif et avec le droit international ; à émettre une directive claire à l intention du service de l assurancemaladie et des caisses afin d assurer l affiliation de toute personne sans permis de séjour domiciliée à Genève ; à veiller en particulier que le service de l assurance-maladie du canton change sa pratique actuelle.
3 EXPOSÉ DES MOTIFS Mesdames et Messieurs les députés, Nul n ignore que l économie genevoise fonctionne en employant un nombre indéterminé de personnes sans statut légal. Ce nombre pourrait dépasser les 10'000. Parmi les problèmes nombreux que rencontre cette population, il en est qui ont été résolus à Genève de manière digne et satisfaisante. C est par exemple le cas de la scolarisation des enfants de familles clandestines, tous accueillis dans les écoles publiques au titre du droit des enfants à l éducation. Jusqu à récemment, les personnes sans permis de séjour parvenaient parfois, grâce à l intervention des différents organismes sociaux qui viennent en aide aux étrangers en situation précaire, à conclure un contrat privé d assurance-maladie. Or, une pratique des caisses-maladies se généralise depuis quelque temps : celle de refuser systématiquement ces affiliations au prétexte que ces personnes ne seraient pas au bénéfice d un titre de séjour. Les caisses refusent aussi l affiliation des enfants des personnes sans permis de séjour au motif que la notion de naissance en Suisse, autorisant l affiliation, devrait être cumulative à celle du domicile. Notons toutefois que Genève a fait le choix de scolariser les enfants clandestins et que, pour être scolarisé, il est obligatoire de fournir une attestation d'affiliation. Inutile donc de leur offrir une prestation pour qu elle soit bloquée par d autres pratiques. Cette pratique ne se fonde sur aucune disposition légale. Elle est pourtant entérinée par le service cantonal de l assurance-maladie dépendant du DASS. Les députées et députés soussigné(e)s ont été alerté(e)s sur cette anomalie par différents organismes : Ligue suisse des droits de l homme, Centre social protestant, Caritas, Centre de contacts Suisses-Immigrés, Unité mobile de soins communautaires, Forum Santé, Syndicats interprofessionnels de travailleuses et travailleurs. Cette question a déjà fait l objet d avis de droit, d une jurisprudence et d interventions politiques au plan fédéral. Sans entrer dans le détail des documents que nous tenons à disposition du Grand Conseil, l analyse de ce problème peut se résumer ainsi :
4 La première composante est celle de la notion de domicile ou de résidence. La notion de domicile est celle de l art. 23 et suivants du Code civil suisse, selon lequel le domicile d une personne se trouve au lieu où elle réside avec l intention de s établir. Plus précisément, c est le lieu où la personne a le centre de son existence, ses intérêts personnels, ses liens de famille. Un arrêt du Tribunal fédéral des assurances du 17 mars 1997 indique que les personnes clandestines peuvent se prévaloir de la fiction de l art. 24, al. 2 du Code civil, selon lequel «le lieu où une personne réside est considéré comme son domicile, lorsqu elle a quitté son domicile à l étranger et n en a pas acquis un nouveau en Suisse». La notion de domicile qui prévaut dans le domaine de l assurance sociale est donc celle du Code civil. D ailleurs, la LAVS, loi fondatrice de la sécurité sociale en Suisse, se référait elle-même à la notion de domicile civil, n ayant volontairement pas créé de notion propre du domicile. Incontestablement donc, la notion de domicile est réalisée pour les personnes séjournant en Suisse sans titre de séjour. La deuxième composante est celle de l obligation de s assurer telle qu elle est prévue par la LAMal. Dans une réponse à une question ordinaire, le Conseil fédéral a eu l occasion de préciser que les personnes qui séjournent en Suisse sans autorisation (en situation irrégulière), et non seulement les travailleurs au noir, sont également soumises à l assurance-maladie obligatoire pour autant que leur séjour réponde à la définition de domicile contenue dans le Code civil suisse. Le Conseil fédéral estime que si une personne peut se prévaloir de l art. 24, al. 2 du Code civil, elle est alors obligatoirement soumise à l assurance-maladie selon la LAMal. Un courrier de l Office fédéral des assurances sociales (ci-après OFAS), du 29 juin 1999, précise en s appuyant sur cette position du Conseil fédéral : «Une exclusion en tant que telle serait donc contraire au droit fédéral. [ ] laisser un pouvoir d appréciation aux assureurs pour décider qui peut s affilier, qui ne le peut pas, ou à quelles conditions, ne semble pas approprié. La LAMal ayant expressément attribué cette tâche de contrôle et d affiliation aux cantons (art. 6 LAMal et art. 10 OAmal), il appartient dès lors à ces derniers, et en définitive aux autorités judiciaires, de décider si une personne remplit les conditions de soumission à l assurance-maladie obligatoire.» Vu la pratique des assureurs-maladie dans ce domaine, il n est effectivement pas exclu que notre office édicte une circulaire à leur attention, voire informe les autorités cantonales compétentes en matière de soumission à l'assurance-maladie obligatoire.
5 La troisième composante du problème est liée au fait que les buts de l obligation de s assurer sont de permettre à toute personne domiciliée en Suisse d avoir accès aux soins et d éviter que des personnes n émargent à l assistance publique lorsqu elles nécessitent des soins médicaux. Une quatrième composante relève des droits humains et des devoirs de l Etat. Aux termes du Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels ratifié par la Suisse, toute personne a droit à la sécurité sociale (art. 9) et toute personne a le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu elle soit capable d atteindre (art. 12). Aux termes de ces dispositions, l Etat s est engagé à créer des conditions propres à assurer à tous des services médicaux et une aide médicale en cas de maladie. C est l ensemble des raisons qui nous amène à vous inviter, Mesdames et Messieurs les députés, à soutenir la présente motion et à la renvoyer au Conseil d Etat.