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26 LES CARTES RÉGIONALES DE VULNÉRABILITÉ Les cartes régionales de vulnérabilité, outils de réflexion et supports d aide à la décision : le cas de la région Piémont et de la province de Varèse Comment passer de la réflexion sur les concepts de risque et de vulnérabilité à sa traduction sous forme d outils opérationnels? Comment, via la mise au point de supports techniques d aide à la décision favoriser le progrès des connaissances? Réponse avec l expérience menée dans le Piémont et la province de Varèse et la mise en place de techniques innovantes pour améliorer l évaluation de la vulnérabilité territoriale. Et donc la gestion des risques. par Carmelo di MAURO et Sara BOUCHON (*) Cet article présente les résultats préliminaires de la collaboration en cours entre le JRC (Centre de recherche commun de la Commission européenne), les autorités régionales de la Protection civile piémontaise, et la province de Varèse (Italie). Cette collaboration a pour objet la prévention des risques et la planification en cas de crise. La Protection civile piémontaise, ainsi que les autorités provinciales de Varèse ont déjà acquis une solide expérience en la matière. Néanmoins, elles estiment leurs méthodes et leurs outils actuels insuffisants. Elles souhaitent développer une vision plus intégrative de la gestion des risques, reposant à la fois sur une approche systémique et multirisque du territoire, et sur une évaluation plus approfondie des vulnérabilités régionale et locale. Cela implique un processus de concertation entre acteurs publics et privés, qui accordent une valeur différente aux éléments territoriaux exposés et aux scenarii possibles de risques. La nécessité de définir les documents supports au processus de concertation a mis en évidence l importance de la cartographie. La mise au point d un système d information géographique (Sig) dédié à l évaluation des risques et de la vulnérabilité pour la région Piémont et la province de Varèse s est déroulée en plusieurs étapes : la définition d un modèle conceptuel de la gestion des risques et de la vulnérabilité associée à l évaluation des données existantes a servi de base à la définition de la base de données du futur Sig. La mise en place du Sig, associé à un outil d analyse multicritères, a permis la production de cartes de vulnérabilité et de cartes multirisques intégrant le jugement de chacun des acteurs. L objectif est ici de montrer que toute réflexion sur le risque et la vulnérabilité territoriale reste lettre morte si des outils ne permettent pas de rendre opérationnelles les avancées conceptuelles du monde scientifique. En contrepartie, la mise en place de supports techniques d aide à la décision, en concertation avec les acteurs qui, au quotidien, sont chargés de la gestion des risques, permet de faire progresser la réflexion et la connaissance du risque et de la vulnérabilité pour un territoire donné. Pourquoi, pour qui, comment, dans quel but mettre en place un Sig? Les processus décisionnels en jeu Toute carte doit répondre à des objectifs précis, afin de permettre la sélection des informations à représenter. La mise au point d un Sig dédié à la gestion des risques et à l évaluation de la vulnérabilité implique, au préalable, une réflexion sur les processus de décisions qu il s agit de supporter, les acteurs concernés et, aussi, sur le rôle de la cartographie pour chacune des étapes. Les acteurs concernés par ces processus de gestion des risques en région Piémont et pour la province de Varèse sont les suivants : autorités régionales, provinciales, communales, services préfectoraux, services de secours (pompiers), services de police (locaux et régionaux), service sanitaire régional, services hospitaliers, agence régionale de l environnement [1]. Chacun de ces acteurs joue un rôle plus ou moins important au cours de la gestion des risques, en fonction d objectifs précis. La mise au point d un SIG nécessite donc une capacité d adaptation et de prise en compte des exigences de chacun de ces acteurs. Le contexte géographique de l Italie du Nord

LES CARTES RÉGIONALES DE VULNÉRABILITÉ 27 ALÉAS Séismes Inondations Glissements de terrain Feux de forêt Accident industriel Transportation de matières dangereuses Effet Domino Simultanéité ALÉAS Séismes Inondations Glissements de terrain Feux de forêt Accident industriel Transportation de matières dangereuses ÉLÉMENTS EXPOSÉS Population Bâtiments Infrastructures Patrimoine culturel Environnement Figure 1. Multi-aléas et multi-vulnérabilité en Italie du Nord. La région Piémont et la province de Varèse (subdivision de la région Lombardie, frontalière de la région Piémont) présentent les caractéristiques géographiques de l Italie du Nord, soit sommairement : la combinaison de deux grands milieux naturels, milieu montagnard (les Alpes) et milieu de plaine (plaine du Pô), caractérisés par des aléas spécifiques (glissements de terrains, crues-éclairs, feux de forêt en montagne, inondations lentes en plaine) ; et en outre, l Italie du Nord est une zone sismique ; une densité de population parmi les plus élevées d Europe, associée à une forte concentration d industries et d infrastructures, dans les zones les plus planes. Les zones de plaines sont les plus exposées aux risques d origine technologique et la vulnérabilité de la population y soulève davantage d enjeux. Du point de vue de la gestion des risques et de l évaluation de la vulnérabilité, la zone de recherche constitue donc un cas d étude particulièrement intéressant, dans la mesure où elle appelle une perspective multirisque (multi-aléas et multi-vulnérabilité). La perspective multi-aléa a deux dimensions : (1) elle renvoie d abord au fait qu un aléa peut engendrer un second aléa, par effet domino : un séisme peut, par exemple, provoquer des glissements de terrain, une explosion industrielle peut entraîner un incendie, etc ; (2) elle renvoie ensuite à la possible simultanéité de deux aléas, sans relation de cause à effet de l un à l autre (par exemple, en cas de fortes pluies, des glissements de terrain, une inondation peuvent survenir au même moment, etc). La perspective multi-vulnérabilité renvoie à la diversité des éléments exposés retenus : population, infrastructures, bâtiments, patrimoine historique et environnemental, présentant chacun un niveau différent de vulnérabilité vis-à-vis des multiples sources d aléas, ainsi que des capacités de résistance et de résilience diverses. La figure 1 résume les dimensions retenues d une situation multirisque comme base du Sig dans les régions étudiées. Un Sig est fondamental pour comprendre la spatialisation du risque, la répartition des zones d aléas et de vulnérabilité. De la figure 1 il est alors possible de passer à la carte 1 illustrant les caractéristiques spatiales d une situation multirisque. Les échelles de la gestion des risques Si le contexte géographique des deux cas d étude est similaire, l échelle d analyse varie en fonction du territoire de compétence institutionnel considéré : région et province sont deux niveaux de compétence différents du système administratif italien. A l échelle régionale, les autorités sont responsables de la définition d une stratégie de gestion des risques, de l application de politiques adéquates et de la répartition des ressources financières. A l échelle locale, les autorités provinciales sont responsables de l organisation des services territoriaux, notamment des services de secours, de l application des mesures de prévention et de gestion de crise. Il est donc nécessaire d adopter une approche pluriscalaire du risque et de la vulnérabilité dans la définition du Sig, et d en rapporter l évaluation à l échelle la plus pertinente : par exemple, un glissement de terrain localisé est important à l échelle locale alors qu il soulève des enjeux moins importants à l échelle de la région ; en revanche l évaluation du risque sismique est plus pertinente à l échelle de la région, et les conséquences possibles d un tremblement de terre doivent être à la fois évaluées pour l ensemble de la région et, plus localement, pour chaque province. Les priorités d intervention pour la réduction des risques et de la vulnérabilité varient évidemment en fonction de l échelle du risque considéré et des compétences des autorités impliquées aux échelles régionales et provinciales. La difficulté dans l élaboration du Sig réside donc dans la définition d une méthodologie pour une évaluation du risque et de la vulnérabilité commune et adaptable à différentes échelles, permettant de maintenir une cohérence d analyse et de résultats, exprimés par des indicateurs pertinents en fonction de l échelle. L évaluation du risque à l échelle régionale ne peut pas se réduire à l agrégation de l évaluation du risque au sein des différentes provinces et vice versa. L objet du Sig est donc de permettre un processus de concertation entre les différents acteurs, et de rendre compte du caractère pluri-scalaire du risque et de la vulnérabilité, du contexte multirisque caractéristique de la zone d étude. La mise en place d un Sig dédié à l évaluation de la vulnérabilité et à la gestion des risques La mise en place d un Sig dédié à l évaluation de la vulnérabilité et à la gestion des risques repose sur

28 LES CARTES RÉGIONALES DE VULNÉRABILITÉ Feux de Forêt Infrastructures Zone inondable Population Industries et zones d impact réglementaires 1 3 km Carte 1. Les situations multirisques dans la province de Varèse (extrait). autorités impliquées aux échelles régionales et provinciales. La difficulté dans l élaboration du Sig réside donc dans la définition d une méthodologie pour une évaluation du risque et de la vulnérabilité commune et adaptable à différentes échelles, permettant de maintenir une cohérence d analyse et de résultats, exprimés par des indicateurs pertinents en fonction de l échelle. L évaluation du risque à l échelle régionale ne peut pas se réduire à l agrégation de l évaluation du risque au sein des différentes provinces et vice versa. L objet du Sig est donc de permettre un processus de concertation entre les différents acteurs, et de rendre compte du caractère pluri-scalaire du risque et de la vulnérabilité, du contexte multirisque caractéristique de la zone d étude. La mise en place d un Sig dédié à l évaluation de la vulnérabilité et à la gestion des risques La mise en place d un Sig dédié à l évaluation de la vulnérabilité et à la gestion des risques repose sur l analyse de l espace en tant que système spatial complexe exposé à des aléas naturels et technologiques aux échelles régionales et provinciales. La vulnérabilité de ce système spatial s exprime en termes de conséquences potentielles de ces aléas sur la population, le tissu bâti, les infrastructures, l environnement, et le système socio-économique. L approche systémique permet d évaluer ces conséquences à différentes échelles, dans l espace et dans le temps. Elle repose sur la définition de scenarii d événements, le choix des critères pertinents pour exprimer la vulnérabilité, et la proposition aux acteurs de scenarii des alternatives possibles pour la prise de décisions. D un point de vue méthodologique la réalisation du Sig s est déroulée en plusieurs étapes décrites ci-dessous. L ontologie : système d organisation des informations et de la base de données du Sig La première étape a consisté à évaluer l information existante et disponible au sein de la région Piémont et de la province de Varèse et de l organiser de manière logique pour la gestion des risques au sein d une ontologie. Si les autorités concernées disposent d une grande quantité de données, elles varient en quantité, qualité et format. Par ailleurs, l absence d organisation

LES CARTES RÉGIONALES DE VULNÉRABILITÉ 29 Susceptibilité Vulnérabilité Crise Figure 2. Modèle de vulnérabilité. Résilience Capacité de réponse Reprise systémique de ces informations rendait leur utilisation difficile. Le principe de l ontologie repose sur une classification des données spatiales et méta-données en rapport avec les concepts clés utilisés pour la cartographie des risques. L ontologie est couramment utilisée pour décrire les propriétés d un objet et les relations existant entre différents objets. Appliquée aux systèmes informatiques d information, elle permet d organiser et de structurer en un langage formalisé l ensemble des informations rapportées à un concept, respectant la hiérarchie entre ces informations. Cette démarche permet d organiser la base de données du Sig. La conception de l ontologie repose sur la mise au point d un modèle conceptuel de l évaluation des risques pour un territoire, où le risque a été défini comme fonction de l aléa, des éléments exposés et de leur vulnérabilité. La structure de l ontologie s est donc fondée sur ces trois éléments et la définition de l information requise pour les évaluer, utilisant le logiciel de visualisation «Protégé 2000» (Stanford University). Ce logiciel permet une organisation des informations et méta-informations standardisée et interopérable, selon la standardisation européenne des données spatiales proposée par le programme Inspire. Une fois l ontologie définie, il a été possible de classer les données spatiales existantes, d en évaluer la quantité et la qualité au regard de l information normalement requise pour une évaluation du risque la plus complète possible. Les résultats de cette première étape ont clairement fait ressortir la grande quantité Edouardo Fornaciari/GAMMA La région Piémont et la province de Varèse présentent les caractéristiques géographiques de l Italie du Nord : la combinaison de deux grands milieux naturels, milieu montagnard (les Alpes) et milieu de plaine (plaine du Pô), caractérisés par des

30 LES CARTES RÉGIONALES DE VULNÉRABILITÉ d informations disponibles pour évaluer les aléas. S agissant des éléments exposés et leur vulnérabilité, les données sont en revanche peu nombreuses et parfois complètement absentes. Des indications ont été fournies aux autorités pour collecter ou mettre au point les informations manquantes [1]. Développer un modèle de vulnérabilité En raison de la faible représentation des données la concernant, l accent a été mis sur la définition d un modèle de vulnérabilité (figure 2), afin de clarifier ce concept pour les autorités et de les aider à développer une connaissance plus approfondie de la vulnérabilité de leur propre territoire dans la perspective d une gestion des risques plus complète et plus efficace. La littérature sur le concept de vulnérabilité fait ressortir l absence de consensus sur sa définition, ainsi que sur les paramètres et indicateurs adéquats pour cartographier et exprimer la vulnérabilité d un territoire [2]. Nous avons donc choisi de développer un modèle de vulnérabilité à partir de la définition de R. Chambers : la vulnérabilité se réfère à la «potentialité de pertes selon deux aspects : d une part, l approche externe renvoie aux chocs et perturbations auxquels un système est exposé ; d autre part, l approche interne renvoie à la capacité ou à l absence de capacité de réponse et de reprise vis-à-vis de ces sources externes de stress» [3]. Sur cette base, le modèle suivant de vulnérabilité a été défini, où : la susceptibilité résulte de la combinaison entre la probabilité pour un aléa de se produire, le degré d exposition des éléments du système à cet aléa, la sensibilité des éléments exposés à subir des pertes vis-à-vis de cet aléa balancées par leurs capacités de résistance (en fonction, par exemple, des mesures de prévention existantes, etc.) ; la résilience renvoie à l évaluation des capacités de gérer une crise et de réduire les pertes à court terme, une fois l aléa réalisé, et à l évaluation des capacités de reprise, soit les moyens permettant, une fois la situation de crise passée, de réduire les Carte 2. L accessibilité des industries classées Seveso. Province de Varèse (extrait). pertes à long terme et d opérer un retour à la normale. Ce modèle a rendu possible la définition des paramètres et indicateurs permettant d exprimer la susceptibilité, les capacités de gestion de crise et de reprise, ainsi qu un indicateur final de vulnérabilité. Paramètres et indicateurs se réfèrent à la vulnérabilité de chaque élément exposé vis-à-vis des types d aléas retenus et ont été rassemblés au sein d une matrice. Cette matrice, encore en cours de construction, a pour objectif de représenter de manière synthétique pour chaque niveau d intensité possible d un ou plusieurs aléas, les fonctions de vulnérabilité de référence pour chaque type d élément exposé. Les fonctions de vulnérabilité sont exprimées en fonction de chaque type de conséquences (e.g. mort, blessures, destruction, interruption des services, etc.). Les conséquences elles-mêmes sont exprimées à l aide d indicateurs (nombre de blessés, coût de reconstruction, etc.). La valeur accordée à ces conséquences par chacun des acteurs est prise en compte à travers l utilisation de poids à donner à chacune d elles au sein de l évaluation finale de la vulnérabilité. Cette matrice a donc pour objectif de permettre l évaluation d une grande multiplicité de scenarii multirisques : pour un scénario d aléa donné, elle permet d évaluer les conséquences potentielles pour les différents éléments exposés ( m u l t i vulnérabilité) ; pour un type d élément exposé, elle permet d évaluer toutes les conséquences possibles d un scénario multi-aléa (multi-aléa) ; la combinaison de ces deux approches permet, pour un scénario donné, d évaluer les dimensions multi-aléa et multi-vulnérabilité d une situation multirisque. La matrice a été soumise aux acteurs concernés et l attribution des poids respectifs est encore en discussion. L objectif final est de se servir de cette matrice comme vecteur d intégration de la perception des

LES CARTES RÉGIONALES DE VULNÉRABILITÉ 31 acteurs au sein du système d information géographique final. Un Sig dédié à la gestion des risques et à l évaluation de la vulnérabilité L ontologie et la matrice définies ont servi de bases à la mise en place d un Sig dédié à la gestion des risques et à l évaluation de la vulnérabilité pour la région Piémont et la province de Varèse. L intérêt d un Sig réside dans le fait qu il permet [4] : la visualisation de l extension spatiale des scenarii d aléa, de vulnérabilité, de risque ; l identification et la répartition spatiale des éléments exposés pour chacun des scenarii ; l identification et la distribution des ressources territoriales pour la gestion de crise ; la visualisation dynamique dans le temps des conséquences des scenarii de risques pour un territoire ; la visualisation des scenarii d aléa et de la vulnérabilité territoriale à différentes échelles pour un même territoire. Les cartes ainsi produites sont destinées à servir de supports à la discussion au cours du processus de concertation, permettant de faire le lien entre l analyse des experts et les perceptions des divers acteurs. L objectif final est d améliorer les processus de gestion des risques et de gestion de crise. La carte 2 montre, par exemple, la répartition des industries de type Seveso, classées en fonction de leur accessibilité par les différents services de secours. Cette carte doit permettre de repenser la répartition territoriale des services de secours afin de permettre l intervention la plus efficace possible en cas d accident industriel. Un Sig, comme support au processus de concertation