Apports de la thermovinification sur l expression aromatique des vins blancs Laurence GUERIN IFVPôle Val de LoireCentre 46 avenue Gustave Eiffel 37100 Tours Tél : 02 47 88 24 20 laurence.guerin@vignevin.com Intérêts de la thermovinification appliquée aux cépages et/ou raisins blancs Résumé : Le chauffage de la vendange a été initialement développé pour la vinification en rouge, pour notamment répondre à trois objectifs : dégradation de la laccase, meilleure extraction polyphénolique et optimisation de la cuverie. Aujourd hui, l objectif est de pouvoir l appliquer à la vinification en blanc. A partir des faibles références qui existent, il est possible d énoncer que l intérêt sur les raisins altérés est conforté par rapport aux résultats acquis sur raisins rouges, cependant, l intérêt sur raisins sains est encore à mettre en évidence. Motsclés : chauffage de la vendange, vinification en blanc, raisins altérés, raisins sains. 1
Introduction De nombreux travaux expérimentaux ont été réalisés dans les années 1970 sur les vinifications des vendanges chauffées ou thermotraitées (raisins destinés à la vinification en rouge). Actuellement, selon les professionnels de la filière, les différentes méthodes de vinification des vendanges thermotraitées, permettent de diversifier la qualité des vins et de les adapter aux attentes du marché. En France, plus de 200 caves ont accès à ces technologies, ce qui représente plusieurs millions d hectolitres. Une des raisons du succès de cette technologie, est due à l élimination de la laccase, présente dans les vendanges altérées. L autre avantage majeur concerne la réduction des besoins en cuverie de fermentation, par l élimination immédiate de toute la masse solide (Boulet et Escudier, 1988 ; Desseigne et Grenier, 1998). Aujourd hui, ces technologies ne concernent pas uniquement les raisins destinés à la vinification en rouge et/ou des raisins de «second niveau» (état sanitaire altéré et/ou dilué) mais l ensemble des gammes de qualité de raisin. Qu estce que la thermovinification? Classiquement, le procédé consiste, après éraflage et foulage de la vendange partiellement égouttée, à chauffer la vendange à 7075 C pendant un laps de temps très court (30 à 40 min.), à la pressurer, à la refroidir et à la vinifier en phase liquide après clarification. Depuis plusieurs années, de nombreuses alternatives ont été proposées, mais exclusivement dans le cadre des vinifications en rouge : Macération préfermentaire à chaud (MPC) suivie d un pressurage direct Macération préfermentaire à chaud (MPC) avec macération fermentaire Flashdétente Pourquoi pratiquer la thermovinification sur raisins blancs? Historiquement, le chauffage de la vendange a été appliqué dans le cadre de la vinification en rouge, afin d extraire les polyphénols, dénaturer les enzymes d altération et détruire les arômes végétaux du raisin (Roujou de Boubée, 2000) Que peuton en attendre dans le cadre de la vinification en blanc? Sur raisins altérées Les essais conduits à ce jour et qui ont fait l objet d articles et/ou des comptes rendus ont été mis en œuvre dans deux cas de figures : a) Vendanges altérées par Botrytis A nouveau et comme relaté dans l introduction, cet effet de la thermovinification a déjà été montré très largement dans le cadre de la vinification en rouge, cependant, qu en estil sur les blancs? Des essais récents ont été conduits par l IFV SudOuest sur deux cépages blancs : Colombard et Loin de l œil. L objectif initial était de transposer les techniques de chauffage (réalisées en absence d oxygène) sur de la vendange blanche botrytisée. Les modalités mises en place sur 3 millésimes (de 2006 à 2008) sont les suivantes : Facteur Niveau Description 0% Taux de Botrytis 2 50% 3 (2006) Niveau turbidité : 50 500 et > 1000 Débourbage NTU 2 (2007) Avant et après chauffage Chauffe 0 (2006) Pas de traitements Traitement débourbage PVPP / Noir animal 3 (2006) 2 (2007) 70 C à 0h / 1h / 5h Pas de traitements / Bentocaséinate 2 (20072008) 4 (2008) Pas de chauffe /3h à 70 C Pas de traitements / Bentocaséinate / 2
[géosmine] (ng/l) Les principaux résultats sont les suivants : Le chauffage des moûts n apporte pas de modifications physicochimiques significatives, mais entraîne une augmentation de l amertume des vins (augmentation de l extraction polyphénolique) et ceci de façon proportionnelle au niveau de turbidité Sur le plan organoleptique, le chauffage des moûts botrytisés permet un gain qualitatif indéniable, à condition que la montée en température soit significativement rapide pour limiter l effet de l activité laccase L ajout de bentocaséinate ou de PVPP au moment du débourbage des moûts chauffés, permet d éliminer une partie des polyphénols extraits, donc de l amertume du vin. Le débourbage avant chauffage permet dans la plupart des cas de limiter l extraction polyphénolique, mais présente peu d intérêt. b) Vendanges altérées par la géosmine Dans le cas très particulier de vendanges altérées et présentant des concentrations importantes en géosmine, le principe de la thermovinification a été appliqué (Guérin et al, 2011). Deux applications ont été réalisées, une en laboratoire et l autre sur site industriel. Dans le premier cas, il est montré que la température permet une dégradation de la géosmine jusqu à 90%, pouvant éventuellement être accentuée par une évaporation. Il a été montré également que l augmentation de la température (40 C à 68 C pendant 7h30) favorise la dégradation de la géosmine jusqu à un taux de 85%. Dans le deuxième cas, il a été choisi de faire la mise en œuvre suivante (Figure 1) : Figure 1 : Schéma opératoire du traitement thermique sur moût blanc de Folle Blanche avec indication des prélèvements pour dosage de géosmine 400 350 300 250 200 150 100 50 0 Refroidissement par évaporation Refroidissement par échangeur Stade 1 Stade 2 Stade 3 Stade 4 Les essais ont été concluants, comptetenu des résultats présentés dans la figure 2. 3
Figure 2 : Evolution des teneurs en géosmine en fonction des stades du process de traitement thermique sur moût blanc de Folle Blanche Sur raisins sains Même si cela est évoqué dans le vignoble, les références techniques sont peu nombreuses, voire inexistantes. Cependant, en complément des travaux réalisés par l IFV SudOuest, la modalité 0% Botrytis permet d apporter des éléments. 4
Sur les deux cépages étudiés, la réponse est différente d un point de vue organoleptique : Pour le cépage Loin de l œil, le chauffage de la vendange permet une augmentation de la production d esters, d alcools supérieurs et d acides, au cours de la fermentation alcoolique, ce qui se traduit par un gain qualitatif indéniable. Par ailleurs, un débourbage après chauffage, permet généralement une plus grande extraction de composés aromatiques. Pour le cépage Colombard, le chauffage du moût entraîne une forte diminution des notes thiolées et n a aucune répercussion sur la perception des notes terpéniques. Conclusions Ce qu il faut retenir La thermovinification est utilisée depuis les années 70 et, jusqu à ce jour, exclusivement dans le cadre des vinifications en rouge. Dans le cadre de la vinification en blanc, à ce jour, quelques résultats sur raisins altérés montrent l intérêt de la technique, cependant, sur raisins sains, le profil produit à obtenir est à raisonner aupréalable. Et après? Des références techniques sont en cours d acquisition sur Sauvignon pour le millésime 2012, en faisant varier les niveaux de turbidité, températures et durées. En 2013, des essais seront réitérés sur Sauvignon et nouvellement sur Melon. Remerciements : F. Davaux (IFV SudOuest) Références bibliographiques Boulet JC., Escudier JL., 1988. Œnologie, fondements scientifiques et technologiques. Partie 17 : Vinifications en rouge. p.797805. Flanzy coordination, Tech et Doc Lavoisier. Desseigne JM., Grenier P., 1998. Chauffage de la vendange et arômes fruités. Entretiens Vitivinicoles Rhône Méditerranée. p.2022. Comptes Rendus d Activité Technique IFV, 2006, 2007, 2008. Roujou de Boubée D. 2000. Recherches sur la 2méthoxy3isobutylpyrazine dans les raisins et les vins : approches analytique, biologique et agronomique. Thèse Doctorat Université Bordeaux II. Guérin L., Guyot F., PascalLagarde C., De Bucy S., Effet de la température sur les teneurs en géosmine des moûts, Revue des œnologues (RO), Janvier 2011, N 138. 5