Cérémonie à La Chapelle-en-Vercors Discours de Jean-Marc Todeschini (La Chapelle-en-Vercors, lundi 25 juillet 2016) Seul le prononcé fait foi. Monsieur le préfet, Madame la sénatrice de la Drôme, Marie-Pierre Monier, Monsieur le président de la communauté de communes du Vercors, Monsieur le vice-président du conseil départemental, Madame la conseillère départementale, Monsieur le maire de La Chapelle-en-Vercors, Monsieur le maire de Vassieux-en-Vercors, Monsieur le maire de Saint-Agnan-en-Vercors, Monsieur le maire de Saint-Martin-en-Vercors, Monsieur le commandant du groupement de Gendarmerie de la Drôme, mon colonel, Monsieur le président national des Pionniers du Vercors, Mesdames et messieurs les présidents d associations, 1
Mesdames et messieurs les porte-drapeaux, Mesdames et messieurs. Je voudrais commencer par rendre hommage à Raymonde Tillon, qui nous a quittés la semaine dernière, à l âge de 100 ans. Son siècle d existence fut celui d une femme déterminée et fidèle à ses engagements. Elle fut Résistante. Elle fut déportée. Elle fut aussi l une des 33 premières femmes élues à l Assemblée. Son exemple nous inspirera pendant longtemps encore. 2
Le 25 juillet 1944, en fin d après-midi, les soldats nazis occupent La Chapelle-en-Vercors. Le crépuscule commence. Les habitants sont arrêtés, les femmes séparées des maris, les enfants séparés des pères. A deux heures du matin, la ville est en flammes. Des affrontements éclatent subitement entre les nazis et les Résistants. Quand le petit jour se lève, La Chapelle-en-Vercors découvre un spectacle de deuil et de désolation. Les Allemands ne sont plus là. Ils ont laissé, dans leur fuite, dans leur lâcheté, des cadavres dans la cour de la ferme, qui n a pas encore fini de brûler. Ils ont laissé les cadavres de 16 jeunes hommes, entassés comme des bêtes, mutilés par les balles et les grenades. On les ensevelit dans l après-midi. 3
La longue litanie de ces vies brisées nous met face à des jeunes hommes, qui avaient pour la plupart entre 18 et 21 ans, qui avaient encore la vie devant eux. Ils étaient jeunes et courageux. Ils étaient parfois des frères ou des proches. Ils étaient des Résistants du Vercors. Le martyr qu a subi La Chapelle-en-Vercors a été reconnu et honoré par l attribution de la Médaille de la Résistance Française à la commune par un décret du 15 octobre 1945. Le village fut distingué pour avoir «hébergé d importants services de l armée du maquis» et offert, aux contemporains et à la postérité, selon le texte de la citation, «un exemple magnifique de patriotisme.». Nous rendons hommage aux fusillés de la Chapelle-en- Vercors. Mais nous célébrons également la mémoire de sa brigade de gendarmerie, qui apporta une aide si précieuse, si secrète, à la Résistance dans le territoire. 4
Elle fut singularisée en étant la seule brigade de gendarmerie de France à recevoir la Médaille de la Résistance. La commune fut un haut lieu de la résistance française dans le maquis du Vercors. Début juillet, 4000 audacieux proclament la République sur le territoire du Vercors. Par cet acte, une région retrouve l ivresse de la liberté. Le Vercors s est soulevé. Il a montré sa force, sa détermination à lutter, pour l honneur de la France, dans l union face à l ennemi. Le commandant et résistant du Vercors Pierre Tanant se souvient que «sur ce vaste plateau, des Français de toutes origines et de toutes opinions ont su se grouper et s'unir avec la seule ambition d'échapper à la servitude». 5
La résistance du maquis face à un ennemi supérieur en nombre et surtout bien mieux équipé fut héroïque. Nous en gardons toujours un souvenir ému. Je suis toujours frappé, comme vous, par la bravoure intrépide de ces jeunes hommes, qui n avaient ni le nombre ni les armes pour triompher seuls de l occupant nazi, mais qui ont, par leur résistance farouche et opiniâtre, offert à la France et au monde un emblème de vaillance. Les résistants du Vercors ont, durant le terrible été 1944, personnifié le courage. Aujourd hui, nous nous souvenons des fusillés de La Chapelle. Nous honorons leur mémoire. Nous saluons leur sacrifice. 6
C est notre devoir et notre responsabilité de transmettre l histoire de ces fusillés aux jeunes générations. Au cours de mon déplacement à Vassieux-en-Vercors, aujourd hui, j ai visité le musée de la Résistance dans le Vercors et me suis rendu dans la nécropole et dans la salle du souvenir. J ai ainsi pu mesurer la vivacité et la qualité du travail de mémoire effectué dans le département. Le ministère de la Défense est particulièrement attaché à la préservation de ce patrimoine du souvenir. C est pourquoi l État soutient financièrement l entretien de la nécropole de Vassieux-en-Vercors, depuis 2004, et l entretien de la salle du souvenir, inaugurée le 21 juillet dernier. Cependant, l action de l État et des collectivités locales serait encore incomplète sans l appui constant des associations. 7
Depuis l automne 1944, l association des Pionniers et Combattants Volontaires du Vercors veille à perpétuer la mémoire du sacrifice consenti. Elle participe encore aujourd hui à de nombreuses cérémonies du souvenir. Je voudrais par conséquent la remercier pour son travail de mémoire dont nous mesurons l ampleur et la valeur. Le récit de la Résistance dans le Vercors est tragique. Il est ténébreux. Mais il porte en lui un éclat d espérance : celui de la Résistance, celui de la lutte continuelle pour défendre les valeurs de la République, celui de la fraternité. 8
Ces jeunes hommes de La Chapelle-en-Vercors ont fait le sacrifice de leur vie pour un dessein plus grand qu eux, plus grand que nous. Veillons, aujourd hui et demain, à transmettre la mémoire de leur dévouement. Elle est riche pour nous d avertissements, d enseignements. Elle est celle de la Résistance à la barbarie. Elle doit nous encourager à ne pas céder à la terreur et aux ferments de la division que le totalitarisme cherche à instiller dans les démocraties. Je vous remercie. 9