Mécanismes d action des antibiotiques, Mécanismes de résistance des bactéries aux antibiotiques

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Mécanismes d action des antibiotiques, Mécanismes de résistance des bactéries aux antibiotiques I. GENERALITES 1. Historique. Définitions Découverte de la pénicilline G par Fleming en 1928 Usage clinique de la pénicilline G : 1938-1942 Caractéristiques générales : - A l origine : antibiotiques (ATB) = agents antibactériens naturels d origine biologique élaborés par des champignons et diverses bactéries. Ex : pénicilline G élaborée par Penicillium notatum. - Actuellement, la plupart sont des dérivés semisynthétiques ou synthétiques. - Toxicité sélective directement liée à leur mécanisme d action - Effet lent (quelques heures) - A concentration faible (mg/l) Antiseptiques et désinfectants - Agents antibactériens chimiques - Toxicité brutale et peu sélective - Action rapide - Concentration généralement élevée Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 1

2. Classification 2.1 Principe Familles - Structure chimique de base commune - Même mécanisme d action Groupes et sous-groupes - Spectres d activité différents Antibiotiques séparés (à l intérieur des groupes) - Propriétés pharmacologiques - Tolérance 2.2 Nature chimique Souvent une structure de base Ex : famille des -lactamines : cycle -lactame Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 2

Ex : famille des aminosides : «sucres aminés» Ex : famille des macrolides : «macro olide» Ex : famille des tétracyclines : quatre cycles 2.3 Mécanisme d action Très variable. Sa connaissance permet de comprendre les mécanismes de résistance naturelle et acquise des bactéries aux antibiotiques. Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 3

(adapté d après A. Philippon, 2000, www.microbes.org) 2.4 Modalité d action Bactériostase : nombre de bactéries viables après un temps d incubation donné avec un ATB < à celui observé en l absence d ATB (témoin) ralentissement ou arrêt de la croissance bactérienne quantifiable par la Concentration Minimale Inhibitrice (CMI, mg/l). CMI = Plus faible concentration d'antibiotique pour laquelle il n'y a pas de croissance visible de la souche bactérienne étudiée, les conditions de culture étant standardisées. Bactéricidie : nombre de bactéries tuées après un temps d incubation donné avec un ATB < à celui déterminé au temps T0 arrêt de la croissance avec mortalité quantifiable par la Concentration Minimale Bactéricide (CMB, mg/l). CMB = Plus faible concentration d'atb pour laquelle l'effet bactéricide souhaité est de 99,99 %, les conditions de culture étant standardisées. Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 4

2.5 Spectre d activité = Liste des espèces sur lesquelles les ATB sont susceptibles d agir. Large : action sur la majorité des espèces pathogènes Gram (+) et Gram (-) Etroit : antistaphylococciques, antituberculeux. Il dépend : - résistances (R) naturelles des espèces - R acquises des souches qui limitent leur spectre initial. Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 5

Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 6

II- MECANISMES D ACTION Très variable. Différents mécanismes. (adapté d après Antibiotics, 2003, ASM Press) Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 7

1. ATB inhibant la biosynthèse de la paroi bactérienne 1.1 Rappel sur la paroi bactérienne Différente chez les bactéries Gram (+) et (-). Constituant commun, spécifique au monde bactérien, le peptidoglycane (PG) forme et rigidité. - bactéries à Gram (+), (BGP) : PG très épais, le constituant le plus externe. - bactéries à Gram (-), (BGN) : PG plus fin, entouré par la membrane externe. GRAM+ GRAM- (adapté d après A. Philippon, 2000, www.microbes.org) Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 8

a) Differentes molécules 1.2 Les bêta-lactamines Noyau de base : cycle bêta-lactame, indispensable à l activité ATB. Molécules réparties en groupes selon la nature des cycles et/ou des radicaux : Pénicillines Céphalosporines Carbapénèmes Monobactames Clavames (adapté d après Antibiotics, 2003, ASM Press) Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 9

Les pénicillines - Pénicillines G : spectre étroit : BGP et cocci Gram (-). -Pénicilline M : pénicilline anti-staphylococcique, ex : méticilline. -Pénicillines A : aminopénicillines, spectre de la péni G élargi à certaines BGN. - Carboxypénicillines, uréidopénicillines : pénicillines à large spectre actives sur Pseudomonas aeruginosa. Les associations inhibiteurs de -lactamases (clavames) + -lactamines Ex : acide clavulanique Squelette dérivé des pénicillines. Activité antibactérienne très faible, mais forte affinité pour les -lactamases dont elle inhibe l activité. Utilisé en association avec l amoxicilline (Augmentin ) Les céphalosporines Intérêt : activité sur les BGN. Divisées en trois générations : céphalosporines de 1 ère génération (C1G), 2 ème génération (C2G), 3 ème génération (C3G) Degré d activité et spectre sur BGN : C1G<C2G<C3G. Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 10

Les carbapénèmes Imipénème : spectre le plus large parmi les - lactamines, très stable vis-à-vis des -lactamases. b) Mécanisme d action Pénicilline PG = Structure tridimensionnelle, réticulée constituée de chaînes polyosidiques (glycane) reliée entre elles par de courtes chaînes peptidiques (tétrapeptides). - Cible = les Protéines Liant les Pénicillines dont le nombre et la nature varient selon les espèces bactériennes. Fixation des -lactamines sur les PLP par analogie structurale. Affinité variable des -lactamines pour les PLP. Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 11

- Inhibition de la dernière étape de la synthèse du PG (formation des ponts peptidiques) actives sur les bactéries en phase de croissance. - PLP, enzymes intervenant dans la synthèse du PG pour la : - synthèse des chaînes polysaccharidiques (glycosyltransférases) - synthèse des ponts peptidiques (transpeptidases, carboxypeptidases). - autolysines (glycosidases, amidases, endopeptidases) responsables d une activité de «finition». Equilibre entre activités enzymatiques de constructions (glycosyltransférases, transpeptidases, carboxypeptidases) et de réarrangements (autolysines). - Effet direct des -lactamines : formation de sphéroplastes, de filaments avec arrêt de la croissance bactérienne = bactériostase. - Effet indirect des -lactamines : bactéricidie par mise en jeu et activation des autolysines bactériennes ( PLP). Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 12

Ex : vancomycine. 1.3 Glycopeptides Action sur la dernière étape de la synthèse du PG Inhibition par encombrement stérique des enzymes. ATB lentement bactéricides sur les BGP mais inactifs sur les BGN (molécules hydrophiles trop volumineuses pour traverser la membrane externe). Infections sévères à staphylocoques méticilline-r et entérocoques. 1.4 Fosfomycine ATB naturel à large spectre. Franchissement mb cytoplasmique par transport actif. Action au début de la synthèse du PG. 2. ATB actifs sur les membranes = Polymyxines ex : colistine. Cible = membranes lipidiques (mb externe et cytoplasmique) désorganisation mort rapide des bactéries = bactéricidie. Actif sur bactéries en repos (phase stationnaire), sur les BGN. Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 13

3. ATB inhibant la biosynthèse des protéines 3.1 Rappels sur la synthèse des protéines (adapté d après De l antibiogramme à la prescription, 2000, Editions biomérieux) s/u 30S : tétracyclines, aminosides s/u 50S :MLSK, chloramphénicol, oxazolidinones, acide fusidique Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 14

3.2 Les tétracyclines Structure : substitutions portées par les 4 cycles Ex : Tétracycline, doxycycline Mécanisme d action : - Fixation s/u 30S (ARNr 16S) inhibition de la fixation du complexe aa-arnt sur le site aminé A du ribosome inhibition synthèse protéique. - Bactériostatiques. Spectre large : nombreuses BGP et BGN, mycoplasmes, chlamydiae mais nombreuses résistances et risque de déséquilibre de la flore. 3.3 Les aminosides Molécules les plus courantes Amikacine, gentamicine Mécanisme d action - Pénétration de l ATB : transport actif grâce aux enzymes de la respiration bactérienne (O 2 ) les bactéries anaérobies stricts ou facultatifs mais à dominante anaérobie (streptocoques) dépourvues de ces enzymes (catalase, oxydase, cytochrome oxydase) sont insensibles aux aminosides. - Fixation sur la s/u 30S (ARNr 16S) Inhibition de la translocation. - Bactéricides Spectre large. Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 15

3.4 Macrolides, lincosamides, streptogramines, kétolides = MLSK Structure différente pour les différentes familles mais mécanismes d action similaire. Molécules : Macrolides : érythromycine, azithromycine Lincosamides Streptogramines Kétolides Mécanisme d action Fixation sur la s/u 50S (ARNr 23S) inhibition élongation, erreurs de lecture, interruption prématurée de la traduction du polypeptide inhibition synthèse protéique. Bactériostatiques. Spectre : Actifs sur les BGP mais pas sur les BGN (ne franchissent pas la mb externe). Actifs sur les bactéries atypiques : mycoplasmes, chlamydiae, légionnelles Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 16

4. ATB inhibant la biosynthèse ou les fonctions des AN Quinolones, sulfamides et triméthoprime, rifampicine. Molécule : ofloxacine Mécanisme d action 4.1 Fluoroquinolones Blocage de la synthèse de l ADN au niveau de 2 enzymes bactériennes ayant un rôle essentiel dans la réplication : ADN gyrase Topoisomérase IV Inhibition de la réplication. Bactéricides. Spectre Etroit pour quinolones : entérobactéries. Large pour fluoroquinolones : BGN, BGP. 4.2 Sulfamides et triméthoprime Mécanisme d action : inhibition de la synthèse des folates. - Folates : rôle dans la synthèse des acides nucléiques. Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 17

- Inhibition compétitive des enzymes de la biosynthèse de l acide tétrahydrofolique, précurseur des bases puriques et pyrimidiques. - Sulfamides (Su) et triméthoprime (TMP) inhibent chacun une étape différente de cette synthèse blocage de l enzyme. - Su et TMP seules : bactériostase. Association des 2 : cotrimoxazole (Bactrim ), bactéricide. (adapté d après De l antibiogramme à la prescription, 2000, Editions biomérieux) Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 18

4.3 Rifampicine Inhibition de la transcription de l ADN en ARNm par inhibition de l ARN polymérase ADN dépendante. Antituberculeux majeur. Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 19

III- MECANISMES DE RESISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES - Problème de santé publique - ATB : bien durable, à protéger! - Tant en milieu communautaire qu en milieu hospitalier - Résistance connue - pour toutes les familles d ATB - pour toutes les espèces bactériennes Antibiotique Année de lancement Apparition de résistance Sulfonamides 1930s 1940s Pénicillines 1943 1946 Streptomycine 1943 1959 Chloramphénicol 1947 1959 Tétracycline 1948 1953 Erythromycine 1952 1988 Vancomycine 1956 1988 Méticilline 1960 1961 Ampicilline 1961 1973 Céphalosporines 1960s Fin des années 1960 1. Caractéristiques de la résistance bactérienne Emergence rapide après introduction des ATB Fréquence en, variable selon l ATB Résistance transférable (gènes plasmidiques ou gènes mobiles sur transposon, intégron) Diffusion épidémique de certains gènes de résistance Addition de mécanismes de résistance (BMR) Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 20

2. Principaux types de résistance 2.1 Résistance naturelle Caractéristique d'un genre ou d une espèce (toutes les souches) = caractère normal ou «sauvage» du phénotype Définit le spectre clinique d un ATB Sur le chromosome bactérien transmission verticale Mécanismes variables (exemples) 2.2 Résistance acquise Propre à certaines souches d une espèce Proportion variable dans le temps Acquisition d'un ou plusieurs mécanismes de résistance phénotype anormal, résistant Transmission horizontale possible (plasmides, Tn) Espèces les plus concernées : staphylocoques, pneumocoques, bacilles Gram (-) Existe aussi pour des espèces habituellement sensibles. Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 21

3. Support génétique de la résistance 3.1 Mutations affectant des gènes préexistants Evènement rare (10-6 à 10-10 ), spontané, stable, héréditaire, de transmission verticale. Peuvent concerner tous les gènes (structure et régulation), chromosomiques ou plasmidiques. Exemples : mutations d une porine (imperméabilité), de l ADN gyrase, d une protéine ribosomique, de l ARN polymérase. La plus souvent une mutation confère la résistance à un ATB ou à une famille d ATB (indépendance et spécificité des mutations). Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 22

L ATB n est pas mutagène mais sélectionne les rares mutants résistants au sein d une population bactérienne sensible. Conséquences : nécessité d associer des ATB dans certains cas : - tuberculose - pour ATB à forts taux de mutation : quinolones, rifampicine, fosfomycine, acide fusidique 10-20% de la résistance 3.2 Résistance par acquisition de gènes 80-90% de la résistance Mise en évidence Shigella multi-r au Japon dans les années 55-60 Facteur de transfert de résistance R : transfert à partir d une autre espèce (E. coli) structure : plasmide Caractéristiques 3 mécanismes de transfert horizontal : transformation, conjugaison, transduction Apport d information génétique exogène via des éléments génétique mobiles : plasmides, transposons, («gènes sauteurs») ou intégrons («cassettes de gènes de résistance», bactéries à Gram (-)) Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 23

- plasmide : élément extra-chromosomique, sous forme libre (ADN circulaire double-brin) - transposon (Tn), intégron : sur chromosome ou plasmide, pas sous forme libre Présence de plasmides : Gènes codant pour la réplication autonome et éventuellement le transfert Gènes codant pour la résistance à 1 ou plusieurs ATB, souvent situés sur un transposon ou sur un intégron. Transmission horizontale des plasmides par conjugaison (Gram (-)), transduction (Gram (+)), spécificité d hôte étroite ou large Bactéries concernées : toutes sauf mycobactéries ATB concernés : tous sauf polymyxines, furanes Notion de pression de sélection des ATB Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 24

4. Mécanismes biochimiques de la résistance Plusieurs catégories : Blindage (points 4.1 et 4.2) Empêcher l accès de l ATB à sa cible Brouillage (point 4.3) Inactiver l ATB et le rendre inoffensif Camouflage (point 4.4) Modifier la cible de l ATB et la rendre insensible à son action 4.1 Défaut de pénétration de l ATB : BGN (adapté d après A. Philippon, 2000, www.microbes.org) - Les ATB hydrophobes passent par le LPS. - Les ATB hydrophiles de petite taille passent par les porines. Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 25

Résistance naturelle aux ATB hydrophiles ou de masse moléculaire élevée (macrolides, glycopeptides), actifs sur BGP. Résistance acquise par altération des porines à des ATB de petite taille et hydrophiles ( -lactamines, fluoroquinolones). 4.2 Défaut d'accumulation de l'atb par efflux actif Peut concerner plusieurs ATB («Multi Drug Resistance» ou MDR) : fluoroquinolones, tétracyclines, -lactamines, aminosides etc ou système spécifique d une famille d antibiotiques. Efflux actif énergie-dépendant (2 familles suivant la source d énergie) Différentes pompes MDR bactériennes: 2 classes EXT H + H + OprM MexA Mb externe ATP ADP+Pi LmrA ATB NorA ATB MexB ATB Mb interne INT L. lactis S. aureus P. aeruginosa Transporteur «ATP Binding Cassette» Transporteurs utilisant la Force Proton Motrice Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 26

Systèmes de protéines transmembranaires +/- complexes exportant les ATB en dehors de la bactérie. 4.3 Inactivation enzymatique de l ATB ++ 4.3.1 Hydrolyse : Exemple des - lactamases hydrolysant les -lactamines Nombreuses -lactamases classification suivant le déterminisme génétique, le spectre d'hydrolyse etc Hydrolyse et ouverture du cycle -lactame (adapté d après Bacteria versus antibacterial agents, 2003, ASM Press) Plusieurs variétés, exemples : - pénicillinases RA aux pénicillines G, A chez S. aureus - -lactamase à spectre étendu (BLSE) RA aux pénicillines et à toutes les céphalosporines Escherichia coli, Klebsiella pneumoniae, Enterobacter aerogenes (hôpital+++) Marqueur d'infection nosocomiale. Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 27

4.3.2 Modification chimique : Exemple des enzymes modifiant les aminosides Phosphorylation (APH), nucléotidylation (ANT), acétylation (AAC) des aminosides par des transférases. 4.4 Défaut d affinité de la cible de l ATB 4.4.1 Modification du site d action de l ATB Exemple des PLP : -lactamines - Altération des protéines de liaison aux pénicillines (PLP) rendant la bactérie insensible aux - lactamines. Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 28

S. aureus = S. aureus résistants à la méticilline (SARM) : acquisition d une PLP additionnelle, appelée PLP2a ou PLP 2, de très faible affinité pour la méticilline et toutes les autres -lactamines. PLP2a codée par le gène meca intégré dans le chromosome. Origine inconnue, probable transmission horizontale d autres espèces de staphylocoques. Pneumocoques de sensibilité diminuée aux pénicillines (PSDP) Modification des PLP (PLP 1a, 2x, 2a, 2b) entraînant une diminution d affinité des -lactamines pour les PLP. Réarrangement des gènes de structure après acquisition de matériel exogène par transformation. PLP altérées codées par des gènes «mosaïques» avec des blocs de séquences «sensibles» remplacés par des blocs de séquences «résistantes» provenant de streptocoques non groupables, commensaux. (adapté d après A. Philippon, 2000, www.microbes.org) Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 29

4.4.2 Protection de la cible Protection du ribosome dans la résistance aux tétracyclines par la protéine Tet(M) la cible n est plus accessible. En résumé, de la nature de ce mécanisme, dépendent : - le niveau de résistance - plusieurs mécanismes de résistances possibles pour un même ATB - la résistance croisée ou non entre ATB de même famille ou de famille différente Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 30

IV. EXPLORATION DE LA SENSIBILITE DES BACTERIES AUX ANTIBIOTIQUES 1. La CMI 1.1 Définition CMI = Plus faible concentration d'antibiotique pour laquelle il n'y a pas de croissance visible de la souche bactérienne étudiée, les conditions de culture étant standardisées. (adapté d après A. Philippon, 2000, www.microbes.org) Ici, CMI = 4 mg/l 1.2 Interprétation Choix des antibiotiques à tester : choisis selon leur spectre (1 ATB d'un groupe peut répondre pour 1 autre du même groupe). En pratique quotidienne: choix de 10 (en ville) à 30 antibiotiques (en milieu hospitalier) selon la prise en compte de l'examen morphologique (cocci, bacilles, Gram (+), Gram (-) etc ). Bactéries sensibles, résistantes, intermédiaires = catégories cliniques Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 31

Les souches S sont celles pour lesquelles la probabilité de succès thérapeutique est acceptable effet thérapeutique dans le cas d'un traitement à dose habituelle par voie générale. Les souches R sont celles pour lesquelles il existe une forte probabilité d'échec thérapeutique pas d effet thérapeutique quel que soit le traitement. Les souches I sont celles pour lesquelles le succès thérapeutique est imprévisible. Elles forment un ensemble hétérogène pour lequel la seule valeur de la CMI n'est pas prédictive. Comparaison des CMI avec les concentrations d ATB obtenues dans le sérum (concentrations critiques c et C) Ex : gentamicine 4 µg 8 µg/ml CMI 4 (c) Sensible CMI > 8 (C) Résistante 4 < CMI 8 Intermédiaire (adapté d après A. Philippon, 2000, www.microbes.org) c= concentration critique inférieure, correspondant à la concentration sérique d ATB après une dose usuelle Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 32

C= concentration critique supérieure, correspondant à la concentration sérique d ATB après une dose maximale tolérée 1.3 Méthodes d exploration Standardisées a) Détermination directe de la CMI Méthodes de dilution en milieu liquide Tubes, microplaques Automatisées Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 33

Méthodes de dilution en milieu gélosé b) Méthodes de diffusion en milieu gélosé Méthode des disques ou antibiogramme Principe disque d ATB Réalisation Gradient d ATB dans la gélose 1 : ensemencement 2 : Dépôt des homogène disques Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 34

disque d ATB Croissance 18 h à 37 C Mesure du diamètre zone d inhibition Interprétation : mesure du diamètre Interprétation précise : courbe de concordance, préétablie à l avance pour chaque ATB et chaque espèce bactérienne Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 35

S I R diamètre en mm (D) 16 (d) 14 Courbe de concordance Diamètres critiques 0,5 1 2 4 8 16 32 CMI (mg/l) (c) (C) S I R Concentrations critiques En pratique courante : les diamètres permettent de catégoriser la bactérie vis-à-vis de l ATB testé. EX : Gentamicine 16 mm sensible < 14 mm résistant 14 < 16 mm intermédiaire Lecture automatisée Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 36

E-test Gradient de concentrations d ATB dans une bandelette plastifiée Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 37

2. La CMB 2.1 Définition CMB = Plus faible concentration d'atb pour laquelle l'effet bactéricide souhaité est de 99,99 %, les conditions de culture étant standardisées. Nombre de survivants 0,01% inoculum, après 18h à 37 C. 2.2 Applications pratiques Intérêt de la bactéricidie - infections sévères - infections chroniques - sujets immunodéprimés ATB bactériostatiques et bactéricides Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 38

CMI << CMB, CMB/CMI = 4-16 : bactériostatiques tétracyclines, macrolides chloramphénicol CMI CMB, CMB/CMI = 1-2 : bactéricides lactamines aminosides polymyxines fluoroquinolones 3. Associations d antibiotiques 3.1 Indications - Bactérie inconnue : élargissement du spectre - Risque sélection mutants R - Infection à plusieurs bactéries - Meilleur effet thérapeutique - Moindre toxicité 3.2 Règles de Jawetz 1) Association de 2 ATB bactéricides = effet synergique 2) Association de 2 ATB bactériostatiques = effet additif 3) Association de 1 ATB bactéricide et 1 ATB bactériostatique = effet antagoniste 3.3 Techniques d exploration - papiers croisés - méthodes en microplaques Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 39

Ex : Association d antibiotiques étudiée par diffusion en gélose au moyen de 2 bandelettes A et B imprégnées d ATB Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 40

Associations d antibiotiques Pénicillines ou + Aminosides Synergie Céphalosporines Pénicillines ou Céphalosporines + Chloramphénicol ou Tétracyclines ou Macrolides ou Rifamycine Antagonisme V. METHODES BACTERIOLOGIQUES DE SURVEILLANCE D UN TRAITEMENT ANTIBIOTIQUE Dosages d antibiotiques Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 41

Etude du pouvoir bactériostatique et bactéricide du sérum Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 42

CONCLUSION Nombreux mécanismes de résistance, mobilisation et échange des gènes de résistance, modulation de l expression de ces gènes ou modification par mutations. En augmentation du fait de la pression de sélection par l utilisation des ATB sur les flores bactériennes. Apparition de bactéries multirésistantes (BMR) Pb en milieu hospitalier : infections nosocomiales Traitement limité. Nécessité : - d explorer la sensibilité des bactéries aux ATB (antibiogramme) - d avoir une utilisation rationnelle des ATB - surveiller l émergence des souches résistantes. Recherche de nouveaux agents antibactériens - Cribler des substances naturelles - Bloquer les mécanismes de résistance des bactéries aux antimicrobiens actuels - Identifier de nouvelles cibles bactériennes (apport du séquençage des génomes ++) Cécile Bébéar UE «de l agent infectieux à l hôte» 2015 43