Le journal d information du BRGM

GÉOPHYSIQUE AÉROPORTÉE Une auscultation du sous-sol depuis le ciel page 4 MODÈLES GÉOLOGIQUES EN 3D De la représentation à la simulation page 8 Le journal d information du BRGM N 22 > juin 2010

ÉDITO La géologie au service de la société C est la compétence «historique» du BRGM depuis plus de cinquante ans : acquérir, valoriser et diffuser l information géologique. Avec l émergence du concept de développement durable et les questions sociétales et environnementales qui lui sont liées, cette expertise a trouvé un intérêt renouvelé et de nouveaux domaines d applications. L aménagement du territoire, la pollution des sols, le stockage géologique de CO2, une meilleure gestion des ressources en eau et des ressources minérales, la prévention des risques naturels, et même la qualité des paysages sont en effet autant de domaines où les géosciences sont d un apport essentiel. Avec ses programmes de recherche, les campagnes d acquisition notamment géophysiques qu il conduit, le formidable capital de données constamment enrichi dont il assure la gestion, le BRGM dispose de l information la plus complète sur le sous-sol français. Une information désormais partagée au niveau européen en anticipation de l application de la directive INSPIRE. Sa maîtrise des techniques de traitement et d'intégration de ces données lui permet en outre de restituer cette information au plus près des besoins des acteurs de l aménagement du territoire, via des modèles numériques en trois dimensions. Une compétence unique, largement mise à disposition des grands projets internationaux d aide au développement. n Jean-François Rocchi Président du BRGM LE RÉFÉRENTIEL GÉOLOGIQUE DE LA FRANCE Quand l information géologique répond aux enjeux de la société Les enjeux économiques, environnementaux et d aménagement du territoire requièrent aujourd hui que pouvoirs publics et acteurs socio-économiques puissent accéder à une connaissance précise et complète du sol et du sous-sol. Avec son projet de Référentiel Géologique de la France (RGF) qui, à terme, combinera de manière dynamique l ensemble des acquis des géosciences sur le sous-sol français, le BRGM, service géologique national, apporte aux différents acteurs un nouvel outil d aide à la décision. Si l acquisition, la valorisation et la diffusion des données géologiques constituent depuis des décennies le «cœur de métier» du BRGM, la véritable révolution engendrée par la technologie numérique a singulièrement changé la donne, tant en ce qui concerne le traitement des informations que leur restitution et peut-être plus encore leur exploitation combinée. Le concept de Référentiel Géologique de la France en découle directement. Cet ambitieux projet, entamé > Des données géologiques accessibles à tous «Rendre l information géoscientifique accessible gratuitement à tous ses utilisateurs potentiels, bureaux d études, collectivités, étudiants, grand public c est l objet du portail InfoTerre» explique Pierre Nehlig, responsable d'unité. Outil interactif de consultation et d exploitation de données, il donne accès, sur une base cartographique, à un ensemble d informations produites et/ou gérées par le BRGM : géologie (cartes, logs), eaux souterraines (ressources, forages, suivi des nappes), sites et sols pollués, risques sismiques et de mouvements de terrain, aléa retrait-gonflement Grâce à l intégration des normes de l interopérabilité, le portail est également la «porte d entrée» vers d autres données géoscientifiques produites en France et à l international. Une version simplifiée de ce portail, l i-infoterre, fait maintenant l objet d une application sur les téléphones mobiles I-Phone. Pour le public scolaire, le BRGM propose le site «EduTerre» qui permet de se familiariser avec la géologie et les phénomènes naturels. n En couverture : Différentes couches d'information disponibles dans le Référentiel Géologique de la France. À gauche : Les profils sismiques, l épaisseur du Crétacé. Au centre : La géologie simplifiée. À droite : Le magnétisme, la Banque de données du Sous-Sol. Ressources numériques pour les professionnels : www.brgm.fr/brgm/geo/prod_num.htm InfoTerre : http://infoterre.brgm.fr i-infoterre : gratuitement téléchargeable sur http://itunes.apple.com/fr EduTerre : http://eduterre.brgm.fr/

> La carte géologique à l échelle 1/50 000, harmonisée et vectorisée La carte géologique de la France à 1/50 000 constitue, avec la Banque de données du Sous-Sol (BSS), le véritable «socle» du Référentiel Géologique de la France. Fruit d un travail entamé il y a plus de cinquante ans par les géologues du BRGM, elle est constituée de 1 060 «feuilles» couvrant l ensemble du territoire. Du fait de l évolution des concepts (et des connaissances) géologiques, ces différentes «cartes d auteur», produites à des époques et par des personnes différentes, ne constituent pas un ensemble homogène. Ne se rejoignant pas toujours bord à bord, elles peuvent également diverger sur les interprétations de certains phénomènes géologiques, quand ce ne sont pas, les appellations elles-mêmes qui diffèrent, la sémantique ayant évolué en même temps que les concepts. La nécessité de constituer un ensemble cohérent au sein d un même référentiel a conduit le BRGM a entreprendre une démarche d harmonisation, aujourd hui réalisée à 90 %. Seuls onze départements restent à traiter, notamment en Midi-Pyrénées. Depuis le début des années 2000, ce travail d harmonisation s est accompagné d une vectorisation des cartes, afin de produire des cartes numériques susceptibles d intégrer diverses autres informations ou d être utilisées pour certains besoins spécifiques de description (aléa retrait-gonflement, risque sismique ). n en 2005, ne vise rien de moins que la restitution cohérente et continue en 2D et 3D de la géologie de l ensemble du territoire français, en y associant l ensemble des informations disponibles dans les différentes bases de données du sous-sol. «À la base du Référentiel, explique Thierry Baudin, coordinateur du projet RGF, le BRGM dispose de la carte géologique de la France, dont l harmonisation est en voie d achèvement (voir encadré). Sa numérisation, préalable indispensable à la démarche, a été entamée en 2000 (1). Elle devrait s achever en 2012. Deuxième socle du Référentiel, les centaines de milliers de forages qui constituent la Banque de données du Sous-Sol (BSS). Le projet de Référentiel va cependant plus loin que la simple combinaison de la carte et de la BSS. L objectif est en effet d intégrer un maximum de sources d information géologique.» Répondre aux besoins de la société «Nous avons choisi d axer le Référentiel sur la demande sociétale et donc d organiser l information afin qu elle réponde à la palette des besoins en matière de gestion du sol et du sous-sol, poursuit Thierry Baudin. Ils sont multiples aujourd hui, qu il s agisse de la protection des eaux souterraines, de la dépollution des sols, du développement de la géothermie, des possibilités de stockage de CO2 ou encore d accès à de nouvelles ressources en matériaux Grâce à cet outil, nous allons pouvoir valoriser des milliers de données, hier éparses, et permettre à l utilisateur de les exploiter de manière dynamique en fonction de l objectif visé.» géodynamique. En quelque sorte, la carte géologique va remonter le temps, c est un énorme apport scientifique.» Autre aspect essentiel de cette «révolution» cartographique : conserver un lien entre l information brute et le modèle, autrement dit conférer au Référentiel une potentialité de mise à jour permanente, puisque toute nouvelle information (validée) entrée dans une des différentes bases sera immédiatement prise en compte. Le RGF a été présenté au comité de la carte géologique de France le 23 avril 2010. Avec l'appui des membres du comité, le BRGM rédigera un «Livre blanc» et organisera des colloques sur cette thématique. «Avec la capacité offerte à tout utilisateur d extraire à volonté de nouveaux modèles 3D associés à des besoins particuliers, conclut Thierry Baudin, nous entrons avec le Référentiel Géologique de la France dans une nouvelle dimension du concept de carte géologique.» n CONTACT : Thierry Baudin - Coordinateur du projet RGF t.baudin@brgm.fr Processus d harmonisation d une carte géologique exemple du Finistère. En haut : la carte vectorisée. En bas : la carte harmonisée. Modèle 3D du bassin houiller d Alès. Sont représentés : le socle en orange et rose, les formations carbonifères en violet et gris, le Trias en jaune, le Lias en bleu et les formations post-liasiques en vert. Stage cartographique, Alès Mais le Référentiel ne s arrête pas à la combinaison des données déjà acquises. «Nous allons intégrer dans la base la notion du temps, autrement dit apporter des informations sur l histoire des roches, sur l événement (1) Le BRGM a développé en parallèle des programmes informatiques de cartographie 3D, notamment Géo3D (voir également en dernière page).

4 GÉOPHYSIQUE AÉROPORTÉE Une «auscultation» du sous-sol depuis le ciel La précision (maille de restitution de 200 mètres) et l homogénéité des informations recueillies sont les autres avantages de cette technique d investigation «non-invasive», qui bénéficie de procédures d acquisition bien établies au niveau mondial. Sa rapidité et son coût, enfin, sont déterminants : deux mois et demi auront suffi à couvrir la région Centre, à un coût relativement peu élevé au regard du service rendu. Avion équipé pour l acquisition géophysique aéroportée : 3 magnétomètres sont intégrés, 2 en bout d ailes et 1 dans un rostre de queue. im@gé J. Perrin Lever électromagnétique héliporté en région Centre (2008). im@gé J. Perrin 45 000 kilomètres de ligne de vols, l intégralité du sous-sol de la région Centre couvert, une restitution très fine Avec GéoCentre, le BRGM vient de réaliser une campagne d acquisition de données géologiques sans précédent, riche d informations sur les propriétés du sous-sol jusqu à plusieurs kilomètres de profondeur. C est en Guyane et dans le Massif armoricain que le BRGM, à la fin des années 1990, avait mené ses premières campagnes régionales de géophysique aéroportée «haute résolution». Le projet GéoCentre, financé par l État et la région Centre (CPER 2007-2013) avec le concours de l Europe (fonds FEDER), est d une grande ampleur : sur 2008-2009, ce sont 45 000 kilomètres de lignes de vol, couvrant la région Centre selon des trajectoires espacées de 1 km, qui ont été réalisées. À bord des avions, et à une hauteur constante de 80 mètres du sol, deux types d appareillages : des magnétomètres et un spectromètre. «L intérêt de la géophysique aéroportée, explique Guillaume Martelet, géophysicien en charge des acquisitions régionales, c est d abord qu elle s affranchit de tout obstacle physique et des problèmes liés à l accessibilité. Si l on excepte les villes et certains sites sensibles, on peut tout survoler, et donc acquérir des données partout, en continu.» Une description de la nature et de la géométrie des formations «À chaque type de roche, précise G. Martelet, sont associées des propriétés magnétiques. Selon sa localisation spatiale mais aussi son histoire, son érosion, la circulation ou non de fluides, chaque roche a une signature magnétique différente. Ce sont ces signaux qu enregistrent les magnétomètres. À nous de les interpréter puis de les croiser avec les informations issues de logs de forage, levers de terrain, données sismiques, imagerie satellitaire ou gravimétrie.»

Permettant une auscultation du sous-sol jusqu à plusieurs kilomètres de profondeur, le magnétisme apporte des enseignements tant sur la nature des roches que sur la géométrie, la structuration et la localisation des formations. «Hier, plus on s enfonçait dans le sol, moins nos connaissances étaient précises. La géophysique aéroportée nous permet des avancées considérables sur la structuration du soubassement et des parties profondes des bassins sédimentaires. En complément de la sismique, elle contribue à une vision d ensemble, continue et cohérente, des systèmes de sédimentation. Ces acquis accroissent sensiblement la connaissance des niveaux poreux profonds, qui nous intéressent particulièrement pour la géothermie, le stockage du CO2 ou la recherche de nouvelles ressources pétrolières.» Radiométrie et électromagnétisme Autre appareil embarqué, un spectromètre. «La radiométrie spectrale permet de capter les photons gamma émis depuis la toute proche surface (0 à 1 mètre). En nous restituant les variations géochimiques au niveau du sol (teneurs en potassium, thorium, uranium ), elle apporte une vision nouvelle de la géologie des formations superficielles et des altérations qu elles ont subies.» La mesure électromagnétique est la troisième méthode utilisée. Hier dédiée à la recherche minière, elle a récemment été adaptée par des chercheurs danois à l investigation environnementale et hydrogéologique. Mesurant la conductivité électrique du sous-sol, elle-même influencée par la nature des roches, leur porosité, la présence ou non de fluides, leur éventuelle salinité, etc., elle permet d imager la tranche du 0-100 mètres avec une résolution de quelques mètres en surface. «Nous avons mené des investigations sur trois zones test en région Centre, explique G. Martelet, car la technique, mise en œuvre à faible distance du sol au moyen d hélicoptères, est relativement coûteuse. Mais elle donne des résultats assez extraordinaires en termes de caractérisation du régolithe, avec des applications avérées pour la prospection de matériaux ou l hydrogéologie.» > Formations superficielles À l interface homme/planète : le régolithe Avec l émergence des préoccupations environnementales et l augmentation constante des besoins en aménagement, la nécessité d une meilleure connaissance des formations géologiques de la proche surface a pris une acuité particulière. «Ce que l on appelle aujourd hui le régolithe, explique Emmanuel Egal, responsable du projet Régolithe, constitue l interface entre l activité humaine et la planète elle-même ; c est un espace tout à fait essentiel.» Ces formations (1), dont on a récemment pris conscience de l intérêt comme de la fragilité, sont en effet le support de nombreuses activités biologiques, et sont également surfaces d aménagements, sources de matériaux, espaces de stockage ou de protection de la ressource en eau «Les usages et les contraintes liées au proche-sous-sol, poursuit E. Egal, ont ainsi été au cœur des débats du Grenelle de l environnement, car les problèmes de pollution du sol et des eaux ou la baisse des nappes phréatiques, par exemple, imposent de mieux connaître ces milieux et leur fonctionnement pour mieux les gérer et les protéger durablement.» C est l objet du projet-cadre Régolithe du BRGM et de sa déclinaison régionale «Régo-Centre» : apporter à la carte géologique, historiquement principalement dédiée aux formations profondes, une «couche» supplémentaire, avec la description détaillée du proche sous-sol. «Nous ne partons pas de rien, poursuit E. Egal, puisque nous disposons de levers de terrain et des informations issues des logs de forages. Mais la connaissance est partielle et les données souvent hétérogènes. C est pour aller plus loin et mieux comprendre le milieu et ce qui s y passe, que nous avons choisi de recourir à la géophysique aéroportée. Les levers radiométriques nous apportent en effet un grand nombre d enseignements. Nous les utilisons en les comparant avec les données de la carte géologique existante afin de valider (ou non) et compléter celle-ci ; ils nous permettent aussi de cibler les secteurs qui nécessitent un retour sur le terrain pour de nouvelles observations de surface et de nouveaux sondages courts.» L ensemble des nouvelles données du projet Régo-Centre permettra d enrichir la carte géologique à 1/50 000 et plus largement de caractériser en 3D le régolithe du Centre. Ce travail pluri-annuel a été entamé en 2010 dans le cadre du Référentiel Géologique de la France. n (1) Ensemble des formations géologiques affleurantes à sub-affleurantes dont la genèse ou les propriétés actuelles résultent de mécanismes physiques et chimiques proches de la surface. Elles sont subdivisées en formations allochtones (issues de processus de transport et n'ayant pas subi de diagénèse d'enfouissement) et autochtones (issues de processus d'altération physique et chimique, d'âge variable). Après la région Centre, le BRGM a entamé un nouveau lever géophysique aéroporté sur le nord de l Aquitaine et l est des Pays-de-la-Loire, et prépare de nouvelles acquisitions en France. n Carte des anomalies magnétiques réduites au pôle. Elle restitue les variations spatiales des contrastes d aimantations des roches. Par croisement avec des données sismiques, gravimétriques et de forages, ces enregistrements vont fournir une cartographie structurale réactualisée du SW du bassin de Paris. Extrait de la carte géologique du régolithe de la France. État des connaissances en 2009. Bassin aquitain.

BASSINS SéDIMENTAIRES Des formations «réservoirs» à mieux connaître pour mieux les gérer La multiplication des projets à finalité géothermique, ou visant le stockage de CO2, de méthane ou de déchets, ou encore la recherche de nouvelles ressources en hydrocarbures ou en eau, a relancé depuis dix ans l intérêt pour les bassins sédimentaires français, qui bénéficient aujourd hui d une mise à jour exceptionnelle des connaissances. Une unité leur est dédiée au sein du BRGM, qui a engagé un vaste programme de valorisation de l ensemble de ces données en vue de la production de cartes et modèles géologiques 3D. assins parisien, aquitain, mais également Fossé rhénan, bassin du sud-est (entre Alpes et Massif Central), les bassins sédimentaires français sont constitués de formations géologiques dont les propriétés physiques répondent idéalement à de nombreux besoins sociétaux. «Les bassins sédimentaires, explique Olivier Serrano, géologue des bassins sédimentaires, sont en effet une superposition de formations poreuses et perméables (les réservoirs) et étanches (les couvertures), qui peuvent contenir des fluides et permettent la circulation de ceuxci. Ils s avèrent ainsi répondre à de nombreux enjeux sociétaux, à la fois réservoirs de ressources (eau), de matières premières (hydrocarbures), d énergie (eaux chaudes exploitables en géothermie), et susceptibles d accueillir, pour les stocker, du CO2 et du méthane» Une meilleure caractérisation de ces formations, afin d en exploiter toutes les potentialités, est donc essentielle. Le BRGM s y est engagé, dans le cadre du Référentiel Géologique de la France, via un programme de recensement des données existantes doublé de campagnes d acquisitions nouvelles. Carte géologique, forages, sismique pétrolière... «Nous avons la chance, explique Christophe Rigollet, responsable de l unité Bassin sédimentaire, de disposer d un nombre considérable de données, issues de la carte géologique, de la Banque de données du Sous-Sol (plus de 700 000 logs de forage), mais également émanant d autres sources, notamment de l exploration pétrolière. Depuis 2006, à la demande de l État et dans le cadre du Guichet Hydrocarbures, le BRGM gère en effet les 350 000 kilomètres de sismique pétrolière existants et, depuis 2008, les données de 6 000 forages pétroliers.» Des campagnes d acquisition complètent la connaissance. C est le cas des levers de géophysique aéroportée (voir article) déjà réalisés en région Centre et qui se poursuivent sur d autres bassins, mais également d investigations marines, menées sur le plateau continental. «Préalablement à la mise à disposition de ces informations, nous avons évidemment un très gros travail de gestion des données, précise O. Serrano. À commencer par leur numérisation, dans un langage standardisé permettant leur exploitation commune.» Modèle 3D du Bassin parisien avec la localisation des forages. Coupe géologique de la partie occidentale du Bassin aquitain depuis le Trias jusqu à l actuel. im@gé O. Serrano et al.

Modélisation 3D surfacique du Bassin aquitain, de l'avant-pays nord pyrénéen à l'embouchure de la Gironde. im@gé O. Serrano > Le stockage géologique du co2 Reconstituer la géométrie des bassins L objectif est de pouvoir fournir aux pouvoirs publics et aux différents opérateurs une description la plus précise possible des bassins sédimentaires permettant notamment d identifier les zones favorables à tel ou tel type d exploitation. «Concrètement, explique Ch. Rigollet, il s agit pour nous de reconstruire la géométrie du bassin à partir des données géologiques et géophysiques, en les harmonisant et en les calant entre elles de manière à réaliser des études intégrées et à fournir une synthèse géologique sous forme de modèle 3D.» C est sur cette base qu il est ensuite possible pour les hydrogéologues et les ingénieurs réservoirs de créer des modèles dynamiques permettant, dans telle ou telle zone cible identifiée à fort potentiel, de simuler par exemple l injection de CO2 et son comportement dans le milieu.» «L amélioration de nos connaissances des bassins sédimentaires ne devrait pas connaître de limites, se réjouit O. Serrano. Les modèles issus de nos travaux engendrent en effet de nouvelles acquisitions sur le terrain, elles-mêmes génératrices de nouvelles informations qui peuvent être intégrées au modèle et en améliorent ainsi les performances. C est un véritable cercle vertueux.» n La réduction des gaz à effet de serre (dont le dioxyde de carbone produit essentiellement par la combustion d énergies fossiles : pétrole, charbon, gaz) est une priorité internationale, avec un objectif de division par deux des émissions d ici 2050. Si de nombreux projets visent à réduire les émissions à la source, une solution alternative, le captage puis le stockage géologique du CO2, fait l objet d études très avancées. Le BRGM est l un des pionniers internationaux en ce domaine. «Le principe, explique Didier Bonijoly, coordinateur projets R&D Stockage de CO2, est d utiliser les réservoirs naturels que constituent les aquifères profonds présents dans les bassins sédimentaires, nombreux en Europe.» Diverses études menées sur des gisements naturels de CO2 ont en effet montré que ce gaz a pu être stocké en toute sécurité pendant des millions d années. Qualification des aquifères propices, évaluation des risques, étude de faisabilité, mise en place de démonstrateurs, etc., le BRGM est aujourd hui impliqué dans plus d une quinzaine de grands programmes de recherche nationaux et européens. «Nous pilotons par exemple, poursuit D. Bonijoly, dans le cadre du contrat de projet État-Région, un projet à Artenay dans le Loiret. Il s agit, sur un site de production de biocarburants, d évaluer la faisabilité technico-économique du captage du CO2 en sortie de process puis, après compression, de son stockage par injection directe dans les aquifères profonds que sont le Dogger ou le Keuper.» Un colloque international permettra, fin 2010, de présenter le procédé, préalablement à sa mise en œuvre. Deux autres projets de démonstrateurs de recherche, sur financement de l ADEME, sont également programmés. L enjeu est considérable : face à des rejets annuels d origine humaine de 25 milliards de tonnes de CO2, les capacités mondiales de stockage géologique sont estimées à 10 000 milliards de tonnes. n Modèle géologique 3D de la région d Artenay, Loiret, France. Les réservoirs triasiques visés pour l injection du CO2 sont situés sous les surfaces orange (grès de Chaunoy) et jaune (grès de Donnemarie). Le modèle est construit à partir de données publiques gérées par le BRGM (données sismiques et forages : Banque des données du Sous-Sol, Guichet Hydrocarbures). > Les ressources minérales en france Avec l effondrement du cours des métaux il y a vingt ans, l industrie extractive française a connu un déclin inexorable. Pourtant, ainsi que l avait montré un inventaire des ressources minières réalisé par le BRGM (1975-1992) suite au premier choc pétrolier de 1973, il existe de nombreuses zones à fort potentiel. «Il reste vraisemblablement, explique Philippe Chèvremont, géologue, de nombreux gisements à découvrir dans le domaine des métaux précieux, tel l or, mais aussi de métaux très recherchés comme le lithium qui entre dans les batteries de dernière génération, ou encore l uranium ou les terres rares. L actuelle pénurie mondiale de métaux, face à la demande croissante des pays émergents, rend ces ressources potentielles hier jugées trop coûteuses à prospecter et à exploiter, ou à trop faible rendement en termes de volumes ou de teneurs très intéressantes.» La relance actuelle de la prospection pétrolière en France, qui s inscrit dans une même problématique, valide la pertinence de cette approche. L inventaire puis les différents programmes de cartographie géologique menés depuis lors par le BRGM sur les formations affleurantes ont apporté une bonne connaissance de celles-ci et de leur potentiel minéralogique. Reste à terminer l inventaire et à mener des investigations complémentaires : géochimiques, géophysiques, sondages Un travail de longue haleine : il faut environ dix ans entre l identification d un indice de minéralisation et l ouverture d une mine. L exploitation du gisement d or Le-Bourneix en Haute-Vienne, fermée en 2002. Depuis l arrêt de l inventaire minier en 1992, les ressources minérales en métropole sont peu exploitées. im@gé Le BRGM, détenteur et gestionnaire de l information minière en France, a mis en place un système d information géographique sur ce thème : http://sigminesfrance.brgm.fr. n

8 MODÈLES GÉOLOGIQUES EN 3D De la représentation à la simulation «La représentation géologique en trois dimensions, explique Claire Castagnac, géostatisticienne, consiste à créer des modèles numériques qui renseignent sur l organisation géométrique probable des unités géologiques et sur les données physiques, mécaniques, chimiques ou thermiques qui leurs sont associées.» De nombreux domaines d applications sont concernés : dans le Bassin parisien, identification et représentation des réservoirs potentiels pour la géothermie ou le stockage souterrain de CO2 ; dans le domaine de l hydrogéologie, estimation du volume d un aquifère et de ses réserves en eau ; ou encore apport aux collectivités d une connaissance en 3D du sous-sol Information de référence sur tel ou tel environnement géologique, le modèle, selon les cas et les usages, est tout d abord une cartographie 3D statique. Il devient dynamique grâce à l ensemble des informations associées permettant alors de réaliser des simulations. «De tels modèles, poursuit C. Castagnac, sont utilisés dans le domaine du risque sismique, afin de reproduire les phénomènes et leurs éventuelles conséquences. On peut également simuler le comportement souterrain du CO2, après injection dans un réservoir, ou encore évaluer les flux thermiques dans un aquifère et estimer le potentiel géothermique» Il n existe pas de logiciel unique pour ce travail de modélisation. Différents outils informatiques sont mobilisés, certains développés depuis quinze ans par le BRGM lui-même, seul ou en association (avec l École des Mines, des laboratoires de recherche ) : GDM et son extension Multi-layer, l Éditeur Géologique (Geomodeller) n Simulation d'un séisme de magnitude 6.3 dans la région de Nice. Modèle réalisé avec le logiciel Geomodeller. INTERNATIONAL Une expertise qui s exporte Le BRGM a fortement développé son activité internationale, mettant ses compétences en géosciences au service du développement durable de nombreux pays du Sud, notamment en Afrique (1). «Le volet principal de cette activité, explique Dominique Janjou, correspondant international du service GEO, porte sur des programmes financés par les fonds de l aide au développement, Banque mondiale, Union européenne, coopération française» Le BRGM intervient à plusieurs niveaux, depuis l accompagnement d un pays dans le renforcement des capacités de son service géologique national (par exemple au Maroc au début des années 2000 puis au Niger où un programme similaire est en cours), jusqu à l assistance technique et scientifique aux géologues locaux dans la réalisation de la carte géologique de leur pays. «Nous intervenons actuellement pour la réalisation d une carte géologique à 1/200 000 du Sénégal oriental. La finalité est, ici, d identifier les principaux potentiels miniers de la région, préalablement à la recherche d investisseurs. Nous avions mené une démarche similaire au Gabon.» Les états eux-mêmes peuvent être directement commanditaires, pour la formation ou l accompagnement de leurs géologues (réalisation en cours de huit cartes géologiques à 1/50 000 du sud de l Atlas marocain, par exemple). Le BRGM est en outre régulièrement sollicité par des opérateurs privés. À Madagascar, où un projet de synthèse cartographique géologique à 1/1 000 000 a été financé par la Banque mondiale, le BRGM intervient aussi pour le compte d une compagnie pétrolière, afin d étudier le potentiel d'un gisement de grès bitumineux. n (1) 70 % de l activité internationale. Cartographie du socle birimien du Sénégal oriental. im@gé Publication du BRGM 3, av. Cl.-Guillemin BP 36009 45060 Orléans Cedex 2 Tél. : 02 38 64 37 84 Directeur de la publication : Jacques Varet Rédacteur en chef : Pierre Vassal Responsable éditoriale : Marion Bard Rédaction : Jean-Louis Derenne Conception et réalisation : Chromatiques éditions Juin 2010 Dépôt légal à parution ISSN : 1776-8994 ISBN : 978-2-7159-2487-1 Imprimé par un imprimeur Imprim Vert sur du papier provenant de forêts durablement gérées.