LES DYSPROTEINEMIES Une dysprotéinémie est définie comme étant une modification de la quantité des protéines dans le sang (hypo-ou hyperprotéinémie). Ce terme inclut également toute variation au niveau de la répartition des différentes protéines individuelles (albumine, globulines, fibrinogène). Son appréciation nécessite donc non seulement la détermination du taux de protéines totales, mais aussi la mesure du fibrinogène, l électrophorèse des protéines et le calcul du rapport albumine/globulines (A/G). Les protéines totales peuvent être dosées dans le sérum ou dans le plasma. Les valeurs varient légèrement puisque certaines protéines, dont le fibrinogène, sont incorporées dans le caillot et ne sont donc pas retrouvées dans le sérum. Le taux de protéines totales peut varier physiologiquement avec l âge (souvent < à 5 g/dl chez les très jeunes animaux), avec certaines hormones (la testostérone et les oestrogènes ont une action anabolisante et augmentent la protéinémie), avec l état de nutrition, le stress... Il peut également être modifié par certains médicaments (stéroïdes anabolisants, insuline, hormones thyroïdiennes...). Certains artefacts, comme la lipémie, l hémolyse ou l aspect trouble du sérum affectent également la détermination du taux de protéines. Les dysprotéinémies pathologiques peuvent être classées selon le rapport A/G et le profil électrophorétique. Rappel du principe de l électrophorèse des protéines: L électrophorèse repose sur la propriété qu ont les protéines à se charger négativement en milieu alcalin et à migrer à des vitesses différentes, en fonction de leur charge, lorsqu elles sont soumises à un champ électrique. La séparation des différentes fractions protéiques se fait par migration de la cathode vers l anode sur un support d acétate de cellulose, qui est ensuite coloré pour permettre la lecture de la densité optique des différentes bandes de migration. Les densités optiques sont alors converties en pourcentage. L albumine est la protéine sérique la plus électronégative, c est elle qui migre le plus loin vers l anode; la charge négative des globulines diminue en intensité des 1 globulines aux globulines (très peu chargées). L électrophorèse permet la séparation des protéines sériques en 4 groupes ou plus. Chaque groupe électrophorétique est composé de plusieurs protéines qui ne peuvent être distinguées que par immunoélectrophorèse. Laboratoire d Analyses Vétérinaires J.Collard Chimie Article 1 1/8
A/G normal - Profil électrophorétique normal HYPERPROTEINEMIE: Lors de déshydratation. Augmentation concomitante de l hématocrite. HYPOPROTEINEMIE: Hyperhydratation Hémorragie aigüe Lésions cutanées exsudatives, brûlures étendues Gastroentéropathie («protein losing enteropathy»): gastrite ulcérative polypes ou néoplasie estomac entérite/colite syndrôme de malabsorption lymphangiectasie intestinale lymphome de l intestin... Parasitisme intestinal A/G diminué - Profil électrophorétique anormal HYPOALBUMINEMIE: Perte sélective d albumine: - Néphropathie: glomérulonéphrite amyloïdose rénale syndrôme néphrotique syndrôme de Fanconi - Gastroentéropathie - Parasites intestinaux Synthèse ou apport diminué: - Insuffisance hépatique chronique - Malnutrition - Malabsorption/maldigestion - Pathologie inflammatoire chronique Séquestration: - lors d augmentation de la pression hydrostatique, comme lors Laboratoire d Analyses Vétérinaires J.Collard Chimie Article 1 2/8
d hypertension portale ou d insuffisance cardiaque droite - lors de vasculopathie immune ou infectieuse (endotoxémie/bactériémie, ehrlichiose). Les causes les plus fréquentes d hypoalbuminémie chez le cheval sont le parasitisme, les infections/inflammations chroniques et les néoplasies. Il faut noter que 50 % des chevaux avec hypoalbuminémie ont un taux de protéines totales normal. HYPERGLOBULINEMIE: Augmentation de l globuline: lors de processus inflammatoire aigü Augmentation de l globuline: - Pathologie inflammatoire aigüe - Hépatite active sévère - Néphrite aigüe - Syndrôme néphrotique Augmentation des globulines: - Hépatopathie aigüe - Dermatose suppurative - Syndrôme néphrotique - Strongylose chez le cheval L augmentation de cette fraction est le plus souvent polyclonale; elle peut être monoclonale lors de myélome multiple, de macroglobulinémie ou de lymphome. Lors de strongylose chez le cheval, on note une baisse de l albumine et une augmentation des globulines. Celle-ci est due à une augmentation des IgG (migrent dans la zone ) et est la conséquence de la migration larvaire. Selon certaines études, les IgG seraient quatre fois plus élevées chez des poneys infectés chroniquement par Strongylus Vulgaris. Elles augmentent significativement chez des chevaux et des poneys mis sur des pâtures contaminées par des oeufs et des larves de parasites intestinaux. Pont : Presque pathognomonique de l hépatite chronique active Parfois lors de lymphome Augmentation des globulines: les gammopathies Elles forment un groupe hétérogène de pathologies caractérisées par la présence d un nombre accru d Ig dans le sang. Elles sont polyclonales ou monoclonales selon la distribution relative de la zone à l électrophorèse. Laboratoire d Analyses Vétérinaires J.Collard Chimie Article 1 3/8
Gammopathie polyclonale Modification électrophorétique la plus fréquente, elle traduit une élévation globale de toutes les globulines. Elle est souvent accompagnée d hypoalbuminémie. Elle se développe suite à une prolifération bénigne des plasmocytes en réponse à une stimulation antigénique persistante: Pathologies inflammatoires ou infectieuses chroniques: Pyodermite, parasitose cutanée (démodécie,...) Ehrlichiose, dirofilariose, tuberculose Leishmaniose: l augmentation des globulines est en général accompagnée d une hypoalbuminémie, donnant un taux de protéines totales souvent normal. Péritonite infectieuse féline (PIF): elle s accompagne d une hyperprotéinémie (protéines totales souvent entre 7.8 et 12 g/dl) dans 50% des cas de PIF humide et dans 70% des cas de PIF sèche. A l électrophorèse, on note une hypergammaglobulinémie polyclonale (rarement monoclonale), ainsi qu une augmentation des 2globulines (due à l augmentation du fibrinogène et de l haptoglobine) et des globulines. Le rapport A/G est très souvent inversé. Le fibrinogène est supérieur à 400 mg/dl dans 45-60% des cas. Pathologies suppuratives chroniques Hépatopathie chronique: hépatite chronique, cirrhose, abcès, néoplasie Lors de virémie persistante dans l anémie infectieuse équine (due essentiellement à une augmentation des IgG) Pathologies à médiation immune: Anémie hémolytique auto-immune, thrombocytopénie auto-immune, anémie infectieuse équine, lupus érythémateux disséminé, polyarthrite rhumatoïde, pemphigus, pemphigoïde, allergies Tumeurs du système réticuloendothélial: Lymphome Laboratoire d Analyses Vétérinaires J.Collard Chimie Article 1 4/8
Gammopathie monoclonale Elle résulte d une prolifération bénigne ou maligne d un seul clone de cellules lymphoïdes qui sécrète de grandes quantités d une seule protéine, appelée protéine M ou paraprotéine, structurellement identique à la gammaglobuline normale. Elle migre généralement dans la zone, mais peut également migrer dans la zone c est le cas des IgA) ou même dans la zone. Les paraprotéinémies sont décrites chez le chien, le chat et le cheval. Elles sont décrites lors de lymphome, myélome multiple, leucémie lymphocytaire chronique, leucémie plasmocytaire, macroglobulinémie de Waldenström, amyloïdose, ehrlichiose canine, gammopathie monoclonale bénigne idiopathique... Clinique: Ces pathologies peuvent donner lieu à un syndrôme d hyperviscosité secondaire à la concentration très importante en Ig dans le sang. Cette hyperviscosité se rencontre surtout avec les IgM, qui en plus d être des macromolécules, possèdent une viscosité intrinsèque importante, et avec les IgA qui tendent à former des complexes de haut poids moléculaire (polymères); elle se manifeste par contre rarement avec les IgG. Elle est donc décrite essentiellement lors de macroglobulinémie de Waldenström, dans certains cas de myélome multiple (particulièrement ceux à IgA), et dans les lymphomes et leucémies lymphocytaires associés à une macroglobulinémie. Elle peut donner lieu à des symptômes d insuffisance cardiaque (hypoxie myocardique), des signes nerveux centraux (dépression, coma, ataxie) et des lésions rénales (dégénérescence tubulaire). D autre part, les gammopathies monoclonales peuvent s accompagner d une diathèse hémorragique secondaire au recouvrement des plaquettes par la paraprotéine (réduisant ainsi l agrégation plaquettaire), ainsi qu à l interaction directe de la paraprotéine avec les protéines de la coagulation. Laboratoire: Les anomalies les plus fréquentes sont: - formation de rouleaux érythrocytaires - augmentation du taux de sédimentation - anémie Coombs positif Laboratoire d Analyses Vétérinaires J.Collard Chimie Article 1 5/8
Le myélome multiple: Décrit chez le chien, le chat et le cheval, il est secondaire à une prolifération des plasmocytes dans la moëlle osseuse (le plasmocytome extramédullaire est rare chez les animaux). La paraprotéine est une IgG ou une IgA. Les signes cliniques sont dûs à la fois aux effets de la tumeur sur les tissus environnants (douleur osseuse et compression médullaire: neuropathie périphérique) et aux protéines que la tumeur sécrète (syndrôme d hyperviscosité). Le diagnostic de myélome nécessite au moins 2 critères parmi les 4 critères suivants: Evidence radiographique de lésions ostéolytiques (lésions bien circonscrites ou ostéoporose généralisée) Gammopathie monoclonale Présence de plasmocytes dans la moëlle osseuse Protéinurie de Bence-Jones Les protéines de Bence-Jones sont des chaines ou monoclonales que l on peut retrouver dans les urines. Cette protéinurie est présente dans moins de 10 % des cas chez le chien et dans quelques cas chez le chat. Lors de lésions osseuses, les chiens présentent des signes de boiteries, de douleur et une léthargie parfois sévère. Examens de laboratoire: Anémie régénérative lors de perte de sang récente, lors de saignement gastrointestinal ou lors de processus hémolytique Coombs positif concomittant Anémie non régénérative lors d hémorragie aigüe (inférieure à 3 jours), lors d infiltration sévère de la moëlle par les plasmocytes ou lors d insuffisance rénale chronique sousjacente. Leucocytose lors d infection bactérienne, ou lors de réponse généralisée de la moëlle à une récente hémorragie Leucopénie et/ou thrombocytopénie lors d infiltration sévère de la moëlle par les cellules tumorales Hyperprotéinémie secondaire à une hyperglobulinémie; à l électrophorèse des protéines: gammopathie monoclonale (elle peut être absente si la tumeur est non sécrétante) Laboratoire d Analyses Vétérinaires J.Collard Chimie Article 1 6/8
Hypoalbuminémie fréquente: elle est surtout due à une perte d albumine par le rein; elle peut également être liée à une insuffisance hépatique ou à un mécanisme de compensation visant à diminuer la pression oncotique Rapport A/G inférieur à 0,6 Augmentation de l urée et de la créatinine lors d hypoperfusion ou de lésion tubulaire secondaire à une accumulation de protéines Augmentation des transaminases hépatiques (TGO, TGP) lors d infiltration hépatique ou de diminution de la perfusion vasculaire Hypercalcémie fréquente (> 12 mg/dl) secondaire à la présence d un facteur appelé «osteoclast activating factor», sécrété par les cellules tumorales A l analyse d urines: protéinurie, cylindrurie, pyurie, hématurie ou bactériurie Complications fréquentes: - Infections récurrentes dûes à une dépression immunitaire (dépression du taux d immunoglobulines normales) ou à une diminution de l activité phagocytaire (infiltration de la M.O. par les cellules néoplasiques conduisant à une granulocytopénie). Cette augmentation de la susceptibilité aux infections est souvent la cause de la mort de l animal. - Insuffisance rénale aigüe ou chronique dûe à l excrétion de protéines anormales. - Boiteries, douleurs osseuses, fractures osseuses, ostéolyse - Parfois cécité due à un détachement de la rétine Rq: L insuffisance rénale et les manifestations neurologiques sont plus fréquentes chez l homme que chez le chien. A/G augmenté - Profil électrophorétique anormal HYPERALBUMINEMIE: Rencontrée uniquement lors de déshydratation HYPOGLOBULINEMIE: Chez les nouveaux-nés avant la prise de colostrum Immunodéficiences Aglobulinémie Laboratoire d Analyses Vétérinaires J.Collard Chimie Article 1 7/8
Les modifications de la fibrinogénémie Hyperfibrinogénémie Inflammation Traumatisme Néoplasie Pathologies suppuratives Le fibrinogène est un marqueur sensible de l inflammation: il peut en effet augmenter lors d inflammation modérée non associée à une leucocytose ou une neutrophilie. De plus, lors d inflammation chronique, sa concentration reste élevée aussi longtemps que dure la pathologie. Lors de lésion hépatique modérée, on note une augmentation du fibrinogène; celui-ci diminue par contre, lorsque la lésion hépatique devient suffisamment sévère pour interférer avec sa synthèse. Hypofibrinogénémie Diminution de la synthèse du fibrinogène: lors de pathologie hépatique diffuse sévère Augmentation de sa consommation: lors de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD). Il est à noter que chez les grands animaux, la CIVD donne rarement une hypofibrinogénémie: en effet, les CIVD étant le plus souvent secondaires à une pathologie inflammatoire, il y a augmentation compensatrice du fibrinogène, masquant ainsi l augmentation de la consommation. Pathologies congénitales du fibrinogène (hypo-, dys-, ou afibrinogénémie) (rare). Laboratoire d Analyses Vétérinaires J.Collard Chimie Article 1 8/8