LA PRATIQUE DE L EXPERTISE JUDICIAIRE DANS LE PROCES CIVIL

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Transcription:

LA PRATIQUE DE L EXPERTISE JUDICIAIRE DANS LE PROCES CIVIL I.P.F. RHONE-AIN 15 février 2010 Exposé présenté par : Daniel PALVADEAU Ingénieur Professionnel en génie civil bâtiment Expert près de la cour d Appel de Lyon 137, rue Bugeaud 69006 LYON Tel /Fax : 04 78 52 90 62 Mobile : 06 77 15 75 80 Email : palvadeaud@aol.com

LA PRATIQUE DE L EXPERTISE JUDICIAIRE DANS LE PROCES CIVIL I.P.F. RHONE-AIN 1 L EXPERT JUDICIAIRE 1.1 LE STATUT DE L EXPERT JUDICIAIRE La fonction d expert judiciaire est par nature occasionnelle et ne constitue pas une profession au sens étroit du terme. L expert de justice reçoit sa mission du juge, il est un collaborateur occasionnel du service public de la justice. Le titre d expert judiciaire : les personnes inscrites sur l une des listes instituées par l article 2 de l article 3 de la loi du 29 juin 1971 ne peuvent faire état de leur qualité que sous la dénomination : «Expert agréé par la Cour de Cassation «ou «d Expert près la Cour d Appel de..». La dénomination peut être suivie de l indication de la spécialité de l Expert. Les Experts admis à l honorariat peuvent continuer à utiliser leur titre, à la condition de le faire suivre par le terme «honoraire». 1

1.2 LES LISTES D EXPERT L inscription sur la liste des Experts Toute personne physique ou morale peut être inscrite sur une liste des Experts dès lors qu elle satisfait aux conditions posées par le décret du 31 décembre 1974. L expert ne peut être inscrit que sur la liste établie par la cour d appel dans le ressort de laquelle il exerce son activité professionnelle ou à sa résidence Les conditions de l inscription Le candidat à l inscription ne peut être reçu que s il réunit les conditions suivantes : 1- N avoir pas été l auteur de faits ayant donné lieu à condamnation pénale pour agissement contraire à l honneur, à la probité et aux bonnes mœurs 2- N avoir pas été l auteur de faits de même nature ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, de retrait d agrément ou d autorisation 3- N avoir pas été frappé de faillite personnelle 4- Exercer ou avoir exercé pendant un temps suffisant une profession ou une activité en rapport avec sa spécialité. 2

5- Avoir exercé cette profession ou cette activité dans les conditions ayant pu conférer une suffisante qualification 6- N exercer aucune activité incompatible avec l indépendance nécessaire à l exercice de missions judiciaires d expertise. 7- Etre âgé de moins de 70 ans. 8- Exercer son activité professionnelle principale dans le ressort de la cour d appel, ou pour ceux qui n exercent plus d activité professionnelle, y avoir sa résidence. La procédure d inscription La demande d inscription : le candidat doit adresser, avant le 1 er mars de chaque année une demande d inscription sur la liste des experts de la Cour d Appel, au parquet du procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance dans le ressort duquel il exerce son activité professionnelle ou possède sa résidence. Le Procureur de la République instruit les demandes qui doivent comporter tous les renseignements et justificatifs suivants : 1- L indication de la ou des spécialités dans lesquelles l inscription est demandée 3

2- L indication des titres ou diplômes du demandeur, de ses travaux scientifiques, techniques et professionnels, des différentes fonctions qu il a remplies et de la nature de toutes les activités professionnelles qu il exerce avec le cas échéant, l indication du nom et de l adresse de ses employeurs 3- La justification de la qualification de demandeur dans sa spécialité 4- Le cas échéant, l indication des moyens et des installations dont le candidat dispose Le Procureur de la République vérifie que le candidat remplit les conditions requises. Au-delà de cet examen formel, ce magistrat fait effectuer par les services de police une enquête sur la moralité du demandeur et verse au dossier un extrait de casier judiciaire. Les différentes spécialités : Branche A : agriculture, agro-alimentaire, animaux autres que d élevage, forêts, sylviculture, viticulture et œnologie, santé vétérinaire Branche B : arts (objets d art et de collection), cultures, communication et médias, sport Branche C : bâtiment, travaux publics, gestion immobilière 4

Branche D : économie et finances : comptabilité, évaluation d entreprises et de droits sociaux, finances, gestion d entreprise, diagnostic d entreprise Branche E : industries : électronique et informatique, énergie et utilités, pollution, mécanique, métallurgie, produits industriels, transport (matériel), transport (usage et usagers) Branche F : santé : médecine, psychiatrie, chirurgie, imagerie médicale et biophysique, biologie médicale et pharmacie, odontologie, psychologie, sages-femmes et auxiliaires médicaux, experts en matière de sécurité sociale Branche G : criminalistique et sciences criminelles : domaine médico-judiciaire spécialisé, investigations scientifiques et techniques, armes-munitions - balistique Branche H : interprétariat, traduction 5

1.3 LES OBLIGATIONS ET RESPONSABILITES DE L EXPERT LES OBLIGATIONS RESULTANT DE L INSCRIPTION SUR LA LISTE 1.3.1 PRETER SERMENT Les experts inscrits prêtent serment une seule fois dans les conditions fixées par les articles 20 à 23 du décret du 31 décembre 1974 1.3.2 ACCEPTER SA MISSION Un expert judiciaire ne peut prétendre se maintenir en cette qualité s il refuse systématiquement les missions qui lui sont confiées. Les refus répétés d un expert d accepter ces missions constituent un manquement. Il y a cependant des motifs légitimes de refus qui peuvent être : une surcharge de travail, une incompétence par rapport à la question technique posée, ou la récusation du fait que l expert connaît personnellement une partie au procès. 6

1.3.3 RENDRE COMPTE DE SON ACTIVITE Les experts font connaître tous les ans, avant le 1 er mars au premier Président de la Cour d Appel : - le nombre de rapports qu ils ont déposé au cours de l année Pour chaque expertise : - la date de la décision qui a commis l expert, - la désignation de la juridiction qui a commis l expert, - la désignation de la juridiction qui a rendu cette décision - le délai imparti pour le dépôt du rapport. LES OBLIGATIONS RESULTANT DE L ACCEPTATION DE LA MISSION 1.3.4 EXECUTER PERSONNELLEMENT SA MISSION Cette obligation, posée par l article 233 du Nouveau Code de Procédure Civile, interdit au technicien investi de ses pouvoirs par le juge en raison de sa qualification, de déléguer à un tiers tout ou une partie des opérations techniques qui relèvent de sa spécialité. 7

1.3.5 RESPECTER LES DELAIS La mission donnée à l expert mentionne le délai dans lequel celui-ci est tenu de l accomplir. Cependant, de nombreux facteurs de perte de temps font que les reports de délai sont fréquents. 1.3.6 ETRE INDEPENDANT L indépendance à l égard du juge et des parties : l expert judiciaire doit accomplir sa mission en toute indépendance et cette qualité est consubstantielle de l obligation qui lui est faite d accomplir sa mission avec objectivité et impartialité. Le principe d impartialité est absolu et l expert se gardera de la confraternité qui serait de nature à préjuger favorablement de ses conclusions. La récusation : l expert qui a une connaissance personnelle d une des parties doit refuser sa mission. La récusation du technicien peut être demandée dans les cas suivants : 1- Si lui-même ou son conjoint a un intérêt personnel à la contestation 2- Si lui-même ou son conjoint est créancier, débiteur, héritier présomptif ou donataire de l une des parties 8

3- Si lui-même ou son conjoint est parent ou allié de l une des parties ou de son conjoint jusqu au quatrième degré inclusivement 4- S il y a eu ou s il y a procès entre lui ou son conjoint et l une des parties ou son conjoint 5- S il a précédemment connu l affaire comme arbitre ou s il a conseillé l une des parties 6- S il existe un lien de subordination entre lui ou son conjoint et l une des parties ou son conjoint 7- S il y a amitié ou inimité notoire entre lui et l une des parties Si l expert s estime récusable, il doit immédiatement en informer le juge afin que celui-ci ci puisse pourvoir oir à son remplacement 1.3.7 RESPECTER LE SECRET PROFESSIONNEL L expert est astreint au secret professionnel ; La violation de ce secret tombe sous le coup de l article 226-13 du code pénal qui prévoit que la révélation d une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou profession, soit en raison d une fonction ou d une mission temporaire est punie d un an d emprisonnement et de 15 000.00 d amende. 9

LA RESPONSABILITE DE L EXPERT JUDICIAIRE 1.3.8 LA RESPONSABILITE PENALE DE L EXPERT L expert encourt une responsabilité pénale lorsqu il contrevient aux dispositions d une loi pénale dans l exercice de ses fonctions. 1.3.9 LA RESPONSABILITE CIVILE DE L EXPERT La responsabilité civile de l expert est un phénomène marginal. 1.3.10 LA FAUTE DE L EXPERT Toute faute génératrice d un préjudice peut être retenue à l encontre de l expert pour asseoir sa condamnation à dommages intérêts, notamment lorsque délibérément ou par négligence, il ne respecte pas ses obligations. Exemples : - Accepter une mission pour laquelle il n est pas compétent - Ne pas commencer sa mission dans les délais requis - Déléguer illicitement ses fonctions 10

- Violer le principe de la contradiction - Utiliser des procédés illicites dans la conduite de ses opérations ou faire état d informations illégitimement recueillies - Outrepasser le cadre de sa mission - Refuser de restituer des pièces - L erreur technique si elle est délibérément fautive ou si l expert a voulu nuire à l intérêt d une partie 11

2 L EXPERTISE CIVILE 2.1 LA PLACE DE L EXPERTISE DANS LE PROCES CIVIL La procédure civile se définit comme l ensemble des règles qui gouverne l organisation et le fonctionnement de la justice en vue d assurer aux particuliers la mise en œuvre et la sanction de leurs droits subjectifs en matière de droit privé. Deux principes fondamentaux caractérisent la procédure civile : - le principe accusatoire qui s oppose au principe inquisitoire (la justice pénale fonctionne sur un principe inquisitoire) dans le sens qu il laisse aux parties une large plage de liberté dans la conduite de l instance civile - le principe contradictoire, dans la mesure où tout jugement procède de la confrontation des positions des plaideurs qui doivent être en mesure de combattre les arguments et les preuves de leur adversaire. 12

2.1.1 LA PROCEDURE DEVANT LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE Description de la procédure ordinaire suivie devant cette juridiction en examinant chronologiquement les différentes phases L assignation Le particulier qui souhaite engager un procès devant le tribunal de grande instance doit préalablement s adresser à un avocat puisque la constitution d un conseil est obligatoire pour comparaître devant le tribunal de grande instance. L assignation est formalisée par l avocat et comprend : - l indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée - l objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit - l indication que, faute pour le défendeur, il s expose à ce qu un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire 13

La saisine du tribunal Copie de l assignation est remise au secrétariat-greffe de la juridiction ; l affaire est ensuite inscrite au répertoire général par le secrétaire avec indication de la date de saisine, du numéro d inscription, des noms des parties et de la nature de l affaire. La conférence présidentielle Le dossier est ensuite transmis au président de la chambre à laquelle l affaire a été distribuée ; celui-ci décide de son orientation à l occasion d une séance de travail dite «conférence présidentielle». Si l affaire est en état d être jugée immédiatement, le Président de la Chambre la renvoie à une audience utile après avoir déclaré l instruction clause conformément aux dispositions de l article 760 du NPC. La mise en l état Si l affaire n est pas en état d être jugée ou n est pas susceptible d être rapidement en état, ce qui représente la grande majorité des cas, le Président renvoie l affaire à la connaissance du magistrat de la mise en état de sa chambre pour que ce dernier assure le suivi de la procédure. 14

L ordonnance de clôture Le juge de la mise en état lorsqu il estime que l échange entre les parties a été complet déclare l instruction close et prononce une ordonnance, dite ordonnance de clôture mentionnant la date à laquelle l affaire sera appelée à l audience. L audience La phase d audience devant la formation du jugement marque l aboutissement du processus judiciaire devant la juridiction saisie ; l audience est généralement publique et chacun s accorde à voir dans la publicité des débats une garantie de bonne justice Le jugement 15 La décision est rendue à la date indiquée après le délibéré des juges, la décision est rendue à la majorité des voix 2.1.2 LA DESIGNATION DE L EXPERT L expert judiciaire est désigné par un organe juridictionnel qui lui assigne une mission précise correspondant à une mesure d instruction. La mesure d instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l allègue ne dispose pas d éléments suffisants pour le prouver. Devant le tribunal de grande instance, le juge de la mise en état tire de l article 771 du NPC le pouvoir d ordonner, même d office, toute mesure d instruction

2.2 LES OPERATIONS D EXPERTISE 2.2.1.1 LA NOTIFICATION DE LA MISSION EXEMPLE DE MISSION CONFIEE A L EXPERT 1- Recueillir et consigner les explications des parties, prendre connaissance des documents de la cause, se faire remettre par les parties ou par des tiers tous autres documents utiles, entendre tous sachants à charge de produire leurs dires et leur identité, s entourer de tous renseignements à charge d en indiquer la source ; faire appel, si nécessaire, à un technicien d une spécialité différente de la sienne ; communiquer aux parties ainsi qu au juge chargé du suivi de l expertise une note de synthèse après chaque réunion. 2- Se rendre sur les lieux sis., visiter les locaux, 3- Indiquer pour les travaux litigieux, qui était chargé de les concevoir, de les réaliser, d exercer le contrôle de leur exécution ou leur coordination ; s il y a lieu inviter les parties à appeler en cause immédiatement les locateurs d ouvrage concernés par les désordres qui ne le seraient pas encore. 4- Après avoir pris connaissance des documents de la cause, et notamment les constats d huissier et les rapports de Monsieur. vérifier l existence des désordres affectant actuellement le bâtiment 16

5- Dans la mesure du possible, indiquer s il s agit de nouvelles fissures ou d une aggravation des fissures déjà existantes lors des premières opérations d expertise, préciser la localisation des fissures constatées et si possible leu date d apparition, les décrire. 6- Indiquer la nature des désordres constatés, en distinguant si nécessaire selon le type de fissures et en précisant notamment : s il compromettent la solidité de l ouvrage ou, si, l affectant dans l un de ses éléments constitutifs ou l un de ses éléments d équipements, s il le rendent impropre à sa destination, s ils compromettent la solidité d éléments d équipement faisant indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d ossature, de clos et de couvert. 7- Rechercher la cause des désordres ; dire s ils proviennent d une erreur de conception, d une faute de surveillance de chantier, d un vice des matériaux, d une malfaçon dans leur mise en œuvre, d une négligence dans l entretien ou l exploitation des ouvrages ou de toute autre cause. 8- D une façon générale, donner tous les éléments d ordre technique ou de fait permettant d apprécier les responsabilités encourues et si les désordres sont dus à plusieurs causes, fournir tous les éléments permettant au tribunal d apprécier dans quelle proportion ils sont imputables à chacune d elle. 9- Indiquer les travaux nécessaires pour remédier aux désordres constatés, en évaluer le coût après avoir examiné et discuté les devis présentés par les parties dans le délai qu il leur aura imparti ; préciser la durée des travaux préconisés. 17

10 - Donner tous les éléments permettant d apprécier les préjudices qui seraient allégués par les demanderesses, en proposer une évaluation chiffrée 2.2.2 L ACCEPTATION DE LA MISSION L acceptation de la mission par le technicien, qu il soit constatant, consultant ou expert, doit être matérialisée, il le fait généralement en retournant au secrétariat greffe, un imprimé qu il a préalablement signé après avoir coché la case prévue pour exprimer son acceptation. 2.2.3.3 LA COMMUNICATION DES PIECES DETENUES PAR LES PARTIES ET PAR LES TIERS L expert devrait disposer dès l ouverture de ses opérations des pièces et documents versés aux débats par les parties ; si ce n est pas le cas, l expert peut demander communication de tous les documents aux parties. Si une partie détient un élément de preuve, le juge peut à la requête de l autre partie lui enjoindre de le produire. La partie qui fait état d une pièce s oblige à la communiquer à toute autre partie à l instance. 18

2.2.4.4 LES INVESTIGATIONS DE L EXPERT L expert procédera personnellement à ses investigations et constatations, les parties étant impérativement présentes, représentées ou dûment appelées. La première réunion se déroule souvent sur les lieux du litige, l expert doit relever l identité et la qualité précise des personnes présentes aux réunions, afin de pouvoir y faire mention dans son rapport. L expert doit veiller à convoquer toutes les parties à ses opérations et à procéder à ses constatations en leur présence. La mesure d instruction doit être exécutée au contradictoire de toutes les parties au procès civil. 19

2.3 LE RAPPORT D EXPERTISE 2.3.1.1 LA REGLEMENTATION DU RAPPORT L article 244 du nouveau code de procédure civile indique : «Le technicien doit faire connaître dans son avis toutes les informations qui apportent un éclaircissement sur les questions à examiner» «Il lui est interdit de révéler les autres informations dont il pourrait avoir connaissance à l occasion de l exécution de sa mission» «Il ne peut faire état que des informations légitimement recueillies» L article 276 spécifique à l expertise indique également : «L expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties et, lorsqu elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent» «Il doit faire mention, dans son avis, de la suite qu il leur aura donné» Quant à l article 282 alinéa 3, il prévoit : «Si l expert a recueilli l avis d un autre technicien dans une spécialité distincte de la sienne, cet avis est joint, selon le cas, au rapport, au procès verbal d audience ou au dossier» 20

Le rapport en l état L expert doit poursuivre ses opérations jusqu'à leur terme, c'està-dire jusqu au moment où il pourra répondre aux questions que la juridiction lui a posées en s appuyant sur des informations que les parties auront débattues contradictoirement. Il y trois hypothèses où l expert ne conduira pas l expertise à son terme : 1- En cas d abandon de la procédure par les parties 2- En cas de carence des parties dans la remise des documents nécessaires à l accomplissement de la mission 3- A défaut de consignation d un complément de provision dans les délais fixés par le juge Le dépôt du rapport Le rapport doit être déposé par le technicien ou son assistant au secrétariat-greffe de la juridiction qui a ordonné sa désignation. Il peut également être adressé par lettre recommandée avec AR. En général l expert adresse une copie de son rapport à chacune des parties ou à leur conseil. 21

Les effets du dépôt du rapport Le dépôt d un rapport a pour effet immédiat de dessaisir l expert ; ce dessaisissement interdit au technicien de poursuivre ses investigations ou d ajouter à son rapport. 2.3.2.2 LA REDACTION DU RAPPORT D EXPERTISE Le rapport d expertise est le vecteur par lequel le technicien va communiquer aux parties, à leurs conseils, et à la juridiction le détail de ses investigations et les conclusions auxquelles il est intervenu. Le plan du rapport Le rapport d expertise doit être clair, précis, complet, homogène et agréable à utiliser. La première page doit comporter les informations suivantes : - Numéro donné à l expertise par les services du greffe - Coordonnées du technicien commis - Désignation de la juridiction commettante - Désignation des parties L expert doit établir ensuite une chronologie de l expertise dans laquelle il peut indiquer : - Les dates et lieux auxquels il a tenu ses différentes réunions d expertise en ayant soin de préciser l identité et la qualité des personnes présente à chaque accédit et les événements qui ont émaillé ses opérations ; 22

- Les documents et dires reçus des parties - L historique de l affaire - Ensuite l expert doit répondre aux chefs de missions de l expertise ; Les annexes au rapport : Les documents dont l expert a eu connaissance durant ses opérations et sur lesquels il s est appuyé pour donner son avis final revêtent une importance toute particulière. Ces pièces devront être annexées au rapport, de même que l avis du sapiteur dans son intégralité et les dires des parties 2.3. 3 LA NULLITE DE L EXPERTISE La nullité d un acte de procédure a pour conséquence de priver cet acte de tout effet juridique. Nullité pour vice de forme La nullité d un acte de procédure pour vice de forme ne peut être prononcée que si deux conditions cumulatives sont remplies : - La preuve d un grief - L absence de régulation de l acte 23

Nullité pour vice de fond - cas d expertise qui n a pas été effectuée par l expert commis - cas ou les mesures d instruction ont été exécutées par une personne n ayant pas été désignée par le tribunal 24

2.4 LA REMUNERATION DE L EXPERT 2.4. 1 LES PROVISIONS A VALOIR SUR LA REMUNERATION DE L EXPERT L évaluation de provisions Le juge a seul qualité pour fixer le montant de la provision à valoir sur les honoraires et pour arrêter les modalités de son règlement. Cependant, les provisions versées dans le cadre de l expertise étant consignées au greffe du tribunal pendant toute la durée de l exécution de l exécution de la mesure d instruction, il a fallu prévoir la possibilité de verser au technicien des acomptes. Si l évaluation du juge est insuffisante il appartient au technicien de préciser aux parties le plus rapidement possible, le coût réel de son intervention et, le juge ordonne la consignation d une provision complémentaire. Le versement des provisions Le juge est entièrement libre du choix de la partie sur laquelle il fera porter le poids de la consignation initiale ; en pratique la partie consignatrice sera celle qui a demandé la meure d instruction. 25

La sanction du défaut de consignation A défaut de consignation dans le délai et selon les modalités imparties, la désignation de l expert est caduque. 2.4.2 LA REMUNERATION DEFINITIVE DE L EXPERT La fixation des frais et honoraires de l expert Le juge fixe sur justification de l accomplissement de la mission, la rémunération de l expert, il peut lui délivrer un titre exécutoire. Les honoraires sont arrêtés en fonction du nombre d heures passées par le technicien à l accomplissement de sa mission. En sus de cette rémunération au temps passé, l homme de l art a droit au remboursement de tous ses frais et débours. Le recouvrement des honoraires Dès le dépôt du rapport, le juge fixe la rémunération de l expert, il autorise l expert à se faire remettre les sommes consignées au greffe ; il ordonne selon le cas, soit le versement des sommes complémentaires dues à l expert, soit la restitution des sommes consignées en excédent. 26

La notification de l ordonnance de taxe Le technicien doit notifier son ordonnance de taxe par lettre recommandée avec AR à toutes les parties, et à tout le moins, à celles qui sont susceptibles de perdre leur procès. 27