Cystatine C plasmatique chez le chat : les techniques actuelles ne permettent pas de l'utiliser comme marqueur d'insuffisance rénale

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ARTICLE ORIGINAL Cystatine C plasmatique chez le chat : les techniques actuelles ne permettent pas de l'utiliser comme marqueur d'insuffisance rénale C. MARTIN, D. PÉCHEREAU, F. DE LA FARGE et J.P. BRAUN Département des Sciences Biologiques et Fonctionnelles & UMR 181, École Nationale Vétérinaire, 23 Chemin des Capelles, F-31076 Toulouse Cedex 3 Clinique Vétérinaire des Pyrénées, 50 Avenue Jean Mermoz, F-64000 Pau Laboratoire de Biochimie, Hôpital Rangueil, Av Pr J Poulhès, F-31403 Toulouse Cedex 4 Correspondance : J.P. Braun, Téléphone : 05 61 19 38 44, Télécopie : 05 61 19 39 78, courrier électronique : jp.braun@envt.fr RÉSUMÉ La cystatine C est une petite protéine synthétisée de manière constitutive par toutes les cellules nucléées, filtrée par le glomérule rénal, réabsorbée dans le tubule où elle est inactivée. Sa concentration plasmatique dépend essentiellement du débit de filtration glomérulaire et chez l'homme, elle est considérée comme le marqueur biologique le plus précoce de l'insuffisance rénale. Chez le chien, c'est également un témoin sensible et spécifique de l'insuffisance rénale. Son utilisation diagnostique a été testée chez 99 chats en bonne santé, et 110 chats présentant des signes cliniques ou biologiques d'insuffisance rénale. L'intervalle de référence était 0,34 à 4,11 mg/l. Chez les sujets malades, la concentration plasmatique de la cystatine C était significativement plus élevée, mais seuls 14 chats présentaient des valeurs supérieures à 4,11 mg/l. La limite supérieure de l'intervalle de référence est notablement plus forte chez le chat que chez le chien ou l'homme ; cela résulte peut être d'une réaction aspécifique des anticorps anti-cystatine C humaine utilisés, et dans l'état actuel de nos connaissances, l'utilisation de la cystatine C ne doit pas être recommandée pour le diagnostic de l'insuffisance rénale du chat. SUMMARY Plasma cystatin C in the cat : current techniques do not allow to use it for the diagnosis of renal failure. By C. MARTIN, D. PÉCHEREAU, F. DE LA FARGE and J.P. BRAUN. Cystatin C is a small constituive protein sysnthetized by all nucleated cells. It is filtered by the renal glomerulus, reabsorbed in the tubule where it is destroyed. Its plasma concentration depends mainly on the glomerular filtration rate. It is considered as the earliest biological marker of renal failure in man ; it is also a sensitive and specific marker of renal failure in the dog. Its diagnostic value has been tested in 99 healthy cats and in 110 cats with clinical or biological signs of renal failure. The reference interval was 0.34 to 4.11 mg/l. In diseased animals, plasma cystatin C was significantly elevated, but only 14 cats had values higher than 4.11 mg/l. The upper limit of the reference interval is much higher in the cat than in humans or dogs. This might result from an aspecific binding of the anti human cystatin C antibodies used. It is thus not currently recommended to use cystatin C for the diagnosis of kidney failure in the cat. MOTS-CLÉS : chat - plasma - cystatine C - insuffisance rénale. KEY-WORDS : cat - plasma - cystatin C - renal failure. Introduction La Cystatine C est une petite protéine monocaténaire (Mr 14000) synthétisée de manière constitutive par toutes les cellules nucléées ; c'est un inhibiteur des protéases à cystéine. Elle est éliminée par filtration glomérulaire puis est réabsorbée et dégradée dans le tubule [9, 10]. Par conséquent, le principal facteur de variation de sa concentration plasmatique est le débit de filtration glomérulaire. Chez l'homme, la Cystatine C est actuellement considérée comme étant un marqueur plus précoce de l'insuffisance rénale que la créatinine que ce soit chez les enfants ou les adultes [8] ; quelques élévations de sa concentration plasmatique ont également été observées chez des sujets porteurs de tumeurs [6].

306 MARTIN (C.) ET COLLABORATEURS La concentration de la cystatine C plasmatique (Pl- Cystatine C) a été mesurée chez le chien avec les réactifs immunologiques employés chez l'homme, c est-à-dire par des techniques immunoturbidimétriques utilisant des anticorps anti-cystatine C humaine produits chez le lapin [1, 3, 5]. Il a été établi que ces anticorps réagissaient avec une protéine de Mr ~14000 dans le plasma du chien et du chat, mais qu'il y avait aussi des réactions avec des protéines de Mr plus élevée, notamment Mr ~ 31000 ; ces réactions aspécifiques semblaient plus importantes chez le chat que chez le chien [1]. Chez le chien : 1/ les limites supérieures de l'intervalle de référence sont voisines de celles qui ont été déterminées chez l'homme soit entre 1,3 et 1,6 mg/l ; 2/ comme chez l'homme on a pu observer une excellente corrélation entre Pl-Cystatine C et Pl-Créatinine ; 3/ il n'a pas été établi que la concentration plasmatique de Cystatine C était un marqueur plus précoce de l'insuffisance rénale que la créatininémie [1, 3, 5]. La fréquence de l'insuffisance rénale étant forte chez le chat, la présente étude a été entreprise 1 pour : 1/ établir un intervalle de référence de la Cystatine C plasmatique dans cette espèce ; 2/ étudier les effets éventuels de l'insuffisance rénale sur Pl-Cystatine C chez le chat. Protocole expérimental ANIMAUX L'étude a porté sur chats de races, âges, sexes variés : 123 chats ne présentaient aucun signe clinique d'aucune affection, notamment rénale, parmi lesquels : 99 avaient des concentrations plasmatiques de créatinine et d'urée comprises dans l'intervalle de référence de la technique utilisée (cf. infra) [7], c est-à-dire respectivement inférieures à 229 µmol/l et 10,4 mmol/l (groupe témoin), 24 présentaient une élévation de Pl-Créatinine et/ou de Pl-Urée au-dessus de la limite supérieure de l'intervalle de référence (groupe 3). 110 chats présentaient des signes cliniques d'insuffisance rénale chronique ou aiguë, parmi lesquels : 75 avaient des élévations de Pl-Créatinine et/ou Pl-Urée (groupe 1), 35 n'avaient pas d'élévation de l'un ou l'autre de ces deux constituants (groupe 2). 12 chats atteints d'affections diverses sans retentissement rénal a priori et ayant des concentrations plasmatiques d'urée et de créatinine dans l'intervalle de référence (groupe 3). Les sujets étaient à jeun selon les informations de leur propriétaire mais la durée de la diète était inconnue dans la plupart des cas. SPÉCIMENS Un échantillon sanguin a été prélevé sur héparinate de lithium ou sur EDTA. Les tubes ont été centrifugés pendant environ 5 min à 3000 g, puis les plasmas ont été séparés et stockés en congélation jusqu'à analyse dans un délai de quelques semaines à 10 mois. TECHNIQUES La concentration plasmatique de la Cystatine C a été mesurée avec une technique turbidimétrique utilisant des anticorps anti-cystatine C humaine produits chez le lapin (Dako A/S, Copenhague) sur un automate Cobas Mira Plus (Roche, Bâle) selon la procédure recommandée par le fabricant, en ajoutant un point de calibration égal à 0 (eau distillée) pour abaisser la limite de quantification. Cette technique n'a pas été validée chez le chat pour lequel il n'existe pas d'étalon primaire de Cystatine C. Selon le fabricant, pour des plasmas humains, cette technique a une limite de quantification de 0,20 mg/l, une limite supérieure de mesure de 12 mg/l et son imprécision (reproductibilité) est meilleure que 3,5 %. Les concentrations d'urée et de créatinine ont été mesurées avec des techniques enzymatiques sur support de réactifs secs (Ektachem DT 60, Johnson & Johnson, Rochester). ANALYSE DES RÉSULTATS La normalité des distributions a été évaluée par le test de Kolmogorov-Smirnov, et la détermination de l'intervalle de référence a été faite par une méthode non-paramétrique [11]. La sensibilité et la spécificité diagnostiques ont été calculées comme les taux des vrais positifs et négatifs, c'est-à-dire : sensibilité = VP / (VP + FN), spécificité = VN / (VN + FP). L'intervalle de confiance 95 % a été calculé selon la méthode delta [12]. 1. Une étude préliminaire fait état d'un intervalle de référence large avec une limite supérieure à 2,85 mg/l (PÉCHEREAU D. et coll., IX ème Congrès de l'isacb, Toulouse, Juillet 2000, in Rev. Méd. Vét., 2000, 151, 752 (résumé)). FIGURE 1. Distribution des concentrations de Cystatine C dans le plasma de 99 chats cliniquement en bonne santé et ne présentant aucune élévation de la créatininémie et/ou de l'urémie.

CYSTATINE C PLASMATIQUE CHEZ LE CHAT 307 Résultats INTERVALLE DE VALEURS USUELLES Chez les 99 sujets sains du groupe témoin, les valeurs obtenues étaient distribuées d'une manière significativement différente d'une distribution Gaussienne ou log-gaussienne (Figure 1). Les caractéristiques de la population observée sont données dans le Tableau I. L'intervalle de valeurs usuelles a été évalué de manière non paramétrique en se fondant sur la classement des valeurs et la détermination de l'interquantile 0.025/0.975 par élimination des deux valeurs les plus élevées et les plus basses, soit 0,34 à 4,11 mg/l, qui a été considérée comme la limite supérieure de l'intervalle de valeurs usuelles pour toute la suite de l'étude. Chez ces sujets, l'âge et le sexe n'ont pas été des facteurs de variation significatifs (ANOVA P > 0,05) ; un effet significatif (ANOVA P < 0,01) du poids a été observé, les concentrations de cystatine C étant légèrement plus basses chez les sujets de plus de 4 kg que chez les sujets plus légers, respectivement médianes (intervalle mini à maxi) : 1,04 mg/l (0,19 à 2,58) et 1,56 mg/l (0,31 à 4,37). Chez les sujets en bonne santé, aucune corrélation signicative n'a été observée entre Pl-Cystatine C et Pl-Urée ou Pl- Créatinine (r = respectivement 0,12 et 0,17). VALEURS OBSERVÉES CHEZ LES SUJETS "MALADES" a/ dans le groupe 1, les concentrations plasmatiques de cystatine C étaient significativement plus élevées en moyenne que chez les témoins (Test de Mann et Whitney, P < 0,05), la médiane étant de 2,59 mg/l et les valeurs extrêmes 0,35 à 9,52 mg/l. Individuellement, seuls 14 sujets sur 75 (18,7 %) avaient des concentrations supérieures à 4,11 mg/l. Dans ce groupe, la corrélation entre les concentrations plasmatiques de cystatine C et créatinine était significative mais faible (r = 0,43) ; elle était encore plus faible avec la concentration d'urée (r = 0,23). TABLEAU I. Description des valeurs de la concentration de Cystatine C dans le plasma de chats cliniquement en bonne santé et ne présentant aucune élévation de la créatininémie et/ou de l'urémie (témoins), et comparaison avec les valeurs observées chez des sujets cliniquement atteints d'insuffisance rénale avec (groupe 1) ou sans (groupe 2) élévation de l'urémie et/ou de la créatininémie, chez des sujets cliniquement sains présentant une élévation de l'urémie et/ou de la créatininémie (groupe 3) et chez des sujets atteints d'affections sans retentissement rénal (groupe 4). TABLEAU II. Comparaison de la spécificité et de la sensibilité de Pl-Cystatine C, Pl-Créatinine et Pl-Urée pour le diagnostic de l'insuffisance rénale chez le chat. Pour chaque constituant, le seuil de décision a été fixé à la limite supérieure de l'intervalle de référence (intervalle de confiance 95 % entre parenthèses).

308 MARTIN (C.) ET COLLABORATEURS b/ dans tous les autres groupes, les concentrations plasmatiques en cystatine C étaient identiques à celles des témoins (Tableau II). Seuls deux sujets du groupe 2 présentaient des concentrations de Cystatine C supérieures à 4,11 mg/l (4,12 et 4,36). Dans ces trois groupes de sujets, les corrélations entre Pl-Cystatine C et Pl-Créatinine ou Pl-Urée étaient très faibles, respectivement 0,14 et 0,17. EFFICACITÉ DIAGNOSTIQUE DE PL-CYSTATINE C CHEZ LE CHAT En se fixant un seuil de décision de 4,11 mg/l et en se fondant sur le diagnostic clinique, dans les deux groupes de sujets présentant ou non des signes d'affections rénales, c'està-dire dans les groupes (1 + 2) et (témoins + 3), les calculs de la sensibilité et de la spécificité de Pl-Cystatine C pour le diagnostic de l'insuffisance rénale donnent les résultats indiqués dans le tableau II. On peut observer que la spécificité de la cystatine C est voisine de celle de la créatinine ( 0,98) mais que sa sensibilité est très basse (0,15), environ trois fois plus faible que celle de la créatinine. Discussion Les résultats de cette étude ne correspondent nullement à ce qui a été précédemment obtenu chez l'homme ou le chien. La principale cause actuellement identifiée semble être de nature technique et pourrait résulter du manque de spécificité des anticorps anti-cystatine C chez le chat. La Cystatine C du chat n'a pas été isolée, mais il est probable qu'elle existe comme dans toutes les autres espèces où elle a été recherchée. Dans ces espèces, l'homologie structurale est forte, ce qui donne à penser que les anticorps anticystatine C humaine puissent réagir avec la protéine homologue d'autres espèces, comme c'est le cas chez le chien [1]. Par Western blot, il a été montré que : 1/ les anticorps anti- Cystatine C humaine réagissaient bien avec une protéine de Mr voisin de celui de la Cystatine C dans le plasma du chat, 2/ une réaction aspécifique existait aussi avec d'autres protéines [1]. Il est possible que cette réaction aspécifique soit variable selon les sujets et puisse être forte, même chez les chats en bonne santé. Elle serait donc responsable d'une inexactitude de la technique, éventuellement variable selon les spécimens. Un moyen de s'en assurer consisterait à effectuer des analyses de divers plasmas de chats par Western blot. FIGURE 2. Comparaison des concentrations de Cystatine C plasmatique chez 99 chats cliniquement en bonne santé et ne présentant aucune élévation de la créatininémie et/ou de l'urémie (barres claires) et 75 chats présentant des signes cliniques d'affections rénales et une élévation de la créatininémie et/ou de l'urémie (barres noires).

CYSTATINE C PLASMATIQUE CHEZ LE CHAT 309 FIGURE 3. Représentation graphique de la relation entre les concentrations plasmatiques de Cystatine C et de Créatinine chez 99 chats cliniquement en bonne santé et ne présentant aucune élévation de la créatininémie et/ou de l'urémie (o) et 75 chats présentant des signes cliniques d'affections rénales et une élévation de la créatininémie et/ou de l'urémie ( ) (r = 0,52). Les lignes pointillées figurent la limite supérieure de l'intervalle de référence pour chacun des constituants. Une telle limite analytique expliquerait pourquoi la concentration de la Cystatine C mesurée avec ces réactifs est 2 à 3 fois supérieure chez le chat que chez le chien ou chez l'homme ; dans ces deux espèces, la limite supérieure de l'intervalle de référence ne dépasse pas 1,3 à 1,5 mg/l selon les sources [2, 3]. Elle expliquerait aussi pourquoi, à la différence de l'homme et du chien, aucune corrélation forte n'a été observée enttre cystatine C et créatinine plasmatiques. Actuellement, une seule autre technique de mesure de la Cystatine C est disponible commercialement, utilisant une mesure néphélémétrique ; elle donne les mêmes résultats que la turbidimétrie [4] avec des spécimens humains mais n'a pas été utlisée, à notre connaissance, chez les animaux. En conclusion, à l'heure actuelle, avec les réactifs commercialement disponibles, il est inutile d'utiliser la Cystatine C comme marqueur de l'insuffisance rénale chez le chat. Il est nécessaire de clarifier les aspects analytiques, puis de tester de nouveau son éventuelle efficacité diagnostique. Références 1. ALMY F., CHRISTOPHER M, KING D. et BROWN S. : Evaluation of cystatin C as an endogenous marker of glomerular filtration rate in dogs. J. Vet. Intern. Med., 2002, 16, 45-51. 2. BÖKENKAMP A., DOMANETZKI M., ZINCK R., SQCHUMANN G., BYRD D et BRODEHL J. : Cystatin C - new marker of glomerular filtration rate in children independent of age and height. Pediatrics, 1988, 101, 875-881. 3. BRAUN J.P., PERXACHS A., PECHEREAU D. et DE LA FARGE F. : Plasma cystatin C in the dog : reference values and variations with renal failure. Comp. Clin. Path., 2002, 11, 44-49. 4. GALTEAU M.M., GUYON M., GUEGUEN R. et SIEST G. : Determination of serum cystatin C : biological variation and reference values. Clin. Chem. Lab. Med., 2001, 39, 850-857.

310 MARTIN (C.) ET COLLABORATEURS 5. JENSEN A.L., BOMHOLT M. et MOE L. : Preliminary evaluation of a particle-enhanced turbidimetric immunoassay (PETIA) for the determination of serum cystatin C-like immunoreactivity in dogs. Vet. Clin. Path., 2001, 30, 86-90. 6. KOS J., STABUC B., SCHWEIGER A., KRASOVEC M, CIMER- MAN N., KOPITAR-JERALA N. et VRHOVEC I. : Cathepsins B, H and L and their inhibitors stefin A and cystatin C in sera of melanoma patients. Clin. Cancer Res., 1997, 3, 1815-1822. 7. N : Slide into the 90's. Eastman Kodak Company, Rochester, 1991. 8. NEWMAN D.J., THAKKAR H., EDWARDS R.G., WILKIE M., WHITE T., GRUBB A.O. et PRICE C.P. : Serum cystatin C measured by automated immunoassay : a more sensitive marker of changes in GFR than serum creatinine. Kidney Int., 1995, 47, 312-318. 9. RANDERS E. et ERLANDSEN E.J. : Serum cystatin C as an exogenous marker of the renal function - a review. Clin. Chem. Lab. Med., 1999, 37, 389-395. 10. RANDERS E., KRISTENSEN J.H., ERLANDSEN E.J. et DANIEL- SEN H. : Serum cystatin C as a marker of the renal function. Scand. J. Clin. Lab. Invest., 1988, 58, 585-592. 11. SCHWARTZ D. : Méthodes statistiques à l'usage des médecins et des biologistes. Flammarion Médecine, Paris, 1992. 12. SEN P.K. et SINGER J.M. : Large sample methods in statistics : an introduction with applications. Chapman & Hall, London, 1993, 131.