Je suis née le 14 février 1957 à Paris dans une famille judéo-espagnole. A 20 ans je rentre aux Beaux-arts où je rencontre Nicolas Wacker et travaille sous sa direction. Son enseignement m'a marquée. Il m'a rappelé mon enfance et plus particulièrement un livre sorti de ma mémoire Un livre laissé par ma sœur et notre baby-sitter le 18 avril 1963 sur l'histoire de Van Eyck. Après mon exposition en 1995 j'ai complètement abandonné la représentation figurative. Cette rupture est arrivée dans ma vie comme une révélation que j'essaye humblement de vous transmettre. Patricia Taieb est née, vit et travaille à Paris en tant que peintre.
Quand à l'école vers 10, 11 ans on me posait la question : «Qu'est-ce que tu veux être plus tard?» ma réponse a toujours été : «Je serais peintre». Aujourd'hui je suis peintre. Je me souviens de mon premier jour aux Beaux-Arts. Je venais de réussir le concours de L'Ecole des Beaux-Arts de Paris. Vous pouvez imaginer ma joie et aussi mon excitation. J'avais misé pour m'y préparer, sur L'Académie Julian, (ESAG Penninghen ), apprenant et travaillant sur les traces des peintres Maurice Denis, Fernand Léger, Henri Matisse, Édouard Vuillard, Alphonse Mucha, des sculpteurs Jean Arp, Jean Dubuffet. Tous ces grands noms étaient passés par L'Académie Julian, mais surtout je savais que cette «prépa» devait sa renommée à sa discipline de fer et sa surenchère d'exigence...
Pour revenir à mon premier jour aux Beaux-Arts Très émue j'arrivai bien en avance. L'ouverture des ateliers était prévue à 9 heures. Quelle ne fut pas ma surprise, de découvrir que l'école était un désert, personne... Interpellant un homme de maintenance : «Mais que se passe-t-il? Où sont les élèves? C'est bien 9 heures l'ouverture des ateliers?» Il me répondit après avoir un peu rigolé : «Ho! Ici avant 10 heures il n'y a pas grand monde...» Je venais de comprendre que seule, vraiment toute seule, je devrais me donner des règles et une autodiscipline... J'avais un merveilleux outil, les Beaux-Arts, avec ces magnifiques ateliers, avec ce matériel mis à ma disposition gratuitement Mais ici personne ne regarderait, ni ne surveillerait ma présence aux cours... Aujourd'hui je sais que j'ai tout pris de cette école et qu'elle m'a toute donné.
Oui je suis peintre! D'où cela me vient-il? Je ne sais pas, peut-être d'un monde imaginaire toujours présent en moimême après que l'enfance ait disparu... Un monde à moi que j'aimerais donner aux autres dans mes peintures, dans mes dessins... Peut- être une envie de découvrir des paysages qui n'existent qu'au bout de mes doigts
C'est cela qui me pousse à peindre et à jouer avec les couleurs, les vibrations, l'espace et le vide... Il y a beaucoup de vide chez un peintre... Oui, en premier il y a le blanc de la toile, cela peut donner le vertige ; même si j'ai préparé des esquisses préparatoires, cela n'empêche que je me dis toujours «Par où commencer?» Et là...c'est un peu magique...
Le temps s'arrête dans l'acte de créer, beaucoup d'artistes appellent cela être dedans, c'est comme une danse rythmée par le hasard, les repentirs, par une couleur qui dialogue avec une autre couleur, par un point, par une ligne et, quand la musique s'arrête entre la toile et moi, je prends du recul et je découvre mon œuvre, peut-être va-t-elle me sembler en harmonie avec celle que j'avais dans la tête, peut-être? Après, il y aura le regard de l'autre... Celui qui regarde va changer l'interprétation de mon tableau, car, lui aussi, il va y mettre tout ce qu'il est, lui... C'est cela qui me pousse à peindre. Patricia Taieb pour le Voyage de Betsalel