Propriétés des virus Physiologie, diagnostic et traitement des infections virales Henri Agut ER1 DETIV UPMC, GH Pitié-Salpêtrière henri.agut@psl.aphp.fr IFSI Infectiologie et Hygiène Octobre 2012
Plan Définition et structure des virus Cycle cellulaire viral et conséquences pathologiques Modes de transmission des virus Infection virale de l organisme humain Infection localisée/infection généralisée Infection aiguë/infection chronique Diagnostic d une infection virale au laboratoire Diagnostic direct Diagnostic sérologique Traitement des infections virales Mécanisme d action Limites Prévention individuelle et communautaire des infections virales Notions sur les prions (agents transmissibles non conventionnels)
Définition et structure des virus
Définition d'un virus (I) Entité biologique simple Structure spécifique de la particule virale (ou virion) génome : un acide nucléique et un seul, ARN ou ADN capside : ensemble de protéines associées au génome enveloppe (pour les virus enveloppés) : couche lipidique de surface dérivée des membranes cellulaires
Définition d'un virus (II) Cycle de multiplication intracellulaire nécessité absolue d infecter une cellule qui fournit l'ensemble des précurseurs moléculaires, de la machinerie de synthèse et des sources d'énergie multiplication par un processus de réplication : l'ensemble des composants viraux est synthétisé de novo à partir du seul message génétique viral sans changement de taille et sans processus de division => Cellule infectée : autre forme du virus
Structure de la capside Symétrie cubique (icosaèdre) Symétrie hélicoïdale Protéines de capside Acide nucléique
Poliovirus : exemple de virus nu OMS-Genève
Virus herpes simplex : exemple de virus enveloppé Source : www.stanford.edu/group/virus/1999/inesicle/herpesvirus.html
Structure d un virion Glycoprotéines de l enveloppe Enveloppe Virus nu Haute résistance aux agents chimiques (détergents,.) et physiques (chaleur, radiations ionisantes...) Capside Génome viral Virus enveloppé Faible résistance aux agents chimiques (détergents,.) et physiques (chaleur, radiations ionisantes...)
Cycle cellulaire viral et conséquences pathologiques
Cycle de multiplication intracellulaire d un virus Entrée du virus Protéines (structurales et non structurales) Transcrits Libération du virus Copies de génome
Cycle du VIH ARN VIRUS ARN CD4 CXCR4 / CCR5 ARN VIRUS PROVIRUS Protéines ADN ADN ARNm ARN
Cycle productif des herpèsvirus ADN ARNm Protéine
Latence des herpèsvirus Protéines de latence ADN Transcrits de latence ARNm Protéine
Devenir de la cellule infectée Infection productive (ou lytique) expression de tous les gènes viraux mort cellulaire production virale +++ Infection abortive pas d expression des gènes viraux (cellule non permissive, virus défectif) survie cellulaire pas de production virale Infection persistante (ou chronique) expression de quelques gènes survie cellulaire ± modifications (un cas particulier : la transformation cellulaire -> cancer) production virale ±
Modes de transmission des virus
Relation structure mode de transmission Virus nus : résistant bien dans le milieu extérieur transmis par voie interhumaine directe, ou par voie indirecte après séjour prolongé dans le milieu extérieur aussi bien en saison chaude qu en saison froide Virus enveloppés (sauf exceptions) fragiles et rapidement inactivés dans le milieu extérieur transmis essentiellement par voie interhumaine directe transmis préférentiellement pendant les saisons froides (virus respiratoires par exemple)
Epidémiologie des entérovirus (virus nus) Pr Hélène Peigue- Lafeuille, Virologie médicale ESTEM 2003
Voies de transmission virale Transmission Virus Aérienne Orale Muqueuse Parentérale Materno- (non orale) infantile Grippe + - - - - Virus respiratoire + ± + - - syncytial Hépatite A - + - + - Hépatite B - ± + + + VIH - - + + + Cytomégalovirus - - + + +
Transmission du virus grippal Transmission du virus par aérosols, gouttelettes et contact Cas particulier de la transmission des virus grippaux aviaires : déjections, plumes, viande crue, eau souillée,...) Production dans les sécrétions respiratoires pendant 5-10 jours, occasionnellement jusqu à 21 jours (enfants). période de production virale constamment plus longue dans le cas des souches aviaires (enfants et adultes) Thierry May et al., 2009
Grippe A: zoonose et transmission inter-espèces
Infection virale de l organisme humain
Multiplication du virus dans l organisme Entrée Développement de l infection Multiplication primaire (porte d entrée) Développement de l infection (organe cible) Excrétion Persistance éventuelle Inhibition non spécifique Réponse immune Immunité résiduelle Réponse de l hôte
Infections localisées et infections généralisées Infection localisée porte d entrée et organe cible identiques (ou contigus) incubation courte (quelques jours) signes cliniques localisés exemples : grippe, verrues, herpès oculaire Infection généralisée organe cible à distance de la porte d entrée incubation longue (plusieurs semaines) diffusion par voie sanguine, lymphatique, nerveuse signes cliniques dépendant de l organe cible exemples : hépatite A, infection à VIH
Défenses antivirales de l organisme (I) Barrières physiques non spécifiques peau : imperméable aux virus (si peau saine) muqueuses : sécrétion de mucus, ph extrêmes, enzymes protéolytiques, mouvements ciliaires apoptose des cellules initialement infectées à la porte d entrée Réaction inflammatoire apport de cellules et de molécules effectrices sur le site de l infection : phagocytose, mise en action de l immunité innée
Défenses antivirales de l organisme (II) Immunité naturelle (ou innée) non spécifique, à large spectre, immédiatement disponible distinguant essentiellement le soi du non-soi cellules activables rapidement : macrophages, cellules NK molécules sécrétées à court terme : interférons Immunité spécifique (ou acquise) spécifique de chaque virus fonctionnant sur la reconnaissance des antigènes viraux apparition retardée de plusieurs jours ou semaines efficacité prolongée (mémoire immunitaire) immunité humorale : anticorps immunité cellulaire : cellules présentatrices d antigène, lymphocytes T, lymphocytes B
Profils évolutifs des infections virales Anticorps Détection virale Signes cliniques Infection aiguë (ex : entérovirus) Infection chronique latente avec réactivations (ex : herpes simplex) 0 Temps Infection chronique persistante (ex : VIH, virus hépatite C)
Action du virus de la grippe sur l épithélium respiratoire Virologie médicale ESTEM 2003
Virus herpes simplex : physiologie de l infection Peau, muqueuse Nerf sensitif Ganglion nerveux sensitif Primo-infection Latence Réactivation
Gingivostomatite à virus herpes simplex Collection Wellcome
Herpès labial récidivant Collection Wellcome
Panaris herpétique Atlas en couleurs des maladies infectieuses RTD Emond. Maloine SA 1978
Kératite herpétique Superficielle Stromale Collection Wellcome Joseph Colin, Bordeaux
Encéphalite herpétique
Sujets à risque pour des infections virales graves Ages extrêmes Nouveau-nés, nourrissons, enfants Sujets âgés Maladie aiguë avec défaillance polyviscérale Maladie chronique invalidante Cancer Maladie métabolique : diabète, insuffisance hépatique ou rénale Maladie cardiopulmonaire Immunodépression Congénitale Acquise : traitement par les corticostéroïdes ou anticancéreux, infection à VIH, tumeurs du tissu lymphoïde Grossesse
Diagnostic d une infection virale au laboratoire
Diagnostic virologique Virus Réponse immunitaire humorale Diagnostic direct Mise en évidence du virus ou des constituants viraux Diagnostic indirect Mise en évidence des anticorps spécifiques (sérologie) Visualisation des particules virales en microscopie électronique Isolement viral en culture de cellules Détection d antigènes viraux Détection / quantification du génome viral Détection des IgG et des IgM par des tests immunoenzymatiques
Détection de rotavirus en microscopie électronique
Témoin Isolement du virus herpes simplex en culture cellulaire ECP
Détection du virus herpes simplex en immunofluorescence
Amplification génique (PCR) ARN Transcription inverse N cycles ADN Amorces Produits amplifiés
Diagnostic sérologique de la mononucléose infectieuse
Diagnostic sérologique de l infection à VIH : Western blot gp160 gp120 p66 p51 gp41 p32 p24
Diagnostic virologique : pourquoi faire? Intérêt individuel du malade : notion de gravité Diagnostic positif : pronostic, traitement Diagnostic différentiel : éliminer une autre maladie Suivi de l infection : pronostic, efficacité du traitement Intérêt collectif Détection d une épidémie Suivi et/ou traitement préventif d une tierce personne : accident d exposition au sang, infection nosocomiale Intérêt cognitif Nécessité d études sous protocole
Diagnostic virologique : Prélèvements Précoces comment? Adaptés à la question posée et à l étiologie suspectée Selon des règles techniques précises (prélèvement, identification, renseignements cliniques, transport ) Examens virologiques Adaptés à la question posée Directs et/ou indirects Orientés vers une étiologie plus ou moins précise Effectués selon plusieurs approches Impossibilité et inutilité d avoir une approche exhaustive
Traitement des infections virales
Inhibiteurs de réplication du VIH ARN Inhibiteurs de fixation et de pénétration ARN CD4 CXCR4 / CCR5 Inhibiteurs de protéase ARN Inhibiteurs de transcriptase inverse ADN Inhibiteurs d intégrase ADN Protéines ARN m ARN
Limites de la chimiothérapie antivirale Spécificité d action en général étroite Nécessité d un diagnostic étiologique précis Pas de thérapie à large spectre Limites de l activité antivirale Difficulté à contrôler la réplication à haut niveau Impossibilité à éradiquer l infection latente Emergence de la résistance Interactions pharmacologiques Toxicité cellulaire Coût
Echantillons biologiques Culture Sensibilité et résistance aux Virus 1 antiviraux Culture en présence d antiviral 0 C1 C2 C3 C4 Isolats viraux Virus 2 Réplication virale (virus, antigènes, ADN) 100% 50% Concentration d antiviral Virus 1 Virus 2 CI50 du virus 1 CI50 du virus 2
Détection génétique de la résistance Echantillon biologique Extraction du génome viral Gène cible porteur de mutations Hybridation avec sondes spécifiques des mutations Interprétation de la présence des mutations en termes de résistance (algorithmes) PCR Détermination de séquence nucléotidique
Progrès de la chimiothérapie antivirale Associations d antiviraux Dirigés contre la même cible Dirigés contre des cibles différentes Modulation pharmacologique Antiviraux entre eux : inhibiteurs de protéase Avec autres molécules : hydroxyurée Développement de promédicaments Valaciclovir -------> aciclovir Valganciclovir -------> ganciclovir Nouvelles cibles thérapeutiques Autres enzymes ou composants viraux : ARN (ribozymes), ADN (oligonucléotides) Composants cellulaires indispensables au fonctionnement viral : récepteurs, enzymes
Prévention individuelle et communautaire des infections virales
Facteurs de risque des infections nosocomiales virales Regroupement dans un espace géographique limité (l hôpital) Sujets infectés (sujets sources) Sujets réceptifs (sujets exposés) Susceptibilité accrue aux infections virales due à : Sévérité des maladies sous-jacentes (cancer, diabète, VIH,..) Effets secondaires des traitements (immunosuppresseurs, ) Ages extrêmes (nouveau-nés, vieillards) Multiplication des procédures agressives et des prélèvements Diagnostic Traitement Conditions de travail (parfois) difficiles exposant à : Dérive des pratiques lors des soins Observance diminuée des règles d hygiène Accident d exposition aux liquides biologiques
Prévention des infections nosocomiales virales: procédures non spécifiques Précautions standard pour la prévention des infections transmissibles par le sang, les tissus ou les fluides biologiques Nettoyage, désinfection (avec des produits virulicides) et stérilisation des dispositifs recyclables Précautions accrues et codifiées pour la gestion des infections suspectées par des agents très pathogènes (ex : virus des fièvres hémorragiques, grippe H5N1) Toutes ces procédures ont l avantage d être efficaces contre un très large spectre d agents infectieux, pas seulement les virus
Précautions standard pour la manipulation des produits biologiques (I) Protection individuelle Gants, surblouse, lunettes, masque Hygiène des mains : lavage (point d eau à commande à pied), application d antiseptiques (distributeur de solutés hydroalcooliques) Pansements étanches sur plaies cutanées Dispositif de lavage oculaire Mesures d hygiène : ne pas manger, ne pas fumer, ne pas se maquiller, attention à la manipulation des combinés téléphoniques Matériel et gestes techniques adaptés Tubes à fermeture hermétique Conteneur pour aiguilles et lames usagées (ne pas recapuchonner) Pipettes électriques (ne pas pipeter à la bouche) Décontamination des surfaces de travail et du matériel recyclable avec produits désinfectants
Produits virucides courants Produit Utilisation Activité virucide Commentaires Hypochlorite de sodium (Javel, Dakin) Désinfectant Antiseptique Virus nus et enveloppés Nécessite solution fraîche Activité inhibée par de grandes quantités de produits organiques Glutaraldéhyde Désinfectant Virus nus et enveloppés Solution à renouveler en fonction du nombre d utilisations Dérivés iodés (alcool iodé, polyvinylpirrolidone) Antiseptique Virus enveloppés et certains virus nus Activité inhibée par de grandes quantités de produits organiques Ethanol à 70% Antiseptique Virus enveloppés Activité discutée contre le virus de l hépatite B Ammoniums quaternaires (détergents) Antiseptique Certains virus enveloppés Activité inhibée par de grandes quantités de produits organiques
Précautions standard pour la manipulation des produits biologiques (II) Transport sécuritaire des prélèvements Emballages de sécurité étanches Envoi séparé des feuilles de demandes Gestion et évacuation des déchets Décontamination du matériel jetable Récipients adaptés au mode de stérilisation Respect des circuits d élimination Signalisation du risque biologique
Prévention des infections nosocomiales virales : procédures spécifiques Diagnostic et contrôle des sources d infection Isolement (si pertinent) des personnes infectées Exclusion temporaire d une activité à risque pour le personnel infecté Exclusion du don d organe ou de sang Traitement antiviral spécifique quand il est disponible Désinfection spécifique des instruments, dispositifs, équipements et surfaces contaminés Protection des sujets exposés Vaccins : grippe, VZV, rougeole, HBV, HAV, rage Immunoglobulines anti-rsv, -HBV, -VZV Chimiothérapie préventive : grippe, HIV, HSV, CMV, VZV (traitement des expositions accidentelles)
Conduite à tenir en cas d accident d exposition à un liquide biologique Pour les projections, laver les muqueuses abondamment à l eau courante ou au sérum physiologique. Pour les piqûres et blessures, laver à l eau avec savon, puis mettre en contact plusieurs minutes avec un produit antiseptique à action virucide. Prendre un avis médical (Médecin référent, Médecin du travail) pour une éventuelle prophylaxie spécifique (VIH, HBV, HCV) Déclarer l accident.
Virus «émergents» au cours des vingt dernières années HIV-1 1983 HIV-2 1986 HHV-6 1986 HCV 1988 HHV-7 1990 HEV 1990 Guanarito 1991 Sin Nombre 1993 HHV-8 1994 Sabiá 1994 Hendra 1994 GBV-C 1995 Andes 1996 ABL (lyssavirus) 1996 TT-V 1997 Nipah 1999 SEN-V 2000 hmpv 2001 Monkeypox 2003 CoV-SARS 2003 Grippe aviaire H7N7 2003 Grippe aviaire H5N1 2004 Chikungunya 2005 Cowpox 2009 Grippe H1N1 pandémique 2009
En résumé Structure et propriétés particulières des virus Transmission et pathogénicité des virus liées à : Structure des virus Physiopathologie de l infection virale au niveau de la cellule et au niveau de l organisme Exposition : vie quotidienne, soins, laboratoire Susceptibilité de la personne exposée Intérêt du diagnostic virologique Approche directe et indirecte Indications et techniques à respecter Efficacité et limites des traitements antiviraux Prévention par des mesures non spécifiques : Protection personnelle, hygiène individuelle Précautions standard Prévention par des mesures spécifiques : Sélection des donneurs Vaccination Chimioprophylaxie