Traité de nutrition de la personne âgée



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Traité de nutrition de la personne âgée

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Traité de nutrition de la personne âgée Coordinateurs Xavier Hébuterne Emmanuel Alix Agathe Raynaud-Simon Bruno Vellas

Xavier Hébuterne Service de gastroentérologie et nutrition clinique Hôpital de l Archet, CHU de Nice 151 route de Saint-Antoine de Ginestière 06202 Nice Cedex 03 Emmanuel Alix Pôle de gériatrie, Pavillon Michel-Ange U4 Centre Hospitalier du Mans 194 avenue Rubillard 72037 Le Mans Cedex Agathe Raynaud-Simon Service de gériatrie, Hôpital Bichat Claude-Bernard Faculté de médecine Denis Diderot 46 rue Henri Huchard 75877 Paris Cedex 18 Bruno Vellas Service de médecine interne gériatrique CHU Toulouse Purpan 170 avenue de Casselardit 31059 Toulouse Cedex 9 ISBN-13 : 978-2-287-79927-3 Springer Paris Berlin Heidelberg New York Springer-Verlag France, Paris 2009 Springer-Verlag France est membre du groupe Springer Science + Business Media Imprimé en France Cet ouvrage est soumis au copyright. Tous droits réservés, notamment la reproduction et la représentation, la traduction, la réimpression, l exposé, la reproduction des illustrations et des tableaux, la transmission par voie d enregistrement sonore ou visuel, la reproduction par microfilm ou tout autre moyen ainsi que la conservation des banques de données. La loi française sur le copyright du 9 septembre 1965 dans la version en vigueur n autorise une reproduction intégrale ou partielle que dans certains cas, et en principe moyennant le paiement des droits. Toute représentation, reproduction, contrefaçon ou conservation dans une banque de données par quelque procédé que ce soit est sanctionnée par la loi pénale sur le copyright. L utilisation dans cet ouvrage de désignations, dénominations commerciales, marques de fabrique, etc. même sans spécification ne signifie pas que ces termes soient libres de la législation sur les marques de fabrique et la protection des marques et qu ils puissent être utilisés par chacun. La maison d édition décline toute responsabilité quant à l exactitude des indications de dosage et des modes d emplois. Dans chaque cas il incombe à l usager de vérifier les informations données par comparaison à la littérature existante. Maquette de couverture : Jean-François Montmarché

Liste des auteurs Abellan van Kan Gabor, Service de médecine interne gériatrique, CHU Toulouse Purpan, 170 avenue de Casselardit, 31059 Toulouse Cedex 9. Alix Emmanuel, Pôle de gériatrie, Pavillon Michel-Ange U4, Centre Hospitalier du Mans, 194 avenue Rubillard, 72037 Le Mans Cedex. Allepaerts Sophie, Service de gériatrie, Centre Hospitalier Universitaire de Liège, Domaine universitaire du Sart-Tilman, B-4000 Liège, Belgique. Aussel Christian, Laboratoire de biologie de la nutrition, Université Paris-Descartes, Faculté de Pharmacie, 4 avenue de l Observatoire, 75006 Paris. Laboratoire de biologie, Hôpital Émile-Roux (AP-HP), 1 avenue de Verdun, 94456 Limeil-Brevannes. Boirie Yves, Unité de nutrition humaine, UMR 1019 INRA/Université d Auvergne, Centre de recherche en nutrition humaine d Auvergne, Service de nutrition clinique, CHU de Clermont-Ferrand, Place Henri- Dunant, 63003 Clermont-Ferrand. Bouchiche Carole, Département de gériatrie, Faculté de Médecine de Clermont-Ferrand, 28 place Henri- Dunant, 63001 Clermont-Ferrand Cedex 1. Bouteloup Corinne, Service de nutrition clinique et d hépatogastroentérologie, Centre Hospitalier Universitaire, 58, rue Montalembert, 63003 Clermont-Ferrand Cedex 1. Bouthier-Quintard Françoise, Service de gériatrie, Hôpital Jean Rebeyrol, CHU Limoges, 87042 Limoges Cedex 1. Breuil Véronique, Service de rhumatologie, CHU de Nice, Faculté de Médecine, Université de Nice Sophia Antipolis, Service de rhumatologie, CHU Archet I, 06200 Nice. Brocker Patrice, Pôle de gérontologie, CHU Cimiez, BP 1179, 06003 Nice Cedex 1. Coti Bertrand Pauline, Unité de nutrition clinique, CHUV, 1011 Lausanne, Suisse. Cynober Luc, Laboratoire de biologie de la nutrition, Université Paris-Descartes, Faculté de Pharmacie, 4 avenue de l Observatoire, 75006 Paris. Service de biochimie, Hôpital Hôtel-Dieu (AP-HP), 1 place du parvis Notre-Dame, 75004 Paris. Darmon Patrice, Nutrition Clinique, Hôpitaux Universitaires de Genève, 1211 Genève 14, Suisse. Delarue Jacques, Laboratoire Régional de Nutrition Humaine, CHU de Brest/Faculté de Médecine de Brest/UBO, 29200 Brest. Depraz Cissoko Marie-Paule, Unité de nutrition clinique, CHUV, 1011 Lausanne, Suisse. Derycke Béatrice, Hôpital Joffre-Dupuytren, 1 rue Eugène-Delacroix, 91211 Draveil Cedex. Desport Jean-Claude, Unité de nutrition, Hôpital Dupuytren, CHU Limoges, 87042 Limoges Cedex 01. Euller-Ziegler Liana, Service de rhumatologie, CHU de Nice, Faculté de Médecine, Université de Nice Sophia Antipolis, Service de rhumatologie, CHU Archet I, 06200 Nice. Ferry Monique, Centre départemental de prévention, 44 avenue Victor-Hugo 26000 Valence. INSERM Université Paris XIII. Gachet Julie, Service de réanimation polyvalente, Institut Gustave Roussy, 39 rue Camille-Desmoulins 94805 Villejuif Cedex. Gillette-Guyonnet Sophie, Gérontopôle, CMRR, Service de médecine interne et gérontologie (Pr Vellas), CHU La Grave-Casselardit, 170 avenue de Casselardit TSA 40031, 31059 Toulouse Cedex 9. Goineau Carole, Service de médecine interne gériatrique, CHU Toulouse Purpan, 170 avenue de Casselardit, 31059 Toulouse Cedex 9. Gorin-Gottraux Sophie, Nutrition Clinique, Hôpitaux Universitaires de Genève, 1211 Genève 14, Suisse. Guérin Olivier, Faculté de Médecine, Pôle de Gérontologie, Hôpital de Cimiez, 4 avenue Reine Victoria, 06000 Nice. Guillet Christelle, Unité de nutrition humaine, UMR 1019 INRA/Université d Auvergne, Centre de recherche en nutrition humaine d Auvergne, 58 rue Montalembert, 63009 Clermont-Ferrand.

Traité de nutrition de la personne âgée Hébuterne Xavier, Service de gastroentérologie et nutrition clinique, Hôpital de l Archet, CHU de Nice, 151 route de Saint-Antoine de Ginestière, 06202 Nice Cedex 03. Lafaille Paclet Muriel, Unité de Nutrition Clinique, CHUV, 1011 Lausanne, Suisse. Lassauzay Claire, Groupe d études sur les déficiences, les incapacités et les désavantages en santé orale. EA3847. Faculté de Chirurgie Dentaire, 11 boulevard Charles-de- Gaulle, 63000 Clermont-Ferrand CHU de Clermont-Ferrand. Lesourd Bruno, Service de gérontologie clinique, Hôpital Nord du CHU de Clermont-Ferrand, BP 56, 63118 Cébazat. Lissandre Jean-Pierre, Service de médecine physique et de réadaptation, Hôpital Jean Rebeyrol, CHU, Limoges, 87042 Limoges Cedex 1. Morizio Annick, Service de médecine physique et de réadaptation, Hôpital Jean Rebeyrol, CHU, Limoges, 87042 Limoges Cedex 1. Paillaud Elena, Département de Médecine interne et gériatrie, Groupe Hospitalo-Universitaire Chenevier- Mondor, 40, rue Mesly, 94010 Créteil. Pichard Claude, Nutrition Clinique, Hôpitaux Universitaires de Genève, 1211 Genève 14, Suisse. Preiser Jean-Charles, Service de soins intensifs généraux, Centre Hospitalier Universitaire de Liège, Domaine universitaire du Sart-Tilman, B-4000 Liège, Belgique. Quilliot Didier, Service de diabétologie, maladies métaboliques, maladies de la nutrition, CHU de Nancy, Hôpital Jeanne d Arc, BP 303, 54201 Toul Cedex. Raynard Bruno, Service de réanimation polyvalente, Institut Gustave Roussy, 39 rue Camille-Desmoulins, 94805 Villejuif Cedex. Raynaud-Simon Agathe, Service de gériatrie, Hôpital Bichat Claude-Bernard, Faculté de médecine Denis Diderot, 46 rue Henri Huchard, 75877 Paris Cedex 18. Ritz Patrick, Service de nutrition, Hôpital Larrey, TSA 30030, 31059 Toulouse Cedex 09. Rolland Yves, Service de médecine interne gériatrique, CHU Toulouse Purpan, 170 avenue de Casselardit, 31059 Toulouse Cedex 9. Salle Jean-Yves, Service de médecine physique et de réadaptation, CHU Limoges, 2, avenue Martin-Luther- King, 87042 Limoges Cedex. Schneider Stéphane Michel, Service de gastroentérologie et de nutrition clinique, Hôpital de l Archet, CHU de Nice, 151 route de Saint-Antoine de Ginestière, BP 3079, 06202 Nice Cedex 3. Secher Marion, Service de médecine interne gériatrique, CHU Toulouse Purpan, 170 avenue de Casselardit, 31059 Toulouse Cedex 9. Soto Maria E., Service de médecine interne gériatrique, CHU Toulouse Purpan, 170 avenue de Casselardit, 31059 Toulouse Cedex 9. Soulier-Guérin Karine, Service de gérontologie clinique, Hôpital Nord du CHU de Clermont-Ferrand, BP56, 63118 Cébazat. Szekely Carol, Pôle hospitalisation, Hôpital Charles- Richet, rue Charles-Richet, 95400 Villiers-le-Bel. Vellas Bruno, Service de médecine interne gériatrique, CHU Toulouse Purpan, 170 avenue de Casselardit, 31059 Toulouse Cedex 9. Inserm, U558, Université Toulouse III, 31073 Toulouse. Veyrune Jean-Luc, Groupe d études sur les déficiences, les incapacités et les désavantages en santé orale. EA3847. Faculté de chirurgie dentaire, 11 boulevard Charles-de- Gaulle, 63000 Clermont-Ferrand CHU de Clermont-Ferrand. Villars Hélène, Service de médecine interne gériatrique, CHU Toulouse Purpan, 170 avenue de Casselardit, 31059 Toulouse Cedex 9. Walrand Stéphane, Unité de nutrition humaine, UMR 1019 INRA/Université d Auvergne, Centre de recherche en nutrition humaine d Auvergne, 58 rue Montalembert, 63009 Clermont-Ferrand. Ziegler Olivier, Service de diabétologie, maladies métaboliques, maladies de la nutrition, CHU de Nancy, Hôpital Jeanne d Arc, BP 303, 54201 Toul Cedex. VI

Préface «Tout le monde voudrait vivre longtemps, mais personne ne voudrait être vieux», écrivait Benjamin Franklin. Le vieillissement est une caractéristique biologique inévitable pour les organismes vivants. En outre, la durée de la vie augmente chez l homme. Ces dernières années, différents investigateurs ont proposé de nombreux mécanismes pour expliquer le vieillissement et ont mis en évidence des bases moléculaires et des événements biologiques qui contribuent au déclin progressif du fonctionnement cellulaire. Depuis vingt ans, l évolution nutritionnelle a été considérable. Nos ancêtres essayaient de survivre dans des conditions difficiles, car personne n avait la certitude de manger à sa faim L homme mangeait alors pour vivre. L époque des chasseurs-cueilleurs est révolue et nous n avons plus à courir après le rôti. La chrétienté aujourd hui ne prie plus Dieu pour avoir chaque jour son pain quotidien, au sens propre du terme. Mais une véritable révolution s est installée à bas bruit depuis la période de l après-guerre où la nourriture était celle du rassasiement après les privations, jusqu à la période que nous vivons aujourd hui où l alimentation est devenue une question d équilibre et de santé. Mais paradoxalement, alors que nous avons maintenant toute l abondance alimentaire et que nous pouvons même nous abstraire des saisons, une part de la population souffre toujours de dénutrition. Si nous devons exclure de ce propos les nombreux pays dans le monde où ce phénomène est permanent, nous avons chez nous et des sujets en état précaire et des «vieux», qui sont souvent les mêmes et pour qui la dénutrition est maintenant reconnue comme un facteur déterminant de l état de santé. Pendant des années nous avons entendu que les «vieux» avaient de moindres besoins, qu il n était pas nécessaire qu ils mangent autant puisqu ils ne bougeaient pratiquement plus. C était prendre le problème à l envers, puisque le rendement métabolique est moins performant chez une personne âgée et qu elle «consomme» plus qu un sujet adulte pour une activité identique. Les études qui montraient une diminution des besoins étaient en fait le constat d une situation donnée, liée à la capacité ou non à aller faire ses courses plus ou moins loin, à pouvoir porter les paquets, à pouvoir acheter les aliments souhaités, etc. Ce constat était donc à la fois celui des capacités fonctionnelles et celui des capacités financières à se nourrir plus ou moins bien. Le problème posé par l augmentation de la durée de vie et l amélioration de l environnement global ont amené à se poser la question de savoir si se nourrir, quand on vieillit, doit l être au niveau minimum, qui permet d échapper à la dénutrition, ou si l on doit envisager une nutrition optimale qui préserve la possibilité de bien vieillir. En résumé, manger mieux pour vivre plus vieux et en bonne santé. Une personne qui avance en âge peut bénéficier d un «vieillissement réussi» décrit pour la première fois par Rowe et Kahn en 1987. La nutrition «optimale» est l un des facteurs modifiables le plus accessible pour moduler le vieillissement et surtout pour permettre la prévention du mauvais vieillissement par des stratégies ciblées dont l une des premières est l identification des personnes à risque de pathologies nutritionnelles, qu elles soient par surcharge ou déficits, voire par carences comme en cas de dénutrition. Ce traité fait le point sur toutes les données acquises par le travail conjoint et assidu des convaincus de la première heure de la Société francophone nutrition clinique et métabolisme (SFNEP) et des gériatres intéressés par la nutrition qui ont créé une entité au sein du groupe de recherche de la Société, pour comprendre les liens existants entre le statut nutritionnel et le vieillissement normal ou pathologique. Les changements physiologiques liés au vieillissement lui-même peuvent atteindre aussi bien les capacités à s alimenter perte d appétit, rassasiement précoce ou diminution du goût que les capacités métaboliques à utiliser les nutriments mis à disposition et entraîner des conséquences sur le statut nutritionnel. Des connaissances de plus en plus approfondies sur ces mécanismes fondamentaux du vieillissement ont été acquises. Le lecteur pourra donc s informer en premier lieu aussi bien sur les différents métabolismes que sur les mécanismes de l anorexie et de la perte de poids, ou de la réponse au stress. Une attention particulière doit être accordée à la sarcopénie ainsi qu à ses liens avec l inflammation, objet de recherches permanentes car elle menace toute personne qui vieillit de manière sédentaire

Traité de nutrition de la personne âgée et sans consommer suffisamment de protéines de structure. Les résultats des différentes études épidémiologiques sur les relations nutrition, vieillissement et état de santé, dont Euronut-Seneca et le New-Mexico Aging Process ont été les pionnières, ont permis de proposer des recommandations pour les sujets âgés, depuis le chapitre spécifique qui leur est consacré dans la troisième édition des Apports Nutritionnels Conseillés, jusqu aux repères alimentaires du Programme National Nutrition et Santé. Des recommandations nutritionnelles pour la personne âgée bien portante sont ainsi proposées. La deuxième partie de ce traité concerne l obésité et les régimes restrictifs, dont on sait qu ils ne sont pas envisageables chez les personnes âgées qui ont dépassé l âge des études épidémiologiques et qui ont besoin de conserver le plaisir de manger un bon repas avec les autres Cette mesure leur permettra d éviter la troisième partie de l ouvrage qui traite de la dénutrition sous tous ses aspects. Les stratégies de diagnostic et de prise en charge de la dénutrition du sujet âgé ont fait l objet de récentes recommandations de l HAS basées sur des consensus d experts et des études réalisées par ceux qui les exposent dans cet ouvrage. Toutes les situations cliniques responsables de, ou liées à la dénutrition sont développées et les moyens proposés pour en limiter les conséquences sont passés en revue. Certaines situations enfin nécessitent le recours à une nutrition artificielle. Une place est faite aux différentes modalités de ce mode nutritionnel car, en pareil cas, c est la pathologie et sa réversibilité qui doivent être pris en compte et non pas l âge. La prévention n est pas oubliée et clôt ce chapitre sur le sujet, soit à domicile ou en institution. Nous n avons pas encore accru le nombre de personnes qui peuvent être aidées à s alimenter ou qui peuvent obtenir de la compagnie pour ne pas mourir de solitude. Nous avons globalement bien compris toute l importance d un apport alimentaire suffisant et équilibré pour maintenir le statut fonctionnel physique, mais aussi psychique. Mais en même temps nous ne savons plus cuisiner, donner du temps et du goût au repas pour aiguiser l appétit, alors même que nous avons pu démontrer l importance de compenser tout déficit pour conserver une fonction. Dans une période où la longévité croît, s il devient indispensable de manger mieux pour vivre vieux en bonne santé il ne faut pas oublier que le plaisir de manger se fonde sur la variété, car la monotonie alimentaire est aussi néfaste à l appétit et au goût que la sédentarité au maintien d un bon état physique. Enfin, quand il n est plus temps de compter les calories, il est toujours temps d apporter encore un peu de plaisir et de réconfort, où l alimentation joue un rôle Cet ouvrage intéresse à la fois les spécialistes de la nutrition, les gériatres, les réanimateurs et les internistes, mais aussi tous les praticiens qui, par leur activité, prennent en charge des personnes âgées ainsi que les étudiants des diverses spécialités. Sa rédaction a été rendue possible par l action conjointe d auteurs reconnus comme leaders dans leur discipline, qui doivent être remerciés chaleureusement pour avoir réuni leurs compétences et leurs expériences respectives, pour la plus grande satisfaction de leurs lecteurs. Monique Ferry Centre départemental de prévention, Valence, octobre 2008 VIII

Sommaire Liste des auteurs........................................................................ Préface M. Ferry............................................................................... VII V PARTIE I. Nutrition lors du vieillissement physiologique.................................... 1 1. Modifications du métabolisme énergétique et de la composition corporelle au cours du vieillissement P. Ritz......................................................................... 3 2. Métabolisme protéique chez la personne âgée Y. Boirie, C. Guillet, S. Walrand.................................................... 11 3. Métabolisme glucido-lipidique chez la personne âgée J. Delarue...................................................................... 17 4. Métabolisme des vitamines et besoins spécifiques chez la personne âgée P. Brocker...................................................................... 23 5. Fonctions des oligoéléments et besoins spécifiques de la personne âgée M. Ferry....................................................................... 35 6. Métabolisme phosphocalcique et besoins spécifiques de la personne âgée V. Breuil, L. Euller-Ziegler......................................................... 43 7. Métabolisme de l eau et besoins hydriques de la personne âgée M. Ferry, E. Alix................................................................. 53 8. Particularités du contrôle de la prise alimentaire et altération du goût liées à l âge A. Raynaud-Simon.............................................................. 65 9. Vieillissement et pathologie buccodentaire J.-L. Veyrune, C. Lassauzay........................................................ 73 10. Nutrition et fonctions cognitives S. Gillette-Guyonnet............................................................. 83 11. Vieillissement du tube digestif et modifications de la flore intestinale liées à l âge X. Hébuterne................................................................... 89 12. Réponse métabolique au stress chez la personne âgée S. Allepaerts, J.-C. Preiser......................................................... 95 13. Recommandations nutritionnelles chez une personne âgée bien portante C. Szekely...................................................................... 103 Partie II. Obésité et régimes chez la personne âgée.......................................... 109 14. Obésité de la personne âgée. Épidémiologie et conséquences O. Ziegler, D. Quilliot............................................................ 111

Traité de nutrition de la personne âgée 15. Prise en charge du surpoids et de l obésité chez la personne âgée P. Ritz, B. Vellas................................................................. 123 16. Y a-t-il une place pour les régimes alimentaires restrictifs chez la personne âgée? P. Darmon, S. Gorin-Gottraux, C. Pichard........................................... 131 PARTIE III. Dénutrition de la personne âgée............................................... 141 17. Méthodes diagnostiques de la dénutrition chez la personne âgée C. Aussel, L. Cynober............................................................. 143 18. Le MNA en pratique clinique et en recherche : réflexion après vingt ans d existence M. Secher, M. E. Soto, H. Villars, C. Goineau, G. Abellan van Kan, B. Vellas............... 159 19. Dénutrition de la personne âgée : épidémiologie et conséquences A. Raynaud-Simon.............................................................. 165 20. Sarcopénie : épidémiologie, causes et conséquences Y. Rolland, B. Vellas.............................................................. 175 21. Perte de poids et maladie d Alzheimer S. Gillette-Guyonnet............................................................. 189 22. Nutrition chez un malade présentant des escarres E. Alix......................................................................... 199 23. Nutrition du sujet âgé cancéreux B. Raynard, J. Gachet............................................................ 207 24. Nutrition, chutes et fractures E. Paillaud..................................................................... 215 25. Dépistage et prise en charge des troubles de la déglutition chez les personnes âgées J.-Y. Salle, J.-P. Lissandre, A. Morizio, F. Bouthier-Quintard, J.-C. Desport................. 221 26. Pourquoi et comment enrichir l alimentation chez une personne âgée? M.-P. Depraz Cissoko, M. Lafaille Paclet, P. Coti Bertrand.............................. 229 27. Complémentation nutritionnelle orale chez une personne âgée : indications et résultats C. Bouteloup.................................................................... 239 28. Faut-il supplémenter les sujets âgés en vitamines et en oligoéléments? O. Guérin...................................................................... 251 29. Nutrition entérale de la personne âgée S. M. Schneider, X. Hébuterne..................................................... 259 30. Nutrition parentérale chez la personne âgée X. Hébuterne................................................................... 279 31. Hypodermoclyse ou perfusion sous-cutanée, sa place chez la personne âgée M. Ferry....................................................................... 287 32. Comment aider une personne âgée isolée à son domicile à mieux s alimenter? B. Lesourd, C. Bouchiche, K. Soulier-Guérin.......................................... 295 33. Alimentation en institution B. Derycke..................................................................... 303 X

Partie I Nutrition lors du vieillissement physiologique

CHAPITRE 1 Modifications du métabolisme énergétique et de la composition corporelle au cours du vieillissement P. Ritz INTRODUCTION L avancée en âge, civile et physiologique, et le vieillissement s accompagnent de modifications des formes du corps et de changement des compartiments qui le composent. Certains de ces changements n ont pas de manifestation visible (densité osseuse), d autres entraînent des modifications des fonctions (réduction de l autonomie associée à la sarcopénie), tous sont sources d effets négatifs pour la santé par le risque de maladie surajoutée (fractures osseuses, risque de chutes ). Parfois, les modifications de la composition corporelle perturbent les possibilités thérapeutiques (augmentation de la toxicité de certaines drogues dont les anticancéreux en cas de réduction des espaces de dilution associée à la sarcopénie). Il y a donc un grand intérêt à connaître ces modifications de la composition corporelle, tant pour essayer d en prévenir les conséquences que pour adapter les thérapeutiques. Théoriquement, il faudrait pouvoir évaluer (peutêtre systématiquement) la composition corporelle des patients. Ce n est malheureusement pas possible en routine avec des techniques simples et robustes. Cependant, l œil avisé du clinicien, nourri de la connaissance des changements de composition corporelle, pourra être attiré par une sémiologie inhabituelle. Ceci l incitera à la prudence et à la prévention, voire à la prévenance. CHANGEMENTS DE COMPOSITION CORPORELLE Indicateurs anthropométriques simples de la composition corporelle Taille La taille diminue réellement avec l âge (ce n est pas seulement un effet séculaire), surtout chez les femmes, et la différence peut atteindre 5 à 8 cm entre la taille adulte et celle de la personne de 80 ans (1). Cela est souvent ignoré des patients et il ne faut donc pas se fier à la taille déclarée. Chez les personnes âgées ne pouvant se tenir debout, le calcul de la taille à partir de la distance talon-genou permet une évaluation assez précise (± 0,9 cm, référence 2) et sans conséquence sur les calculs d IMC (indice de masse corporelle, poids/taille 2 ), de surface corporelle, ou d eau totale. Poids Le poids a tendance à augmenter jusqu à l âge de 80 ans, après quoi il diminue. L IMC a donc naturellement tendance à augmenter, par le double effet de la réduction de la taille et de l augmentation du poids. Cela décale les valeurs seuils pour définir l obésité (mais il n y a pas de consensus sur les seuils), et la dénutrition (laquelle est considérée en France au-dessous d une valeur de 21 kg/m 2 pour les personnes de plus de 70 ans ; référence 3). Les centenaires ont cependant un IMC bas (87 % ont un IMC < 25 kg/m 2 ). Tour de taille Le tour de taille augmente ce qui traduit une accumulation de graisse intra-abdominale. L augmentation est modeste (+2,1 cm chez les hommes et +3,5 cm chez les femmes entre 65 et 84 ans) mais expose au risque de syndrome métabolique. Le tour de taille est en effet l un des critères de ce syndrome et, en France, 25 % des hommes et 40 % des femmes de 65 à 84 ans ont un tour de taille > 102/88 cm (les seuils de NCEP ATP III, référence 4). Pendant ce temps, le tour de hanche ne change pas (5). Le rapport taille sur hanche est donc un bon indicateur de l adiposité abdominale.

Traité de nutrition de la personne âgée Modifications des compartiments corporels Les mesures font appel à des techniques parfois sophistiquées (tableau I), avec une validité connue. Le corps peut être scindé en plusieurs compartiments d intérêt. Le modèle le plus simple sépare la masse grasse de la masse maigre, laquelle contient l os, la masse musculaire et les compartiments hydriques. Masse maigre La masse maigre, en fait déterminée comme la masse non grasse, diminue avec l âge. Nous avons pour le dire aussi bien des arguments tirés d études transversales (plusieurs classes d âge mesurées en même temps) que d études longitudinales (les mêmes personnes mesurées à plusieurs temps). Parmi les études les plus récentes, celle menée par Claude Pichard et son équipe à Genève intéresse plusieurs milliers de sujets européens. Pour les hommes, la perte est de 15 % entre 35 et 85 ans, soit 1,5 à 1,2 kg par décade, et survient à partir de 40 ans. Pour les femmes, il y a 14 % de perte de masse maigre entre 35 et 85 ans. Cela survient plus tard, à partir de 50 ans (6, 7). La plus grande part de cette perte de masse maigre est musculaire (69 %, référence 8). La sarcopénie est la perte de masse et de fonction musculaire induite par l âge. C est un phénomène reconnu, à la physiopathologie complexe, et aux conséquences lourdes. La sarcopénie induit en effet un risque accru de perte d autonomie (risque relatif multiplié par 3,7), de chutes, et de perte de force musculaire. Le risque relatif de marcher avec une canne est multiplié par 2,3 ; celui de troubles de l équilibre et de chutes par 2,6. La perte de masse est de 3 à 8 % tous les dix ans à partir de 30 ans, et s accélère après 60 ans (9). La prévalence de la sarcopénie a fait l objet de quelques études à grande échelle. Les cohortes NHANES aux États-Unis, après avoir validé l impédancemétrie comme outil fiable, montrent une prévalence de 10 à 17 % (10-12). Celle-ci augmente avec le grand âge et atteint 16 % chez les femmes et 29 % chez les hommes de plus de Tableau I Méthodes de mesure des compartiments corporels avec des équations spécifiques. Méthodes Mesures Permet le calcul de Adapté pour les Adapté chez personnes âgées les malades Pesée dans l eau Densité du corps Adiposité ++ Pléthysmographie (Bodpod) Densité du corps Adiposité ++ Plis cutanés Densité du corps Adiposité + Isotopes de l eau Enrichissement isotopique Eau totale ++ ++ Masse maigre + Impédancemétrie Résistance à un courant électrique Eau totale ++ (1) Masse maigre + (1) DEXA Atténuation de rayons X Masse maigre, masse grasse, + + masse osseuse Masse musculaire ++ + 3 compartiments Densité corporelle, impédancemétrie Masse maigre, masse grasse, +++ ++ (2) et eau hydratation de la masse maigre 4 compartiments Densité corporelle, impédancemétrie, Masse maigre, masse grasse, +++ ++ (2) DEXA hydratation de la masse maigre (1) Avec des équations spécifiques. (2) En préférant les isotopes de l eau à l impédancemétrie. 4

Chapitre 1 : Modifications du métabolisme énergétique et de la composition corporelle au cours du vieillissement 80 ans. En France, deux études importantes ont été réalisées. Celle de l équipe de Bruno Vellas sur des femmes âgées de plus de 75 ans (84 % de l effectif) montre une prévalence de la sarcopénie de 9,4 % (13). L autre, réalisée dans le grand ouest (9), établit une prévalence faible, d environ 3 % avec l expression par kg/m 2, et de 12 à 24 % avec l expression de la masse musculaire en pourcentage du poids. Cette étude montre surtout que les deux indicateurs de sarcopénie utilisés identifient deux populations différentes. Dans les deux cas, la sarcopénie est définie à partir d une valeur de masse musculaire inférieure à la moyenne moins deux écarts types des valeurs dans la population des moins de 40 ans (à peu près le cinquième percentile). L un des indicateurs exprime la masse musculaire en pourcentage du poids. Les travaux de Jean Tichet (9) montrent clairement que les patients sarcopéniques sont alors plus gros, volontiers avec un IMC élevé et sont probablement les patients obèses sarcopéniques décrits par Baumgartner (14) très exposés au risque métabolique et cardiovasculaire. Le seuil de sarcopénie (en % du poids) est fixé à 26,6 % chez les femmes et 34,4 % chez les hommes. Le second indicateur de sarcopénie ressemble à l IMC, et exprime la masse musculaire en kg par m 2 (taille 2 ). Les patients identifiés sont plus maigres et probablement dénutris (9). Le seuil est à 6,2 kg/m 2 chez les femmes et 8,6 chez les hommes. Densité osseuse La densité osseuse diminue avec l âge, de même que le contenu minéral osseux (6). Cela concerne beaucoup plus les femmes que les hommes. La densitométrie osseuse par absorptiométrie biphotonique (DEXA) permet cette évaluation en routine. Adiposité L adiposité augmente avec l âge, tant en valeur absolue qu en valeur relative, et que dans sa répartition. La masse grasse est multipliée par 2 entre 20 et 85 ans, le pourcentage de masse grasse augmente de 1,5 à 1,7 % tous les dix ans, et les valeurs moyennes à 65 ans sont de 29 % chez les hommes, et de 40 % chez les femmes (7). C est la graisse intra-abdominale, péri-viscérale dont la masse augmente (voir plus haut le tour de taille). Les conséquences métaboliques et cardiovasculaires de cette augmentation sont les mêmes que pour les adultes plus jeunes (19). Cela concerne également la graisse péri-, inter-, et intramusculaire. La figure 1 montre une coupe de cuisse d une femme âgée (17) : on voit nettement la graisse en noir, épaisse sous la peau, entre les muscles et les faisceaux musculaires, tandis que les coefficients d atténuation radiologique témoignent d une infiltration graisseuse intramyocitaire. Ces modifications ont des conséquences générales en termes d insulinorésistance Phénomène cachectique La perte naturelle de masse musculaire associée à l âge est aggravée par un phénomène cachectique (inflammatoire, hormonal, cancéreux) dès que le patient est malade. Ainsi dans une population de personnes âgées malades issues de services de court et moyen séjour (ceux des études 15 et 16), la prévalence est supérieure à 50 % (âge moyen 82 ans et IMC à 24 kg/m 2 ). Sur les bases d une telle prévalence, et à cause des conséquences de la sarcopénie, des études d intervention de très bonne qualité sont nécessaires pour trouver des stratégies thérapeutiques efficaces pour prévenir la perte ou restaurer la masse musculaire, et les aspects fonctionnels associés (17). Masse des organes La masse des organes change peu, sauf celle du foie qui est réduite de 20 % entre 20 et 80 ans (18). Fig. 1 Coupe de cuisse d une femme âgée, scanner d après (17). La flèche blanche indique la graisse sous-cutanée, les flèches noires les dépôts périmusculaires. 5

Traité de nutrition de la personne âgée musculaire, de réduction des capacités aérobies (VO 2 max) et de force musculaire. La circonférence du mollet, proposée comme un indicateur de masse musculaire, ne paraît donc pas fiable. Avec cette mesure, nous ignorons en effet la part de l adiposité sous-cutanée, intermusculaire et intramusculaire. Il est probable qu aux valeurs seuils communément admises pour indiquer une masse musculaire faible (31 cm), la situation musculaire est bien pire que nous ne l imaginons. L estimation de la masse musculaire à partir de la circonférence brachiale et du pli cutané tricipital prend en compte la graisse sous-cutanée. Cette épaisseur des plis sous-cutanés a cependant tendance à diminuer au-delà de 60 ans, c est le résultat d une étude longitudinale sur dix ans (20). Compartiments hydriques Les compartiments hydriques se modifient. Il y a une réduction de tous les secteurs (eau totale, eau extracellulaire et eau intracellulaire) avec le vieillissement. Ceci a été montré à de nombreuses reprises (15, 16). La raison en est la réduction de la masse maigre. En effet, la proportion de l eau intracellulaire (et de l eau extracellulaire) qui constitue la masse maigre est la même chez l adulte jeune et chez la personne âgée en bonne santé (21). Il n en va pas de même chez la personne âgée malade, chez qui la proportion de l eau intracellulaire dans l eau totale (et dans la masse maigre) diminue, alors que l eau extracellulaire augmente (15). Il y a donc une tendance à la déshydratation intracellulaire et à une rétention d eau extracellulaire au cours de la maladie de la personne âgée. Nous ne connaissons pas le mécanisme de ces nouvelles répartitions hydriques. Le vieillissement naturel de l homme normal expose donc au risque de déshydratation, car les réserves totales en eau diminuent et toute perte d eau exagérée rapproche du seuil de déshydratation. Ce n est bien sûr pas le seul mécanisme (altération de la soif, de la capacité de retenir l eau par le rein, dénutrition ) mais cette réserve basse contribue significativement au risque. Chez la personne âgée malade, la situation est encore pire puisque, même pour des valeurs d eau totale «normales basses», la réserve en eau intracellulaire est très faible, exposant de surcroît à des possibles dysfonctionnements métaboliques. L inflation du secteur extracellulaire peut être trompeuse, masquant les signes de déshydratation. Conclusion Le vieillissement naturel entraîne une perte des tissus cellulaires actifs, masse musculaire, eau et ses secteurs, masse osseuse. Il entraîne un gain de masse grasse périviscérale et musculaire avec des conséquences métaboliques et fonctionnelles. La prévention doit commencer tôt par des changements de comportement. La santé s épargne, et un bon choix des stratégies de conservation (épargne) de la composition corporelle fait probablement le lit d un troisième âge de qualité. Le malade âgé cumule les modifications liées à l âge et un facteur cachectique en cas de maladies inflammatoires, infectieuses ou de cancer. Cela érode un peu plus la masse musculaire et l énergie manquante, du fait d un déficit d ingesta, est puisée dans la réserve adipeuse. DÉPENSE ET BESOINS EN ÉNERGIE Notion de dépense en énergie La dépense d énergie est ce qu il faut mettre dans la balance pour équilibrer les apports alimentaires en énergie, afin que le poids et la composition du corps (masse maigre et masse grasse) soient stables au cours du temps. Cette définition physiologique est complétée par celle de l OMS en 2005, qui précise que les besoins en énergie sont définis par la dépense en énergie. Les besoins doivent donc être tels que le poids et la composition corporelle soient compatibles avec une bonne santé au long cours et par une capacité physique et sociale favorable. Ainsi, une dénutrition chronique à poids stable ne peut être considérée comme une situation favorable à cause des risques d infection, de chutes, de pertes d autonomie et de troubles des fonctions supérieures qu elle entraîne. De la même manière, une obésité chronique à poids stable n est pas compatible avec un bon état de santé à long terme. Le poids et la composition corporelle de référence dans la définition sont donc des éléments critiques de la définition des besoins en énergie. Par analogie, le besoin (en énergie) est la partie dépense d un compte en banque (en calories). Tant que les dépenses sont égales aux recettes, le compte reste à son niveau antérieur, en crédit, à zéro, ou en déficit (s il l était). Pour continuer l analogie, il y a (fig. 2) : des dépenses de base : le métabolisme de base ou la dépense énergétique de repos, représentant environ les deux tiers des dépenses ; 6

Chapitre 1 : Modifications du métabolisme énergétique et de la composition corporelle au cours du vieillissement * DIA = démense énergétique induite par l alimentation Fig. 2 Composants de la dépense en énergie. des frais de gestion : la dépense énergétique induite par l alimentation, où le coût de digestion et de stockage des aliments n est pas nul (avoisinant 20 % de la valeur énergétique du repas pour les protéines). En moyenne elle représente 10 % de la valeur énergétique de l ingéré ; des frais variables : la dépense énergétique liée à l activité physique, qui varie d un jour à l autre et d un sujet à l autre ; à cela s ajoutent des coûts induits par les imprévus : maladie, adaptation au froid Tous ces coûts dépendent beaucoup de la dimension de l individu. Ainsi, le métabolisme de repos est déterminé à 80 % environ par le poids et surtout par la masse maigre (fig. 2). Le coût de l activité physique est proportionnel à l intensité de celle-ci mais également à la masse à mobiliser. La dépense énergétique induite par l alimentation est influencée par les quantités ingérées et par la qualité des aliments (négligeable pour les lipides et importante pour les protéines). La dépense d énergie totale, celle qui cumule toutes ces dépenses, est le référentiel à mesurer pour établir les besoins en énergie. Production d énergie et variation avec l âge La production d énergie sous forme de chaleur ou d ATP (pour le mouvement et toutes les fonctions cellulaires) vient pour la plus grande part de l oxydation des substrats énergétiques (glucose, acides gras, acides aminés, alcool ). L organisme dépense cette production, et c est pour cela que l on parle de dépense énergétique. La mesure de l oxydation des substrats fournit donc un équivalent de dépense énergétique, en kcal ou en joules. Cette oxydation consomme de l oxygène, produit du CO 2, de l eau et de l urée (pour les acides aminés) et génère de l ATP. Cela se passe dans la mitochondrie qui consomme environ 90 % de l oxygène total et fournit la plus grande part de l ATP. Bien que cela dépasse un peu le propos de ce chapitre clinique, il faut nous arrêter un peu sur le fonctionnement de la mitochondrie, car celui-ci est affecté par le vieillissement. Les substrats énergétiques issus de la dégradation du glucose ou des acides gras fournissent des équivalents réduits, donneurs d électrons, aux deux premiers complexes de la chaîne respiratoire, dans la membrane interne de la mitochondrie. Les électrons sont transférés jusqu au 4 e complexe, où l oxygène les accepte. À chaque transfert d électron correspond un «pompage de protons» de la matrice mitochondriale vers l espace entre la membrane interne et la membrane externe de la mitochondrie. L accumulation de protons est la force électrochimique qui anime la F0-F1 ATPase, laquelle régénère l ATP à partir de l ADP et du phosphate inorganique. La chaîne respiratoire consomme ainsi de l oxygène alors que le passage des substrats au travers du cycle de Krebs produit du CO 2. C est la base de la mesure des échanges gazeux respiratoires du corps entier. Les mouvements des électrons sur la chaîne respiratoire sont aussi à l origine de la fabrication des radicaux libres de l oxygène et de l azote et de leurs dérivés. Ils sont impliqués dans le vieillissement et de nombreuses pathologies. La plus grande part de leur production est d origine mitochondriale. Le vieillissement s accompagne d une réduction d environ un tiers de l activité des complexes 1 et 4 de la chaîne respiratoire, sans atteinte des autres complexes et en particulier de l ATPsynthase. La respiration mitochondriale est un peu réduite sans anomalie objective du rendement de production en ATP. Cependant, la capacité à synthétiser des quantités importantes d ATP en cas de demande est réduite (22). 7

Traité de nutrition de la personne âgée La mitochondrie est le centre principal de production des radicaux libres, laquelle est élevée au cours du vieillissement. C est même une des théories du vieillissement, qui prédit que la proximité des protéines, des lipides, et de l ADN mitochondriaux et de la production de radicaux libres augmente la probabilité d altération de ces constituants et d anomalie de fonction de la mitochondrie. La restriction calorique, en diminuant la respiration mitochondriale et donc la probabilité de produire des radicaux libres, augmente l espérance de vie et le nombre d années sans maladies dans de nombreuses espèces animales (22). Il n y a pas d argument convaincant pour prouver que les défenses contre les radicaux libres sont altérées par le vieillissement. Mesures de dépense énergétique La mesure de la dépense d énergie n est pas réalisée en routine. Elle fait appel à des appareils qui, sans être très sophistiqués, requièrent une certaine technicité et ne sont pas très disponibles. Alternativement, des équations de prédictions ont été proposées, qui permettent de s approcher des valeurs mesurées. Pour mesurer la dépense énergétique, et selon le principe énoncé plus haut (production d énergie), il suffit de mesurer pendant un temps donné les échanges gazeux respiratoires. À partir de la production de CO 2 et de la consommation d oxygène, une équation simple permet le calcul de la dépense énergétique. La calorimétrie indirecte est cette technique de mesure des échanges gazeux respiratoires et exprime la dépense énergétique en kcal par unité de temps. Pour un homme allongé, au repos, à jeun et dans une pièce à la température agréable, la dépense énergétique mesurée (sur environ 45 minutes) est le métabolisme de repos. Pour évaluer la dépense induite par l alimentation, la même mesure est faite après un repas. Pour la dépense énergétique induite par l activité physique, il faut un embout buccal et un système de collection des gaz expirés, soit dans un grand sac, soit au cours d un test d effort. D autres méthodes (eau doublement marquée, estimation de la fréquence cardiaque, 23) permettent d évaluer la dépense énergétique totale. Le plus souvent, la mesure se limite à la dépense énergétique de repos. En la multipliant par le niveau d activité physique, on obtient la dépense énergétique totale de la journée. Ce niveau d activité physique (NAP ou PAL, ANC pour la population française, 24) est entre 1,4 et 1,7 dans la plupart des situations. Calcul de la dépense énergétique Face au manque de disponibilité des appareils de mesure, des équations pour évaluer la dépense énergétique de repos ont été établies. Elles reposent sur une relation de proportionnalité entre dépense énergétique et le poids et la taille, une relation inverse avec l âge, et une plus grande valeur chez l homme que chez la femme, même s ils ont le même poids. Les équations les plus classiques (Harris et Bénédict) conviennent assez bien à des populations pathologiques (25-27) mais ne sont pas adaptées à des populations saines. Les équations de Schofield qui ont servi de base à celles proposées par l OMS conviennent mieux à une population saine (27). Les recommandations françaises (24) utilisent les équations de Black qui ne sont pas d usage très simple sans outil informatique. D autres équations utilisent la masse maigre et parfois la masse grasse également. Elles n ont pas prouvé leur supériorité, et devant le manque de consensus et de disponibilité des appareils fiables de mesure de la composition corporelle, tant les recommandations françaises (24) que celles de la FAO/OMS préfèrent des équations basées sur les paramètres anthropométriques simples (tableau II). Aucune de ces équations n est valable chez les obèses (28). Dépense énergétique et vieillissement Les deux principaux composants de la dépense énergétique totale (au repos, liée à l activité physique) sont réduits avec l âge. La réduction de la dépense énergétique induite par l alimentation est plus discutée et n est de toute façon pas très importante en valeur absolue. La perte de dépense de repos est d environ 1 à 3 % tous les dix ans, à partir de 40-50 ans. Cette diminution est en grande partie causée par la perte de masse maigre, quand le poids est constant. Si le poids s élève, la diminution de dépense de repos peut être annulée, voire inversée. Une part de cette réduction de la dépense énergétique de repos est due à une moindre réponse aux régulations du système adrénergique. La dépense liée à l activité physique est le plus souvent réduite à cause de la diminution de cette activité (29), bien que le coût énergétique de chaque activité puisse être augmenté (29, 30). Cela se traduit par une réduction du NAP de 0,07 unité (1,75 à 1,28) tous les dix ans (31). Une valeur moyenne de 1,66 est constatée par Gaillard et al. sur dix études (27). 8

Chapitre 1 : Modifications du métabolisme énergétique et de la composition corporelle au cours du vieillissement Tableau II Équations pour calculer la dépense énergétique de repos, en fonction de l âge. Genre Âge Dépense énergétique de repos (kcal/d) Homme 18-30 15,4* Pds 27 T + 717 Homme 30-60 11,3* Pds + 16 T + 901 Femme 18-30 13,3* Pds + 334 T + 35 Femme 30-60 8,7* Pds 25 T + 865 * Poids (Pds) en kg, taille (T) en mètre. La consultation d experts par l OMS et la FAO en 2001 n avait pas permis de trancher sur la nécessité de produire de nouvelle équation et celles du tableau II ont été conservées pour les adultes. Une façon encore plus simple de calculer la dépense énergétique de repos a été proposée par Gaillard et al. (27), avec une moyenne ajustée par kilogramme de poids de 19,4 kcal/j. Cette étude porte sur plus de 2 400 sujets, et établit que les équations de l OMS sont justes par rapport aux mesures. Les mêmes auteurs ont montré que 20 kcal/kg de poids et par jour étaient une approximation satisfaisante (32). Chez la personne âgée malade Chez la personne âgée malade, la dépense énergétique totale est rarement augmentée et la perte de poids et la dénutrition traduisent une insuffisance de consommation de calories (26). La dépense énergétique de repos peut donc être calculée sur la même base que pour les personnes âgées en bonne santé. La valeur ajustée réelle est proche de 19 kcal/kg de poids et par jour (26-27). De la même façon, une approximation à 20 kcal/kg de poids est satisfaisante (32). Il y a cependant deux circonstances qui augmentent cette dépense de repos, le grand âge (> 90 ans, 24 kcal/kg de poids et par jour) et un IMC bas, avec une augmentation de 0,6 kcal/kg de poids et par jour par unité d IMC au-dessous de 26 kg/m 2,avec une valeur moyenne de 25 kcal/kg de poids et par jour pour un IMC < 21 kg/m 2. L étude de Gaillard et al. (27) montre également que les équations de Harris et Benedict, de Black ou de Fredrix prédisent bien la moyenne de la dépense énergétique. Le niveau minimal de NAP d une personne couchée est de 1,21, c est-à-dire que ses apports alimentaires doivent être au minimum de 24 kcal/kg de poids et par jour. Dès qu il y a des activités supplémentaires, le besoin en énergie est plus élevé. La valeur pondérée de NAP trouvée par Gaillard et al. (27) sur quatre études est de 1,36. Cela ne prend pas en compte le besoin en énergie pour refaire les stocks (en énergie et en protéines qui sont érodés en cas de maladie), ni pour nourrir une performance ou une activité physique plus élevée (car l activité est réduite en cas de maladie). Un NAP de 1,5 apparaît raisonnable et un peu généreux (28). Cela correspond à un besoin énergétique d environ 30 kcal/kg de poids et par jour. C est la quantité d énergie à apporter, et que le patient devrait consommer. Cela vaut pour presque toutes les circonstances pathologiques (28). On ne peut exclure cependant que quelques pathologies s accompagnent d un besoin en énergie plus élevé (grandes escarres, stress et agressions importantes) mais nous n avons pas de données chiffrées dans ces cas, et il faut certainement apporter le plus possible (au patient) en surveillant les indicateurs nutritionnels. CONCLUSION La dépense en énergie de repos est réduite avec le vieillissement, alors que celle associée à l activité physique est diminuée parce que la quantité d activité est moindre. Il faut donc adapter les apports alimentaires en conséquence. Il est faux de penser que les personnes âgées malades ont des besoins en énergie augmentés. La perte de poids associée à la maladie est surtout le fait de la réduction de la quantité d aliments consommés. REMERCIEMENTS Les propos de ce chapitre traduisent le cheminement de presque vingt ans au contact du «métabolisme énergétique et de la composition corporelle». Je remercie ceux qui m ont conduit ici, et tout d abord ceux qui ont 9

Traité de nutrition de la personne âgée disparu : Andy Coward et Bernard Beaufrère. Ma gratitude va à tous ceux qui m ont accompagné dans les discussions quotidiennes, l équipe du Laboratoire de nutrition humaine de Clermont-Ferrand, Monique Ferry, Gilles Berrut, Emmanuel Alix et les gériatres de l Ouest, Gilles Simard et son savoir de la mitochondrie. Références 1. Flynn MA, Nolph GB, Baker AS et al. (1989) Total body potassium in aging humans: a longitudinal study. Am J Clin Nutr 50: 713-7 2. Ritz P (2004) Validity of measuring knee-height as an estimate of height in diseased French elderly persons. J Nutr Health Aging 8: 386-8 3. Haute Autorité de Santé. Stratégie de prise en charge en cas de dénutrition protéino-énergétique chez la personne âgée. Avril 2007 (www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/ denutrition_personne_agee_2007_-_recommandations.pdf) 4. 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CHAPITRE 2 Métabolisme protéique chez la personne âgée Y. Boirie, C. Guillet, S. Walrand INTRODUCTION Les personnes de 60 ans et plus représentaient 20 % de la population française en 2000. Ce groupe d individus connaîtra un essor considérable entre 2010 et 2035 du fait de l allongement de la durée de vie et de l arrivée dans le troisième âge de la génération du «babyboom». Ainsi, d après l Institut national des statistiques et des études économiques (INSEE), la proportion des 60 ans et plus atteindra 26 % en 2020 et 35 % en 2050. Le vieillissement est caractérisé par le déclin de nombreuses fonctions biologiques susceptibles de réduire sérieusement la qualité de vie et d accroître la morbi-mortalité. Parmi les altérations liées à la sénescence, la fonte protéique musculaire appelée encore sarcopénie se définit comme une perte de la masse et de la fonction des muscles squelettiques. Ce processus entraîne de nombreuses conséquences sur la santé et sur la qualité de vie des personnes âgées (faiblesse, fatigabilité, risque accru de chutes et de fractures, inactivité, perte d autonomie, insulinorésistance, inadaptation aux stress infectieux et inflammatoires), et contribue in fine directement ou indirectement au surcoût des dépenses de santé. Il est donc important de considérer les modifications du métabolisme protéique aboutissant aux changements de composition corporelle notamment à la perte musculaire qui accompagne le vieillissement de façon à proposer des stratégies nutritionnelles visant à ralentir l évolution vers la perte d autonomie et la dépendance. ALTÉRATION DE LA COMPOSITION CORPORELLE ET MUSCULAIRE AU COURS DU VIEILLISSEMENT Le vieillissement est associé à des modifications importantes de la composition corporelle. Entre 20 et 85 ans, la proportion de masse grasse évolue de 18 % à 36 % chez l homme et de 33 % à 44 % chez la femme. Cet accroissement de la masse adipeuse concerne principalement les tissus adipeux périviscéral, sous-cutané, intermusculaire et intramusculaire. En revanche, la masse maigre diminue même si le poids reste stable (1). Les quelques études longitudinales (2) indiquent que la masse maigre subit une réduction importante avec l avancée en âge, surtout entre 40 et 60 ans chez l homme et plutôt après 60 ans chez la femme (3). La perte de masse maigre au cours du vieillissement est liée essentiellement à une diminution de la masse musculaire (4). Ainsi, alors que la musculature représente en moyenne 30 % du poids du corps entre 20 et 30 ans, elle ne constitue plus que 17 % à 70 ans. Cette fonte musculaire présente des caractères spécifiques selon les types musculaires. Elle toucherait plus particulièrement les muscles des membres inférieurs (5). Par ailleurs, certains auteurs ont observé une augmentation des tissus adipeux et conjonctifs dans le muscle âgé (6, 7). En raison de cette infiltration lipidique et conjonctive, non seulement le volume et la surface du muscle sont diminués avec l âge, mais la partie contractile fonctionnelle du muscle est également réduite, ce qui pourrait expliquer les anomalies de fonction du muscle. Toutes les fibres musculaires ne possèdent pas les mêmes propriétés mécaniques et métaboliques. On peut les classer en fibres lentes (type I) ou rapides (type II) selon leur vitesse maximale de raccourcissement à l effort et en fonction de leur teneur respective en fibres oxydatives (type I) ou glycolytiques (type II). Les fibres de type II sont aussi subdivisées en trois sous-groupes selon leur capacité glycolytique et leur endurance. De plus, ce sont surtout les fibres glycolytiques (type IIb) qui disparaissent ou qui se transforment en fibres oxydatives (type I) (8). Ces modifications expliquent la réduction de la force musculaire. L atrophie musculaire observée chez l homme à partir de 55 ans pourrait donc résulter d une perte sélective et graduelle à la fois du nombre et de la taille des fibres (9). La perte de la masse musculaire liée à l âge correspond quantitativement à une réduction de la surface des fibres et donc essentiellement à une perte de protéines myofibrillaires. Une éventuelle altération de leur innervation peut être observée à partir de 60 ans, caractérisée par la réduction du nombre d unités motrices actives (10). Des divergences sont souvent observées entre les études du fait du faible nombre de sujets étudiés. Par ailleurs, de nombreux facteurs tels que le sexe, le terrain génétique, l activité physique habituelle, l alimentation ou les pathologies associées peuvent contribuer à l hétérogénéité des observations. Au niveau