Agences de placement de personnel : profil de leurs salariés les plus à risque d infractions à la Loi sur les normes du travail



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Transcription:

Agences de placement de personnel : profil de leurs salariés les plus à risque d infractions à la Loi sur les normes du travail DIRECTION DE LA RECHERCHE, DE LA PRÉVENTION ET DE LA QUALITÉ 29 octobre 2013

Rapport complémentaire 1 Analyse et rédaction : Cathy Belzile Collaboration : Jean-Nickolas Dumaine Chargée de recherche et coordination : Cathy Belzile Collecte des données : Léger Marketing Élaboration du plan d échantillonnage : Victor Tremblay Un remerciement sincère à Monia Prévost, directrice de la recherche, de la prévention et de la qualité, pour ses précieux commentaires. Citation suggérée pour le rapport : Québec (gouvernement du), Commission des normes du travail. 2013. Agences de placement de personnel : profil de leurs salariés les plus à risque d infractions à la Loi sur les normes du travail : Rapport complémentaire, Québec, 49 p. Pour tout renseignement concernant le contenu de ce rapport, s adresser à : Direction de la recherche, de la prévention et de la qualité Commission des normes du travail Hall Est, 7 e étage 400, boul. Jean-Lesage Québec (Québec) G1K 8W1 Téléphone : 418 644-0817 Télécopieur : 418 643-5132 Site Web : www.cnt.gouv.qc.ca 1. Complément au rapport Sondage visant à évaluer les conditions de travail des salariés temporaires d agences de placement de personnel et les pratiques de celles-ci (Léger Marketing et Commission des normes du travail, novembre 2012).

TABLE DES MATIÈRES TABLE DES MATIÈRES 2 LISTE DES TABLEAUX 4 RÉSUMÉ DE RECHERCHE 5 1. MISE EN CONTEXTE 5 2. OBJECTIFS DE LA RECHERCHE 7 3. MÉTHODOLOGIE 7 4. RÉSULTATS 8 5. CONCLUSION 12 FAITS SAILLANTS DES ANALYSES COMPLÉMENTAIRES 13 1. MISE EN CONTEXTE 15 1.1. Le travail intérimaire 15 1.2. Le cas français 15 1.3. La loi de juin 1910, au Québec 16 2. PROBLÉMATIQUE 18 2.1. L expansion des agences de placement de personnel 18 2.2. L absence d encadrement légal 19 2.3. Les conséquences de cette absence d encadrement légal 20 2.4. La question de recherche 22 2.5. La présentation de la recherche 22 3. MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE 24 3.1. La constitution des listes d agences et de salariés 24 3.2. L échantillonnage 25 3.3. Le questionnaire et la collecte des données 26 3.4. La pondération et les limites des données 27 4. RAPPEL DES PRINCIPAUX CONSTATS DES ANALYSES PRÉLIMINAIRES 28 4.1. Des cas concrets 29 5. PROFIL DES SALARIÉS VICTIMES DE TROIS INFRACTIONS OU PLUS 33 5.1. Des précisions sur l analyse des résultats 33 5.2. Le volet sociodémographique 34 5.3. Le volet situation d emploi 34 5.4. Le volet conditions de travail 35 5.5. Les principales infractions 39 6. LA SITUATION DES SALARIÉS D AGENCES IMMIGRANTS 41 6.1. Le volet sociodémographique 41 Commission des normes du travail 2

6.2. Le volet situation d emploi 42 6.3. Le volet conditions de travail 45 6.4. Les principales infractions pour les salariés d agences immigrants 46 7. SYNTHÈSE 49 Commission des normes du travail 3

LISTE DES TABLEAUX Tableau 1 Plan d échantillonnage pour les agences à bureau unique 25 Tableau 2 Plan d échantillonnage pour les agences à bureaux multiples 25 Tableau 3 Taux d infraction observés dans le secteur des agences de placement 31 Tableau 4 Nombre de salariés temporaires ayant subi une ou plusieurs infractions à la Loi sur les normes du travail 32 Tableau 5 Proportion de salariés selon le nombre d infractions (regroupées) 34 Tableau 6 Profil des salariés d agences selon le nombre d infractions : volet sociodémographique 36 Tableau 7 Profil des salariés d agences selon le nombre d infractions : volet situation d emploi 37 Tableau 8 Profil des salariés d agences selon le nombre d infractions : volet conditions de travail 38 Tableau 9 Taux d infraction les plus élevés pour les salariés à «risque élevé» 39 Tableau 10 Autres taux d infraction pour les salariés à «risque élevé» 40 Tableau 11 Profil des salariés d agences immigrants : volet situation d emploi 44 Tableau 12 Proportion de salariés selon le nombre d infractions (regroupées), natifs du Canada et immigrants 46 Tableau 13 Taux d infraction les plus élevés pour les salariés d agences immigrants 47 Tableau 14 Autres taux d infraction pour les salariés d agences immigrants 48 Commission des normes du travail 4

«La Commission des normes du travail favorise, par son action, des relations de travail justes et équilibrées entre les employeurs et les salariés en conformité avec la Loi sur les normes du travail.» RÉSUMÉ DE RECHERCHE Par Cathy Belzile 1. MISE EN CONTEXTE Créée en vertu de la Loi sur les normes du travail (LNT) en 1980, la Commission des normes du travail est une personne morale de droit public constituée au sens du Code civil du Québec, qui fait rapport au ministre du Travail. La mission de la Commission des normes du travail : «Favoriser, par son action, des relations de travail justes et équilibrées entre les employeurs et les salariés en conformité avec la Loi sur les normes du travail.» En vertu de l'article 5 de la loi, la Commission exerce les fonctions suivantes : informer et renseigner la population sur les normes du travail ; informer et renseigner les salariés et les employeurs sur leurs droits et leurs obligations prévus par la loi ; surveiller l'application des normes du travail et transmettre, s'il y a lieu, ses recommandations au ministre ; recevoir les plaintes des salariés et les indemniser dans la mesure prévue par la loi et les règlements ; tenter d'amener les salariés et les employeurs à s'entendre quant à leurs mésententes relatives à l'application de la loi et des règlements. La loi s applique au salarié, c est-à-dire à une personne qui travaille pour un employeur et qui a droit à un salaire. Toutefois, la loi ne s applique pas aux salariés d entreprises de juridiction fédérale ni à certaines catégories de salariés tels les cadres supérieurs, à l exception de quelques normes. D autres groupes de salariés sont exclus de l application de certaines dispositions de la loi seulement 2. 2. Par exemple, les travailleurs agricoles n ont pas droit au paiement à taux majoré des heures supplémentaires. Commission des normes du travail 5

En théorie, même si un salarié a obtenu son emploi par l intermédiaire d une agence de placement, la LNT s applique à lui, sans exception. Il a également droit à tous les services offerts par la Commission. Mais en pratique, comment la LNT est-elle appliquée pour un salarié d agence? Est-ce que certaines caractéristiques de son lien d emploi font en sorte que ce salarié passe au travers de certaines mailles du filet de protection sociale que constitue la LNT? De manière empirique, nous pouvions le croire. De manière scientifique, nous n en savions rien. En mars 2009, le ministre du Travail a mis sur pied un groupe de travail chargé d étudier la problématique des agences de placement temporaire (parfois appelées agences de location de personnel). Ce groupe de travail a tout d abord documenté le phénomène. Il fut rapidement constaté que peu de données existaient sur le sujet. L article 5.2 de la LNT 3 précise que la Commission des normes du travail a pour fonction de «surveiller l application des normes du travail et, s il y a lieu, transmettre ses recommandations au ministre». À cet effet, et en vue de pallier temporairement le manque de données quantitatives pour ce secteur, des questions ont été insérées dans le questionnaire de l enquête Évaluation de l application de certaines dispositions de la Loi sur les normes du travail (2010) 4 et adressées aux répondants ayant obtenu leur emploi par l intermédiaire d une agence de placement afin d en connaître plus sur cette population et cette pratique. Cependant, cette enquête avait une toute autre visée et la Commission n a obtenu que quelques données préliminaires sur le travail en agences. Cette enquête, menée initialement en 2004 auprès de 4 003 salariés québécois non syndiqués et assujettis à la LNT afin d évaluer globalement l application de la loi (Commission des normes du travail, 2005) 5, permet d identifier les dispositions présentant les taux d infraction les plus élevés et les caractéristiques des salariés pour qui les dispositions de la LNT sont le plus souvent enfreintes. Ce n est qu en 2012 qu un sondage sur les conditions de travail des salariés temporaires d agences de placement a véritablement pris forme. La recherche exposée dans le présent rapport se situe dans l orientation 1 du Plan stratégique 2012-2016 de la Commission des normes du travail qui est de favoriser, par la connaissance de l évolution du marché du travail, l application et le respect des normes du travail. Plus 3. Québec, Loi sur les normes du travail, L.R.Q., 2002, c. N-1.1, art. 5.2. 4. Québec (gouvernement du), Commission des normes du travail, Profil des salariés non syndiqués et assujettis à la Loi sur les normes du travail et application de certaines dispositions de la loi, éd. 2010, Québec, Commission des normes du travail, 2011, 56 p. 5. Québec (gouvernement du), Commission des normes du travail, Évaluation de l application de certaines dispositions de la Loi sur les normes du travail : analyse des résultats de l enquête auprès des salariés non syndiqués, Québec, Commission des normes du travail, 2005, 34 p. Commission des normes du travail 6

précisément, elle s inscrit dans l objectif 3 qui vise à renforcer le rôle de conseil de la Commission par une meilleure connaissance des besoins du marché du travail, une analyse de leurs effets sur les dispositions actuelles de la loi ainsi que par le suivi du taux de respect des dispositions de la loi. La cible 3.1 de cet objectif énonce que la CNT doit notamment se documenter sur le phénomène des agences de placement de personnel. Ce résumé de recherche présente les principaux résultats de ce nouveau sondage. 2. OBJECTIFS DE LA RECHERCHE La Commission désirait principalement évaluer les conditions de travail des salariés temporaires d agences de placement de personnel. Elle voulait aussi connaître les caractéristiques sociodémographiques de ces salariés et vérifier la variation du niveau des conditions de travail en fonction de ces caractéristiques. La Commission s intéressait par le fait même aux pratiques des agences. L exploration des conditions de travail a permis d identifier les normes risquant d être davantage enfreintes dans ce secteur et chez quel type de salariés d agences. Outre ces objectifs, ce sondage visait également à orienter les activités de prévention et de surveillance de la Commission. Bref, il devait servir à mieux connaître cette réalité du marché du travail qu est le travail intérimaire en agences. 3. MÉTHODOLOGIE Un sondage téléphonique a été réalisé auprès de 1 002 salariés temporaires d agences de placement dont les coordonnées ont été transmises à la Commission, par des agences de placement, à sa demande. Deux méthodes d échantillonnage, élaborées en collaboration avec monsieur Victor Tremblay, de la firme Stat Plus, ont été utilisées. Une méthode pour les agences à établissement unique et l autre pour les sept agences à établissements multiples, qui engagent environ la moitié des salariés. Laissé à son état original, l échantillon aurait entraîné une surreprésentation des salariés provenant d agences à bureaux multiples ou de multinationales. Puisque nous pouvons penser qu une agence adoptera les mêmes pratiques de gestion avec tous ses salariés, il devenait davantage pertinent d interroger des salariés provenant d un plus grand nombre d agences afin d obtenir un portrait plus représentatif des pratiques des agences. Le quota d entrevues téléphoniques à réaliser auprès de ces deux groupes a été établi à 500, pour un total de 1 000 entrevues. La Commission a fourni à la firme de sondage Léger Marketing Commission des normes du travail 7

2 971 coordonnées téléphoniques qui respectaient les quotas des plans d échantillonnage. Un salarié non répondant d un établissement donné a été remplacé par un autre salarié du même établissement. Donc, la Commission a transmis près de deux répondants de réserve pour chaque répondant ciblé. Avant que la collecte des données ne débute, soit au cours de la semaine du 23 juillet 2012, la Commission a transmis au préalable une lettre aux 2 971 salariés susceptibles d être contactés pour participer au sondage téléphonique afin de les informer de la tenue de cette recherche et de les inciter à participer. La formation des interviewers a eu lieu le 25 juillet en après-midi et le prétest, en soirée. La collecte des données a débuté le 27 juillet et s est terminée le 10 août 2012. Le questionnaire utilisé comprend des questions objectives sur les conditions de travail des salariés, sur les pratiques des agences de placement et des questions sociodémographiques. En tout, 500 salariés répondants proviennent d agences à bureau unique et 502 d agences à bureaux multiples. Le total d entrevues complétées s élève donc à 1 002. Le taux de réponse global est de 58,2 %. Celui pour les salariés d agences à bureau unique est de 61,4 % et celui pour les salariés d agences à bureaux multiples est de 55 %. 4. RÉSULTATS Rappel des faits saillants des analyses préliminaires 6 Les toutes premières analyses révélaient que la grande majorité des agences de placement est localisée dans la région de Montréal, soit sur l île (53 %) ou en périphérie (28 %), que leurs salariés temporaires sont plus fréquemment des hommes (60 %), d environ 40 ans et détenant un niveau de scolarité secondaire. Le tiers de ces salariés sont nés à l extérieur du Canada, dont 24 % sont originaires d Haïti. De plus, 57 % résident au Québec depuis moins de 10 ans. Par ailleurs, 51 % ont eux-mêmes offert leurs services à une agence de placement, alors que 46 % n ont eu d autre choix que de passer par une agence afin de postuler à un emploi qui les intéressait. 6. Contenues dans le rapport Sondage visant à évaluer les conditions de travail des salariés temporaires d agences de placement de personnel et les pratiques de celles-ci (Léger Marketing et Commission des normes du travail, novembre 2012). Commission des normes du travail 8

Il est à noter que 66 % des salariés n ont effectué qu une seule affectation temporaire dans l année précédant le sondage, mais que la computation du service continu subsiste comme étant une composante ambigüe d une relation d emploi triangulaire. De fait, 46 % ont indiqué que le service continu se cumulait auprès de l agence de placement, tandis que 13 % ont plutôt dit que c était auprès de l entreprise cliente et 17 % ont dit qu il se cumulait auprès des deux entités. Or, il faut se rappeler que ce sont les agences qui ont transmis à la Commission, à sa demande, la liste de leurs salariés inscrits dans leur registre de salaires pour la première période de paye du mois d octobre 2011. En théorie, pour ce sondage, l agence devrait être l employeur et, par conséquent, le service continu devrait se cumuler auprès de celle-ci. Comme quoi une relation tripartite peut difficilement épouser le moule d une relation bipartite, mais présenter plusieurs variantes. Ensuite, environ le tiers des agences interdisent à leurs salariés de se faire directement embaucher par l entreprise cliente chez qui ils travaillent, sous peine de pénalités. Les secteurs ayant recours aux services des agences de placement temporaire sont majoritairement le secteur manufacturier (20 %), du transport (10 %), de l entreposage (10 %) et des finances, assurances ou services bancaires (10 %). En ce qui a trait au poste occupé, 35 % des salariés temporaires d agences de placement étaient des travailleurs manuels et 20 % effectuaient du travail de bureau. Le dernier placement a duré en moyenne 1,7 an. Ils travaillaient 4,4 jours par semaine, pour un total de 34,2 heures, avec une forte proportion de gens travaillant 5 jours par semaine, 40 heures, sur un horaire régulier, soit des emplois à temps complet. Nous pouvons constater, à prime abord, que sur la seule base du régime de travail, les caractéristiques de ces emplois semblent correspondre davantage à celles d emplois à temps plein réguliers qu à celles d emplois temporaires ponctuels qui sont supposés constituer le créneau de ces agences de placements temporaires. En outre, 37 % des salariés ont signé un contrat de travail écrit, et le salaire moyen s élève à 15,60 $ l heure. Finalement, 43 % des salariés temporaires estiment que leurs conditions de travail sont identiques à celles des autres salariés engagés directement par l entreprise cliente et 42 % les jugent inférieures, la principale différence ayant trait au salaire. Bien qu il faille être prudent dans ce type d exercice, une comparaison des taux d infraction obtenus chez les salariés temporaires d agences de placement avec ceux obtenus chez l ensemble des salariés québécois (Commission des normes du travail, 2011) semble témoigner d une situation généralement plus problématique chez les salariés d agences. À titre d exemple, le taux d infraction concernant la non-rémunération de la période de repas, lorsque travaillée, après cinq heures de travail consécutives, y est trois fois plus élevé que pour l ensemble des Commission des normes du travail 9

salariés québécois. C est également le cas pour l imposition de la compensation en temps des heures supplémentaires ou le versement d une indemnité compensatoire en remplacement des vacances. La rémunération du temps de déplacement entre deux affectations attribuées dans une même journée, par une même agence, ne trouve pas de comparatif puisque cette variable ne faisait pas partie de l enquête menée auprès de l ensemble des salariés québécois. Bref, pour chacune des normes vérifiées, les taux d infraction obtenus auprès des salariés temporaires d agences de placement de personnel sont supérieurs à ceux obtenus chez l ensemble des salariés québécois, sauf les normes concernant le paiement des heures supplémentaires et du temps de réunion tenue en dehors des heures de travail. Ce parallèle n est effectué qu à titre illustratif, les deux sondages n étant pas identiques donc imparfaitement comparables. Il n en demeure pas moins que 90 % des salariés temporaires d agences de placement sont victimes d au moins une infraction à la loi et que 31 % sont victimes de trois infractions ou plus. La Direction de la recherche, de la prévention et de la qualité (DRPQ) ajoute, avec vigilance, que le premier taux (90 %) est près de deux fois plus élevé que celui observé chez l ensemble des salariés québécois et que le second (31 %) l est près de trois fois plus. Présentation des analyses complémentaires Profil des salariés victimes de trois infractions ou plus à la LNT Près de 31 % des répondants étaient victimes de trois infractions ou plus à la LNT. Le profil de ces salariés a été comparé à celui des salariés qui n étaient victimes d aucune infraction (10 %). Les résultats indiquent une plus forte proportion de salariés résidant en périphérie de Montréal chez les victimes de trois infractions ou plus que chez ceux qui ne sont victimes d aucune infraction (32 % contre 13 %). Ce sont davantage les agences à établissement unique qui occupent le territoire de la périphérie de Montréal. Ces salariés sont également plus nombreux à être âgés entre 35 et 44 ans (23 % contre 13 %). L analyse du profil des salariés qui étaient touchés par trois infractions ou plus à la LNT a aussi permis de constater qu ils occupent plus souvent des emplois manuels (43 % contre 24 %), soit dans le secteur du transport et de l entreposage. Ces derniers étaient proportionnellement plus nombreux que les salariés qui n étaient victimes d aucune infraction à travailler sur appel (17 % contre 7 %), à temps partiel (26 % contre 14 %) et à être moins bien rémunérés (29 % gagnent moins de 11 $ l heure contre 9 %). Commission des normes du travail 10

Enfin, pour ces salariés, tout comme pour l ensemble des salariés d agences, la nonrémunération de la période de repas, lorsque travaillée après cinq heures de travail consécutives, était l infraction la plus souvent vécue (92 % contre 87 %), suivie de la non-rémunération du temps de déplacement entre deux affectations attribuées par une seule agence, dans une même journée (85 % contre 68 %). Le cas des salariés d agences immigrants Tel que vu précédemment, près du tiers des répondants sont nés dans un autre pays que le Canada. Le profil de ces salariés a été comparé à celui des salariés nés au Canada. Cette comparaison a aussi été effectuée sur le plan des conditions de travail. De cet exercice, il en ressort notamment que les salariés d agences immigrants ont un niveau de scolarité supérieur à celui des salariés d agences nés au Canada (39 % ont complété des études universitaires contre 13 %). Ceux-ci s établissent à Montréal dans 76 % des cas et travaillent pour une agence située également à Montréal. Ces dernières sont plus souvent à établissement unique. Les salariés d agences nés à l étranger font affaire avec un plus grand nombre d agences, effectuent plus d affectations par année, et ces affectations sont de plus courte durée que celles des salariés d agences natifs. Autres distinctions : ils sont davantage présents dans les secteurs de l entreposage (mais non dans celui du transport) et des soins de santé et services sociaux, pour les immigrants arrivés depuis plus de 20 ans (26 %). Ceux qui sont arrivés plus récemment se concentrent dans le secteur de la fabrication (31 %). Dans l ensemble, les salariés temporaires d agences immigrants occupent dans 43 % des cas un poste de travailleur manuel (contre 31 %) et ce chiffre grimpe à 53 % chez les immigrants récents. Au point de vue de leurs conditions de travail, les salariés d agences immigrants doivent davantage assurer une certaine période de disponibilité au cas où l agence leur proposerait du travail (61 % contre 48 %), ont des vacances plus courtes, ont moins régulièrement un contrat de travail écrit et sont généralement moins bien rémunérés. Ils ont par ailleurs tendance à se retrouver plus souvent dans la catégorie des victimes de trois infractions et plus que ceux nés au Canada (38 % contre 27 %). Enfin, globalement, ce sont encore les mêmes principales infractions qui ressortent que pour l ensemble des salariés Commission des normes du travail 11

d agences ou pour les victimes de trois infractions et plus, sauf que dans le cas des salariés d agences immigrants, leurs taux sont généralement plus élevés, à une exception près, soit le paiement inadéquat des heures supplémentaires qui affecte davantage les salariés d agences canadiens. 5. CONCLUSION Qu il soit question des salariés d agences victimes de trois infractions et plus ou des salariés immigrants, ils se concentrent dans la région de Montréal : davantage en périphérie pour la première catégorie et à Montréal même pour la seconde. Donc, davantage dans des agences à établissement unique pour les premiers et à établissements multiples pour les deuxièmes. Somme toute, il est assez difficile de dresser un portrait unique des salariés les plus vulnérables de l industrie des agences de placement de personnel temporaire. On peut toutefois affirmer, avec peu de chances de se tromper, qu ils occupent des emplois manuels, dans les secteurs du transport et de l entreposage ou de la fabrication, qu ils sont plus nombreux à travailler sur appel, à temps partiel et à être rémunérés au salaire minimum ou tout juste au-dessus. Les problèmes quant au respect de la LNT concernent principalement la non-rémunération de la période de repas, lorsque travaillée après cinq heures de travail consécutives, la nonrémunération du temps de déplacement entre deux affectations attribuées par une seule agence de placement, dans une même journée, les heures supplémentaires (imposition de la compensation en temps ou paiement inadéquat) et les vacances [remplacement des vacances par une indemnité (autre que le 4 %) ou absence de vacances]. Ces résultats devraient contribuer, à leur façon, à mieux orienter les activités de prévention et de surveillance de la Commission en fonction des dispositions qui présentent des taux d infraction élevés afin que tous les salariés d agences puissent bénéficier des mêmes protections garanties par la LNT. Ensuite, les salariés qui sont les plus «à risque» d infraction, et par le fait même les immigrants, devraient faire l'objet d une plus grande attention de la part de la Commission. Commission des normes du travail 12

FAITS SAILLANTS DES ANALYSES COMPLÉMENTAIRES En 2012, la Commission des normes du travail a mené un sondage auprès de 1 002 salariés temporaires d agences de placement de personnel afin de connaître leurs conditions de travail, de vérifier l application de la Loi sur les normes du travail (LNT) et de connaître les pratiques des agences. Les deux taux d infraction les plus élevés concernent la non-rémunération de la période de repas, lorsque travaillée après cinq heures de travail consécutives (taux d infraction pour l ensemble des salariés d agences de 87 %, de 88 % pour les immigrants et de 92 % pour les victimes de trois infractions ou plus), et la non-rémunération du temps de déplacement entre deux affectations attribuées par une seule agence, dans une même journée (taux d infraction de 68 % pour l ensemble des salariés d agences, de 72 % pour les immigrants et de 85 % pour les victimes de trois infractions ou plus). Inversement, les taux d infraction les moins élevés concernent le paiement du salaire minimum et le bulletin de paye (sa remise et la présence de toutes les informations obligatoires). Après compilation des résultats, il s'en dégage que 10 % des salariés temporaires d agences de placement ne sont victimes d aucune infraction à la LNT et que 31 % sont victimes de trois infractions ou plus (38 % pour les salariés d agences immigrants). Ainsi, 90 % des salariés sont victimes d au moins une infraction. Les salariés d agences qui sont victimes de trois infractions ou plus (31 %) : o occupent plus souvent des emplois manuels (43 % contre 24 % pour les salariés victimes d aucune infraction), dans le secteur du transport et de l entreposage ; o sont proportionnellement plus nombreux que les salariés qui n étaient victimes d aucune infraction à travailler sur appel (17 % contre 7 %), à temps partiel (26 % contre 14 %) et à être moins bien rémunérés (29 % gagnent moins de 11 $ l heure contre 9 %). Commission des normes du travail 13

Les salariés d agences immigrants (32 %) : o ont un niveau de scolarité supérieur à celui des salariés temporaires d agences de placement canadiens ; o font affaire avec un plus grand nombre d agences, effectuent plus d affectations par année et de plus courte durée ; o sont davantage présents dans les secteurs de l entreposage (mais non dans celui du transport) et des soins de santé et services sociaux, pour les immigrants arrivés depuis plus de 20 ans (26 %). Ceux qui sont arrivés plus récemment se concentrent dans le secteur de la fabrication (31 %) ; o occupent dans 43 % des cas un poste de travailleur manuel (contre 31 %) et ce chiffre grimpe à 53 % chez les immigrants récents ; o doivent davantage assurer une certaine période de disponibilité au cas où l agence leur proposerait du travail (61 % contre 48 %), ont des vacances plus courtes, ont moins régulièrement un contrat de travail écrit et sont généralement moins bien rémunérés ; o ont tendance à se retrouver plus souvent dans la catégorie des victimes de trois infractions et plus que ceux nés au Canada (38 % contre 27 %). Commission des normes du travail 14

«Tout encadrement juridique des activités de placement a disparu avec l abrogation de la Loi sur les bureaux de placement en 1982.» 1. MISE EN CONTEXTE Par Jean-Nickolas Dumaine 1.1. Le travail intérimaire Il n'est pas aisé de cibler le moment précis marquant l'avènement du travail intérimaire sur le plan international, mais certains auteurs situent son apparition au tournant du vingtième siècle aux États-Unis et en Grande-Bretagne 7. Bien qu'il ait fait au départ l'objet de critiques dans la plupart des pays, l'acceptabilité sociale contemporaine de l'intérim et son institutionnalisation reposent en majeure partie sur l'ancienneté de cette forme de travail et la reconnaissance de son utilité pour la collectivité 8. Par ailleurs, il importe de noter que les règles encadrant le travail intérimaire à l'échelle internationale s'avèrent extrêmement variées et très peu uniformes à l'instar des règles relatives à l'emploi permanent auxquelles elles sont adossées 9. Dans le cas précis de l intérim, on sait que le Québec et la France ont réagi de manière très différente à l expansion de cette industrie au tournant des années 1970. Dès le départ, la France a cherché à circonscrire cette croissance et elle s est dotée à cet effet d un dispositif réglementaire permettant d encadrer et de protéger adéquatement les intérimaires des abus dont ils pourraient être victimes. Au Québec, les recommandations formulées par les spécialistes de la question depuis une dizaine d années n ont pas été mises en œuvre et une incertitude subsiste quant à la détermination du véritable employeur du travailleur d agence 10. 1.2. Le cas français En France, l'intérim prend racine au début des années 1950, cela principalement dans le secteur administratif. Toutefois, l existence d une main-d œuvre temporaire utilisée à la tâche constitue un phénomène beaucoup plus ancien 11. L'entreprise Manpower France contribue fortement à la mise en place des principales institutions encadrant l'intérim. Celle-ci cherche en effet à améliorer 7. PROSHE, F. 1991. Le développement du travail intérimaire aux USA et en Europe, thèse pour le doctorat en Économie européenne, Université Pierre Mendès-France, Grenoble. 8. BELKACEM, R. KORNIG, C. et MICHON, F. (dir.). 2011. Visages de l intérim en France et dans le monde, Paris, L Harmattan. 9. Ibid. 10. NOTEBAERT, G. 2006. «L impact du cadre législatif sur le taux de syndicalisation des intérimaires au Québec et en France», Relations industrielles, vol. 61, n 2. 11. BEAU, A.S. 2004. Un siècle d emplois précaires. Patronnes et salariées dans le grand commerce (XIX e XX e siècle), Paris, Payot. Commission des normes du travail 15

l'image sociale des entreprises d'intérim par l intermédiaire du développement d'un système de protection minimal des travailleurs, en dépit d'une grande méfiance de la part des syndicats. Cette démarche de reconnaissance aboutit néanmoins à la signature d'un accord avec la Confédération générale du travail en 1969, qui affirme que l'intérim est occasionnel dans son principe et ne doit pas se substituer à l'emploi permanent. L accord inspire la première loi française sur l'intérim, adoptée en 1972. Cette loi énonce entre autres que l'entreprise de travail temporaire est l'employeur de l'intérimaire 12. Or, depuis la loi de cohésion sociale de janvier 2005, les entreprises de travail temporaire sont des partenaires officiels du service public de l'emploi et on leur accorde le droit de faire de la préembauche, du placement et du recrutement, seulement à titre d'activité secondaire toutefois. Aujourd'hui, le marché du travail intérimaire en France se présente aux jeunes comme étant un moyen d insertion professionnelle, conduisant à l'emploi permanent 13. 1.3. La loi de juin 1910, au Québec Au Québec, le secteur du placement de personnel a déjà été fortement régulé, tel que l illustre l adoption de la Loi relative à l établissement de bureaux de placement pour les ouvriers (4 juin 1910). Cette loi a octroyé au lieutenant-gouverneur la permission d établir des agences d emploi dans les municipalités de la province ainsi que de nommer des surintendants pour les coordonner. Son adoption découle en grande partie de la pression sociale pour régler le problème des comptoirs ouvriers payants au centre-ville de Montréal. De fait, entre 1880 et 1918, les affaires vont très bien pour les agences de placement privées dans la métropole (22 agences en activité sont répertoriées sur le territoire par le ministère des Travaux publics du Québec). Celles-ci profitent des grandes vagues d immigration du début du siècle ainsi que de l exode rural et elles placent principalement cette main-d œuvre fraîchement installée en ville dans les grands chantiers de construction, dans le chemin de fer, dans l industrie forestière ou encore dans le secteur agricole. Par contre, les pratiques de ces agences payantes sont fréquemment dénoncées par les ouvriers et les inspecteurs du gouvernement. On les accuse notamment «d exploiter les chômeurs fragilisés en leur faisant miroiter des postes intéressants alors qu il s agit de la plupart du temps 12. Op. cit. BELKACEM, R. KORNIG, C. et MICHON, F. (dir.). 2011. 13. PAPINOT, C. 2011. «Le «chômage intérim» des jeunes diplômés : une logique de petit boulot en attendant», Op. cit. BELKACEM, R. KORNIG, C. et MICHON, F. (dir.). 2011. Commission des normes du travail 16

d emplois mal rémunérés et de brèves durées, sur des territoires parfois très éloignés sur le plan géographique 14». Le programme mis en place par le ministère des Travaux publics et le ministère du Travail s avère complètement inédit à l époque. En effet, en s inspirant des nouvelles théories du travail et du chômage en vogue en Angleterre (Beveridge), le Québec désire intervenir sur le marché du travail à l aide de cette loi, afin d organiser le placement de la main-d œuvre ouvrière aux dépens des agences privées de placement 15. Il importe de noter que tout encadrement juridique des activités de placement a disparu avec l abrogation de la Loi sur les bureaux de placement en 1982 16. 14. BISSON, F. 2008. «Les premiers bureaux de placement québécois et la génération des sans travail au début du XX e siècle», Économie et solidarités, vol. 39, n 2, p. 38-52. 15. Ibid. 16. BERNIER, J. 2012. «La location de personnel temporaire au Québec : un état de situation», Relations industrielles, vol. 76, n 2, printemps, p. 283-303. Commission des normes du travail 17

«Ce n'est pas parce qu'une entreprise fait affaire avec une agence de placement qu'elle se libère de ses responsabilités en matière de respect de la Loi sur les normes du travail. Ce n'est pas non plus parce qu'un salarié obtient un emploi par l'intermédiaire d'une agence de placement qu'il est exclu de l'application de cette loi!» 2. PROBLÉMATIQUE Par Cathy Belzile 2.1. L expansion des agences de placement de personnel L industrie des agences de placement prend de plus en plus d expansion au Québec tout comme dans bien d autres pays. C est donc dire que de plus en plus d employeurs comptent sur une agence de placement pour combler leurs besoins de main-d œuvre temporaires ou même permanents et que de plus en plus de salariés comptent sur une agence pour trouver du travail. Le nombre d agences serait passé, à l échelle canadienne, de 3 616 en 2001 à 4 698 en 2007, soit une hausse de 23 %. Au Québec, au cours de la même période, leur nombre se serait accru de 15,6 %, passant de 959 à 1 137 17. En 2010, les revenus d exploitation de l industrie canadienne des services de l emploi ont atteint 9,3 milliards de dollars, soit une croissance de 8,3 % par rapport à 2009. Au Québec seulement, on parle de 1,2 milliard de dollars. Toutes les provinces ont enregistré des hausses de leurs revenus d exploitation en 2010. Cependant, les croissances les plus importantes ont été enregistrées en Saskatchewan (25,4 %) et en Ontario (11 %). Plus de la moitié des ventes de l industrie des services d emploi proviennent des services de placement temporaire (56,3 %), tandis que les services de placement permanent et contractuels génèrent plus d un tiers des ventes (35,6 %) 18 19. Cet accroissement du recours aux salariés d agences constitue l un des éléments de la réponse au besoin de flexibilité numérique 20 affirmé par les entreprises dans un contexte de mondialisation. Effectivement, la période de forte croissance économique qui débuta après la Seconde Guerre mondiale, période des «Trente Glorieuses», et qui se termina par le premier choc pétrolier de 1973-1974, a été marquée par le mode fordiste 21 de développement économique et de régulation de nos sociétés. Par la suite, se fait sentir une intensification de la concurrence en provenance des pays asiatiques, une 17. Ibid. 18. STATISTIQUE CANADA (page consultée le 2 octobre 2012), «Services d emploi», Bulletin de service, 2010, n 63-252-X au catalogue, [en ligne], adresse URL : http://www.statcan.gc.ca/pub/63-252-x/63-252-x2012001-fra.pdf. 19. Ces résultats sont pour les entreprises comprises dans la catégorie 5613 du Système de classification des industries de l Amérique du Nord (SCIAN). 20. C est-à-dire faire varier le volume de main-d œuvre. 21. Caractérisé entre autres par la consommation de masse et la fabrication en série sur de longues chaînes d assemblage. Commission des normes du travail 18

diversification de la demande, une hausse des exigences de qualité, l essor des nouvelles technologies de l information et des communications et la mondialisation. La quête de flexibilité est apparue comme la voie à privilégier afin d accroître la compétitivité et la rentabilité des entreprises 22. La croissance de cette industrie se situe au cœur du changement observé dans le marché de l emploi et dans l organisation du travail. Un retour en arrière est impossible. Les intermédiaires occupent désormais une fonction importante sur le marché du travail actuel 23. On recourt aux salariés d agences pour remplacer des salariés temporairement absents, pour faire face à un surcroît momentané de travail, mais aussi pour pourvoir des postes permanents 24. D un autre côté, le travail en agence est souvent présenté comme répondant aussi à un libre choix d une catégorie de salariés, eux-mêmes à la recherche d une flexibilité dans leur emploi du temps. Pour d autres, ce sera une façon de fuir des conditions de travail qu ils estiment trop contraignantes. Certains y verront une manière commode de concilier la vie personnelle ou familiale et la vie de travail 25. 2.2. L absence d encadrement légal Or, la location de personnel constitue une activité qui n est pas réglementée au Québec et très minimalement dans quelques autres provinces du Canada. Cette relation à trois est appelée relation triangulaire ou tripartite. Le contrat qui en découle diffère des contrats de travail habituels, liant un seul employeur et un salarié ; il met en jeu une troisième partie, soit l agence de placement. Bien qu il existe diverses répartitions des rôles et responsabilités au sein des relations triangulaires, ce sera généralement l agence qui sélectionnera le salarié qui, lui, exécutera le travail au sein de l entreprise 26. Pour une même prestation de travail, il existe deux contrats de travail : l un entre l agence de placement et le salarié, et l autre entre l agence de placement et l entreprise ; le salarié se trouvant assujetti à des directives provenant tant de l entreprise en ce qui concerne l exécution du travail, que de l agence, en ce qui a trait au salaire et aux heures de travail 27. 22. MERCURE, D. 2001. «Chapitre 1. Nouvelles dynamiques d entreprise et transformation des formes d emploi : du fordisme à l impartition flexible» dans L incessante évolution des formes d emploi et la redoutable stagnation des lois du travail, Jean Bernier et al. (dir.), Sainte-Foy, Les Presses de l Université Laval, p. 169. 23. HYDE, A. (2012). «Legal Responsibility for Labour Conditions Down the Production Chain», in Fudge, Judy, Shae McCrystal et Kamala Sankaran (dir). Challenging the Legal Boundaries of Work Regulation, p. 83-99. 24. VULTUR, M. et BERNIER, J. (2013). «Inégalités structurelles et inégalités fractales dans le contexte postindustriel du marché du travail», Revue Interventions économiques, vol. 47, p. 1-16. et BERNIER, J. (2011). L industrie des agences de travail temporaire : Avis sur une proposition d encadrement, cahier de transfert CT-2011-001, Alliance de recherche universités-communautés Innovation, travail et emploi (ARUC), 62 pages. 25. BOURGUIGNON, É. (2010). Le travail en agence, une forme particulière d emploi, cahier de transfert CT-2010-002, Alliance de recherche universités-communautés Innovation, travail et emploi (ARUC), 40 pages. 26. BERNIER, J. et coll. (2003). Les besoins de protection sociale des personnes en situation de travail non traditionnelle, Rapport final, Québec, 568 p. 27. BICH, Marie-France (2001). «De quelques idées imparfaites et tortueuses sur l intermédiation du travail», Développements récents en droit du travail, vol. 153, p. 257. Commission des normes du travail 19

Les salariés, même s ils ont obtenu leur emploi par l intermédiaire d une agence de placement, sont couverts par la Loi sur les normes du travail (LNT), sans exception. Les entreprises et les agences, de leur côté, ont la responsabilité de s assurer que les conditions de travail offertes aux salariés respectent la loi. Cependant, le problème réside dans l application même de cette loi. Celle-ci a été élaborée en se basant sur un modèle de relation de travail bipartite. Toutefois, depuis son adoption, différentes modifications ont été apportées et ont permis de contribuer, dans une certaines mesure, à mieux prendre en compte de nouvelles réalités du marché du travail. Par contre, dans le cas d une relation tripartite, que se passe-t-il? Le cœur du problème réside dans la détermination même de l employeur. Actuellement, pour l identifier, l examen consiste à établir lequel des deux, entre l entreprise et l agence, a le plus de contrôle sur tous les aspects du travail et non seulement sur la supervision du travail au quotidien (le processus de sélection, l embauche, la formation, la discipline, l évaluation, la supervision, l assignation des tâches, la rémunération et l intégration dans l entreprise). La détermination du véritable employeur devient un enjeu majeur puisque ce dernier est garant des obligations associées à la LNT. Le seul repère dont l on dispose actuellement en la matière est les paramètres déterminés par la Cour suprême dans l affaire Ville de Pointe-Claire. Présentement, le traitement de la situation fait que l on assiste à une «bilatéralisation» de la relation tripartite par le droit, afin de la faire rentrer dans le moule des lois du travail existantes. Tout cela pose la double question de savoir comment et dans quelle mesure le fonctionnement de cette industrie et cette absence d encadrement légal influencent la qualité de l emploi, en termes de conditions de travail, des salariés d agences. La réponse à la première partie de la question, soit l effet de l absence de réglementation sur la qualité de l emploi, est déjà documentée. Ce type de relations rend difficile pour les salariés l exercice des droits qui leur sont reconnus. 2.3. Les conséquences de cette absence d encadrement légal Principalement, il existe trois catégories de problèmes juridiques découlant des relations d emploi tripartites en lien avec la LNT. D abord, il existe des problèmes découlant de la computation du service continu comme condition préalable à l exercice d un droit prévu par la LNT. De fait, certaines normes sont assujetties à une condition de service continu dont : - les vacances annuelles, - l avis de cessation d emploi, Commission des normes du travail 20

- le recours à l encontre d un congédiement fait sans une cause juste et suffisante, - le droit à certains congés familiaux, - la protection en cas d absence pour cause de maladie ou d accident. Ce service continu est défini comme la «durée ininterrompue pendant laquelle le salarié est lié à l employeur par un contrat de travail, même si l exécution du travail a été interrompue sans qu il y ait résiliation du contrat, et la période pendant laquelle se succèdent des contrats à durée déterminée sans une interruption qui, dans les circonstances, permet de conclure à un non renouvellement du contrat» 28. Ce service est donc fondé sur la durée du lien d emploi avec un employeur et le cadre d appréciation de celui-ci est bilatéral. Ensuite, d autres problèmes concernent la protection du lien d emploi, une spécificité de la LNT qui consiste à introduire des mesures de protection de l emploi se traduisant par des recours qui peuvent conduire à la réintégration forcée du salarié dans son emploi ou au droit au retour au travail à la suite d absences spécifiques. Lorsque l employeur n est pas déterminé de manière claire et univoque, ce qui peut s avérer régulièrement être le cas en ce qui concerne les agences de placement, l exercice de ce droit par les salariés devient hasardeux. De plus, l examen d une ordonnance de réintégration d un salarié devient difficile lorsque le terme d un placement le liant à un employeur est expiré. Enfin, divers cas recensés dévoilent que certains contrats intervenant entre l agence et les salariés ou entre l agence et l entreprise cliente contiennent des clauses sortant des limites établies par le droit commun. C est notamment le cas lorsque des agences exigent parfois d un salarié ayant recours à leur services pour obtenir du travail qu il s engage à ne pas occuper un emploi dans une entreprise faisant partie des clients de l agence autrement que par l entremise de celle-ci, et cela sur tout le territoire de la province de Québec. À noter que certains contrats sont même assortis de clauses pénales qui s appliquent lorsque le salarié ne souscrit pas à de tels engagements. Un autre cas se présente lorsque des contrats liant une entreprise cliente et une agence prévoient des clauses pénales qui dissuadent l entreprise cliente de solliciter le travail des salariés de l agence sans passer par celle-ci, ou encore imposent le paiement d une somme déterminée à payer lorsque l entreprise cliente désire embaucher un salarié d agences sur une base permanente. Finalement, certains cas présentent des ententes contractuelles impliquant une disponibilité tellement importante du salarié d agences qu elle réduit pratiquement pour lui toute possibilité de travailler dans le cadre d un autre emploi rémunéré lorsque ses services ne sont pas sollicités par l agence 29. 28. Art.1 (12) LNT. 29. Op. cit. BERNIER, J. et coll. (2003). et BERNIER, J. (2010). L industrie des agences de travail temporaire. Avis sur une proposition d encadrement, Québec, 58 p. Commission des normes du travail 21

2.4. La question de recherche Ce qui demeure inconnu, c est la réponse à la deuxième partie de la question, à savoir dans quelle mesure ces effets indésirables de l absence de réglementation affectent les conditions de travail des salariés. Il n existe pas de portrait fiable des conditions effectives de travail de l ensemble des salariés d agences, pas plus d ailleurs que des pratiques de celles-ci. La littérature portant sur le sujet s avère limitée. Quelques études permettent d effectuer une première approche, quoique limitée, de cet objet. La première porte notamment sur une catégorie spécifique de salariés d agences : les jeunes 30. La seconde traite d un secteur d activité en particulier : les infirmières d agence privées 31. Enfin, une troisième étude dresse le portrait des plaintes déposées à la Commission des normes du travail impliquant une agence de placement 32. La synthèse de tous ces résultats permet néanmoins de mettre en évidence, entre autres, le contraste entre les différents points de vue. D un côté, pour certains, bien qu il existe de mauvais joueurs dans l industrie, le marché du travail temporaire est favorable aux salariés. Et les difficultés d application de la loi aux salariés d agences ne relèvent pas d une volonté de contourner la réglementation en vigueur ou d une incapacité structurelle à la faire appliquer ; c est plutôt la complexité des relations tripartites en soi qui pose problème. De l autre, on perçoit chez les salariés d agences une situation de précarité et un sentiment d insécurité inhérent à l incertitude de la relation d emploi. Il arrive aussi que les missions ne correspondent pas à leurs qualifications. Certains avanceront que les difficultés d application sont liées à des stratégies manifestes de contournement de la loi. Enfin, que l on soit d un côté ou de l autre, on peut admettre l existence des difficultés d application de la loi aux relations de travail tripartites. 2.5. La présentation de la recherche Malgré la consultation assidue de la littérature et sa réflexion sur les modifications législatives possibles afin de mieux encadrer les agences de placement, la Commission se trouvait toujours dans l incapacité de répondre aux demandes spontanées de données quantitatives concernant le phénomène du travail en agences de placement, qui lui étaient adressées. La présente recherche exploratoire vise à combler un manque de connaissances quantitatives sur la façon dont les choses se passent concrètement lorsque des salariés travaillent pour le compte d agences de placement. En guise de rappel, la question de recherche est ainsi formulée : 30. Op. cit. BOURGUIGNON, E. 2010. 31. CLOUTIER, E. et al. 2006. Étude descriptive des conditions d'emploi, de travail et de santé et de sécurité du travail des infirmières d'agences privées dans un contexte de pénurie de main-d'œuvre, IRSST, AA-475, Novembre. 32. De TONNANCOUR, V. et G. VALLÉE, 2009. «Les relations de travail tripartites et l application des normes du travail au Québec», Relations industrielles, vol. 64, n 3, p.399-441. Commission des normes du travail 22

quelles sont les conditions effectives de travail des salariés temporaires d agences de placement de personnel et quelles sont les pratiques de celles-ci? La Commission s est tout d abord interrogée sur la meilleure façon d obtenir des données quantitatives fiables sur les conditions de travail des salariés temporaires d agences de placement. D un côté, les plaintes déposées à la Commission impliquant des agences de placement ne permettent pas de brosser un portrait général des conditions de travail et du profil de ces salariés, puisque ce ne sont pas tous les salariés qui dénoncent des infractions en déposant une plainte à la Commission. De plus, le fait de ne s intéresser qu aux infractions ne permet pas de dresser un portrait de l ensemble des conditions de travail. De l autre, les enquêtes de Statistique Canada et de l Institut de la statistique du Québec ne couvrent pas l ensemble des conditions de travail et des dispositions de la LNT. Enfin, il leur est présentement difficile de dénombrer les agences de placement. Par conséquent, il leur est encore plus difficile d obtenir des données sur les salariés d agences. C est pour ces principales raisons que la Commission a décidé de mener elle-même un sondage auprès de 1 000 salariés québécois temporaires d agences de placement afin d en connaître davantage sur leurs conditions de travail. La première orientation de la Commission est de «faire de la prévention la pierre angulaire [de ses] activités pour susciter un plus grand respect de la loi 33». Les résultats obtenus à partir des données inédites de cette recherche contribueront à renforcer les actions de la Commission en lui permettant, d une part, d orienter ses activités de surveillance en fonction des normes les moins respectées dans ce secteur et, d autre part, de formuler ou réviser ses recommandations quant à l adaptation du régime universel des conditions de travail, conformément à l article 5.2 LNT 34. 33. Québec, Loi sur les normes du travail, L.R.Q., 2002, c. N-1.1, art. 5.2. 34. L article 5.2 LNT indique que la Commission a pour fonction de «surveiller l application des normes du travail et, s il y a lieu, transmettre ses recommandations au ministre». Commission des normes du travail 23