Médecine Manuelle et Médecine fondée sur les preuves (EBM)

Documents pareils
Qu avez-vous appris pendant cet exposé?

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE

ACADÉMIE NATIONALE DE MÉDECINE 16, RUE BONAPARTE PARIS CEDEX 06 TÉL : FAX :

«Les lombalgies chroniques communes à la consultation de rhumatologie du CHU de Fès»

METHODE D APPLICATION DE L OSTÉOPATHIE. Liste des 155 modèles thérapeutiques du Référentiel RÉÉQUILIBRATION FONCTIONNELLE Méthode SOLÈRE

Migraine et Abus de Médicaments

Le dropéridol n est pas un traitement à considérer pour le traitement de la migraine à l urgence

Item 169 : Évaluation thérapeutique et niveau de preuve

2. Rechercher les études

Les soins des douleurs chroniques dans les TMS Les échecs thérapeutiques

1- Parmi les affirmations suivantes, quelles sont les réponses vraies :

BERTHIER E, CHRISTIANO M, PHILIPPE M O, IEHL J, TATARU N, DECAVEL P, VUILLIER F, ELISEEF A, MOULIN T. Introduction (1). Contexte de l étude

EXEMPLE DE METHODOLOGIE POUR L ELABORATION D UN PROTOCOLE DOULEUR Marie AUBRY Infirmière référente douleur Hôpital TENON AP-HP Paris XX e SOMMAIRE

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE AVIS. 1 er octobre 2008

N oubliez pas de sauvegarder après avoir intégré ce fichier dans votre espace extranet!

EVALUATION DES TECHNOLOGIES DE SANTÉ ANALYSE MÉDICO-ÉCONOMIQUE. Efficacité et efficience des hypolipémiants Une analyse centrée sur les statines

Algorithme d utilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)

Méthodologie documentaire spécifique au repérage d actions de terrain

Migraine et céphalées de tension: diagnostic différentiel et enjeux thérapeutiques

Équivalence et Non-infériorité

Pharmacovigilance des Essais cliniques

Etude MAPT (Multidomain Alzheimer Preventive Trial)

CONTRAINTES PSYCHOLOGIQUES ET ORGANISATIONNELLES AU TRAVAIL ET SANTE CHEZ LE PERSONNEL SOIGNANT DES CENTRES HOSPITALIERS:

Spondylarthropathies : diagnostic, place des anti-tnf et surveillance par le généraliste. Pr P. Claudepierre CHU Henri Mondor - Créteil

Accidents des anticoagulants

I Identification du bénéficiaire (nom, prénom, N d affiliation à l O.A.) : II Eléments à attester par un médecin spécialiste en rhumatologie :

Equipe mobile SMES CH Sainte-Anne (Paris)


o Anxiété o Dépression o Trouble de stress post-traumatique (TSPT) o Autre

Référentiel concernant la rééducation en cas de lombalgie commune

LES NOUVEAUX ANTICOAGULANTS

Céphalées de tension. Hélène Massiou Hôpital Lariboisière, Paris

27 ème JOURNEE SPORT ET MEDECINE Dr Roukos ABI KHALIL Digne Les Bains 23 novembre 2013

AGRES Hugues IADE RD LA ROCHE / YON

La réadaptation professionnelle des travailleurs lombalgiques : Présentation d'un modèle canadien

Bases de données Outils de gestion

EVALUATION DES METHODES D AIDE A L ARRET DU TABAGISME

L hôpital de jour de gériatrie

Programme d assurance-invalidité de courte durée

Hospital Anxiety and Depression Scale (HADS)

CODIFICATION ADMINISTRATIVE DE L ARRANGEMENT EN VUE DE LA RECONNAISSANCE MUTUELLE DES QUALIFICATIONS PROFESSIONNELLES ENTRE POUR LE QUÉBEC :

Approche centrée e sur le patient

Item 182 : Accidents des anticoagulants

Controverse UDM télésurveillée Pour. P. Simon Association Nationale de Télémédecine

assurance collective Assurance médicaments Des solutions intégrées pour une gestion efficace

Réingénierie du Diplôme de Masseur Kinésithérapeute. Point d étape Organisations professionnelles COPIL Journée UIPARM 3 octobre 2014

Guide de pratique. Clinique. des Lombalgies. Interdisciplinaire. en Première ligne

DISTRIBUTION DU TRAITEMENT MEDICAMENTEUX PAR VOIE ORALE PAR L INFIRMIERE : RISQUE DE NON PRISE DU TRAITEMENT MEDICAMENTEUX PAR LE PATIENT

Consignes de remplissage - Grille de recueil - Thème DAN2

Faut-il encore modifier nos pratiques en 2013?

Protocole de rééducation des syndromes fémoro-patellaires

DOSSIER DE SOINS INFIRMIERS

admission directe du patient en UNV ou en USINV

PAPPAAL 34. Protocole

Le point de vue d une administration hospitalière Inka Moritz, Secrétaire générale

Prise en charge médico-technique d une hémiparesie spastique: Evaluation clinique et instrumentale

Recommandation Pour La Pratique Clinique

Evidence-based medicine en français

LA LOMBALGIE CHRONIQUE : Facteurs de risque, diagnostic, prise en charge thérapeutique

Tarifs de l hôpital universitaire pédiatrique de Bâle (UKBB)

Une étude randomisée contrôlée

Fiche de transparence

Carte de soins et d urgence

COMMENT DEVENIR KINÉSITHÉRAPEUTE

Causes d insatisfactions du patient pris en charge en ambulatoire

QUELLES SONT LES OPTIONS DU TRAITEMENT DE LA LMC?

Avis 29 mai XYZALL 5 mg, comprimé B/14 (CIP : ) B/28 (CIP : ) Laboratoire UCB PHARMA SA.

2010 DJO FR - Rev A

QU EST-CE QUE LA PROPHYLAXIE?

Après l intervention des varices. Informations et conseils sur les suites du traitement. Réponses aux questions fréquemment posées

Suivi ADOM. Claude Boiron Oncologie Médicale

Isabelle GONZALEZ Orthophoniste - Mérignac

Doit on et peut on utiliser un placebo dans la prise en charge de la douleur?

CEPHALEES CHRONIQUES QUOTIDIENNES AVEC ABUS MEDICAMENTEUX

Un coût, des coûts, quels coûts?

La Maladie Thrombo-Embolique Veineuse (MTEV) et sa prise en charge médicamenteuse

Insuffisance cardiaque

L analyse documentaire : Comment faire des recherches, évaluer, synthétiser et présenter les preuves

La recherche clinique au cœur du progrès thérapeutique

Déclarations européennes de la pharmacie hospitalière

«Une bonne thèse répond à une question très précise!» : comment l enseigner?

QUEL PROTOCOLE DE REENTRAINEMENT PROPOSER AUX PATIENTS INSUFFISANTS CARDIAQUES?

PEUT ON PRESCRIRE HORS AMM? LE POINT DE VUE DU CLINICIEN

Annonce. Beyrouth, le 4/6/2013. La Doyenne. Nina SAADALLAH. UNIVERSITE LIBNAISE Faculté de Santé Publique Décanat

LES DOULEURS LOMBAIRES D R D U F A U R E T - L O M B A R D C A R I N E S E R V I C E R H U M A T O L O G I E, C H U L I M O G E S

L impact des avis des usagers sur l amélioration de la prise en charge du patient dans un CHU

ASSURANCE COLLECTIVE RÉSUMÉ DES GARANTIES. Régime d assurance collective multi-employeur RAPNQ-RBA

ASPECT ECHOGRAPHIQUE NORMAL DE LA CAVITE UTERINE APRES IVG. Dr D. Tasias Département de gynécologie, d'obstétrique et de stérilité

Mutualité Chétienne de Liège 130. Place du XX Août LIEGE Tél. : (04) Fax : (04)

Supplément du BDK 24 : Aide à la recherche bibliographique

Note de synthèse Assurance Maladie. Information des professionnels de santé sur les produits de santé mars 2011

Diplôme d Etat d infirmier Référentiel de compétences

Etude de la place de la prise en charge des troubles musculo-squelettiques (TMS)chroniques par acupuncture en milieu hospitalier à l AP-HP

L hépatite C pas compliqué! Véronique Lussier, M.D., F.R.C.P.C. Gastroentérologue Hôpital Honoré-Mercier 16 avril 2015

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE. AVIS 1 er février 2012

La raison d être des systèmes d information

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE. Avis. 23 mai 2007

FORMATION CONTINUE RECHERCHE APPLIQUÉE OUTILS PÉDAGOGIQUES. Promouvoir les soins pharmaceutiques

Migraines de l'adulte : reconnaître, traiter, accompagner

MEDICAMENTS CONTENANT L ASSOCIATION DEXTROPROPOXYPHENE / PARACETAMOL :

Transcription:

Médecine Manuelle et Médecine fondée sur les preuves (EBM) B. FOUQUET Fédération Univertaire Inter-Hospitalière de Médecine Physique et de Réadaptation Université de TOURS Pourquoi un DIU? «universitaire» comme un emballage mais sans contrôle de ce qui est enseigné? «universitaire» parce que l on en entend une intégration des savoirs? 1

Thérapies manuelles - Ostéopathie Pourquoi un DIU? Reconnaissance par l environnement scientifique d un savoir spécifique à la thérapie manuelle dans le cadre de la formation continue - de techniques d examens cliniques - de techniques thérapeutiques Intégration dans le fond commun d un savoir médical Contenu du DIU Fondamentaux de l appareil moteur Techniques d examens Techniques thérapeutiques Exigences : - regard critique sur le contenu des techniques d examen (reproductibilité, signification -sémiologie) - regard critique sur les thérapeutiques - intégration dans les autres thérapeutiques 2

Fondamentaux : Mécanismes d actions Action mécanique Action neurologique Action neurovégétative Action placebo Action psychologique Mécanismes multiples intriqués comme pour le reste des thérapies médicales Actions périphériques et centrales Effets sur cognitions liées à la douleur Modifications motrices Amplification des signaux? Influx nociceptifs (A δ et C) Influx nociceptifs (A δ et C) Modulation Médullaire Sensibilisation Périphérique et Centrale 3

Ce qui doit être le fondement Penser que la thérapie manuelle résume la thérapeutique - c est ce qui fait la force de la pratique par les médecins - c est ce qui fait la faiblesse de certaines études contrôlées où les médecins ostéopathes ont mis en œuvre d autres thérapies. Ce qui devrait être évoqué La Médecine fondée sur les preuves et les thérapies manuelles La preuve scientifique est devenue incontournable. Le nombre est sérieux donc les critères d évaluation doivent d être objectifs. 4

A qui faut-il proposer une thérapie manuelle? Thérapies manuelles et affections aiguës est-ce enseigné? Critères de Flynn pour une réponse à la «manipulation» - durée de la douleur inférieure à 16 jours - FABQ «travail» < 19 - limitation de mobilité du rachis - mobilités de hanche >35 d un côté - pas d irradiation en dessous du genou (Lombalgie PTF I & II) 5

Thérapies manuelles / lombalgies aiguës Amélioration sur le court terme pour les paramètres de douleur et d incapacité mais pas d impact sur le long terme (Kent, 2005) (Bronfort, 2005)(Kent, 2005), Ferreira,2003) Permettrait (Licciardone, 2005): - moins de séjours à l hôpital - moins de nomadisme médical Thérapies manuelles-lombalgies aiguës vs placebo, vs sham SMT, vs diathermie, vs école du dos, vs mobilisation passive. Mais : * histoire naturelle favorable rapidement * efficacité des thérapies médicamenteuses difficile à démontrer aussi dans les mêmes conditions Pourquoi se poser la question du long terme? (supérieur à 3 mois) 60% de récidive! 6

Manipulation (thrust) et L. aiguë Thérapies Contrôle Critère Court terme Niveau D évidence Long terme Niveau D évidence SMT Mobilisation incapacité modérée absence SMT Exercice École du dos incapacité limitée absence Manipulation et lombalgie chronique Thérapie Contrôle Critère Court terme Niveau d évidence SMT + exercice AINS+ exercice Long terme Niveau d évidence douleur modérée modérée SMT Sham SMT incapacité limitée absence SMT Exercices domicile incapacité Limitée modérée 7

Résumé des revues de la littérature Premier auteur Lombalgie aiguë Lombalgie chronique Ottenbacher, 1985 +? Di fabio, 1992 +? Anderson, 1992 + Shekelle, 1992 +? Koes, 1996 +?? Van Tulder, 1997 + + Bronfort, 1997 + + Cervicalgies aiguës (Ernst 2003, Bronfort 2005) Thérapies Contrôles Critères Court terme < 3 mois Long terme > 3 mois Mobilisation SMT Antalgiques TENS Pas de traitement Douleur Douleur Impossib. de conclure Impossib. de conclure Absence d évidence Absence d évidence 8

Cervicalgies chroniques Thérapies Contrôles Critères Evidence Court terme < 3 mois Evidence Long terme > 3 mois SMT exercices Douleur Modérée Modérée SMT/ Mobilisation MG Examen clinique Modérée Absence d évidence SMT/ mobilisation Physiothéra pie Examen clinique Modérée Impossib de conclure Le Douloureux Chronique est un rebelle à la science statistique parce que la part de la dimension subjective ne se prête que difficilement à l épidémiologie 9

Toutes ces données sont à mettre en perspective avec d autres thérapeutiques Recommandations Cervicalgie Aiguë (EB Clinical Practice Guidelines) (Philadelphia panel, Phys Ther 2001) Thérapie Philadelphie 2001 Québec task Force 1987 BMJ 2000 Exercices applicables Pas d évidence scientifique applicables Massages applicables Pas d évidence scientifique considérés Thérapies combinées (M+P+E) applicables Pas d évidence scientifique recommandées (M = massages ; P : physiothérapie ; E : exercices objectifs variés) 10

Recommandations Cervicalgie Chronique (EB Clinical Practice Guidelines) (Philadelphia panel, Phys Ther 2001) Thérapie Philadelphie 2001 Québec task Force 1987 BMJ 2000 Exercices Niveau I d évidence Pas d évidence scientifique recommandés Massages applicables Pas d évidence scientifique sauf spasmes considérés Thérapies combinées (M+P+E) applicables Pas d évidence scientifique recommandée recommandées (M = massages ; P : physiothérapie ; E : exercices objectifs variés) EBM : limites 11

Problèmes méthodologiques Les études non randomisées surestiment l effet observé (bénéfice) et l importance de la différence. Les études randomisées sont de bons prédicteurs de l évolution après traitement. En revanche, la signification pratique de cette qualité est en débat Problème des méta-analyses Regroupement de patients inhomogènes - par le tableau sémiologique - par la gravité en incapacité et en handicap Qualité des relecteurs (Holing) - définitions cliniques - définitions thérapeutiques => conclusions peuvent varier 12

Evidence statistique : c est quoi? C est une différence statistique! Encore faut-il définir le seuil de signification Qu est-ce qui est significatif pour le patient? - EVA (notion d équivalence) - incapacité (notion de cut-off) - retour aux activités - état de santé général Evidence statistique EVA de départ et d arrivée EVA réduite de 50% par exemple variation supérieure à 10 mm moyenne pour une population variation individuelle (% de répondeurs) Score d EIFEL par exemple cut-off à 11 DRAD/ Oswestry Score d incapacité pour le RC (confidentiel et peu utilisé) Satisfaction du patient? 13

Des vœux pieux (Ann Moore, 2006) Standardiser et publier les procédures d évaluation (reproductibilité, sensibilité, spécificité ) Clarifier le langage Publier les effets des thérapeutiques Préciser les sous groupes cliniques Améliorer la qualité des études randomisées En guise de conclusion Que les responsables d enseignement s assurent que les élèves soient bien formés à la pratique : - une pratique de la curiosité - une confrontation de la pratique manuelle à l état de la science (théorie et consultations) - un enseignement de la relativité des principes. 14

Et l avenir DIU pour les MK et autres professions - Compréhension commune - Éviter le hiatus conceptuel - Qualité et sécurité de la formation - Problèmes matériels complexes 15