ACADÉMIE NATIONALE DE PHARMACIE



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ACADÉMIE NATIONALE DE PHARMACIE Fondée le 3 août 1803 sous le nom de Société de Pharmacie de Paris Reconnue d utilité publique le 5 octobre 1877 «Matières premières pharmaceutiques, Mondialisation et Santé publique» Recommandations Exposé des motifs A bas bruits, au cours de ces 20 dernières années, les conditions de fabrication des médicaments consommés en France et en Europe ont considérablement évolué, ouvrant la porte à de nouvelles problématiques génératrices de risques pour la santé des populations. D une fabrication quasi locale de l ensemble des ingrédients rentrant dans la composition des médicaments (principes actifs, excipients) ainsi que des médicaments eux-mêmes, avec un petit nombre d acteurs bien identifiés et connus des autorités de santé, nous sommes passés à une dispersion planétaire et à une dissémination des chaînes de production et de distribution. En 2011, le phénomène de mondialisation correspond à l intensification des échanges et des flux à l échelle mondiale qui débouche sur la création d un espace de plus en plus intégré, avec des acteurs qui se situent dans une vision planétaire. L Académie nationale de Pharmacie a souhaité rassembler l ensemble des acteurs concernés, afin d analyser les causes et conséquences de ce phénomène. Ce fut l objet d une journée thématique qui s est déroulée le 20 avril à laquelle ont participé les représentants des autorités nationales et européennes de santé, des experts de l industrie du médicament, des industriels fournisseurs de matières premières, principes actifs et excipients, des pharmaciens hospitaliers ainsi que des représentants du Ministère de l Industrie auxquels se sont joints des experts européens et de l OMS. Des échanges de vue très documentés ont donné lieu à un débat constructif et à des propositions de recommandations. Les causes : la mondialisation est irréversible, souhaitable, mais en crise! 1. Le marché pharmaceutique est depuis longtemps un marché mondialisé, du fait même des coûts de développement d un médicament nouveau. 2. La mondialisation/globalisation est aussi à l œuvre sur le marché des matières premières à usage pharmaceutique (MPAP). La pression sur les prix et les coûts ainsi que l augmentation continue des règlementations sur l environnement en Europe a entraîné une délocalisation massive de la production des principes actifs pharmaceutiques de la France et l Europe en général, le plus souvent vers l Asie (Chine et Inde plus particulièrement). 3. On considère que la première mondialisation contemporaine a débuté en 1989. A cette époque, le marché des matières premières pharmaceutiques était très concentré. Les sites de fabrication des matières actives étaient majoritairement proches des sites de fabrication des médicaments et étaient gérés par les mêmes opérateurs (marché captif). Plusieurs phases ont été observées dans ce phénomène de mondialisation, la première étape s est poursuivie jusqu en 2006 : les pays développés ont importé des produits à la compétitivité améliorée, ce qui a eu pour conséquence une désinflation des coûts leur permettant de poursuivre leur spécialisation sur des activités d innovation. 4. Avec la crise, ce modèle a volé en éclats. désormais les prix des produits importés augmentent, les pays occidentaux se retrouvent dans une situation de moindre croissance économique. Recommandations Conseil 22.06.2011 V1 1/5

5. On assiste à un bouleversement inédit de la hiérarchie des puissances avec l arrivée de nouveaux pays au stade de développement, celle-ci concerne 2 milliards et demi à 3 milliards d individus. Ainsi en 2011, les BRIC (Brésil Russie Inde et Chine), la Turquie, le Mexique, la Corée du Sud égalent le top 5 Europe ; la Chine dépasse le Royaume-Uni et l Allemagne. 6. L accélération et l ampleur de cette mondialisation au cours des dernières années posent problème. Les changements ont été plus rapides que la capacité à faire face à ces changements. 7. Sur ce marché des matières premières pharmaceutiques, notamment des génériques, on assiste dorénavant à la croissance du marché libre et un déclin du marché captif (marché où la fabrication des matières actives et des médicaments est géré par le même opérateur). Sur un marché global équivalent à 76 milliards de dollars, le marché libre représente 45 milliards, le marché captif 31 milliards (chiffres 2009). 8. En parallèle, l évolution du coût d une molécule innovante a été considérable entre la fin des années 70 et les années 2000 (Développer un nouveau médicament représente un investissement d 1 milliard de dollars) alors qu il existe une pression sur les finances publiques donc sur le financement des systèmes de santé, lesquels ont du mal à faire face à l augmentation des coûts des médicaments innovants. 9. Ces deux évolutions (paragraphes 7 et 8) expliquent la pression sur les coûts de fabrication qui invite à la délocalisation des sites de production en particulier pour les produits génériques. 10. Ce phénomène de recherche de moindre coût a généré une segmentation des synthèses de matières actives lesquelles étaient conduites autrefois en 3 à 4 étapes tandis qu aujourd hui il s agit souvent d une vingtaine d étapes. Progressivement les groupes pharmaceutiques accélèrent l externalisation d étapes de synthèse et/ou cèdent des sites de production à des sous-traitants. Cette segmentation de la chaîne de fabrication accroît de plus en plus la complexité du marché des principes actifs pharmaceutiques. C est au tour maintenant des sous-traitants occidentaux de sous-traiter la production d intermédiaires de synthèse. 11. Cet éclatement de la chaîne de production de l industrie pharmaceutique induit un découplage entre le centre de décision de la politique qualité, les autorités d évaluation, le marché et la zone de production, avec deux risques majeurs pour la santé publique : d une part, la sécurité de la fourniture de principes actifs peut ne plus être assurée, notamment ne prend pas en compte les risques géopolitiques ni les risques naturels (50 sites de chimie pharmaceutique sont à l arrêt suite au Tsunami au Japon ; la Chine concentre 40 à 50% de la production des principes actifs génériques du marché européen ). d autre part, la qualité des produits peut être potentiellement affectée et plus difficile à assurer, par exemple : les sites de synthèse des matières actives chinois ou indiens sont inspectés en moyenne 5 fois moins que les sites européens ; Autre exemple, la DEQM (Direction européenne de la qualité du médicament et soins de santé du Conseil de l Europe) à la suite d inspections a été amenée à plusieurs reprises à suspendre des certificats de conformité à la Pharmacopée européenne pour défaut de qualité de fabrication : 75 pour cent de ces certificats suspendus ou retirés concernaient des produits fabriqués en Chine ou en Inde. Les défis de maîtrise du système sont énormes ; en Chine et Inde, outre le millier de sites chimiques de matières actives, on répertorie environ trois mille à six mille sites chimiques fabriquant des intermédiaires de synthèse. A noter en outre la variabilité de la qualité des produits fabriqués y compris sur les sites inspectés et agréés par les autorités américaines et européennes. Les conséquences de la globalisation 12. La délocalisation a entrainé de la part des pays importateurs et notamment des autorités d enregistrement des États-Unis, Europe et Japon, un renforcement des exigences réglementaires pour se protéger de qualités déficientes voire de falsifications, avec en corollaire une augmentation des coûts pour les fabricants de principes actifs concernés. Cette délocalisation force aussi les autorités compétentes concernées à des efforts importants en termes d inspection sur place mais qui n en demeurent pas moins limités au regard de la tâche à accomplir. 13. Ces derniers étant soumis à une concurrence débridée à l échelle mondiale peuvent, dans certaines situations, arrêter certaines fabrications pour des raisons de rentabilité insuffisante. 14. La mondialisation, les concentrations industrielles, la recherche accrue des profits ou l acutisation des contraintes réglementaires, notamment environnementales, peuvent induire dans certains cas la réduction Recommandations Conseil 22.06.2011 V1 2/5

drastique des sources d approvisionnement en matières premières, conjuguée à leur délocalisation ainsi que l émergence de matières premières orphelines abandonnées par l industrie, car jugées non rentables. 15. Ce phénomène peut entraîner progressivement des pénuries de certaines matières actives pharmaceutiques, qui peuvent être essentielles en termes de santé publique (exemple de la metchloréthamine/caryolysine indiquée dans les lymphomes T cutanées, dans le psoriasis et le mycosis fungoïde). 16. A titre d exemple, il peut être indiqué que le pharmacien hospitalier est de plus en plus fréquemment confronté à ces problèmes de pénurie et de ruptures d approvisionnement en médicaments essentiels qui par ailleurs est aussi généré par la politique de flux tendus. 17. Les conséquences pour les patients peuvent être importantes. Certaines pénuries laissent les patients sans alternative thérapeutique réelle ou bien au prix d une dégradation de la qualité des traitements, induisant même des risques majeurs pour les patients en cas de substitution par d autres médicaments moins actifs ou plus mal tolérés. Cette pénurie touche aussi le champ des produits de diagnostic, par exemple la pénurie récurrente en Technecium99, radioélément majeur dans le diagnostic des cancers, oblige à faire des choix entre les patients pouvant en bénéficier, d où une perte de chance pour les autres dont les examens seront retardés ou bien à utiliser d autres radioéléments donnant des images de moindre qualité. 18. La mondialisation du marché des excipients de médicament est assez similaire à celle des matières actives. 19. L environnement commercial des excipients est de plus en plus complexe. Les exigences réglementaires pour les excipients sont souvent non adaptées et non harmonisées. 20. La réglementation applicable aux matières actives a un impact sur les excipients mais elle n est pas adaptée dans la plupart des cas. Considérants Considérant la mondialisation des échanges, Considérant que la mondialisation n est pas un modèle à remettre en cause et qu elle demeurera un vecteur de progrès sur le long terme, Considérant que les conséquences pour les patients sont souvent importantes, notamment rupture dans la continuité de leur traitement, contraignant à des alternatives thérapeutiques plus onéreuses ou dont la tolérance est moins bien maîtrisée et pouvant ainsi entraîner des risques accrus pour les patients, Considérant que la pression du Public est de plus en plus forte pour bénéficier de traitements présentant les risques les plus faibles possibles (en rappelant que le risque zéro n existe pas en matière de médicaments). Considérant que les périls géophysiques, économiques, politiques et sociaux qui peuvent influencer les conditions d approvisionnement, ont été sous-estimés, Considérant que la question des matières premières à usage pharmaceutique importées en provenance de pays tiers extérieurs à l Union européenne constitue un maillon faible dans la recherche de la sécurité sanitaire et que le bilan risques-opportunités est devenu défavorable dans certaines circonstances, Considérant que si le marché est global, la chaîne de production des matières premières est fragmentée et les centres de décision et de contrôle sont de plus en plus découplés des nouveaux lieux de production, Considérant qu il est essentiel de sécuriser les approvisionnements de certains médicaments, Considérant que les changements mondiaux par rapport à la production des principes actifs ainsi que des produits finis posent des nouveaux défis aux autorités réglementaires nationales et régionales dans leur mise sur le marché des médicaments et que cela concerne non seulement les pays en développement mais également les pays développés avec des conséquences importantes dans leur mission de protection de la santé publique, Considérant qu il faut que les décideurs politiques nationaux et européens soient informés et très conscients des problèmes liés à la mondialisation, notamment des risques stratégiques en termes géopolitiques que fait peser la dépendance de l Europe en général, et de la France en particulier vis-à-vis de leur approvisionnement en matière première essentielle : des risques de pénurie, des risques de qualité et aussi des risques de perte de compétence sur le territoire européen, Recommandations Conseil 22.06.2011 V1 3/5

Considérant que par choix économique, l industrie pharmaceutique va s approvisionner dans des pays où les productions sont moins chères, mais pays où le niveau de bonnes pratiques de fabrication peut ne pas être en rapport avec les normes européennes ou nord-américaines, ce qui entraine des répétitions d incidents qui peuvent aboutir à des pénuries ou des risques de pénurie, Considérant que les risques de pénurie et de falsification nécessitent un renouvellement des moyens et des méthodes à mettre en œuvre en matière de contrôle et de politique qualité. Les actions à prendre concernent autant les responsables des entreprises que les autorités publiques et nécessitent une réelle coopération entre les pays développés et les pays émergents, Considérant qu il relève de la responsabilité des titulaires d AMM de médicaments de maîtriser leurs fournisseurs, Considérant que la croissance des marchés pharmaceutiques des BRIC (en moyenne, depuis 5 ans, de 15 % par an) crée un besoin d innovation, d amélioration de la politique qualité appliquée à la santé et que la demande croit à mesure que les revenus et le niveau de vie croissent et donc que l on assiste à une convergence des besoins Europe, Japon, USA - BRIC (c est un des enjeux du G20), Considérant que la formation des inspecteurs et l harmonisation internationale concernant les règles de bonnes pratiques de fabrication (principes actifs et médicaments) sont un des éléments clé du dispositif permettant la reconnaissance mutuelle des inspections ainsi qu une optimisation des moyens de contrôle et d évaluation notamment entre les Autorités des pays importateurs (essentiellement États-Unis, Europe, Japon) et les Autorités des pays fabricants exportateurs (BRIC notamment), Considérant que les coûts directs et indirects de l inaction sont exorbitants, chiffrés à plus de 100 milliards d euros dans l exposé des motifs de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2001/83/CE en ce qui concerne la prévention de l introduction dans la chaîne d approvisionnement légale de médicaments falsifiés du point de vue de leur identité, de leur historique ou de leur source, Pour prévenir les risques de pénurie et de défaut de qualité des matières premières pharmaceutiques, mettant en jeux la sécurité des patients, l Académie nationale de Pharmacie recommande - face à la mondialisation des échanges, de mettre en place des réseaux efficaces à tous les niveaux (national, européen, mondial) entre autorités règlementaires mais aussi entre autorités règlementaires et industries afin de sécuriser les circuits de fabrication et de distribution des matières premières servant à la fabrication des médicaments, - de développer la prise de conscience globale de tous les acteurs, y compris les patients. Il est évident que les acteurs de terrains n arriveront pas seuls à sécuriser la chaîne de fabrication et de distribution des matières premières et des médicaments. Action au niveau national - définir au niveau politique quels sont les principes actifs indispensables que la France doit avoir à sa disposition (c'est-à-dire ceux dont elle doit maîtriser l approvisionnement). La même réflexion doit être envisagée pour les excipients d autant plus que ces matières premières ne sont pas fabriquées pour le seul usage pharmaceutique, - prévenir les risques de pénurie des matières premières pharmaceutiques par une forte incitation des décideurs publics et privés à relocaliser au niveau national et européen la production de ces matières premières ; mettre en place une politique d incitation industrielle (règlementaire, financière et fiscale), - redévelopper un tissu industriel qui permette une autosuffisance en matières actives essentielles, - développer des synergies entre les plans d action nationaux, européens et internationaux. Action au niveau des autorités compétentes européennes - développer et accélérer l harmonisation des pratiques et des exigences des corps d inspection pour optimiser les ressources et faciliter la reconnaissance mutuelle, - reconsidérer les pertes de ressources entrainées par les duplications d inspection entre états et de mettre en place un système de reconnaissance élargi (développement du rôle des organisations internationales) tout en prévoyant des actions d urgence en la matière, Recommandations Conseil 22.06.2011 V1 4/5

- définir au niveau politique quels sont les principes actifs indispensables que l Europe doit avoir à sa disposition (c'est-à-dire ceux dont elle doit maîtriser l approvisionnement). La même réflexion doit être envisagée pour les excipients d autant plus que ces matières premières ne sont pas fabriquées pour le seul usage pharmaceutique, - mettre en place une politique d incitation industrielle pour relocaliser la production de médicaments essentiels au niveau européen et redévelopper un tissu industriel qui permettre une autosuffisance en matières actives essentielles, - initier une action au niveau de la Commission européenne, par exemple par la DG Sanco, - disposer d une base Eudra GMP la plus complète possible, incluant les inspections des sites de matières actives pharmaceutiques, voir des intermédiaires de synthèse. Action au niveau des industries - impliquer les décideurs industriels et notamment les titulaires d AMM pour revenir à une vision «santé publique» de la chaine de fabrication et distribution des médicaments, y compris en termes de relocalisation de sites de production de principes actifs pour des médicaments essentiels, - réclamer aux titulaires d AMM de prendre leur responsabilité en matière de santé publique en particulier en maîtrisant leurs fournisseurs sur le plan du respect des normes de fabrication ; les titulaires d AMM ne peuvent s exonérer de leur propre responsabilité en laissant le soin aux autorités de santé publique d accepter une moindre qualité pour éviter la pénurie de médicaments essentiels, - exiger que les industriels présentent lors de l AMM et de son renouvellement, un plan de gestion du risque de pénurie. Il est en effet possible d avoir une politique de sources alternatives qui réduisent les risques de se fier seulement à une source hors d Europe, - devant le foisonnement d initiatives privées vers la certification et les enjeux économiques sous-jacents, organiser les filières (par exemple système de reconnaissance mutuelle et indice de fiabilité), - dans le domaine des excipients développer des modèles de certification et de transparence dans la chaîne de fabrication et de distribution en proposant une reconnaissance officielle par les pouvoirs publics, destinée à servir d incitation pour les industriels, - réfléchir à la mise en place par l industrie d une fondation destinée notamment à mutualiser les audits, avec soutien parallèle des pouvoirs publics par la création, par exemple de crédits d impôts ou toute autre formule appropriée, valorisant les efforts de qualité. Action au niveau des relations autorités-industries - mettre en place un partenariat bien compris entre industries et autorités (inventaire des doublons de la part des industries et adaptation des accords de reconnaissances par les autorités en prenant en compte une gestion efficace des conflits d intérêts potentiels) - partager l information sur les incidents pour mieux gérer les risques : mettre en place des systèmes d alerte fiables ; développer la collaboration industries-autorités (inspection, autorités d enregistrement, laboratoires de contrôle) pour déclencher les alertes le plus en amont possible ; mettre en place des mécanismes de recueil d informations en dehors de tous contextes de recherche de responsabilité (qui pourraient être une source de sous-déclaration d incidents, lesquels même mineurs, peuvent constituer des signaux d alerte). Action au niveau européen et mondial - contribuer par tout moyen approprié à une montée en puissance significative des systèmes d inspection des pays dont les fabricants (matières premières pharmaceutiques) sont aujourd hui des acteurs majeurs dans ces domaines (Chine, Inde notamment) mais aussi des pays potentiellement en devenir (pays ASEAN, pays du MERCOSUR, ), - reconsidérer les pertes de ressources entrainées par les duplications d inspection entre états et d audits entre industriels et mettre en place des systèmes de reconnaissance mutuelle élargie (développement du rôle des organisations internationales) tout en prévoyant des actions d urgence en la matière, - harmoniser les référentiels, les pratiques et exigences, la formation des corps d inspection pour faciliter mutualisation et reconnaissance mutuelle, - travailler en parallèle au développement de partenariat avec les autorités chinoises, indiennes et du BRIC en général (soutenir l action des organisations européennes et de l OMS) pour en faire de vrais partenaires, ayant la volonté de promouvoir pour leurs populations des standards de qualité équivalents en matière de sécurité d emploi aux standards occidentaux. Recommandations Conseil 22.06.2011 V1 5/5