Le développement de l'assurance-crédit en Afrique et en Méditerranée Octobre 2000. Les problèmes de la Réassurance.



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Transcription:

Le développement de l'assurance-crédit en Afrique et en Méditerranée Octobre 2000 Les problèmes de la Réassurance. Par Bernard Coupé NAMUR Re --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- -------- Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, C'est un honneur pour moi d'avoir été invité en qualité d'orateur et de membre du panel de cet après-midi consacré aux problèmes de la réassurance, dans le cadre de cette conférence consacrée au développement de l'assurance-crédit en Afrique et en Méditerranée, organisée ici à Tunis par la CNUCED et le CCI. Initialement, il avait été prévu que Monsieur Gérard Van Brakel, Administrateur Délégué de la Namur Re prenne part à ce panel ; empêché, il m a demandé de le remplacer aujourd hui. J espère pouvoir être à la hauteur de la tâche et représenter dignement la Namur Re, unique compagnie de réassurance du marché, spécialisée exclusivement en crédit et caution, que la plupart des participants à cette conférence connaissent bien à travers ses participations et sa position d apériteur dans un certain nombre de traités de réassurance en Afrique, sans oublier la palette d offres de services que son appartenance à l un des plus grands groupes d assurance-crédit, le groupe Gerling, lui permet de présenter. 1. Introduction Comme de nombreux orateurs l ont déjà abordé et comme Monsieur Jean Paul Gason l a très clairement expliqué, l assurance-crédit, et partant la réassurance, rencontre un certain nombre d obstacles et de contraintes dans son développement en Afrique en général et en Afrique subsaharienne en particulier. En tant qu économiste, je ne puis m empêcher de me poser un ensemble de questions qui touchent bien entendu l assurance-crédit et sa réassurance, mais aussi plus fondamentalement le type de développement économique qui permet l émergence d une telle activité tant à l exportation que sur les marchés domestiques. Force est aujourd hui de constater que, si l assurance-crédit s est développée avec un certain succès au Nord et au Sud du continent africain, la situation est loin d être identique partout ailleurs et la mise sur pied d une conférence internationale sur son développement en Afrique et en Méditerranée en est une preuve évidente. Les questions que je me pose sont de plusieurs ordres mais elles touchent toutes à l articulation entre développement et assurance ou réassurance-crédit. Dans la mesure ou l Afrique est telle que nous la connaissons et nous reviendrons sur le sujet plus tard fautil à tout prix développer le produit d assurance-crédit ou plutôt se pencher sur une certaine réponse à donner aux besoins actuels tels qu ils se présentent? Cela revient à se demander

si l assurance-crédit est une aide au développement ou si au contraire elle découle tout naturellement de ce dernier? Quels sont les risques de crédit, quelles couvertures faut-il favoriser, quelle réassurance convient-il de mettre en place? Dans quelle mesure l assurance-crédit répond-elle au développement économique prévisible du Monde et en particulier de celui de l Afrique? Dans l état actuel des choses, mais aussi à l avenir, les risques commerciaux et politiques doivent-ils être pris en considération et traités de la même manière en Afrique qu ailleurs dans le monde, que ce soit en termes de marché à l exportation ou en termes de marchés domestiques? Si comme toutes les assurances, l assurance-crédit se doit de réduire les incertitudes et d augmenter la confiance, comment dès lors la mettre en œuvre sur le continent africain qui semble cruellement manquer de certitudes et de confiance? Les problèmes de la réassurance sont liés de manière intime aux obstacles qui entravent l essor du concept et de la mise en œuvre de l assurance-crédit elle-même, et relèvent de la nature des flux commerciaux, de leur importance et du développement économique qui les sous-tendent. 2. L Afrique et le schéma classique de développement Historiquement, l assurance-crédit est basée sur deux concepts qui ont présidé à sa création : une approche purement commerciale qui considérait l assurance-crédit comme un moyen pour un vendeur de couvrir les risques d insolvabilité de ses acheteurs, que ceux-ci se trouvent ou non à l étranger et une approche plus politique qui défend l idée que l assurance-crédit est un moyen d accroître les exportations d un pays ce qui explique que cette attitude a été défendue dans de nombreux pays par les gouvernements eux-mêmes. Dans la logique du schéma classique de développement économique qui veut que la croissance soit alimentée par les exportations et les investissements étrangers, l assurancecrédit en Afrique s est essentiellement inspirée de la seconde approche et a le plus souvent été l émanation du pouvoir politique soucieux d accroître au plus vite les exportations des pays africains en vue de favoriser ainsi leur croissance et leur diversification économique. En 1997, la population de l Afrique représentait 13% de la population mondiale alors que ses exportations ne comptaient que pour moins de 2% du total des exportations et un pourcentage équivalent pour les importations. Qui plus est, la même année plus de 73% des exportations africaines étaient destinés aux pays développés alors que seulement 6,5% concernaient le marché africain. En termes de risques crédit et de développement, les déséquilibres sont patents. Le tableau qui suit montre clairement les déséquilibres mondiaux qui subsistent entre la population de 10 grands ensembles planétaires et leur produit intérieur brut ou leur produit intérieur brut exprimé en parité de pouvoir d achat. La position de l Afrique subsaharienne n est guère enviable et traduit incontestablement un retard de développement inquiétant. Lorsque l on ajoute à cette situation économique peu brillante la chute des prix des matières premières, une instabilité politique et des guerres civiles et frontalières sans oublier l hypothèque que le Sida fait peser sur la population du continent, l assurance-crédit et sa réassurance ne relèvent nécessairement pas des priorités immédiates de l Afrique. Dans ces conditions, si l on veut promouvoir l assurance-crédit en Afrique, il convient de prendre son bâton de pèlerin et d essayer de faire sauter, un à un, les différents obstacles qui jalonnent la route de l assurance-crédit et qui sont souvent hélas les mêmes que ceux qui bloquent le développement économique. A cet égard, et comme pour confirmer l hypothèse que développement économique et assurance-crédit vont de pair, cette dernière s est développée avec succès aux deux extrémités Nord et Sud du continent.

La réassurance ne doit certainement pas se cantonner dans un rôle passif mais par essence son évolution suit celle des affaires en direct. De plus, elle fournit des capacités de réassurance commerciales ou politiques aux projets rentables en long terme plutôt qu en court terme et qui présentent un volume d affaires suffisant. De tels projets ne sont pas légion en Afrique et de ce fait, ils méritent toute notre attention en termes d aide offerte, de participation dans leurs traités et d efforts à leur formulation. La question plus fondamentale qui se pose ici est de savoir s il n existe pas d autres chemins de développement peu fréquentés ou invisibles aujourd hui, au sein desquels une forme d assurance-crédit et de réassurance créative pourraient trouver leur place en fonction des besoins exprimés par l économie réelle de l Afrique actuelle. Rien ne permet en effet de dire que le développement des pays occidentaux est reproductible a l infini en dehors du contexte dans lequel il a grandi. La crise asiatique est là pour nous le rappeler. Il en va bien entendu de même pour l assurance-crédit. 3. Un schéma de développement différent Il y a cependant, dans le tableau particulièrement sombre que je viens de brosser, des choses qui vont plutôt bien en Afrique comme les liens sociaux et familiaux, des millions de micro-réalisations qui, aux dires de la Banque Mondiale, donnent du travail à plus de 60% de la population active dans certains pays, alors que les industries dites classiques peinent à fournir du travail. Il y a aussi les richesses du sol et du sous-sol qui, exploitées et transformées autrement, restent un facteur de développement potentiel, la créativité et les pratiques d épargne comme la tontine susceptibles de mobiliser des sommes importantes en toute justice et efficacité. Nous sommes tous en droit de nous poser des questions fondamentales, comme Philippe Engelhard 1, quant à la possibilité de réduire la pauvreté par la croissance économique, à la capacité des exportations et des investissements extérieurs à être des moteurs suffisants du développement, à la force de la reprise économique mondiale pour déclencher la croissance en Afrique ainsi que le préconisent les différentes théories économiques. Devant le constat actuel d échec du développement, des externalités qui ne fonctionnent pas ou mal, de tissus économiques trop faibles pour alimenter des synergies locales, nationales ou régionales et d une faiblesse endémique tant de l offre que de la demande, il importe sans doute de tirer les leçons du passé et de voir les choses autrement. Au risque de passer ici pour un doux rêveur, il conviendrait alors de promouvoir les micro-entreprises qui constituent de véritables économies populaires mais à la productivité faible, générant des revenus faibles, insuffisants pour accroître la demande et donc l offre de biens et services. Le développement et le regroupement par grappes de ces micro-entreprises généreraient alors la base d un nouveau tissu productif. L idée de promouvoir ces micro-entreprises est séduisante à condition de renforcer la demande intérieure par un assouplissement de la contrainte budgétaire et surtout par l annulation de la dette dont le service dépasse encore dans certains pays les 60% et détourne de cette manière des sommes importantes d objectifs de développement. Ces perspectives somme toutes réjouissantes nous ont menés bien loin de l assurancecrédit et de la réassurance sauf que l assurance-crédit doit protéger contre les risques d insolvabilité. Est-il déraisonnable de penser que le crédit ne trouve pas une certaine place 1 Economiste, auteur de «L Afrique, miroir du Monde, plaidoyer pour une nouvelle économie» Arlea, Paris, 1998.

dans un tel schéma de développement et que dès lors l assurance-crédit puisse se développer mais sous d autres formes, plus souples et plus créatives tout en gardant ses spécificités et ses objectifs propres. L adaptabilité du produit d assurance-crédit est telle qu il est susceptible de s inscrire dans tous les schémas de développement à condition que ces schémas prévoient l octroi de crédit. Une révolution d une ampleur comparable, qui remet en question les bons vieux principes économiques, est en train de se produire pour l instant dans les pays dits développés : elle concerne l ensemble des activités économiques, industrielles et commerciales, je veux parler de la «nouvelle économie» basée sur les technologies de l information et de la communication. 4. Un schéma de développement par la «nouvelle économie» Sans vouloir polémiquer sur l impact de la nouvelle économie sur la croissance mondiale, ni sur l ampleur de la reprise économique qu elle provoque, il est important de prendre conscience des bouleversements que les technologies de l information renferment et des modifications conceptuelles qu elles impliquent en termes de théories économiques. En effet, la nouvelle économie touche l ensemble des activités économiques, y compris l administration publique, elle génère de nouvelles organisations et renforce les possibilités de délocalisation des activités. Mais ces caractéristiques principales sont ailleurs. A l inverse de l énergie, qui, une fois utilisée disparaît du circuit économique, le traitement de l information augmente cette dernière sans provoquer de perte de substance et induit des synergies importantes. Mais il y a plus encore puisque la nouvelle économie bouleverse par-là même les fondements de l économie puisque la valeur peut résulter d un bien ou d un service partagé par les usagés, comme les logiciels de navigation, ce qui engendre des effets d amplification ou des «cercles vertueux» autrement appelés la loi des rendements croissants. L effet sur le système économique global est important puisque ces rendements croissants modifient non seulement les règles de production stricto sensu, mais aussi celles de la concurrence ce qui conduit à de nouvelles formes de pratiques économiques, de croissance industrielle et de coopération interentreprises. On comprend dès lors que cette nouvelle économie, couplée à un schéma de développement donné, peut être à terme un véritable accélérateur de développement. A condition de s insérer de manière rapide dans ces nouvelles évolutions, la nouvelle économie est une voie potentielle pour repositionner l Afrique dans le monde sans pour autant faire l impasse sur le développement industriel. Il ne s agit pas ici de court-circuiter les étapes mais de bénéficier le plus possible des effets d entraînement de ce nouveau mode de production de valeur tout en sachant que certains blocages pourraient se produire par manque d infrastructures électriques que le degré d urbanisation en Afrique pourrait permettre de corriger partiellement. L espoir aujourd hui est constitué par le fait que les facteurs de réussite dans le développement industriel et économique des entreprises, des pays et des continents ne sont plus seulement la production, la commercialisation, la recherche ou l administration. Il faut leur ajouter l intelligence, l adaptabilité et la vitesse. Mais il convient d être attentif puisque des individus, des entreprises ou des Etats peuvent conquérir des pans entiers de la société de l information. Quoi qu il en soit et quelle que soit l évolution future du monde et du continent africain en particulier à la lumière de ce qui précède, il est évident que, face aux modifications prévisibles des schémas de développement, l assurance-crédit est partie prenante dans la

nouvelle économie au travers des opérations commerciales qu elle continue à couvrir et des nouveaux outils de diffusion et de mise sur le marché dont elle dispose aujourd hui, que ce soit en termes d informations, de couvertures, d indemnisation ou de recouvrement. La réassurance s alignera sur ces évolutions prévisibles de l assurance directe.

5. Conclusions Au terme de ce bref exposé, plus axé, j en conviens, sur le futur du développement mondial et africain que sur l assurance-crédit ou la réassurance, je voudrais souligner deux attitudes fondamentales qui doivent être aujourd hui l apanage de l assurance-crédit et de la réassurance dans leur souci de se développer sur le continent africain. A. Dans l état actuel des choses, il convient d être imaginatif pour œuvrer à la levée des nombreux obstacles structurels, économiques et politiques qui empêchent le développement de l assurance-crédit en Afrique et en Afrique subsaharienne en particulier. Qu il s agisse des hypothèques constituées par l importance des risques politiques, du manque d informations disponibles ou de la difficulté de faire passer le concept même de couverture crédit. Ceci est vrai tant pour la couverture * des importations en provenance d autres continents, * des exportations africaines à destination d autres continents, * des flux commerciaux à l intérieur même de l Afrique. En termes de synergies, aider à l augmentation des flux interrégionaux africains est sans doute la meilleure manière de participer au développement global du continent tout entier. C est d autant plus important que les hypothèques qui grèvent le développement de l assurance-crédit sont, grosso modo, les mêmes que celles qui bloquent le développement des activités économiques. B. Face à l ensemble des autres modes de développement possibles, mêmes utopiques, et surtout face aux évolutions rapides des technologies de l information et de la communication, l assurance-crédit et la réassurance se doivent d être attentives, imaginatives et ouvertes pour profiter des opportunités offertes et susciter des initiatives capables de réduire les risques de non-paiement. Pour sa part, Namur Re, que je représente ici aujourd hui, et le Groupe Gerling d Assurancecrédit seront toujours prêts à œuvrer dans ce sens en apportant aide, soutien et conseil à toutes les initiatives allant dans ce sens. Je termine mon intervention en rappelant un grand principe qui s applique non seulement au développement de l assurance-crédit mais aussi et peut-être surtout au développement du continent africain tout entier : «Chacun possède son génie propre et il est impossible de se développer harmonieusement et durablement en empruntant le génie des autres.» Bernard Coupé