Note de synthèse À l attention de Monsieur le Préfet coordonnateur du canal du Midi Inscrit au patrimoine mondial de l Unesco en 1996 en tant que bien culturel, le canal du Midi a été reconnu selon quatre critères de valeur universelle exceptionnelle, ce qui constitue le niveau maximal en France. Le cas du canal du Midi est atypique pour un bien inscrit au patrimoine mondial, car il est intégralement la propriété de l Etat français depuis 1898. Sa gestion a été confiée en 1991 à Voies navigables de France (VNF), établissement public administratif depuis 2013 sous la tutelle technique et politique du ministère chargé des Transports et sous la tutelle financière du ministère chargé du Budget. Le canal du Midi est devenu un sujet politique sensible, soumis à des intérêts souvent contradictoires : entre l économie et la culture, entre l Etat et les collectivités territoriales, entre des usagers aux intérêts souvent antagonistes. Dans le cadre de la réforme territoriale, il a été identifié par vos services, comme un élément fédérateur et identitaire de la future grande région Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. La question de la gouvernance devient centrale dans ce contexte administratif en évolution : comment permettre le développement du canal du Midi, tout en assurant la conservation de sa valeur universelle exceptionnelle? Qui sera moteur de ce projet? A l initiative de qui? Comment rassembler les acteurs autour d'une vision et d'une stratégie partagées, pour renforcer l'efficacité des actions engagées au bénéfice du canal et du développement des territoires? De l infrastructure de transport au projet de territoire L état de dégradation avancée du canal du Midi au moment de son inscription au patrimoine mondial par l Unesco a poussé les services de l Etat et de VNF à concentrer leurs actions sur sa remise en état durant une vingtaine d années. Depuis le milieu des années 2000, le canal du Midi est classé nationalement comme voie fluviale à vocation touristique, dont la propriété et la gestion peut être transférée aux collectivités territoriales. Face à l investissement financier nécessaire pour la remise en état de domaine public fluvial, les collectivités territoriales, et plus particulièrement le conseil régional de Languedoc- Roussillon, ont refusé le transfert de sa gestion et de sa propriété lors de la décentralisation des voies d eau en France. Le partenariat entre l Etat et les collectivités locales s est alors essentiellement traduit dans les contrat-plan Etat-Région. Le développement du tourisme fluvial et son inscription au patrimoine mondial a amené une pluralité d acteurs agissant et intervenant en relation avec le canal du Midi, compte-tenu de la diversité des problématiques rencontrées (patrimoine, eau, biodiversité, économie, tourisme, ) et du linéaire concerné. Le système de gouvernance historique du canal du Midi a alors connu un profond bouleversement : d une gouvernance étatique s amorce une gouvernance partenariale entre l Etat, VNF, les collectivités territoriales et les usagers. Toutefois, la gestion quotidienne du canal du Midi renvoie à des réalités territoriales différentes : Le domaine public fluvial, propriété de l Etat, est sous le contrôle de ses services grâce à des outils de gestion et de protection réglementaire homogènes sur l ensemble de son linéaire. Les abords immédiats du DPF, participant à sa mise en valeur, sont gérés 1
essentiellement par des documents d urbanisme locaux intégrant peu la dimension patrimoniale, paysagère et architecturale du canal du Midi. La gouvernance actuelle du canal du Midi est fractionnée entre les acteurs : l entretien du DPF est assuré par les services de VNF ; la gestion et la validation des autorisations du droit des sols est réalisée par les pôles de compétences Etat ; les projets de développement et de valorisation touristique sont portés par les collectivités territoriales, premiers bénéficiaires des retombées économiques liées au tourisme. L appartenance du domaine public fluvial à l Etat et l absence d une stratégie de développement et de valorisation touristique cohérente sur l ensemble du linéaire du canal ont été pendant de nombreuses années un frein à l émergence d un projet de territoire concerté et partagé entre l Etat, VNF et les collectivités territoriales. Au regard des politiques nationales sur les voies navigables à vocation touristique et sur le patrimoine mondial, les services de l Etat doivent accompagner un projet de territoire autour du canal du Midi, assurant la conservation de sa valeur patrimoniale forte et favorisant son développement. Alertés par la multiplication de projets non maîtrisés aux abords immédiats du domaine public fluvial, les services déconcentrés du MCC et du MEDDE, en charge de la conservation de la valeur universelle exceptionnelle du canal du Midi, envisagent un renforcement des protections réglementaires par un projet d extension du site classé du canal du Midi. Cette proposition est aujourd hui en décalage avec une approche concertée et partagée des projets de territoire entre l Etat et les collectivités territoriales. On reste dans une gestion quotidienne des projets peu confortable pour les services déconcentrés, avec deux effets induits : la négociation au cas par cas ou une interdiction totale. La concertation des acteurs Pour répondre aux problèmes de coordination entre toutes les institutions impliquées dans la gestion du site (rapport périodique n 1 et n 2 Unesco), les services de l Etat souhaite mettre en œuvre une instance de gouvernance dédiée au canal du Midi. Cette construction intellectuelle n a de sens que si elle émane des acteurs du territoire et qu ils se l approprient. Ne faut-il pas alors inverser la logique actuelle des services de l Etat qui privilégient la mise en place d une instance de gouvernance au détriment de la concertation des acteurs? Cette concertation pourrait être amorcée par des ateliers thématiques s inspirant de la démarche Atelier national initiée par le Ministère de l Ecologie, du Développement Durable, des Transports et du Logement (MEDDTL). L objectif de ces ateliers est triple pour le projet de territoire du canal du Midi : Impliquer les acteurs nécessaires à la gouvernance d une voie navigable à vocation touristique, aujourd hui absents sur le canal du Midi : les conseils régionaux, les conseils départementaux et le comité régional du tourisme. L association du conseil régional de la future grande région est par ailleurs un enjeu majeur pour le devenir du canal du Midi, compte-tenu de ses compétences. Déterminer le territoire pertinent pour la mise en place d une gouvernance sur le canal du Midi 2
La gouvernance d une voie navigable à vocation touristique nécessite de prendre en considération la cohérence de la navigation, du système d alimentation en eau et du patrimoine fluvial. Il convient donc de s interroger sur l échelle du territoire pertinente pour la mise en œuvre de l instance de gouvernance : le canal du Midi ou le canal des deux mers. Toutefois, compte-tenu de l absence totale d instance de gouvernance et dans un souci d efficacité, il est préférable de recentrer, dans un premier temps, la réflexion sur le canal du Midi. Sa gestion est plus complexe que la gouvernance d une voie d eau navigable à vocation touristique «classique», tel que le canal latéral de Garonne, par sa valeur touristique et patrimoniale exacerbée. Elle requiert la préservation des paysages bordant le canal, la maîtrise du développement touristique et la conservation du patrimoine fluvial. Dans un second temps, la réflexion pourra être élargie au canal des deux mers. Faire prendre conscience aux acteurs du canal de la nécessité d une instance de gouvernance pertinente Le canal du Midi fait l objet d une juxtaposition de projets, souvent perçus comme incompatibles ou contradictoires, par l absence de dialogue entre les collectivités territoriales, l Etat, VNF et les usagers. Ils se déclinent sous la forme de projets de restauration du DPF, de développement économique et touristique, d aménagements du territoire, etc. En réalité, le canal du Midi fait l objet d un seul et même projet de territoire. La restauration du DPF est nécessaire au développement d une activité économique et touristique sur le canal. Toutefois, elle n a de sens que si ce dernier reste en activité par la fréquentation touristique ou le maintien d une activité économique. Le développement d une identité territoriale autour du canal du Midi n est envisageable que si les habitants et les usagers s approprient sa dimension patrimoniale et culturelle. Il s agit de rassembler les acteurs du canal du Midi autour d un seul et même projet de territoire, concerté, partagé et cohérent sur l ensemble de son linéaire. Le contexte administratif en évolution permet de réinterroger les relations entre les acteurs historiques du territoire sous couvert du transfert des compétences de l Etat aux collectivités territoriales et de la fusion des régions. Afin de bénéficier de ce contexte privilégié pour la gouvernance, le lancement des ateliers thématiques est recommandé dans un délai très bref (au plus tard au courant de l année 2016). Ils porteront sur des thèmes communs à l ensemble de la voie navigable (le développement touristique, la gestion de l eau, la navigation fluviale, la gestion du patrimoine immobilier et des ouvrages d art du DPF, etc.). Proposition d une instance de gouvernance pour le canal du Midi Il s agit de rassembler l ensemble des acteurs au service d un seul et même projet de territoire, alliant la valeur patrimoniale, touristique et identitaire du canal du Midi. Trois axes d intervention ont été déterminés : L entretien/ la conservation et la restauration de la totalité du domaine public fluvial ; La préservation des paysages bordant le canal du Midi ; 3
L accompagnement/ l encouragement/ la délimitation du tourisme sur le canal du Midi et à ses abords immédiats. L étude succincte des systèmes de gouvernance des voies navigables à vocation touristique a permis de transcrire, dans les grandes lignes, les acteurs indispensables à une gouvernance pertinente du canal du Midi. Le schéma prend en compte les spécificités du canal du Midi, notamment sur le volet «aménagement du territoire» et «autorisations du droit des sols». La recherche d une gouvernance partagée et pertinente pour le canal du Midi doit passer outre les limites administratives, les divergences politiques et le statut des acteurs en présence. Il faut viser une mise en commun des moyens émanant de chaque partenaire, en associant les compétences techniques et financières, le caractère régalien et le pouvoir politique. Par ailleurs, comme a pu le montrer l adaptation progressive de la direction territoriale sud-ouest de VNF aux enjeux patrimoniaux du canal du Midi, il est recommandé de favoriser une instance de gouvernance flexible et adaptable aux futurs enjeux de développement du canal. Pour répondre aux besoins de flexibilité et de mutualisation rapide des moyens, la gouvernance du canal du Midi pourrait être assurée par un groupement d intérêt public, qui se caractérise par : Une structure de fonctionnement légère et de règles de gestion souples. Un partenariat possible entre différents partenaires publics ou entre un partenaire public au moins et un ou plusieurs organismes privés. Une mise en commun d un ensemble de moyens et existe pour une durée déterminée ou, depuis la loi n o 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, indéterminée L établissement d une convention constitutive conclue entre les différents partenaires, précisant l'objet et les modalités de fonctionnement. 4
Ce modèle de gouvernance facilite la mutualisation des compétences techniques et financières entre les acteurs de droit public et les organismes de droit privé. Il donne également de la souplesse dans la constitution du groupement, l évolution des moyens mis à disposition, la passation des marchés non soumis aux codes des marchés publics, le recrutement des agents du groupement, etc. Le groupement d intérêt public semble propice à l innovation et à l expérimentation dans la mise en œuvre d une gouvernance pertinente autour du canal du Midi. Il conviendrait de compléter cette amorce de réflexion par la consultation d un bureau d étude spécialisé sur la gouvernance territoriale. 5