CERIVASTATINE ET GEMFIBROZIL : LES DONNEES DE REMBOURSEMENT DE JUIN 2001 DU REGIME GENERAL DE L ASSURANCE MALADIE

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Direction du Service Médical Département Soins de Ville Mission Statistique Département des Produits Sanitaires CERIVASTATINE ET GEMFIBROZIL : LES DONNEES DE REMBOURSEMENT DE JUIN 2001 DU REGIME GENERAL DE L ASSURANCE MALADIE Alain WEILL Michel PAITA Gaetano SABA Sophie PEPIN Michelle RICATTE Novembre 2001

S O M M A I R E RESUME..1 1. CONTEXTE... 2 1.1. DES RISQUES CONNUS ET MENTIONNÉS DANS LES AMM DES HYPOLIPÉMIANTS ; UNE POSOLOGIE MAXIMALE DE CÉRIVASTATINE DE 0.4MG EN FRANCE... 2 1.2. AVANT JUILLET 2001, DES RÉFÉRENTIELS QUI RECOMMANDENT DE NE PAS ASSOCIER STATINES ET FIBRATES MAIS QUI NE L INTERDISENT PAS DE MANIÈRE ABSOLUE... 2 1.3. L ASSOCIATION CÉRIVASTATINE/GEMFIBROZIL DEVIENT UNE CONTRE INDICATION ABSOLUE : LETTRE DU LABORATOIRE BAYER AUX PROFESSIONNELS DE SANTÉ DU 10 JUILLET 2001 ET COMMUNIQUÉ DE PRESSE DE L AFSSAPS DU 16 JUILLET 2001... 3 1.4. PLACE DE LA CÉRIVASTATINE ET DU GEMFIBROZIL PARMI LES HYPOLIPÉMIANTS REMBOURSÉS... 3 2. MATERIELS ET METHODES... 4 3. RESULTATS... 5 3.1. LE NOMBRE D ORDONNANCES DE CÉRIVASTATINE ET/OU DE GEMFIBROZIL... 5 3.2 LES POSOLOGIES UTILISÉES POUR LA CÉRIVASTATINE... 5 3.3 ANALYSE DES 125 ORDONNANCES ASSOCIANT CÉRIVASTATINE ET GEMFIBROZIL... 6 3.3.1. Les patients... 6 3.3.2. Répartition régionale des 125 ordonnances associant cérivastatine et gemfibrozil... 6 3.3.3. Les prescripteurs... 7 3.3.4. Les dosages utilisés pour la cérivastatine associée au gemfibrozil... 7 4. DISCUSSION... 8 4.1. LA CONNAISSANCE DU NOMBRE D ORDONNANCES ASSOCIANT CÉRIVASTATINE ET GEMFIBROZIL EN JUIN 2001 DÉLIVRÉES EN PHARMACIE D OFFICINE ET REMBOURSÉES PAR LE RÉGIME GÉNÉRAL DE L ASSURANCE MALADIE... 8 4.2. DES POSOLOGIES DE CÉRIVASTATINE TRÈS INFÉRIEURES À CELLES UTILISÉES AUX ETATS-UNIS... 9 4.3. LE NON RESPECT DES RECOMMANDATIONS... 9 4.4. LES LIMITES MÉTHODOLOGIQUES À NOS RÉSULTATS... 10 BIBLIOGRAPHIE.....11

RESUME Le 8 août 2001, le laboratoire Bayer a décidé le retrait mondial de la cérivastatine qui était à l origine de la déclaration de 31 décès par rhabdomyolyses. Ce médicament de la famille des statines était destiné à traiter les hypercholestérolémies. Il était commercialisé en France sous les noms de Cholstat et Staltor. La cérivastatine était connue pour sa toxicité musculaire notamment à forte dose ou associée à un fibrate du type gemfibrozil. L objectif de ce travail était de connaître avant l arrêt de la commercialisation le nombre mensuel de prescriptions de cérivastatine, la posologie utilisée de cérivastatine et la proportion d association avec le gemfibrozil. L étude rétrospective sur les bases de données de remboursement de l Assurance Maladie des travailleurs salariés a porté sur le mois de juin 2001. Pour 49,2 millions de bénéficiaires 357 919 ordonnances de cérivastatine ont été remboursées en juin 2001. L association de la cérivastatine avec le gemfibrozil est retrouvée 125 fois (0,035 %). La posologie quotidienne moyenne de cérivastatine était de 0,28 mg. Elle dépassait 0,4 mg (posologie maximale recommandée en France) dans 1,6 % des prescriptions. Les posologies de cérivastatine utilisées en France étaient inférieures à celles utilisées aux Etats-Unis où le dosage 0,8 mg était commercialisé. De plus le taux d association avec le gemfibrozil était également beaucoup plus faible qu en Allemagne et aux Etats-Unis. Ces deux constats, posologie journalière modérée et faible taux d association au gemfibrozil sont en faveur d un risque thérapeutique nettement inférieur en France à celui observé dans d autres pays. Devant une question de pharmacovigilance, l exploitation statistique des bases de données de remboursement de l assurance maladie peut apporter une information précieuse aux autorités sanitaires sur la fréquence d exposition à un risque. 1

1. CONTEXTE Le 8 Août 2001, la Food and Drug Administration (FDA) indiquait que 31 décès, liés à des rhabdomyolyses sévères associées à la prise de cérivastatine (hypocholestérolémiant de la famille des statines) avaient été constatés. Parmi eux, 12 cas étaient liés à la prise concomitante de gemfibrozil (hypocholestérolémiant de la famille des fibrates) [1]. Le même jour, le laboratoire Bayer décidait brutalement et sans concertation avec les autorités sanitaires des différents pays concernés, du retrait du marché de sa molécule, semant doute et inquiétude parmi les patients qui recevaient le traitement. L objectif de ce travail était de mesurer les risques potentiels résultant en France de la prescription de cérivastatine, en évaluant le nombre mensuel d ordonnances délivrées, la posologie de cérivastatine qui était prescrite et le nombre d associations cérivastatine/gemfibrozil. Nous rappellerons au préalable le contexte de ces prescriptions en France dont les risques étaient connus bien avant le mois d août 2001. 1.1. Des risques connus et mentionnés dans les AMM des hypolipémiants ; une posologie maximale de cérivastatine de 0.4mg en France Parmi les effets indésirables des statines et des fibrates sont décrits, depuis leur mise sur le marché, des atteintes musculaires : devant toute douleur musculaire inexpliquée, il est recommandé d effectuer un dosage de CPK et d interrompre le traitement en cas de résultat élevé. L association statines/fibrates est, dès l origine, présentée comme augmentant le risque et la sévérité des atteintes musculaires. De même, le lien avec de fortes posologies est mentionné. 1.2. Avant juillet 2001, des référentiels qui recommandent de ne pas associer statines et fibrates mais qui ne l interdisent pas de manière absolue L association statines/fibrates n est pas, selon la classification établie par l AFSSAPS, une contre-indication absolue ; elle figure parmi les associations déconseillées, en raison du risque majoré d effets indésirables à type de rhabdomyolyse. Jusqu au 10 juillet 2001, l association cérivastatine/gemfibrozil n échappait pas à cette règle. Une RMO, parue en décembre 1998, mentionne le caractère dangereux de l association fibrates/statines, tout en prévoyant qu elle peut être utilisée «en cas d hyperlipidémies sévères non contrôlées et associées à un risque vasculaire élevé» [2]. Les recommandations et références médicales publiées par l ANAES [3] et les recommandations de bonne pratique clinique publiées par l AFSSAPS [4], soulignent que les fortes posologies exposent à des effets indésirables et appellent à la vigilance sur le risque d interactions entre les fibrates et les statines. 2

1.3. L association cérivastatine/gemfibrozil devient une contre indication absolue : lettre du laboratoire Bayer aux professionnels de santé du 10 juillet 2001 et communiqué de presse de l AFSSAPS du 16 juillet 2001 Les observations du système de pharmacovigilance conduisent à classer en contre indication absolue l association cérivastatine/gemfibrozil. Les patients recevant cette association sont invités à consulter leur médecin sans délai pour interruption de l un des deux traitements et remplacement par un traitement approprié. Le rappel de la posologie initiale usuelle (0,1mg/j) et de la posologie maximale recommandée (0,4mg/j) de cérivastatine est effectué. 1.4. Place de la cérivastatine et du gemfibrozil parmi les hypolipémiants remboursés En nombre de boîtes remboursées, la cérivastatine représente un peu plus de 14 % des statines en 2000 (cf. tableau I) et le Lipur moins de 3 % des fibrates (cf. tableau II). Tableau I : Nombre de conditionnements de statines remboursés en 2000 Source Médicam [5] Type de statine Nom de spécialité Nombre de conditionnements remboursés en 2000 % des conditionnements remboursés en 2000 Atorvastatine TAHOR 10mg 4 129 751 Atorvastatine TAHOR 40mg 1 079 842 Sous total Atorvastatine 5 209 592 25.96% Cérivastatine CHOLSTAT 0,3mg 1 183 892 Cérivastatine CHOLSTAT 0,1mg 230 557 Cérivastatine STALTOR 0,1mg 175 939 Cérivastatine STALTOR 0,3mg 1 242 636 Ss total Cérivastatine 2 833 024 14.12% Fluvastatine FRACTAL 20mg 119 342 Fluvastatine FRACTAL 40mg 384 412 Fluvastatine LESCOL 20mg 185 791 Fluvastatine LESCOL 40mg 526 827 ss total Fluvastatine 1 216 372 6.06% Pravastatine ELISOR 20mg 2 743 745 Pravastatine ELISOR 40mg 47 265 Pravastatine VASTEN 20mg 2 440 766 Pravastatine VASTEN 40mg 33 672 ss total Pravastatine 5 265 448 26.24% Simvastatine LODALES 20mg 1 199 711 Simvastatine ZOCOR 20mg 4 339 934 ss total Simvastatine 5 539 644 27.61% TOTAL 20 064 080 100.00% 3

Tableau II : Nombre de conditionnements de fibrates remboursés en 2000 Source Médicam [5] Nom des spécialités pharmaceutiques Nombre de conditionnements remboursés en 2000 % du total des fibrates LIPUR 363 015 2.69% AUTRES FIBRATES 13 120 924 97.31% TOTAL FIBRATES 13 483 939 100.00% 2. MATERIELS ET METHODES L étude porte sur les ordonnances remboursées par le Régime général et comportant de la cérivastatine associée ou non au gemfibrozil. La période d inclusion correspond au mois de juin 2001. Les codes CIP inscrits sous la forme de code-barre sur les vignettes et relatifs aux spécialités médicamenteuses Cholstat, Staltor et Lipur (cf. tableau III) permettent d identifier les délivrances pharmaceutiques présentées au remboursement et entrant dans le champ de l étude. Tableau III : liste des spécialités de médecine de ville concernées par l enquête. Code CIP Nom Produit Principe actif Famille 3260635 LIPUR 450MG CPR 60 LIPUR GEMFIBROZIL FIBRATE 3358972 LIPUR 900 MG (CPR 30) LIPUR GEMFIBROZIL FIBRATE 3460400 CHOLSTAT 0,1MG CPR 28 CHOLSTAT CERIVASTATINE STATINE 3460251 CHOLSTAT 0,3MG CPR 28 CHOLSTAT CERIVASTATINE STATINE 3553432 CHOLSTAT 0,4MG CPR 28 CHOLSTAT CERIVASTATINE STATINE 3445151 STALTOR 0,1MG CPR 28 STALTOR CERIVASTATINE STATINE 3445300 STALTOR 0,3MG CPR 28 STALTOR CERIVASTATINE STATINE 3553478 STALTOR 0,4MG CPR 28 STALTOR CERIVASTATINE STATINE Le système national d information du Régime général de l Assurance Maladie (ERASME VO) comporte l ensemble des données de remboursement aux 49 200 000 bénéficiaires. Le codage de la pharmacie atteint un taux d exhaustivité en juin 2001 de 95 %. Les données concernant l identité des patients comme celle des professionnels de santé sont cryptées et anonymisées. La requête nationale a été conçue par la Mission Statistique de la Direction de Service Médical. Les données extraites de l infocentre ERASME VO ont été traitées et analysées avec le logiciel Statistical Package par Social Science (SPSS) version 9-0-1 (SPSS Inc., Chicago, Il, USA). 4

L analyse statistique est de type descriptive. L unité statistique correspond à un remboursement de la délivrance d une ordonnance. Nous l appellerons «ordonnance» par souci de simplicité même si une ordonnance peut donner lieu à plusieurs délivrances si la prescription est renouvelable. Une «ordonnance» comporte une ou plusieurs lignes de spécialités pharmaceutiques. 3. RESULTATS Nous présenterons successivement le nombre d ordonnances délivrées, les posologies de cérivastatine utilisées, les caractéristiques des patients concernés par l association cérivastatine/gemfibrozil, le nombre de prescripteurs différents. 3.1. Le nombre d ordonnances de cérivastatine et/ou de gemfibrozil Le nombre d ordonnances remboursées en juin 2001 et contenant de la cérivastatine était de près de 358 000 et celles de gemfibrozil 31 000. Lorsque de la cérivastatine était prescrite (Staltor ou Cholstat ), elle était associée au gemfibrozil (Lipur ) dans 0,035% des prescriptions. Ainsi, l association cérivastatine/gemfibrozil a été remboursée 125 fois en juin 2001 pour des patients du Régime général. Tableau IV : Dénombrement des ordonnances remboursées en juin 2001 et comportant de la cérivastatine et/ou gemfibrozil. Principe actif Effectifs d ordonnances cérivastatine 357 794 cérivastatine et gemfibrozil 125 TOTAL cérivastatine 357 919 gemfibrozil sans cérivastatine 31 083 3.2. Les posologies utilisées pour la cérivastatine Pour chacun des trois dosages de cérivastatine (0,1 ; 0,3 et 0,4 mg) le conditionnement en boîte de 28 comprimés correspond à des traitements de 4 semaines. Les posologies quotidiennes sont donc calculées sur la base d une délivrance pour 4 semaines. Dans plus de 98% des cas, les ordonnances comportaient des posologies quotidiennes calculées inférieures ou égales à 0,4 mg. La posologie quotidienne moyenne était de 0,28 mg. 5

Tableau V : Répartition des ordonnances de cérivastatine selon la posologie journalière calculée (N = 357 919) Posologie % % cumulé 0,1 mg 14,1 % 14,1 % 0,2 mg 0,5 % 14,6 % 0,3 mg 76,6 % 91,2 % 0,4 mg 7,2 % 98,4 % 0,5 mg 0,0 % 98,4 % 0,6 mg 1,4 % 99,8 % 0,7 mg 0,0 % 99,8 % 0,8 mg 0,1 % 99,9 % > 0,8 mg 0,1 % 100,0 % 3.3 Analyse des 125 ordonnances associant cérivastatine et gemfibrozil 3.3.1. Les patients Les 125 ordonnances concernaient 118 patients différents dont 76 hommes et 42 femmes (sexe-ratio : 1,81). La répartition par classe d âge retrouvait 19 patients de plus de 70 ans. L âge moyen des patients était de 59 ans. Tableau VI : Répartition par classe d âge des 118 patients concernés par l association cérivastatine et gemfibrozil. Classe d âge Effectif % 30-39 ans 7 5,9 % 40-49 ans 23 19,5 % 50-59 ans 32 27,1 % 60-69 ans 37 31,4 % 70-79 ans 15 12,7 % 80 ans et + 4 3,4 % TOTAL 118 100,0 % 3.3.2. Répartition régionale des 125 ordonnances associant cérivastatine et gemfibrozil La quasi totalité des régions sont concernées avec chacune un nombre très limité de prescriptions. A titre indicatif le nombre d ordonnances par million de bénéficiaire a été calculé. 6

Tableau VII : Répartition des ordonnances selon la région du patient. Régions Fréquence Nombre d ordonnances par million de bénéficiaires de l Assurance Maladie ALSACE AQUITAINE AUVERGNE BASSE-NORMANDIE BOURGOGNE BRETAGNE CENTRE CORSE CHAMPAGNE-ARDENNE FRANCHE-COMTE HAUTE-NORMANDIE ILE-DE-FRANCE* LANGUEDOC-ROUSSILLON LIMOUSIN LORRAINE MIDI-PYRENEES NORD-PAS-DE-CALAIS PAYS-DE-LA-LOIRE PICARDIE POITOU-CHARENTES PACA RHONE-ALPES TOTAL 3 10 1 2 0 2 3 0 5 1 0 33 7 0 2 5 17 3 7 2 15 7 125 * 75 (7), 77 (5), 78 (4), 91 (1), 92 (2), 93 (10), 94 (1), 95 (3) 1,9 4,4 1,0 1,8 0,0 0,9 1,5 0,0 4,6 1,1 0,0 3,3 3,9 0,0 1,0 2,5 4,9 1,2 4,5 1,6 4,0 1,4 2,5 3.3.3. Les prescripteurs Les 125 ordonnances concernant 118 patients ont été rédigées par 101 prescripteurs différents. Les médecins libéraux étaient massivement concernés (93 prescripteurs) tandis que 8 exerçaient à l hôpital public. Au sein des médecins libéraux 83 étaient généralistes, 7 cardiologues, 2 endocrinologues et 1 psychiatre. Deux médecins généralistes de Seine-Saint-Denis étaient à l origine de respectivement quatre et trois prescriptions remboursées en juin 2001. Un médecin généraliste de l est de la France était également prescripteur pour 4 patients différents. 3.3.4. Les dosages utilisés pour la cérivastatine associée au gemfibrozil Les posologies journalières sont calculées sur la base d une délivrance pour quatre semaines. Les posologies quotidiennes ne dépassaient qu à 3 reprises les 0,4 mg par jour (dose maximale recommandée par jour). 7

Tableau VIII : Répartition des ordonnances associant gemfibrozil et cérivastatine selon la posologie journalière de cérivastatine. Posologie de cérivastatine 0,1 mg 0,2 mg 0,3 mg 0,4 mg 0,6 mg 0,8 mg TOTAL Effectif 12 1 98 11 2 1 125 4. DISCUSSION En annonçant le 8 août 2001 par voie de presse, le retrait mondial 1 de la cérivastatine, les laboratoires BAYER ont provoqué à l échelle de la planète surprise et panique. La primeur de l information aux autorités boursières avant les autorités sanitaires marque un pas de plus des firmes pharmaceutiques dans la non prise en compte des patients consommateurs et des prescripteurs. Sur le fond le risque de toxicité musculaire des statines était déjà connu du corps médical en particulier lors des prescriptions associées à des fibrates. Cette étude apporte des éléments nouveaux avec une connaissance en France du nombre absolu de coprescriptions cérivastatine/gemfibrozil, des posologies utilisées pour la cérivastatine et des prescripteurs à l origine des ordonnances. 4.1. La connaissance du nombre d ordonnances associant cérivastatine et gemfibrozil en juin 2001 délivrées en pharmacie d officine et remboursées par le Régime général de l Assurance Maladie En France, l exploitation des bases de données des remboursements du Régime général d assurance maladie montre que 125 ordonnances de ce type ont été remboursées en juin 2001, soit 0,035 % des ordonnances remboursées comportant de la cérivastatine. Aux Etats-Unis Tig Conger, le responsable des ventes de produits cardiovasculaires de Bayer Pharmaceuticals, la filiale américaine du groupe allemand a indiqué lors de la conférence de presse du 8 août 2001 que la combinaison cérivastatine et gemfibrozil constituait aux Etats-Unis environ 1,5 % des traitements combinant statine et fibrate soit cinq fois plus qu en Europe, où ce taux serait de l ordre de 0,3%[1]. Théo Digerman président de la Société pharmaceutique allemande a rapporté que la première caisse d assurance en Allemagne avait répertorié 700 ordonnances faisant état d une prescription de Lipobay (cérivastatine) et de gemfibrozil [6]. 1 A l exception du Japon, cette exception est imputable au fait que seule la dose de 0,4 mg y est disponible et que le gemfibrozil n y est pas homologué. 8

Il apparaît donc que la France a été relativement épargnée par l association incriminée. Parce que la cérivastatine ne faisait pas partie des statines les plus prescrites (14 % en volume en France) et que le gemfibrozil représentait moins de 3 % des fibrates il était logique que l association soit moins souvent retrouvée en France qu aux Etats-Unis ou en Allemagne. 4.2. Des posologies de cérivastatine très inférieures à celles utilisées aux Etats-Unis Contrairement aux Etats-Unis où était commercialisé le dosage à 0,8 mg, la dose maximale recommandée en France était de 0,4 mg. Cette dose a été dépassée dans 1,6% des cas. Il était tout à fait possible de prescrire en pratique 2 comprimés de 0,4 mg, voire d autres combinaisons (0,4 mg + 0,2 mg). Retenons surtout le caractère exceptionnel d une posologie calculée de 0,8 mg (0,1%). 4.3. Le non respect des recommandations L association statine/fibrate et notamment cérivastatine et gemfibrozil était en juin 2001 une association déconseillée mais non formellement contre indiquée. De même la RMO spécifiant qu il n y avait pas lieu d associer statine et fibrate était assortie d une exception (les hyperlipidémies sévères non contrôlées et associées à un risque vasculaire élevé). Cette condition était probablement retrouvée pour certains patients notamment de moins de 50 ans et plutôt suivis en milieu spécialisé. A l inverse, il est douteux qu une hyperlipidémie sévère non contrôlée puisse concerner des patients de plus de 70 ans suivis par le généraliste. Il est encore moins probable que des généralistes puissent avoir dans leur clientèle 4 patients présentant une hyperlipidémie sévère non contrôlée justifiant de tels risques thérapeutiques d addition des effets indésirables notamment musculaires. Rappelons que la convention médicale fixait le seuil à ne pas dépasser pour les généralistes à 3 prescriptions sur une période de 2 mois d activité. En ce qui concerne les pharmaciens dont l un des rôles est de détecter les associations dangereuses, on peut s interroger sur la réalité de la prise de contact avec les prescripteurs en cas d anomalies détectées. Ces éléments ne doivent pas faire oublier que l efficacité des statines est largement prouvée, notamment dans la prévention secondaire des infarctus. 9

4.4. Les limites méthodologiques à nos résultats La réalisation de cette étude s est appuyée sur une identification des ordonnances par le codage des médicaments remboursés en juin 2001 pour le seul Régime général. Certains patients ne se font pas rembourser les traitements médicamenteux tous les mois même si ce biais potentiel tend à diminuer avec la télétransmission aux CPAM par les pharmaciens. On peut estimer que le nombre de 125 ordonnances associant les deux produits est très proche de la réalité avec un taux de codage de près de 97. L extrapolation des données du Régime général (facteur correctif 1,20) à la population française donnerait, en juin 2001, 430 000 prescriptions de cérivastatine et 150 prescriptions associant cérivastatine et gemfibrozil. La deuxième limite de notre étude concerne une approche par la seule analyse des bases de remboursement. Les patients n ont pas été examinés et l on ignore notamment s il présentaient une hyperlipidémie sévère non contrôlée ou hypercholestérolémie essentielle «banale». La part des hypercholestérolémies familiales sévères d habitude prises en charge en milieu spécialisé doit être faible au regard de la spécialité des prescripteurs (83% de généralistes) et de l âge moyen des patients (59 ans) [7]. Les ordonnances n ont pas été vues et la possibilité théorique d une erreur de saisie ou surtout d une prescription bien qu illégale sur une même ordonnance pour deux conjoints par exemple l un sous gemfibrozil, l autre sous cérivastatine ne peut être exclu formellement. Dans la quantification d un phénomène rare concernant le médicament, l exploitation statistique de la base de donnée nationale du Régime général peut apporter dans des délais courts une information précieuse. L association dangereuse (cérivastatine/gemfibrozil) incriminée cet été 2001 ne semble au total concerner qu environ 150 patients en France sur plus de deux millions de patients traités par statine. Les posologies utilisées pour la cérivastatine sont très largement inférieures à celles utilisées aux Etats Unis. Cette affaire doit être l occasion de rappeler les précautions d emploi des statines : posologie modérée, dosage précoce des enzymes musculaires, suspension de traitement en cas de myalgies, pas d association aux fibrates, vigilance accrue sur la mise à disposition de statines ayant obtenu des autorisations de mise sur le marché pour des dosages élevés (simvastatine 80 mg et atorvastatine 80 mg en particulier). 10

BIBLIOGRAPHIE [1] Cérivastatine et rhabdomyolyse : 31 décès aux Etats-Unis dont 12 en association avec le gemfibrozil. Communiqué de presse : Agence Presse Médicale (APM) Reuters. Réf. EHEH8007 08/08/2001 18:49 VIP CARDIO. [2] Arrêté du 4 décembre 1998 portant approbation de la Convention nationale des médecins généralistes. Journal officiel du 5 décembre 1998. [3] Les modalités de dépistage et de diagnostic en prévention primaire. Recommandations de l ANAES. Octobre 2000. [4] La prise en charge thérapeutique du patient dyslipidémique. Recommandations de l AFSSAPS. Octobre 2000. [5]MEDICAM. CNAMTS. Paris. Avril 2001. [6] «Médecins et pharmaciens allemands responsables». Le moniteur des pharmacies. 25 Août 2001 ; 2408 : p 7. [7] Note interne CNAMTS du 11 mai 2001 11