Les Rencontres de l Inra au Salon de l agriculture Intrants médicamenteux en agriculture et en santé : les écosystèmes microbiens sont-ils un problème ou une solution? Lundi 23 février 2015 Programme 14h30 Introduction Emmanuelle Maguin, directrice du Métaprogramme MEM et chef du département MICA, Inra 14h35 La dimension environnementale de l antibiorésistance Jean-Yves Madec, ANSES 14h50 Les stratégies gagnantes pour relever les défis de la santé Jean-Louis Hunault, SIMV 15h05 Discussion avec la salle 15h25 Antibiorésistance naturelle tellurique et impact anthropique Pascal Simonet, CNRS 15h40 Le microbiote intestinal, atout ou menace face aux antibiotiques? Joël Doré, Inra 15h55 Discussion avec la salle 16h15 Conclusion Emmanuelle Maguin, Inra SIA2015 147 rue de l Université 75338 Paris Cedex 07 - France Retrouvez les résumés, les présentations et les vidéos en ligne sur : inra.fr/ia
Intrants médicamenteux en agriculture et en santé : les écosystèmes microbiens sont-ils un problème ou une solution? Les questions soulevées par l usage des intrants médicamenteux en agriculture dans le domaine de la santé animale sont largement similaires à celles rencontrées en santé humaine. L utilisation excessive d antibiotiques ces dernières décennies a conduit à un problème majeur de santé publique (émergence de bactéries multi-résistantes, persistance des antibiotiques dans l environnement), et a mené à la mise en place de plans d action gouvernementaux pour rationaliser les prescriptions et préserver leur efficacité. Dans tous les cas, les écosystèmes microbiens jouent des rôles cruciaux : en tant que réservoirs de molécules antimicrobiennes, qui sont des régulateurs naturels des populations de microorganismes ; dans l apparition, la transmission et la persistance des résistances microbiennes dans l environnement, en raison de l augmentation de la pression sélective due à un usage excessif des intrants médicamenteux permettant aux microorganismes résistants de se répandre ; mais peuvent néanmoins apporter des solutions en piégeant ou dégradant des intrants médicamenteux. Les questions posées sont donc les suivantes : Quelle est la dimension environnementale de l antibiorésistance? Quels sont les rôles des écosystèmes microbiens dans la propagation des résistances? Quel est l impact de l épandage et de l amendement des sols? Quelles sont les alternatives, les stratégies et les pistes pour réduire l utilisation d antibiotiques en santé animale et humaine? SIA 2015
La dimension environnementale de l antibiorésistance JEAN-YVES MADEC ANSES Les antibiotiques sont des molécules précieuses pour la maitrise des infections bactériennes, et leur perte d efficacité liée à la diffusion massive de résistances est l objet d une inquiétude grandissante. L animal est souvent pointé du doigt, la plus grande quantité pondérale d antibiotiques utilisée dans le monde l étant en agriculture. Parallèlement, la contribution du monde animal à la résistance humaine est souvent débattue, et les données scientifiques montrent que ce lien est complexe et ne peut être résumé au simple transfert d un compartiment vers l autre. Au demeurant, de nombreux exemples de transmission de l antibiorésistance de l Homme vers l animal sont décrits. De nombreuses actions politiques sont menées en agriculture, notamment en Europe, et plus particulièrement en France (plan EcoAntibio). Toutefois, l environnement de l Homme et des animaux n est intégré que depuis peu à ces stratégies. Les bactéries résistantes et les antibiotiques sont abondamment répandus dans les écosystèmes (effluents d élevage et d hôpitaux, par exemple), et se disséminent largement à partir des diverses activités anthropiques. Ainsi, des approches métagénomiques globales deviennent appropriées pour la caractérisation des flux de gènes de résistance. En parallèle, les solutions à apporter à la question de l antibiorésistance doivent permettre la résilience progressive des écosystèmes. Ce colloque illustrera certains impacts environnementaux de l usage des antibiotiques et des exemples de solutions possibles face à cet enjeu majeur.
Les stratégies gagnantes pour relever les défis de la santé JEAN-LOUIS HUNAULT SIMV Le premier des défis à relever est celui de l antibiorésistance. Le médicament vétérinaire n est pas un intrant, et l antibiotique est un bien public qui doit être préservé. Les résultats obtenus par la mobilisation des acteurs sont très encourageants et ils s expliquent par les atouts de notre pays en premier lieu la mobilisation des vétérinaires. La stratégie des pouvoirs publics a été de fédérer très tôt tous les acteurs pour construire un plan «EcoAntibio». Il convient de s approprier tous ses leviers pour piloter cet arsenal de mesures sans menacer la disponibilité des médicaments ni l innovation. Celle des acteurs du secteur privé doit être de concilier un modèle économique et un modèle technique le plus proche des meilleures pratiques vétérinaires et d une bonne observance des prescriptions. C est un modèle qualitatif que dessine la Loi d avenir pour l agriculture. Si le parlement en a fixé le cadre, il revient à chaque acteur de la filière de mettre en place ses engagements. Pour les laboratoires du diagnostic et du médicament vétérinaires, l innovation est la meilleure réponse. Des moyens existent sous forme de plateforme «d innovation ouverte», des manifestations destinées à rapprocher la recherche humaine et vétérinaire, publique et privée, des outils (CIR/CIFRE) qui doivent placer notre territoire en cohérence avec nos atouts industriels dans un cadre juridique favorable.
Antibiorésistance naturelle tellurique et impact anthropique PASCAL SIMONET CNRS Les gènes de résistance à des antibiotiques trouvent-ils leur origine dans les bactéries environnementales non-pathogènes qui peuvent les transférer aux pathogènes? Nos travaux renforcent cette hypothèse avec l examen de plus de 70 métagénomes (ensemble des génomes bactériens accessibles par des approches directes sans isolement in vitro) extraits d écosystèmes aussi différents que les sols, les eaux douces ou océaniques ou encore le tube digestif. En effet, le recours aux méthodes bioinformatiques appropriées pour analyser ces séquences disponibles dans des bases de données montre leur ubiquité et leur diversité dans ces environnements et tout particulièrement dans le sol où les gènes de résistance sont les plus abondants et les plus diversifiés. Une telle présence s explique par la nécessité des bactéries telluriques de s immuniser contre les antibiotiques produits naturellement par certains microorganismes comme les Streptomycètes. Quel impact peut avoir alors l amendement des sols par des fumiers provenant de fermes dans lesquelles les animaux sont traités par des antibiotiques sur la diversité et la quantité de ces déterminants génétiques? Nous présenterons le résultat d études dans lesquelles a été étudié l impact sur les communautés microbiennes telluriques d amendements, en séparant l effet «antibiotique» de celui lié au microbiote animal présent dans le fumier.
Le microbiote intestinal, atout ou menace face aux antibiotiques? JOËL DORÉ INRA L Homme et l animal hébergent un microbiote intestinal dense et diversifié avec lequel s établit très tôt dans la vie une réelle symbiose essentielle au maintien de la santé et du bien-être. La composition du microbiote dominant se fige assez vite dans le jeune âge et reste remarquablement stable ensuite. Les antibiotiques font partie des nombreux facteurs environnementaux qui peuvent néanmoins altérer le microbiote de façon temporaire ou définitive. Quelle que soit sa cible, un traitement antibiotique va modifier le microbiote intestinal dominant, perturbant son écologie et ses fonctions. Un traitement unique est le plus souvent suivi d un retour à la symbiose initiale grâce à la robustesse écologique du système. Beaucoup de résistances aux antibiotiques peuvent néanmoins être transférées entre microorganismes et s installer durablement. Une pression antibiotique précoce ou chronique peut engendrer une altération définitive du microbiote et de la symbiose. Cela devrait inciter nos sociétés modernes, qui ont jusque-là abusé des antibiotiques au-delà de l usage offrant un strict bénéfice, à rechercher des contre-mesures pour préserver la symbiose, éventuellement la restaurer et potentiellement limiter le portage de résistances. L écologie intestinale sera un levier d action majeur dans ce contexte.