Net PINTE:Mise en page 1 05/03/10 12:51 Page41 Gérer son e-réputation sur le Net par JEAN-PAUL PINTE D es sites communautaires aux forums de discussion, les opinions sont partagées sans aucune limite. La multiplication des échanges d informations sur le Web 2.0 peut être synonyme d atteinte à notre image personnelle et professionnelle qu il devient de plus en plus difficile de contrôler. S il est impossible d interdire aux autres d avoir une opinion sur nous, comment est-il possible dès lors de contrôler ses informations personnelles sur le Web? D un Web statique (Web 1.0), nous sommes passés depuis plus de deux ans au Web 2.0 qui est venu donner la parole aux internautes avec, en plus, du pouvoir d expression dans ce que l on peut appeler aujourd hui un Web social. Internet est devenu le média par excellence et chacun d entre nous dans les blogs, les réseaux sociaux peut aujourd hui véhiculer des opinions sur des personnes, des entreprises ou encore des produits sans forcément que les personnes intéressées soient conscientes de leur image positive ou négative véhiculée sur la toile. Tout ce qui est privé peut ainsi devenir public et s afficher au monde entier gratuitement et en temps réel! L entreprise est donc plus vulnérable car son image ne dépend plus uniquement de la publicité qu elle peut en faire sur les salons avec des plaquettes, ni des articles qu elle fait paraître dans des revues spécialisées. La parole est aujourd hui aux consommateurs via les médias sociaux et à l image que véhiculent les salariés sur des supports libres comme les blogs. 1 er trimestre 2010 Revue de la Gendarmerie Nationale 35
Net PINTE:Mise en page 1 05/03/10 12:51 Page42 demeurerait dans ce contexte une veille de tous les instants avec instauration de tableaux de bord spécifiques. Sirpa-gendarmerie - ADC F. Balsamo La protection des données personnelles sur les sites communautaires est encore insuffisante. Apparaissent alors les notions de pseudonymat, contraction de pseudonyme et d anonymat, qui se répand du fait de l absence d interactions (1) O.Iteanu, L identité numérique en question, 10 scénarios pour la maîtrise juridique de son identité sur Internet, Eyrolles, 2008. (2) Auteur du blog : http://www.analysedug eek.com/ physiques entre les internautes (1) puis de numéridentité, importance de plus en plus grande offerte aux identités numériques. Cette identité est même sur le point de supplanter l identité classique selon Benoît gagnon (2). On assiste aussi au phénomène de Name Googling qui consiste de plus en plus en France à saisir le nom et le prénom d une personne sur un moteur de recherche de type Google. Tout devient alors complexe et le besoin de soigner son identité numérique devient urgent. La seule échappatoire sans aller jusque-là, il importe de savoir comment gérer sa réputation sur le net et surveiller son image avec de simples outils tout en ayant une meilleure compréhension du concept de e-réputation. Définir l e-réputation L identité numérique est en phase de devenir l enjeu stratégique de cette décennie car notre vie numérique impacte notre identité numérique et notre réputation numérique. C est de ce constat qu est né le concept d eréputation. s intéresser à l e-réputation c est répondre à la question : comment mes actions sont évaluées par mon entourage social et professionnel? Toute réputation est liée à une évaluation car chacun a besoin d évaluer le degré de confiance qu il peut accorder à l autre et c est sur la confiance que se basent toutes nos interactions humaines. L évaluation sur la toile peut alors porter sur une personne ou un groupe de personnes, sur une organisation, un produit ou une marque. 36 Revue de la Gendarmerie Nationale 1 er trimestre 2010
Net PINTE:Mise en page 1 05/03/10 12:51 Page43 LES OUTILS ON-LINE Chacun de nous possède deux types d identité. La première, dite professionnelle, est destinée à un public particulier comme les entreprises, recruteurs, prospects, clients, usagers, etc. La seconde, personnelle, est destinée à un environnement plus ou moins proche : loisirs, passions, famille, valeurs (engagement politique, associatif, humanitaire ). sur le net, on ne contrôle plus nos propres identités et il est impossible d interdire aux autres d avoir une opinion sur nous. Ainsi nous pouvons tracer la vie de quelqu un à son insu, se faire usurper son identité sur un réseau social, voire encore subir les techniques de l ingénierie sociale qui est une forme d escroquerie utilisée en informatique pour obtenir un bien ou une information telle que le nom d une personne, son adresse, son numéro de téléphone, voire encore son mot de passe. Cela pose aujourd hui des problèmes dans le domaine du recrutement, par exemple, pour gérer son employabilité. n importe qui peut être un jour sali, voire trahi, par un tiers sur la toile à partir d un réseau social de type Facebook ou encore d un espace La méthode on-line consiste à surveiller l information devant son écran en utilisant des outils fournissant des résultats en direct et le plus souvent dans l immédiateté. Parmi ces outils, nous pouvons citer : Social Search : Google inaugure la recherche sociale et déploie un nouvel outil destiné à garder les internautes sur ses pages plutôt que de les voir filer ailleurs. Un ailleurs que sont en l occurrence les sites de réseaux sociaux et leur propre moteur de recherche. Icerocket : remonte des informations sur les réseaux sociaux et peut présenter ses résultats sous forme de graphe. Samepoint : trouve des informations sur les réseaux sociaux tels que Twitter, Facebook, LinkedIn, et sur les plates-formes de blogs tels que Wordpress. Simple d utilisation, l outil offre même la tonalité des résultats (mots négatifs, mots positifs). Addict-o-matic : est un méta moteur qui, pour un sujet donné, consulte plusieurs moteurs de recherche et plusieurs réseaux sociaux. How Sociable : accède à un ensemble de sources et donne un score par source (utile pour les marques et les produits commerciaux). Omgili : recherche sur les médias sociaux et classe les résultats de la recherche par pertinence. Pour rechercher plus spécifiquement des données sur des personnes on peut utiliser : Cvgadget, Spock et Zoominfo : des moteurs qui vous renseignent sur les personnes. Spokeo : Surveille vos amis sur les réseaux sociaux. WebMii : outil très puissant de recherche d informations sur les personnes (mots clés, photos, Emails, profils sur les réseaux sociaux, personnes en relation, sites Web et documents sur un individu). Wink : scrute les personnes et les profils sur le Web avec possibilité de créer son propre réseau en ligne. PIPL : permet de localiser les personnes recherchées. Il scrute le Web profond et trouve des adresses, mails 123People : proche de WebMii apporte aussi une bonne visibilité sur l image d un individu ou d une société sur la toile. 1 er trimestre 2010 Revue de la Gendarmerie Nationale 37
Net PINTE:Mise en page 1 05/03/10 12:51 Page44 de partage de photos comme Flickr. Des sites comme Notetonentreprise (3) ou encore Stagescritics (4) peuvent devenir (3) http://www.notetonent reprise.com/ (4) http://www.stagescriti cs.com/ aussi de véritables pièges! En effet, tout en voulant rester anonymes sur ces sites, des étudiants ont parfois laissé des commentaires plus ou moins positifs sur leur passage en entreprise. Informations qu il est aisément possible de retrouver et de rapprocher avec le profil du candidat à partir de la simple lecture du curriculum vitae. On peut donc définir la e-réputation comme l image négative ou positive perçue par un tiers et véhiculée par une personne, une marque, une société, une organisation sur des environnements principalement numériques de type médias, réseaux sociaux, forums, messagerie instantanée. Cette e-réputation peut se gérer aujourd hui mais nécessite de la part de tous les acteurs une veille d opinion spécifique capable de tracer ce qui est dit par exemple sur une organisation, de détecter les bruits sur une entreprise, sur ses produits, sur son personnel, via des pages Internet, des médias traditionnels, des espaces libres comme les (faux) blogs, des réseaux sociaux, des bloggeurs relayeurs d infos, des forums d opinion, voire encore de suiveurs sur des espaces collaboratifs de type Twitter. une bonne démarche de veille permet aussi d asseoir sa crédibilité tout en évitant le début de la rumeur. Dépasser le Web surfacique (5) (5) Le Web surfacique est la partie du Web qui est accessible en ligne et indexable par les robots des moteurs de recherche. Aujourd hui, la recherche d information sur Internet se limite encore trop souvent à la simple saisie d un mot-clé, d un nom sur le moteur de recherche préféré Google. Ainsi 87 % des internautes, selon les sondages, utilisent ce moteur de recherche et lui font entièrement confiance. De même, 90 % des internautes, ne pensent même pas à chercher plus loin que la première page, faisant confiance entièrement à la renommée de ce moteur. «La puissance de Google aujourd hui doit être une source de préoccupation», signale M.pisani, spécialiste des nouvelles technologies, blogueur et auteur de Comment le Web change le monde. néanmoins, ne négligeons pas que Google peut en savoir beaucoup sur nous (6) http://royal.pingdom.com /2010/01/08/howgoogle-collects-dataabout-you-and-theinternet/ comme une étude de Royal Pingdom (6) le démontre. Google a les moyens d obtenir des remontées de ses internautes à partir des nombreux services qu il gère. parmi ceux-ci, on peut citer notamment de façon non exhaustive : les différents moteurs de recherche (Web, blogs, images, 38 Revue de la Gendarmerie Nationale 1 er trimestre 2010
Net PINTE:Mise en page 1 05/03/10 12:51 Page45 OUTILS DE CARTOGRAPHIE Il s agit de présenter visuellement les résultats d une recherche, généralement sous forme de carte, pour aider à la prise de connaissance d un corpus que l on pourra éclater pour faire émerger des thématiques servant à affiner la recherche. Clusty : cartographie de manière linéaire et textuelle une personne ou une société. Pearltrees : privilégie une navigation par recommandation avec l intermédiaire de réseaux sociaux de confiance tels que Twitter et Facebook plutôt que la hiérarchisation et le search que propose les moteurs de recherche traditionnels. Touchgraph appliqué aux résultats de Google et au réseau Facebook, il est l un des leaders en ce domaine. Tianamo : visualise les résultats en 3D. Searchcube : visualise les résultats en 3D sous forme de cube. Oamos : présente les résultats sous forme de clip vidéo. Taggraph : visualise des images de la base Flickr à partir des relations entre tags. actualités), les outils d analyse du trafic (google analytics), les relations via le réseau social Orkut, les vidéos téléchargées mises en ligne ou consultées via Youtube, les déplacements via Google Maps et Google Earth, les carnets d adresse via Google Contacts pour rentrer dans le flux informationnel d une personne ou d une société, il convient donc d aller au-delà de ce Web surfacique et d explorer le Web abyssal qui, comme son nom l indique, permet de scruter plus profondément le net à l aide d outils plus pertinents et le plus souvent gratuits. Trois catégories d outils sont à la disposition des veilleurs d identité numérique. Ce sont les outils on-line, les outils de cartographie et les outils off-line automatisés ou d alertes. (voir les encadrés). réseaux sociaux, moteurs de recherche, forums de discussion Ces lieux où l on peut trouver des informations laissées par les internautes sur la Toile sont donc innombrables mais ne se trouvent pas forcément en façade. sans que vraiment les internautes aient pu prendre le temps de l explorer, c est dans le concept de Web invisible, c est-à-dire par le biais d outils explorant des sites non indexés par les moteurs traditionnels que l on aura le plus de chance de retrouver de la pertinence dans les traces laissées sur la toile. Alors que la politique de confidentialité d un réseau social tel que Facebook entraîne des débats passionnés et que le secrétariat d état à l économie numérique planche sur la création d un éventuel droit à l oubli, les utilisateurs du Web prennent peu à peu conscience de la nécessité de protéger leurs données personnelles et de surveiller leur cyberréputation. pas facile pourtant de fairevaloir son droit à la confidentialité dans un monde où le mot frontière a peu de sens, où la loi se contourne facilement et où les recours juridiques sont limités. 1 er trimestre 2010 Revue de la Gendarmerie Nationale 39
Net PINTE:Mise en page 1 05/03/10 12:51 Page46 pensée des entreprises sur le L avenir est donc à la refonte de la comment gérer les identités numériques de leurs salariés et de leurs clients. On peut parier sur de nouveaux profils de gestionnaires qui émergeront OUTILS AUTOMATISÉS OU D ALERTES En positionnant des critères d alerte sur ces outils, il est facile de veiller sur un environnement, une personne, une société. Les résultats vous parviennent dans votre courriel. Listymonkey : pour alerter des listes sur Twitter. Google Alert et Twitter Search : deux outils pour positionner des alertes. Blogpulse : recherche uniquement dans les blogs et permet le paramétrage d une alerte en deux clics. Backtype : permet la surveillance des commentaires, pour des thématiques données, sur les médias sociaux (blogs, réseaux sociaux ) et le paramétrage des alertes se fait simplement. Social Mention : scrute les blogs, plateformes de microbloging (Twitter ) et de bookmarking (Delicious ). Il remonte les résultats selon les sources et a l atout comme Google Alerts de paramétrer des alertes par mot-clé, tout en faisant remonter des données en temps réel. Step Rep : surveille, gère et bâtit votre réputation. Wysigot : est le logiciel idéal pour capturer, surveiller, gérer et archiver tous les documents, sur Internet, votre réseau local ou votre ordinateur. pour assurer cette tâche. Ces derniers seront capables de comprendre comment fonctionnent les technologies de l information au niveau de l intelligence informationnelle, de comprendre les prérogatives sécuritaires liées aux identités numériques et au vol d identité, et enfin de comprendre et d appliquer des modèles de gestion liés aux identités numériques. Ces véritables «travailleurs du savoir» auront enfin à terme l art d exploiter le tout de manière sécuritaire. JEAN-PAUL PINTE enseignant et chercheur. Titulaire d un doctorat en information scientifique et technique, Jean-paul pinte est maître de conférences en sciences de l information et chercheur au Laboratoire d innovation pédagogique de l université catholique de Lille. Il intervient au Centre interarmées de Défense à paris dans le cycle sur «l ordre public sur Internet». Animateur du blog cybercriminalite.wordpress.com, il est, depuis le 2 octobre 2009, lieutenant-colonel de gendarmerie pour la réserve citoyenne. 40 Revue de la Gendarmerie Nationale 1 er trimestre 2010