Le cholestérol et l alimentation



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Le cholestérol et l alimentation Conférence animée par : Dr Jean-Michel Lecerf, Service de Nutrition - Institut Pasteur de Lille Pr Bart Staels, Directeur de l unité Inserm 1011, Professeur de l université de Lille 2 Mardi 13 mars 2012 Le cholestérol fait figure de petit diable pour la santé cardiovasculaire mais dans l histoire de Blanche-Neige, il ressemblerait plutôt aux sept nains qu à la sorcière. Dormeur Le cholestérol sommeille sournoisement et silencieusement. Il est présent mais personne ne le remarque. On a parlé de tueur silencieux. Un taux très élevé de cholestérol est associé à une augmentation très progressive du risque cardiovasculaire sur plusieurs dizaines d années. Prof Le cholestérol complique les choses car son rôle est différent selon son transporteur dans le sang : les LDL transportent le cholestérol vers les cellules qui l utilisent, mais en excès il est détourné vers les artères où il peut devenir dangereux s il s oxyde. A l inverse les HDL sont chargés de l emmener vers le foie puis la bile. Le taux de cholestérol LDL et de cholestérol HDL permettent de comprendre les évolutions du taux de cholestérol. Grincheux L excès d acides gras saturés fait monter la concentration en LDL et en HDL, tandis que les acides gras trans font monter les LDL et baisser les HDL ; les acides gras oméga 6 et oméga 9 font baisser le LDL. Le choix des corps gras est essentiel. Le cholestérol des aliments a lui peu d effet sauf chez les diabétiques tandis que les phytostérols font baisser le cholestérol LDL mais peut-être pas le risque cardiovasculaire. Page 1 sur 13

Atchoum Tout explose d un seul coup lorsqu une plaque d athérome fragilisée par l inflammation, l hypertension, le tabac, se rompt et induit la formation d un caillot. Heureusement les oméga 3 du poisson exercent des effets inverses. Timide Le sucre ne dit rien, il n agit pas sur le cholestérol LDL, mais en excès il élève le poids, les triglycérides, et fait baisser le cholestérol HDL malgré un cholestérol LDL dont les apparences sont normales. Simplet Si tout était simple cela se saurait. Le cholestérol est dangereux quand il s oxyde. Il s oxyde si les LDL sont petites et si les triglycérides s élèvent ; si l alimentation contient trop peu d antioxydants et trop d acides gras polyinsaturés. Joyeux Heureusement l alimentation fournit de nombreux éléments protecteurs : les fruits et légumes riches en antioxydants, le poisson riche en oméga 3, les fibres qui font baisser le cholestérol LDL ; sans oublier l activité physique qui fait monter le cholestérol HDL. Page 2 sur 13

Partie 1 par Bart Staels Le cholestérol est un lipide que l on trouve dans le sang et dans d autres organes du corps. Le cholestérol, en lui-même, n est pas toxique pour le corps humain. Il est même essentiel à son fonctionnement. Par exemple, le cholestérol est nécessaire pour la synthèse des membranes des cellules ; c est aussi le précurseur des hormones sexuelles et des acides biliaires, qui aident à la digestion. Mais dès lors que les taux sanguins en cholestérol sont altérés, on dit qu il y a une dyslipémie, qui peut avoir de mauvaises répercussions sur la santé et devenir un facteur de risque pour développer certaines maladies telles que les maladies cardio-vasculaires. C est là que l on commence à parler de «mauvais cholestérol». Dépister les anomalies Via une prise de sang, votre médecin fait un «bilan lipidique». Il dose certains lipides dans le sang, dans le sérum ou le plasma. Ainsi, il pourra déterminer le taux de «mauvais cholestérol», celui qui favorise le développement des maladies cardiovasculaires, de l athérosclérose. Le cholestérol ne circule pas librement dans le sang : il est transporté par les lipoprotéines. Il existe dans le sang plusieurs types de lipoprotéines, dont: HDL (high-density lipoprotein) qui sont les lipoprotéines à haute densité, et LDL (low-density lipoprotein), les lipoprotéines à basse densité. C est ce dernier, le cholestérol transporté par les LDL, que les médecins considèrent comme étant néfaste. Mais votre médecin s intéressera aussi au taux de «bon» cholestérol, le HDL, car il protège contre les maladies cardio-vasculaires. Enfin, en plus du cholestérol, il regardera le taux de triglycérides, qui sont également associés avec certaines anomalies métaboliques. 50 ans d évolutions phénoménales En une cinquantaine d années, notre environnement a beaucoup changé. Encore dans les années 80, la plupart des cas d hypercholestérolémie étaient constatés sur des gens minces avec du cholestérol LDL élevé. Ils étaient plus sujet aux maladies Page 3 sur 13

cardio-vasculaires, et l industrie pharmaceutique a identifié des molécules, les statines, qui font baisser les risques cardio-vasculaires. Mais depuis 30 ans, le grignotage entre les repas se répand et on mange plus de calories simples. Au même moment, on pratique moins d activités physiques et on dépense moins de calories. Cela amène à un déséquilibre dans la balance énergétique : moins de dépense énergétique, plus de prise des calories. Tout cela vient des nouvelles habitudes de vie : fast-foods, escalators, voiture utilisée pour les trajets courts, En conséquence, l obésité se développe. Une sorte d obésité acquise. On ne naît pas avec mais on l acquiert en vieillissant, en accumulant des lipides au niveau du ventre. Cette épidémie d obésité est une évolution logique du développement naturel. Contrairement à l évolution des espèces qui a pris plusieurs millions d années, celle-ci découle entièrement des mutations qu a subi notre environnement en 50 ans. L obésité en elle-même n est pas une maladie, pourtant une augmentation des graisses dans l abdomen peut prédisposer aux maladies métaboliques et cardio-vasculaires. Pour désigner cette prédisposition, les chercheurs parlent de «syndrome métabolique» ou parfois de «l état prédiabétique». Ce n est pas encore une maladie mais c est une façon d identifier le sujet qui est en mauvaise voie. Il est facile de constater un surcroît de graisses viscérales (dans l intestin, le foie, ) en mesurant le tour de taille. On mesure aussi la glycémie à jeun, et les triglycérides, les HDL et la tension artérielle. Si trois de ces cinq paramètres sont dans le rouge, le médecin peut alors diagnostiquer un syndrome métabolique. Puis, le cas échéant, il avertit le patient «pré-malade» et lui conseille des régimes alimentaires et une meilleure hygiène de vie, avant que le syndrome ne devienne une vraie maladie, diabète ou autre. Le vrai problème de l obésité, avec l accumulation des graisses abdominales, sont les altérations métaboliques : hypertension artérielle, glycémie anormale chez les personnes en voie de devenir diabétiques, et dyslipémie. Associée au syndrome métabolique, cette dyslipémie est plutôt caractérisée par une augmentation des triglycérides, qui sont produites par le foie ou apportées par l intestin après un repas riche en lipides. Cette accumulation de graisses peut provoquer par exemple une résistance à l insuline, l hormone qui fait baisser la glycémie, ce qui indique un début de diabète de type 2. En même temps, sa tension artérielle trop importante (état hypertensif), sa dyslipémie et une coagulation accélérée (état prothrombique, Page 4 sur 13

favorable à la création de caillot de sang) sont propices aux maladies cardiovasculaires. Comprendre le phénomène Le défi des chercheurs, comme ceux qui travaillent dans mon équipe, c est de voir comment ce changement récent de styles de vie influe sur l interaction entre les gènes et l environnement ; pourquoi cet individu, qui était un jour mince, est devenu obèse et très vulnérable au diabète et aux maladies cardio-vasculaires. Certaines équipes essaient de trouver des mutations sur les gènes et d autres travaillent sur la physiologie. L une des hypothèses actuelle consiste à dire que pendant des millions d années, l homme a été sélectionné par son environnement pour survivre à des périodes de famine, pour échapper aux animaux agressifs qui essayaient de l attaquer. Être capable de stocker des graisses était alors un atout. Finalement aujourd hui, nous sommes dans un état de sédentarité, de température régulée (dans les maisons et autres bâtiments) et d accès illimité aux calories. Les gènes qui étaient bons autrefois prédisposent maintenant à développer le syndrome métabolique. Actuellement, au niveau national, au niveau régional, mais aussi au niveau mondial, on est confronté à une épidémie d obésité et de diabète. On essaie, par exemple, de mettre en carte la fréquence de diabète dans certaines régions au niveau mondial. Il y a notamment un nombre croissant de diabétiques en Amérique du Nord. La France se situait en 2003 à un niveau correct par rapport aux autres pays européens. Les projections pour 2025 prévoient une augmentation dans les pays occidentaux, mais également l apparition du diabète et de l obésité dans des pays émergents, comme la Chine ou l Inde. Leur composition génétique pourrait les rendre plus susceptibles que nous aux changements récents de mode de vie. Au niveau mondial, financièrement parlant, la prise en charge de tous ces nouveaux patients coûte assez cher. En France, il y a 3 millions de diabétiques, ce qui représente plus de 5 % de la population adulte. Cette proportion augmente encore chaque année. Dans le Nord, historiquement plus affecté par les maladies cardio-vasculaires, ce chiffre se monte à 6,5 %. Une autre complication de ce syndrome métabolique, ce sont les maladies cardiovasculaires. L athérosclérose s installe insidieusement dans les artères, jusqu à ce Page 5 sur 13

sur l accident arrive. Le patient ne se rend compte que quelque chose ne va pas qu au moment de la complication cardio-vasculaire, comme l infarctus. C est très dangereux car on peut ne pas se méfier jusqu au bout. La recherche Une recherche importante au niveau mondial cherche à mieux comprendre l athérosclérose. On essaie de comprendre les différents stades de développement de cette pathologie. Tout d abord, des lipides se déposent au niveau de la paroi vasculaire. Cependant, tout le monde a ce problème bénin. Mais lorsqu elles s accumulent, la plaque d athérome peut casser, engendrant un caillot de sang (une thrombose), qui va pouvoir boucher des artères importantes. Et on sait que les dyslipémies associées à l obésité jouent un rôle extrêmement important dans cette progression de l athérosclérose. La recherche doit donc essayer de comprendre les mécanismes qui sont en cause dans l augmentation du LDL ou la diminution du HDL. Comment cela se met-il en relation avec le foie, l obésité viscérale, le diabète de type 2? Les réponses permettraient de savoir comment intervenir pour améliorer la situation des personnes atteintes par un syndrome métabolique. Certaines études analysent la mortalité chez les patients traités avec des statines. Ces dernières font baisser le risque de maladies cardio-vasculaires. Et puis, on a aussi regardé quelle était l incidence du HDL chez les individus chez les personnes traitées avec des statines mais qui continuaient à avoir de gros risques d infarctus. Ainsi, malgré le traitement, un taux de HDL bas augmente nettement les risques de maladies cardio-vasculaires. Par nos connaissances du métabolisme, on a également pu identifier pourquoi le bon cholestérol HDL baisse. Néanmoins, les choses ne sont pas toujours si simples. On cherche aussi pourquoi un patient qui devient obèse développe une dyslipémie. On a pu démontrer, par exemple, que le foie produit plus de lipoprotéines bourrées de triglycérides. Ce genre d études qui combinent la biochimie, la physiologie animale, la clinique, la chimie moléculaire, etc. nous permettent d identifier ce qui ne va pas chez un patient donné. Il y a quelques années, une initiative régionale consistait à créer un grand Institut de diabète à Lille, appelé Institut sur la génomique de diabète européen (EGID). Il Page 6 sur 13

regroupe aujourd hui trois équipes. Ce programme a pour but de comprendre le rôle de la génétique, la régulation de l expression des gènes, la pharmacologie et d aller jusqu au traitement du diabète et des maladies cardio-vasculaires associées. L objectif final étant de concentrer tous les efforts pour développer le médicament de demain, en étroite collaboration avec les entreprises pharmaceutiques et de biotechnologies. Dans mon unité, on s intéresse à l interaction entre les gènes et l environnement. L organisme, influencé par l environnement, répond et module entre autres l expression de ces gènes, gènes qui sont importants pour la gestion des lipides du cholestérol, du glucose, et quand ces gènes sont dysrégulés, les anomalies se développent. Et à l inverse, un environnement adéquat (nutrition adaptée, exercice physique) est favorable : il peut diminuer de 60 % le risque de devenir diabétique. Entre autres, une recherche extrêmement importante a été faite au cours des dernières années sur l influence de la nutrition sur l expression des gènes. Il y a 20 ans encore, ce concept n existait pas. Aujourd hui, c est généralement admis que la nutrition est un mécanisme de régulation physiologique et pathophysiologique très important. Ainsi, on essaie de comprendre comment les macronutriments (graisses, acides gras, carbohydrates, glucose, ) et les micronutriments (cholestérol, vitamines ) provoquent une réponse physiologique qui va être altérée en cas de surplus alimentaire. Un grand nombre de facteurs ont été identifiés, toutefois il reste un certain nombre d inconnues. Amadouer son cholestérol en adaptant sa nutrition par Jean-Michel Lecerf Le cholestérol, c est une petite bête noire que tout le monde a en tête, bien que, comme on l a vu précédemment, il ne soit pas mauvais par nature. En fait, il possède en quelque sorte beaucoup de visages différents. Pour expliquer cela, on peut faire un parallèle avec les sept nains de Blanche-Neige, qui se ressemblent tous un petit peu mais possèdent chacun un caractère particulier. Engageons sur une note positive : dans le monde, les maladies cardio-vasculaires régressent car on les soigne mieux, grâce au progrès thérapeutique de réanimation Page 7 sur 13

mais aussi grâce à la prévention et à une prise de conscience collective des enjeux liés à l alimentation et au mode de vie. L obésité et les diabètes, par contre, progressent. Si on s y mettait vraiment tous, on peut penser que ces maladies diminueraient voire seraient éradiquées. Tout n est pas sombre, et à la faveur des progrès de la recherche et de l amélioration de l environnement, je pense qu on en viendra à bout. Dormeur Commençons par le plus discret des sept nains. Comme lui, le cholestérol est silencieux, il ne dit rien et personne ne le remarque. Tout le monde en a mais personne ne le sait. Quand il s élève, on ne sent rien. Le diabète aussi est un peu dormeur, comme un peu toutes les maladies métaboliques. Il ne donne aucun signe et on peut avoir un taux de sucre dans le sang (la glycémie), à 3 grammes sans s en rendre compte. C est trois fois le taux normal! C est pourquoi des dépistages sont couramment effectués. Maintenant, la plupart des personnes ont déjà eu connaissance de leur cholestérol. Dans certains cas, on va même dépister les hypercholestérolémies génétiques dès l enfance. On décèle parfois des traces de dépôt de graisse dans les artères des enfants. Il faut en général 10, 20 ou 30 ans pour qu un cholestérol anormal entraîne des conséquences bruyantes. Plus on reste longtemps avec des dyslipémies, plus le risque que le syndrome métabolique se transforme en réelle maladie augmente. Mais ce qui a été démontré en 1984, avec l aide du professeur Fruchart, c est que l inverse est également vrai : faire baisser le mauvais cholestérol diminue le risque. D où l importance des dépistages, qui permettent d inverser la tendance chez les patients en mauvaise voie : si ils en sont conscients, ils peuvent changer leur mode de vie. Le cholestérol est là et on veut le guetter avant qu il ne soit visible et audible par ses complications. Prof Prof, il complexifie tout. Il ne dit jamais que tout est simple, et il rajoute toujours un élément à ses explications. De façon similaire, le cholestérol seul ne veut pas dire grand chose. Si on n en sait pas un peu plus, on ne comprend pas vraiment l étendue du problème. Le cholestérol se déplace dans le sang grâce à un Page 8 sur 13

transporteur. Ce transporteur nous explique qui va avec le cholestérol, d où il vient et où il va ; il nous donne le sens. Le cholestérol suit un circuit : des intestins au foie, du foie aux artères, puis des artères au foie pour être éliminé. Attendez! On croit avoir tout compris, mais ce est pas tout. En réalité, il y a du «bon» cholestérol et du «mauvais» cholestérol : respectivement le HDL et le LDL. Dans l immense majorité des cas (parce qu il y a toujours quelques exceptions), un taux bas LDL et une grosse quantité de HDL sont le bonne recette pour devenir centenaire. Et puis les scientifiques diraient que c est encore plus compliqué que cela, parleraient de différents récepteurs dans le noyau Globalement, souvenez-vous que le transporteur est très important. Le point positif est que ce transporteur s analyse puisque le médecin est capable de doser le cholestérol HDL, le cholestérol total, le triglycéride, et d obtenir le cholestérol LDL par un petit calcul. Grincheux Le cholestérol LDL, tout le monde en a. Mais il commence à râler dès qu il monte un peu trop. Pour éviter de l entendre bougonner, il va donc falloir réguler le LDL et le HDL. Les acides gras saturés sont peu recommandés en général : ils font augmenter le LDL. Pourtant, d un autre côté, ils font s accroître le HDL. Grincheux va nous dire que les acides gras saturés, ce n est pas vraiment le problème : ils ne sont ni bons ni mauvais. Ils sont nécessaires dans l alimentation et utiles pour la mémoire. Ce qui n est pas bon, c est quand on en mange de trop, ce qui est souvent le cas. On mange alors trop des autres graisses aussi. Attention à ne pas non plus en manger trop peu, car on se rabat alors habituellement sur les sucres. Il y a une dizaine d années, les acide gras trans ont défrayé à la chronique. Et pour cause car ils font tout à l envers : ils augmentent le LDL et diminuent le HDL. Le remue-ménage de l époque a heureusement permis que les industriels les suppriment presque totalement de leurs produits. Par malheur, tous ces produits sont désormais exportés dans les pays moins développés en Afrique et en Asie. Les Iraniens consomment 10 fois plus d acide gras trans que nous. Les oméga-6 et d autres acides gras sont fluides ; on les trouve dans des huiles liquides, par exemple. Ils ont tendance à faire baisser le LDL. C est bien, mais Page 9 sur 13

comme toujours en nutrition, il ne faut pas en manger trop. Les oméga-3, eux, font pas mal monter le HDL, sans pour autant être spectaculaires. On les trouve essentiellement dans les huiles de poissons qui ont aussi tendance à faire baisser les triglycérides. Mangeons donc des poissons, et des poissons gras! Ensuite, on retrouve le cholestérol lui-même dans l alimentation, en petites quantités : on en mange à peu près 400 mg par jour. Ses effets dans l organisme : faire monter un petit peu le HDL et le LDL. Contrairement à ce qui a pu être dit il y a quelques années, le cholestérol des aliments ne joue pas un rôle énorme. Les œufs, par exemple, ne sont pas si préjudiciables à notre santé. Et de toute façon, quand on diminue les plats riches en graisse saturée d origine animale, le cholestérol alimentaire va baisser. Enfin, il y a les phytostérols, les stérols végétaux. Autant notre stérol à nous, le cholestérol, est indispensable pour le fonctionnement de notre organisme, autant le l organisme cherche à tout prix à rejeter le phytostérol. Certains produits sur le marché, Proactiv et Danacol, apportent volontairement beaucoup de phytostérols. En effet, des petites quantités de phytostérol font un peu baisser le cholestérol, mais les scientifiques débattent encore sur l utilité de plus grosses quantités. Atchoum Quand il éternue, tout explose. Le cholestérol itou. On a vu qu il était dormeur, alors mieux vaut ne pas le réveiller. En fait, un petit noyau type trilipidique, bourré de cholestérol, se glisse sous les cellules qui tapissent l intérieur de l artère. Il peut alors y avoir une accumulation. Avec des régimes alimentaires vraiment stricts ou avec des médicaments, cela peut partir. Mais si on ne prend aucune précaution, cela va se développer, générer de l inflammation, et fragiliser la partie qui est juste audessus. À ce moment-là, il y a la rupture de la plaque d athérome. Cela aboutit à la formation d un caillot de sang qui peut grossir et conduire à l infarctus. Le cholestérol n agit jamais seul, il s accompagne d un cortège d autres facteurs. Les facteurs de risque : le tabac, qui est très grand agressif envers la paroi artérielle ; l hypertension artérielle, qui provoque des tourbillons dans les artères et use la plaque aux endroits où il y a des bifurcations ; le surpoids et le diabète qui favorisent l inflammation. Et les facteurs positifs : des molécules qui diminuent le taux d inflammation, comme les oméga-3 à forte dose. Beaucoup de choses sont en Page 10 sur 13

partie contrôlables même si on ne peut pas toujours tout empêcher. Si on agit assez tôt, on a de grandes chances d amélioration. Le HDL reste globalement très difficile à modifier. Il est élevé pour des raisons génétiques ou grâce à une consommation très forte d alcool ce qui est assez peu recommandable. Il est bas également pour des raisons génétiques. En réalité, on est pas tous égaux à la naissance de ce point de vue là. Les facteurs alimentaires, les médicaments et l activité physique jouent un petit rôle pour réussir à le faire monter fastidieusement. Timide Ce nain-ci, c est le sucre. Le sucre, il reste dans son coin et ne dit pas grand chose. Il ne fait pas beaucoup bouger le LDL, en apparence. Les sucres en général sont indispensables pour notre nutrition. Si vous avez une alimentation équilibrée, un poids normal et une activité physique courante, vous pouvez manger pas mal de glucides, il ne vous arrivera jamais rien. Mais les qualités des différents glucides sont très variées et il faut éviter de trop en manger. On va choisir ceux qui ont un index glycémique bas : les lentilles, les pois, les haricots, les pâtes al dente, les pommes de terre refroidies, les salades, le vinaigre. Chez quelqu un qui a tendance à grossir, le sucre va accentuer l affaire. Notamment sur ce fameux syndrome métabolique qui va parvenir stimuler la production de triglycérides par le foie. En plus de cela, le sucre n influence pas la quantité de cholestérol, mais sa qualité Le foie, les triglycérides sont perturbés et le HDL baisse. Et les LDL, changer de nature pour devenir des LDL dangereuses. Elle réduisent en taille et on les repère moins facilement. Il est important de limiter sa consommation de sucre en morceaux, c est la plus évidente, mais il faut également faire attention à tout ce qui a un goût sucré, ou a une saveur forte qui cache le goût du sucre. Le Schweppes, par exemple, est très amer et terriblement sucré à la fois. Simplet Avec lui, tout est simple. En soi, le cholestérol ne représente aucun danger. Il devient une menace dans certaines conditions. Page 11 sur 13

Tout d abord, il faut que le cholestérol soit en excès. Alors, il traîne dans le sang où il va s oxyder. Il y a trop de cholestérol non utilisé et celui-ci «vieillit». Plus précisément, ce sont les graisses attachées au cholestérol, dans les transporteurs de cholestérol et d acides gras, qui s oxydent. D autres données interviennent également pour que l oxydation puisse avoir lieu : les LDL, les transporteurs de cholestérol, doivent être petites ; et cela arrive chez les personnes en surpoids au niveau du ventre. Il existe d autres facteurs oxydants importants : le tabac, par exemple. L inflammation, qui vient encore une fois d un excès de poids. Certains éléments de l alimentation joue un rôle dans l inflammation : manger trop d acides gras omega-6 (huiles de tournesol, maïs, soja). L huile de palme, quant à elle, n est pas fondamentalement mauvaise : elle n est pas du tout oxydable. Mais si on en mange trop, on fait monter cholestérol LDL. On est toujours dans une notion de limite à ne pas dépasser. Les aliments qui s oxydent hors de votre estomac (dans l assiette, dans la bouteille) génèrent également des risques d oxydation dans les transporteurs d acides gras. Ce sont les huiles qui rancissent ou d autres aliments qui restent longtemps à l air libre. Et puis, à cause la réaction de Maillard, il faut aussi éviter de trop griller ses aliments. Même si cela donne un petit goût agréable, les glucides entrent en contact avec des protéines, ce qui crée des altérations. Enfin, ingérer trop de fer est nocif car il est un peu oxydant. Malheureusement, il y a peu d antioxydants, de protecteurs. Ils sont surtout présents dans les fruits et les légumes. Attention, les antioxydants sous forme de comprimés et de vitamines ne sont pas conseillés sur de longues périodes. D autres vedettes contiennent beaucoup d antioxydants, notamment des polyphénols, des molécules extraordinaires. Il y a environ 5 000 polyphénols dans l alimentation et on en connaît très bien quelques dizaines ou centaines. Les aliments qui en sont les plus riches sont généralement assez appréciés : les noix, le soja, l huile d olive vierge, le cacao (et donc le chocolat), les épices, le thé noir et le thé vert, le vin, la bière et les fruits et légumes. Encore une fois, il faut tout de même éviter de se gaver. Cependant, il n y a pas de preuve définitive que diminuer le «stress oxydatif», diminue le risque cardio-vasculaire. Toutefois, ce n est pas dangereux de restreindre les risques d oxydation, donc on peut le conseiller. Le plus important reste quand même les triglycérides qui s élèvent et entraînent des petites LDL. Page 12 sur 13

Joyeux Tout n est pas sombre : comme on l a vu, il y a des éléments de nutrition protecteurs. Bien sûr, l alimentation n est pas suffisante chez des personnes qui ont des anomalies génétiques majeures, et devra alors absolument être complétée par des médicaments. C est le cas des grandes hypercholestérolémies génétiques qu on voit chez les enfants dès l âge de 4, 5 ans. Dans d autres cas, ce qui va compter, c est de veiller à réduire un petit peu son poids. Sans mettre en place des régimes drastiques avec des objectifs inatteignables, il faut y aller avec détermination. Mettre l activité physique au programme dans le quotidien, même si on pense manquer de temps. Privilégier les escaliers aux ascenseurs, se garer plus loin pour faire un peu de marche Cela fait partie de la prévention de toutes ces maladies lipidiques et de tous ces problèmes cardio-vasculaires. Souvent, on dit que perdre 5 % de son poids, c est déjà intéressant pour améliorer son syndrome métabolique. Prévenir le cholestérol, cela passe par tout un cocktail de mesures : se mobiliser autour de l alimentation, adapter son mode de vie aussi, prendre des médicaments lorsque c est nécessaire. Aujourd hui, la recherche sur le cholestérol continue, pour essayer de le comprendre encore mieux, et de trouver de nouveaux médicaments et de nouvelles perspectives. Page 13 sur 13