Les églises de la Reconstruction à Saint-Nazaire, témoignages du renouveau de l'architecture religieuse



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Transcription:

Les églises de la Reconstruction à Saint-Nazaire, témoignages du renouveau de l'architecture religieuse Avant la Seconde Guerre Mondiale, Saint-Nazaire comptait plusieurs lieux de culte répartis dans les principaux quartiers de la ville. Le développement accéléré de la ville au XIX e siècle avait poussé à faire disparaître la plupart des édifices du culte anciens et à les remplacer par des églises «modernes» plus adaptées à la population nombreuse de la cité. Cet article sera consacré uniquement aux deux églises majeures du centre-ville construites après la Seconde Guerre Mondiale, à savoir les églises Saint-Gohard et Sainte-Anne. Nous laisserons de côté les églises d'avant-guerre qui subirent elles-aussi des dégâts majeurs lors des bombardements de la ville en 1942 et 1943 mais dont la reconstruction se fit de façon classique en respectant le style architectural historiciste d'origine, propre aux églises du XIX e siècle. Il s'agit des églises Saint-Nazaire, Saint-Joseph-de-Méan et Notre-Dame-del'Immaculée. Nous n'aborderons pas non plus le cas de l'église Notre-Dame-d'Espérance au Pertuischaud qui, s'il s'agit bien d'une construction d'après-guerre moderniste, ne rentre pas exactement dans le cadre de l'article à savoir le remplacement d'églises sinistrées pendant le conflit mondial. En effet Notre-Dame-d'Espérance a été construite en 1964 pour répondre au développement de la ville d'après-guerre dans les quartiers ouest en remplacement d'une chapelle trop petite. Sa création n'est donc pas directement liée aux suites de la Guerre, ce qui n'enlève pas pour autant son intérêt architectural puisqu'elle est dessinée par un élève de Lemaresquier, Robert Chomette. En 1939, on trouvait deux églises principales dans le centre-ville de Saint-Nazaire, l'église Saint-Nazaire au style néogothique affirmé, construite à partir de 1891 à proximité du boulevard de mer, et l'église Saint-Gohard, place Marceau au cœur du pôle commercial de la ville d'avant-guerre face à la darse principale du port. Si l'église Saint-Nazaire s'imposait par son architecture historiciste malgré l'absence d'un clocher qui ne put être financé, l'église Saint-Gohard était relativement modeste, architecture fonctionnelle à la charpente soutenue par des colonnes métalliques, une simple nef suffisamment grande pour accueillir les fidèles depuis 1873 et une façade principale en pignon dotée d'un campanile modeste. Quelques chapelles existaient dans les quartiers périphériques, chapelles de Toutes-Aides et de Sainte- Anne-de-la-Matte en particulier. Les édifices religieux du centre-ville comme le reste du bâti subirent très vite les attaques aériennes alliées sur la base sous-marine, en particulier les bombardements de 1942-1943 qui poussèrent la population à abandonner la ville en mars 1943. L'église Saint-Gohard est entièrement détruite par un incendie faisant suite au bombardement du 28 février 1943. L'église Saint-Nazaire est plus épargnée mais rendue inutilisable par l'effondrement d'une partie des voûtes. Au lendemain du conflit, des baraquements provisoires servent de lieux de culte. Ils resteront jusqu'à la fin des années 1950. La question des indemnisations après la Guerre fut un processus souvent compliqué qui contribua largement au long délai de remplacement des édifices disparus ou touchés. Il faut préciser que la reconstruction des édifices publics, en particulier des lieux de culte ne fut légitimement pas une priorité au lendemain de la Guerre tant le besoin de logements était crucial. La reconstruction des églises s'inscrit également dans le contexte plus général de reconstruction de la ville. La commune est classée sinistrée le 31 mars 1943, en juin, Noël

Lemaresquier, architecte DPLG grand prix de Rome, est nommé par le Commissariat à la Reconstruction Immobilière (C.R.I.) architecte en chef de la reconstruction de Saint-Nazaire. Dès sa nomination, il prend comme assistant Henri Demur, ainsi que le breton André Guillou. En 1946, Henri Demur reçoit le titre d architecte en chef adjoint et travaillera au côté de Lemaresquier jusqu à la fin des chantiers. Une coopérative pour la reconstruction des édifices sinistrés de Loire-Inférieure est créée au niveau départemental. Elle est directement liée au Diocèse de Nantes et gère toutes les questions administratives, réglementaires, financières et urbanistiques que suscitent la reconstruction sur plusieurs décennies d'églises, de chapelles, de presbytères, de salles de réunions et de catéchismes, d'établissements scolaires et autres lieux. Cette action se concentrera principalement dans la région nazairienne élargie (Blain, Savenay...) et dans la région nantaise. La coopérative est présidée par M. Caux et dirigée par M. Jegou. Ces deux interlocuteurs sont à Saint-Nazaire en contact direct tant avec la Mairie qu'avec l'architecte Lemaresquier, sans compter les représentants départementaux du M.R.U. (Ministère de la Reconstruction et de l'urbanisme), successeur du C.R.I. mis en place pendant la Guerre. La principale préoccupation de la coopérative est la question des indemnités attribuées à chaque édifice sinistré et la valeur de remplacement tant de l'immobilier que du mobilier qui va être affectée par le M.R.U. Dès 1947, le dossier de l'église Saint-Gohard est pris en charge. L'église appartenant à la Ville de Saint-Nazaire, contrairement à l'église Saint-Nazaire qui est diocésaine, la question de l'indemnisation immobilière est traitée par la Mairie. Le cas est un peu différent pour l'église Sainte-Anne. La paroisse créée à la fin des années 1930 par l'abbé Allaire dans le quartier de la Matte n'est qu'une simple chapelle créée dans un ancien café, dont la valeur d'indemnisation n'est que faible et ne peut permettre de reconstruire une véritable église. Le rachat de créances supplémentaires permet à l'abbé Le Meter, curé de Sainte-Anne, de réunir une somme suffisante pour engager la création de la nouvelle église dont le montant initial est estimé à 37 millions de francs, mais le budget sera tout au long du chantier, très serré. Les deux projets peuvent dont être engagés, l'un à partir de 1954 et l'autre à compter de 1956. Il convient toutefois de revenir sur les emplacements retenus dans la nouvelle ville. La situation de l'église Saint-Gohard est particulière puisque située à proximité immédiate du port, la question de son remplacement est directement liée au plan de reconstruction établi par Lemaresquier dès 1943. Axant la reconstruction de la nouvelle ville sur l'omniprésence du port et son développement futur, L'architecte adopte un parti radical où il neutralise toute la zone centre de l'ancienne ville en l'affectant au développement portuaire et industriel. Cela impliquait de déplacer de plus de 500 mètres vers l'ouest, l'ancien cœur commercial et résidentiel de la ville tout en réorganisant la nouvelle cité selon un axe nord-sud de la gare à l'hôtel de ville. L'emprise de l'ancienne église Saint-Gohard, place Marceau, se trouve donc au cœur de cette nouvelle zone. Il est donc admis que l'église ne sera pas reconstruite à son emplacement d'origine, les contraintes nouvelles d'urbanisme et son architecture banale ne poussent en rien à une restitution. Le curé Pointhière s'oriente très vite vers le nouveau quartier reconstruit près du cimetière de Toutes-Aides et de la petite chapelle du même nom. Ce quartier «populeux» suivant l'expression même du prêtre a besoin d'un lieu de culte proche et suffisant. Aussi la reconstruction de l'ensemble paroissial Saint-Gohard devient-elle une priorité pour le clergé local qui insiste pour faire avancer prioritairement ce dossier. La Ville de Saint-Nazaire accepte bientôt que les indemnisations prévues à la reconstruction de l'église communale Saint-Gohard soient affectées à la construction d'un nouvel ensemble

paroissial dans le quartier de Toutes-Aides. Le site retenu est un emplacement traversant bordant le boulevard de la Renaissance et la rue de Cardurand. Pour l'église Sainte-Anne, le site retenu tient également compte du développement de nouveaux quartiers comme celui du Soleil Levant. Ce qui conduit naturellement à ne pas reconstruire une église dans le quartier de la Matte proche de l'église Saint-Gohard mais à s'implanter le long du boulevard circulaire. La parcelle achetée par l'association Diocésaine est traversante entre le boulevard Jean Mermoz et la rue du Soleil Levant et permettra également d'intégrer presbytère et salles associés à l'église. La démarche architecturale Pour l'église Saint-Gohard, les archives de la Coopérative conservées aux Archives Diocésaines donnent peu d'éléments sur le choix architectural retenu par l'architecte Guillou et le clergé. Pour l'église Sainte-Anne, les choses sont beaucoup plus limpides d'autant que l'abbé Le Meter, promoteur du projet et l'architecte Demur, ne sont pas avares en explications et justifications des choix architecturaux et décoratifs tant dans la presse que dans les archives. Les projets des églises de Saint-Nazaire témoignent largement de l'influence plus générale qui marque beaucoup d'édifices cultuels nés de la Reconstruction. Il faut rappeler les réflexions engagées à cette époque dans ce domaine. En effet, l architecture religieuse des années 1950 reste largement tributaire des recherches à la fois techniques, formelles et spirituelles des décennies précédentes. Le renouveau artistique religieux né après la Grande guerre 1, subit l empreinte prégnante du mouvement dominicain avec l'apparition en 1936 d'une véritable tribune idéologique, la revue «l Art sacré», qui propage la thèse du lien indéfectible entre sentiment du sacré et architecture et surtout la soumission de cette dernière au profit du premier. Au sortir de la guerre, bien avant les dispositions conciliaires de Vatican II, le clergé, conscient d une évolution des mentalités, veut profiter de la Reconstruction pour assortir le programme architectural aux nouvelles exigences cultuelles : concevoir des espaces liturgiques plus ouverts, en évitant si possible les divisions habituelles ternaires des nefs. Le but recherché consiste à regrouper au sein d une même entité spatiale la communauté des fidèles autour du pasteur et donc donner une lisibilité maximale à l autel pour l assistance. Même si la célébration s effectue encore dos aux fidèles, le rapprochement de l autel, l intégration du sanctuaire à la nef, est une donnée nouvelle dans l organisation de l espace. Le risque reste cependant de créer un espace unique, sans articulation. Les espaces annexes (sacristie, salle de catéchisme, salles secondaires, chapelle d hiver) sont inclus dans le programme architectural. 2 En matière d architecture religieuse, on peut donc bien parler d esprit préconciliaire, traduit dans l architecture de la reconstruction entre 1945 et 1962. Une des autres caractéristiques de la Reconstruction est l engagement fort des architectes en faveur d une unification de l agencement religieux à l architecture, pas simplement traité en décor liturgique. La plupart des architectes interviennent directement dans le processus d élaboration du mobilier, mais aussi dans le choix des artistes décorateurs. L implication du clergé local, par l entremise d une personnalité comme l'abbé Le Meter à Sainte-Anne constitue un relais indispensable entre le maître d œuvre et l administration dont les priorités ne recoupent pas forcément les attentes des divers protagonistes.

Vers une «épuration» de l'art sacré Les années d après-guerre sont marquées par la poursuite des idées véhiculées par «l Art Sacré». La revue prône le retour à une architecture authentiquement sacrée, sincère dans son expression, débarrassée de tous les superflus engendrés par le mauvais goût et la «débauche» d ornement. On s oriente vers ce que la revue appelle «l épuration» des églises, et ce terme, dans le contexte politique, n est pas neutre. Les concepteurs d églises se recentrent autour de la vocation primitive de l église. Outre le rassemblement de la communauté des fidèles (l ecclesia) dans un lieu unifié, l église doit être avant tout initiatique, en accueillant le catéchumène. Un espace extérieur à l église lui sera réservé, avant son arrivée, comme l ancien baptistère paléochrétien. Ce sera la chapelle des fonts, indépendante de l église ou reliée à elle. Ce dispositif possède un double intérêt : d une part traduire plastiquement le premier sacrement de l Église, d autre part, sur le plan technique, simplifier la construction en remplaçant le massif du clocher par une simple tour, la plus élancée possible afin de lui donner sa valeur symbolique de signal. Pour l'église Saint-Gohard, Lemaresquier privilégie le projet aéré de Guillou qui met en valeur l'édifice. Cette mise en valeur de l'édifice par l'espace public participe directement à la place que tient l'église actuelle dans son environnement dégagé. Le permis de construire est délivré le 31 juillet 1953. Quelques réserves architecturales sont émises par l'autorité de tutelle, en particulier le recours obligatoire à l'ardoise en toiture tandis que Guillou avait prévu une toiture en tuiles vernissées vertes dont l'effet aurait sans nul doute tranché dans le tissu urbain de la Reconstruction. Lemaresquier reste fidèle à une certaine image de l'architecture locale en privilégiant les toitures d'ardoises. La mise en valeur du nouveau lieu de culte est également favorisée par le report du presbytère en fond de parcelle depuis le boulevard de la Renaissance. Un jardin carré sert d'entrée aux logements du clergé tandis qu'une série de bâtiments bas relie l'église au presbytère. L'architecture du presbytère est simple et s'intègre dans le vocabulaire récurrent des immeubles d'habitations du secteur. C'est sur l'église que la recherche architecturale a été portée. Guillou propose un plan en croix grecque marqué sur 3 branches par de hauts pignons largement percés de vitraux. Ce plan resserré se retrouve à l'intérieur où l'autel prend une place centrale et marque en cette période préconciliaire, l'évolution du clergé dans le rapport à l'assemblée. Un clocher indépendant, modèle récurrent de beaucoup d'églises de la reconstruction en France, joue autant un rôle de signal que la référence aux campaniles d'autrefois. Il est construit seulement en 1959 et se distingue par une légèreté et un élancement que permet le béton. L'église Saint-Gohard adopte un autre élément important des nouveaux programmes religieux de l'époque, la place donnée au baptistère quasi-indépendant de l'édifice, autre rappel des premiers temps du christianisme et du sens donné à ce premier lieu de passage du nouveau fidèle. Le baptistère est réalisé à l'angle droit de la façade principale. On y accède depuis l'intérieur par un petit couloir qui le relie à la nef. Il illustre le retour aux sources liturgiques par un langage contemporain, mais son plan circulaire et la toiture en poivrière sont un petit clin d œil vernaculaire. Pour l'église Sainte-Anne, Henri Demur fait le choix d'une tentation moderniste où le parti architectural se démarque de la tradition du plan à croix latine. Demur adopte une variation autour du plan basilical. Le plan en longueur semble tout naturellement convenir pour la nef, le plus souvent construite sans point d appui intermédiaire, ce qui permet de supprimer toute division superflue. Il choisit un parti de plan avec nef en longueur et chœur à chevet plat, l'effet de transept ne se perçoit que du côté gauche avec une chapelle secondaire plus basse

tandis que l'autre côté accueille la sacristie et se lie au presbytère. Le vocabulaire de cette église, construite entièrement en béton armé, la classe sans hésitation dans la catégorie des «modernes». Aux sources de la liturgie Pour mieux comprendre le choix architectural, il faut souligner les liens privilégiés qu'entretiennent l'abbé Le Meter et en particulier l'architecte Demur avec le directeur de la revue «l'art Sacré», le père Cocagnac. Ce dernier donne une conférence en mai 1955 à Saint-Nazaire sur le renouveau de l'architecture religieuse. Il souligne combien l'église Sainte- Anne s'inspirera de ce renouveau, tandis que Saint-Gohard a déjà rompu avec la tradition. Le père Cocagnac défend un renouveau s'inspirant des sources même de la liturgie. Pour lui «reconstruire une église, c'est un peu un mystère, il faut tout d'abord prendre place dans la tradition mais rompre avec les formes d'un passé révolu, le point de départ de l'édifice sacré, c'est l'autel, c'est le mystère de l'eucharistie, autour duquel tout doit être organisé. Il ne faut plus de religiosité romantique, d'inspiration païenne. Il faut que l'autel soit placé à l'endroit le plus noble. Le problème de l'art sacré est essentiellement celui d'un volume qui donne à l'autel une bonne visibilité et à la nef un calme assurant la communion des cœurs». Ces conceptions seront pleinement prises en compte dans le projet de l'église Sainte-Anne. Dès avril 1955, le père Cocagnac donne son aval sur le projet d'église proposé par Demur, ce dernier a par ailleurs réussi à faire le maximum de places avec le budget réduit d'une paroisse naissante. L'abbé Le Meter veut que Sainte-Anne soit une paroisse d'avant-garde et il ne lui déplait pas de rompre avec la tradition de la construction antique si l'atmosphère d'assemblée chrétienne doit y gagner. Les paroissiens veulent une église bien à eux, qui ait son caractère particulier : «parce qu'ils voulaient qu'elle fut de leur temps, qu'elle marqua une époque, le projet hardi de Demur ne laisse pas indifférent». L'architecte a su concrétiser le désir des paroissiens : l'autel au tiers de la nef pour rendre plus familiale la célébration des offices, en groupant davantage les fidèles au pied de l'autel, le baptistère séparé comme aux premiers temps du christianisme, le vaste porche d'entrée, le clocher de 39 m. de haut séparé de l'église pour éviter les phénomènes de résonnance du béton tout autant qu'en référence aux premiers édifices religieux. Les variations du béton Dans les deux églises, la construction en béton armé a permis la réduction des coûts. Le souci d économie a poussé les maîtres d œuvre à utiliser la technique constructive la plus rapide. En ce qui concerne l ossature générale des églises, elle est généralement constituée de fermes en béton armé sur lesquelles repose directement le couvrement de l église. Cette technique, qui dérive en fait des constructions industrielles, permet en outre une grande liberté de conception pour le remplissage des murs pignons et latéraux, ceux-ci étant indépendants de la structure. Les fermes adoptent des profils triangulés comme à Saint-Gohard (toiture pentue) et sont laissées apparentes, participant largement à l'architecture intérieure. A Sainte-Anne, la structure de charpente est dissimulée par un plafond plat en lames de bois. L utilisation du tout-béton pour l enveloppe externe exprime sa conception formelle fondée sur les variations chromatiques du béton armé ; l architecte joue sur le contraste entre les différentes mises en œuvre des bétons, en particulier avec le béton banché. A Sainte-Anne, on lit nettement les coffrages sur le béton, jeu de carrés réguliers en façade ou simples planches sur les parois latérales.

La décoration extérieure tout comme les aménagements intérieurs font également l'objet d'une recherche toute particulière où l'architecte joue toute sa place. A Saint-Gohard, l'extérieur ne comporte pas de décor particulier. C'est la simplicité des formes géométriques formées par les triangles accentués des pignons s'opposant à la verticalité du clocher et à la rondeur du baptistère qui participe à l'effet de l'ensemble. Auquel s'ajoute la composition des lancettes de vitraux qui se lisent nettement grâce aux meneaux de béton et forment une grille sculpturale. Le béton peint en blanc adoucit l'effet brut du matériau. Un décor pour magnifier le sanctuaire A l'intérieur, André Guillou dessine l'ensemble du mobilier dans le moindre détail y compris le mobilier des sacristies. L'autel est mis en scène tant par l'architecture où les fermes de béton forment une incroyable charpente et se resserrent pour magnifier le sanctuaire et les orgues, que par la surélévation du maître-autel encadré par deux ambons et une terrasse qui amène à l'autel du Saint-Sacrement. Car l'intérêt majeur du chœur de Saint-Gohard est tant les nouvelles dispositions de l'autel où le décor se concentre, que les orgues qui épousent le chevet de l'église. La table d'autel massive est décorée d'un bas-relief en schiste sculpté représentant une Nativité très abstraite. Les ambons portent également chacun un bas-relief de même facture. L'auteur de ces œuvres n'est pas connu, à moins qu'elles n'aient été directement dessinées par André Guillou et réalisées par un artisan. Le marbre domine dans le chœur tant sur le sol que sur les parements de la terrasse, matériau clair associé à du carrelage vernissé foncé qu'on retrouve tant sur l'emmarchement du maître-autel que sur le socle de béton soutenant les orgues. Les autels secondaires sont regroupés sur cette terrasse, autel du Saint- Sacrement dans l'axe de la nef, d'une facture très épurée mais surtout autel de la Vierge sur la droite, dessiné par Guillou et réalisé en 1956 par l'entreprise Geffray. On soulignera la qualité des matériaux avec un ensemble d'ébénisterie en acajou massif, soutenu par une console en fer forgé. L'autel est complété par une statue en tilleul de la Vierge sculptée par Jean Fréour où l'enfant-jésus est représenté adolescent. On notera enfin l'absence de clôture de chœur, élément structurant de tout édifice religieux jusqu'à Vatican II. Les orgues, œuvre majeure du décor de l'église, donnent lieu à de nombreux échanges entre l'abbé Ponthière, l'abbé Félix Moreau, organiste de la cathédrale et l'entreprise Beuchet- Debierre retenue pour la réalisation dès juin 1955. Le nouvel orgue est dessiné par l'architecte Guillou conseillé par le chanoine Bouchaud, conseiller artistique du diocèse. En août 1955, l'entreprise Beuchet-Debierre s'engage à poser la façade pour l'inauguration prévue le 2 octobre 1955. Il faut noter que l'orgue dessiné par Guillou comporte beaucoup de chanoines, tuyaux à usage décoratif qui n'entrent pas dans les jeux de l'instrument mais qui participent ici largement de la ligne de l'orgue et de sa cohésion avec l'architecture de l'édifice. L'orgue est inauguré officiellement le 7 octobre 1956. Soulignons aussi l'originalité du chemin de croix qui prend place sur les tranches des fermes de béton et se limite à une petite croix métallique associée à un numéro et quelques mots peints sur le béton. Le baptistère se démarque enfin par son traitement décoratif intérieur où la cuve baptismale, monolithe en gravillons lavés, s'inscrit au centre d'une sorte de piscine aux marches évocatrices des baptistères paléochrétiens. Le sol est revêtu d'un carrelage mosaïqué au motif rayonnant dont la teinte blanche et vert d'eau évoque l'eau du baptême. Une couronne de vitraux aux lignes géométriques où dominent le jaune et le bleu, accentue l'ambiance de recueillement du lieu.

Une façade-affiche pour Sainte-Anne L'architecture extérieure de l'église Sainte-Anne a suscité bien plus de surprises que Saint- Gohard, de la part des fidèles. Cette façade quasi-aveugle est marquée en partie basse par les deux arrondis formant colonnes du baptistère et d'un local technique encadrant un parvis couvert, et en partie haute par un mur de béton percé de petits claustras en forme de croix. Elle fait plus penser à un cinéma ou une salle de spectacle qu'à une église. L'abbé Le Meter joua de cette critique récurrente dans le décor qu'il choisit pour cet édifice. Il faut noter que dès la conception, le prêtre et l'architecte envisagent un décor marquant sur la façade principale. En juin 1955, le choix des artistes est établi et pas les moindres car c'est à Fernand Léger que l'on pense pour dessiner les mosaïques et les vitraux, la réalisation étant confiée à Jean Barillet. Cette façade ne devait prendre sa vigueur qu'en fonction de l'œuvre qui y jette ses couleurs, mais la mort de Fernand Léger en août 1955 compromet la collaboration. L'abbé Le Meter ne se laisse pas abattre et profitant des critiques qui comparent cette façade à une salle de spectacle ou à un cinéma, il pense bientôt au célèbre affichiste Paul Colin, décorateur de théâtre et de cinéma, pour créer une «affiche» pour cette paroisse d'ouvriers, de militants, d'hommes de la rue. Paul Colin ressent un choc profond en se promenant sur le port et autour des chantiers, né de la disproportion entre la simplicité de l'homme au travail et la grandeur de sa mission, entre la minutie de l'exécution et le gigantisme de la réalisation. De cette émotion, il tirera le dessin de ses mosaïques intitulées «l'hymne au travail» où l'on devine des figures familières du port : à gauche, une scène de construction d un navire sur cale, des ouvriers sur les échafaudages manipulent une tôle. À droite, deux coques maintenues par des accores sont en construction avec en arrière-plan la flèche de l ancienne grue Gusto de la forme Jean Bart. L'œuvre sera réalisée en mosaïques par Jean Barillet en avril 1957. On soulignera la simplicité tout autant que la force des panneaux dessinés par Colin, œuvre tout autant laïque que religieuse par le sens qu'elle donne à l'effort et à la cohésion que suscite le travail chez l'homme nazairien. L'arrière de l'église donnant sur la rue du Soleil Levant est traité comme un accès secondaire, malgré tout mis en scène par deux accès latéraux liés par un auvent ouvert protégeant un petit jardin. On y découvre une statue de Sainte Anne en béton, de facture classique mais faisant référence au monde ouvrier et portuaire par l'ancre que tient la Vierge et par l'habit populaire que portent les personnages. Couleurs et contrastes d'un nouvel «art sacré» A l'intérieur, le parti est différent par la forme même de l'édifice. La forme rectangulaire place l'autel plus en recul par rapport à la nef mais ici encore ce dernier bénéficie d'une mise en scène particulière. Posé en hauteur sur une série d'emmarchements, l'autel domine l'assemblée d'autant que celle-ci prend aussi initialement place derrière l'autel et dans la chapelle latérale où se trouve l'autel du Saint-Sacrement (un dispositif de bancs à dos mobile permettant de s'asseoir vers le chœur est toujours en place). Le chevet plat est traité comme le mur de façade, éclairé simplement par des petites croix formant claustras. Deux autels secondaires, traités de façon minimaliste y prennent place. L'orgue construit en 1960 par la maison Bouvet est placé sur une tribune en béton au revers de la façade principale et reste d'une conception très classique. La création artistique est pourtant au cœur du projet de l'abbé Le Meter, ainsi la massivité et le contraste coloré du maître-autel en pierre calcaire sculpté par l'artiste Maxime Adam-Tessier 3 sont volontairement recherchés pour affirmer le lieu de la consécration. Des représentations abstraites sur les quatre faces évoquent la Résurrection. On insistera également sur l'original lustre qui surmonte le maître-autel et qui par sa forme et sa couleur

rouge contribue aussi à marquer l'autel. La clôture de chœur et l'ambon sont traités de façon minimaliste en serrurerie peinte en rouge. Dans l'axe du chœur, un Christ en croix atypique concentre l'attention du fidèle. Décalé de l'axe suite à Vatican II, la sculpture de l'artiste suisse Albert Schilling 4 s'impose toujours au regard par sa facture déroutante toute de métal peint et coloré où l'expressionnisme presque squelettique du Christ représenté trouble et dérange. Il faut signaler aussi le tabernacle de l'autel du Saint-Sacrement réalisé par l'orfèvre François- Victor Hugo 5, arrière-petit-fils de l'écrivain, qui propose ici une œuvre géométrique dont la simplicité est enrichie par le recours au cuivre martelé aux multiples reflets. Enfin, le baptistère, complètement extérieur, fait, comme à Saint-Gohard l'objet d'un traitement recherché : sol de gravillons souligné par un léger emmarchement, fente lumineuse donnée par le vitrail en dalles de verre de Rezvani, et surtout une cuve baptismale, œuvre massive et originale du sculpteur Adam-Tessier. On le voit, l'abbé Le Meter et l'architecte Demur ont voulu faire de l'église Sainte-Anne une certaine vitrine de la création artistique contemporaine en recourant aux artistes souvent soutenus par la revue des Dominicains et en affirmant combien l'art sacré en plein renouveau participe de la foi. La place du vitrail On ne peut évoquer le décor intérieur de ces deux églises sans parler du rôle joué par le vitrail. En effet, l'utilisation de cette technique, différente dans chacune des églises, confirme le large mouvement de renaissance de cet art après la Seconde Guerre dans les édifices publics, en particulier religieux. Une des caractéristiques de l architecture de la Reconstruction réside dans la dissociation toujours plus accentuée entre l ossature de l édifice et les remplissages verticaux, voie nouvelle pour les architectes désireux de gérer avec une grande liberté vides et pleins grâce aux possibilités offertes par le béton armé. En conséquence, c était la voie toute trouvée pour une mise en lumière renouvelée de l architecture religieuse, et donc de l art du vitrail. A Saint-Gohard, on dispose de peu d'éléments précisant la commande. Les archives font état d'un concours lancé en janvier 1955 sur la base de la maquette réalisée par le maître-verrier Fleury basé à Nogent-sur-Marne. La réalisation est attribuée à deux sociétés, les maisons Pierre Bertrand de Châlons-sur-Saône et Peltier-Verrière de Saint-Servan. La pose est terminée en juillet 1955. On peut donc supposer que le programme décoratif abstrait que l'on peut admirer aujourd'hui a été dessiné par Fleury. Sans figuration avec des dominantes d'or, de bruns et de rouges, c'est l'architecture qui contraint le vitrail traité de façon traditionnelle sous plomb, tout en lui réservant une place fondamentale sur trois côtés et sur toute la hauteur des pignons. Les lancettes élancées séparées par les meneaux de béton semblent former un seul ensemble comme sur les verrières d'autrefois. Ce flamboiement rouge et or inonde la nef et évoque peut-être la Résurrection qui attend le fidèle. On signalera le traitement de la porte principale dont les vantaux percés de carreaux de couleur composent avec la verrière par une forme décorative différente. On rapprochera cet aspect décoratif de Saint-Gohard avec l'église de la Madeleine à Nantes due au même André Guillou. A Sainte-Anne, la place du vitrail est différente mais contribue également largement à la mise en scène du sanctuaire en renvoyant tout la lumière vers l'autel. Ici encore, le programme proposé à l'artiste n'est pas clairement mentionné dans les archives. Les verrières restent abstraites et colorées. Le recours à l'artiste Serge Rezvani montre encore tout l'attachement des promoteurs à recourir à des artistes connus et assez emblématiques. La pose est également assurée par Jean Barillet. Comme à Saint-Gohard et contrairement à la tradition, le maîtreautel ne reçoit pas sa lumière par le mur du fond, afin de ne pas mettre le desservant en

contre-jour. Ainsi les éclairements latéraux sont nettement privilégiés. Les murs latéraux, permettent d orienter de manière intéressante les réseaux lumineux. Aussi la nef, espace de recueillement des fidèles, n'est pas inondée de lumière. L'architecte a préféré tamiser et orienter avec soin les rayons lumineux. Une verrière haute jouant avec la toiture de la sacristie est placée sur le mur sud au niveau de l'autel, ce qui permet de distiller une lumière assez douce. L éclairage du vaisseau se fait finalement par des murs rideaux obliques qui restent une caractéristique de l époque. La chapelle secondaire, outre sa fonction liturgique, est un autre moyen d assurer un éclairage indirect de la nef et permet de provoquer un rythme dissymétrique au moyen d une mise en lumière subtile. Traitées en dalles de verre hourdis au béton, les verrières de la nef prennent place sur toute la hauteur dans les jouées des murs obliques avec une représentation similaire évoquant sans doute l'arbre de Jessé à travers une branche principale d'où courent de multiples dérivations ; teintes chaudes et formes des dalles de verre varient. La verrière haute fait penser à une nuée où dominent bleu et jaune, tandis que les dalles de verre de la chapelle secondaire forment des enfilades horizontales où un bleu azuréen domine et compose avec les formes abstraites colorées. Contraste d'autant plus saisissant sur un mur de fond peint dans un rouge vif, rare concession à la couleur dans cet univers de béton. Longtemps critiquées et dépréciées, les églises Saint-Gohard et Sainte-Anne de Saint-Nazaire montrent aujourd'hui toute leur qualité et leur valeur historique et artistique. Jalon important de l'évolution de l'architecture religieuse dans le département, elles s'inscrivent dans le contexte plus général de l'évolution des formes religieuses et de la liturgie après la Seconde Guerre Mondiale. Le label «patrimoine du XXe siècle», récemment attribué à l'église de Donges et peut-être bientôt à ces deux édifices (examen en cours à la DRAC), témoigne du nouveau regard porté sur ces édifices, vecteurs d'une modernité imposée mais aujourd'hui sûrement mieux comprise. Laurent DELPIRE historien de l'art, Conservateur des Antiquités et Objets d'art de Loire-Atlantique Note de l'auteur : J'ai connu dans ma jeunesse l'abbé Le Meter, finissant sa carrière comme vicaire au Croisic. J'étais loin de deviner que, derrière cette personnalité attachante et discrète, se cachait l'ardent promoteur de l'église Sainte-Anne de Saint-Nazaire. Je lui rends ici hommage. Notes : 1 les Ateliers d art sacré créés par Maurice Denis (1870-1943) et Georges Desvallières (1861-1950) en 1919, l Arche, d obédience dominicaine 2 L ensemble de ces réflexions est lancé dès 1945 avec la création en France du Centre national de pastorale liturgique (C.N.P.L.) dont la revue la Maison-Dieu, publiée dès 1945, permet la fixation progressive de la doctrine. 3 Maxime Adam-Tessier (1920-2000) est un sculpteur contemporain qui réalisa des œuvres aux formes «cubistes» avec des volumes denses et pleins. Plusieurs sculptures sont visibles en France (station RER de La Défense, église Notre-Dame-des-Pauvres à Issy-les-Moulineaux...).

4 Albert Schilling (1904-1987) est un sculpteur suisse considéré comme un pionnier du renouveau de l art sacré. Il s est fait connaître du grand public grâce à son Christ en croix présenté à l Exposition nationale de 1939 à Zurich. 5 François-Victor Hugo (1899-) est l'arrière-petit-fils de Victor Hugo. Ingénieur de formation, en 1955, il développa une technique en métal précieux repoussé qui enchanta Picasso dont il devint l orfèvre exclusif. Remerciements : M. Daniel Sicard, directeur et conservateur de l Ecomusée de Saint-Nazaire Mme Claire Gurvil, archiviste aux Archives Diocésaines Père Denis Bureau, paroisse Sainte-Anne et Saint-Gohard Bibliographie : Alain Nafylian : La reconstruction des édifices religieux en Basse-Normandie après la Seconde Guerre Mondiale, in «In Situ, revue des patrimoines n 11», 2009 Daniel Sicard : Les années 1950 à Saint-Nazaire, in «l'express», 2008 Danièle Voldman : Saint-Nazaire, une cité «fidèle à ses ruines», in La reconstruction des villes françaises de 1940-1954 : histoire d'une politique, Paris, l'harmattan, 1997