COUR DES COMPTES. Le recouvrement par voie judiciaire des cotisations sociales dues à l O.N.S.S.



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Transcription:

COUR DES COMPTES Le recouvrement par voie judiciaire des cotisations sociales dues à l O.N.S.S. Rapport de la Cour des comptes transmis à la Chambre des représentants Bruxelles, juin 2004

COUR DES COMPTES Le recouvrement par voie judiciaire des cotisations sociales dues à l O.N.S.S. Rapport de la Cour des comptes transmis à la Chambre des représentants Rapport adopté le 19 mai 2004 par l assemblée générale de la Cour des comptes

Synthèse Une des missions principales de l Office national de sécurité sociale est de percevoir, auprès des employeurs et de manière centralisée, les cotisations sociales du régime des travailleurs salariés. La Cour des comptes a examiné le processus du recouvrement judiciaire que l O.N.S.S. met en œuvre en vue de récupérer les cotisations qui ne lui ont pas été payées par les employeurs assujettis dans le respect des délais et conditions réglementaires. Ce processus relève à la fois de la responsabilité des services du recouvrement judiciaire, qui actionnent et suivent les procédures judiciaires, et des services de la perception, qui sont chargés de suivre les paiements effectués par les employeurs avant et après jugement. L audit avait pour objectif d évaluer les conditions d efficacité et d efficience de ce processus et, si possible, d en évaluer la performance. A cet effet, l analyse a porté sur les outils et méthodes de gestion et, en particulier, sur les informations de gestion et le contrat d administration. La Cour tient à souligner les efforts de modernisation déjà entrepris par l O.N.S.S. qui se sont traduits notamment par la conclusion d un premier contrat d administration, l adoption de plans d administration, la mise en place d un datawarehouse et le désir clairement exprimé de continuer en ce sens. L audit a toutefois mis en exergue des déficiences importantes dans les informations de gestion et des lacunes dans le contrat d administration, qui touchent à la qualité à la fois des objectifs définis, de la méthode de suivi et des plans d administration. Ces faiblesses privent l O.N.S.S. de moyens pour gérer ce processus avec efficience et efficacité et pour disposer d une assurance raisonnable quant au bon fonctionnement et à la maîtrise du processus audité. Concrètement, l analyse a montré que de nombreuses procédures restaient ouvertes pendant plusieurs années et ce en dépit du fait que 80% des jugements obtenus l ont été dans un délai de trois mois après que l affaire ait été confiée à un avocat. L examen a également permis de relever que la gestion des dossiers pouvait être considérablement améliorée. Un délai moyen de près de trois mois est nécessaire pour constater le non-respect par les employeurs des modalités de paiement accordées par jugement ou par plan d apurement. En outre, des faiblesses dans la gestion des dossiers du recouvrement judiciaire ont pour effet d accroître considérablement les délais de récupération. Ces faiblesses, dont l importance n a pu être quantifiée en raison de la qualité insuffisante des données, constituent des indices d un manque de maîtrise du processus, dont les services doivent tenir compte. Il ne peut cependant pas être établi avec certitude qu elles affectent les résultats du recouvrement judiciaire. Par ailleurs, la Cour a constaté que la contrainte, qui dispenserait l O.N.S.S. de s adresser aux tribunaux, n est pas utilisée alors que ce mode de procéder est prévu par la loi. Des indices plaident pourtant en faveur de son utilisation ciblée. L O.N.S.S. devrait étudier de manière approfondie l opportunité de recourir à ce moyen d action. D une manière générale, la gestion du recouvrement judiciaire est encore insuffisamment orientée au regard des résultats, c est-à-dire trop peu axée sur la durée des procédures, sur les sommes récupérées et sur les coûts engendrés, même si ce processus est par essence influencé par des facteurs extérieurs qui ne sont pas tous maîtrisables. 2 Le recouvrement judiciaire à l O.N.S.S. Cour des comptes, juin 2004

Des recommandations ont été formulées par la Cour avec pour objectif principal d améliorer les conditions d efficacité et d efficience du recouvrement judiciaire de l O.N.S.S.. Une attention particulière a été portée aux informations et fonctions de gestion, ainsi qu au contrat d administration. La qualité des objectifs du contrat d administration devra être améliorée de telle sorte que de réels objectifs généraux pour le recouvrement judiciaire puissent être définis et déclinés dans une stratégie, dans des objectifs et dans des plans opérationnels. Ensuite, en tenant compte notamment des faiblesses relevées dans l audit, le système d information de gestion devra être considérablement amélioré dans le but d en faire un outil de maîtrise susceptible de couvrir l ensemble de ce processus et de suivre la réalisation des objectifs. Pour mener à bien ces différentes étapes, il sera indispensable de reconnaître et développer la fonction de business analyst. Le développement d une telle fonction, qui devra mener à une réflexion approfondie sur le système d information de gestion, aura notamment pour effet bénéfique de permettre à l O.N.S.S. de retrouver la maîtrise du suivi informatique des procédures judiciaires et de replacer l organisme dans une réelle situation de partenariat avec la SmalS-MvM, à qui la gestion informatique des données de l O.N.S.S. a été confiée. Il conviendra enfin de repenser l ensemble du système de contrôle interne. Dans ce contexte, un service d audit interne devra s assurer de la maîtrise des risques. La mise en œuvre de ces différentes étapes a été intégrée dans un plan d action dont la finalité est de transformer le contrat d administration en un réel outil de maîtrise globale des processus. Ce plan s appuie sur les synergies qui existent entre les recommandations dégagées dans le rapport. Le recouvrement judiciaire à l O.N.S.S. Cour des comptes, juin 2004 3

Table des matières Synthèse 2 Introduction 6 Contexte 6 Portée de l audit 6 Plan du rapport 8 Présentation des services participant au processus de recouvrement judiciaire 9 Chapitre 1 Les faiblesses constatées 12 1.1 Introduction 12 1.2 Méthodologie 12 1.3 Les faiblesses constatées 15 Chapitre 2 Le déroulement du processus 23 2.1 La rupture dans le processus de recouvrement judiciaire 23 2.2 La répartition déséquilibrée du travail entre les juristes et le personnel des sections de recouvrement judiciaire 25 2.3 L absence d utilisation de la contrainte 26 2.4 La désignation des avocats et l évaluation de la qualité de leurs prestations 29 2.5 Les propositions de déclarations d irrécouvrabilité en attente de décision 30 Chapitre 3 Les informations de gestion et leur traitement 32 3.1 Insuffisance des informations de gestion 32 3.2 Faiblesses dans la définition et la reconnaissance de la fonction de staff 38 3.3 Manque de moyens de maîtrise au profit de la fonction de management 39 4 Le recouvrement judiciaire à l O.N.S.S. Cour des comptes, juin 2004

Chapitre 4 Les objectifs du processus de recouvrement judiciaire dans le contrat d administration 41 4.1 Présentation théorique: l outil de gestion que devrait être le contrat d administration 41 4.2 Méthodologie et norme 42 4.3 Les constatations 44 4.4 Conclusion 49 4.5 Recommandations 49 4.6 Synergies dans la mise en œuvre des recommandations 54 Le recouvrement judiciaire à l O.N.S.S. Cour des comptes, juin 2004 5

Introduction Contexte 1 L Office national de sécurité sociale (O.N.S.S.) a, principalement, pour mission de percevoir auprès des employeurs et de manière centralisée, les cotisations sociales du régime des travailleurs salariés et de les répartir ensuite entre les différents organismes distributeurs de prestations sociales. Le montant total des cotisations déclarées pour l année 2002 était de 36.568.500.000 euros. 2 Le recouvrement judiciaire constitue la phase ultime de la mission de perception des cotisations sociales par l O.N.S.S. Il est exercé à l encontre des employeurs en vue d obtenir le paiement des arriérés de cotisation par la voie judiciaire. Le processus de recouvrement judiciaire débute lorsque la phase de recouvrement administratif, dernière tentative de recouvrer à l amiable les sommes dues, a échoué.. D après les données du service de la comptabilité de l O.N.S.S., disponibles au moment de l audit, le montant total des arriérés de cotisations encore à recouvrer judiciairement au 31 mars 2003 s élevait à 3.317.712.764 euros 1 dont 2.201.519.487 euros relatifs à des dossiers de faillites. En 2002, 120.347 procédures nouvelles ont été confiées aux services du recouvrement judiciaire de l O.N.S.S. 3 L O.N.S.S. fait partie des dix institutions de la sécurité sociale 2 qui ont conclu avec le gouvernement fédéral un contrat d administration. Le premier et actuel contrat de l O.N.S.S. est entré en vigueur le 1 er janvier 2002 3. L O.N.S.S. a donc décidé de se situer résolument dans le cadre d un processus de modernisation qui implique une plus grande orientation des activités au regard des résultats et une obligation de rendre compte. 4 Le but du contrat d administration est d améliorer l efficacité de la gestion des parastataux sociaux. Il fixe des objectifs dont le degré de réalisation devra refléter la mesure dans laquelle les missions légales de l organisme sont remplies. La conclusion d un tel contrat a également pour effet d octroyer à ces parastataux une plus grande autonomie de gestion. Le processus de recouvrement judiciaire, qui concourt à la mission de perception, fait l objet d objectifs spécifiques. Portée de l audit 5 L objet de l audit est l activité de recouvrement par voie judiciaire des cotisations sociales dues à l O.N.S.S. 1 Hors intérêts de retard, majorations et frais judiciaires. 2 INASTI, ONEM, O.N.S.S.-A.P.L., O.N.V.A., O.N.P., O.N.S.S., F.A.T., INAMI, B.C.S.S., O.N.A.F.T.S. 3 Arrêté royal du 8 avril 2002 portant approbation du premier contrat d administration de l Office national de sécurité sociale et fixant des mesures en vue du classement de cet Office parmi les institutions publiques de sécurité sociale. 6 Le recouvrement judiciaire à l O.N.S.S. Cour des comptes, juin 2004

6 Le processus de recouvrement judiciaire vise deux résultats, à savoir la perception des cotisations par voie judicaire et l amélioration de la perception par voie administrative sous la «menace» d un recours judiciaire. L examen a porté exclusivement sur le recouvrement judiciaire qui débute lorsque le recouvrement administratif a échoué, c est-à-dire au moment où la dette impayée est produite en vue de sa récupération devant les cours et tribunaux. Le recouvrement judiciaire se termine au moment où la dette est soldée ou lorsque celle-ci est déclarée irrécouvrable. Le processus de recouvrement administratif, ainsi que l impact du recouvrement judiciaire sur ce processus, de même que le processus du contrôle et de l inspection sont donc exclus du champ de l audit. 7 L audit a consisté à évaluer les conditions d efficacité et d efficience du recouvrement judiciaire. Il s agissait de rechercher l existence des outils, méthodes et informations de gestion appliqués à l ensemble de l O.N.S.S. ou propres au recouvrement judiciaire, et permettant d offrir des garanties quant à la maîtrise et au bon fonctionnement de ce processus ainsi que d en évaluer la qualité. En fonction de cette évaluation, le but était de porter, le cas échéant, un jugement quant à l efficience et l efficacité du processus. 8 L audit a également évalué les outils ou méthodes mis en œuvre par l O.N.S.S. en vue d acquérir une maîtrise du recouvrement judiciaire. Parmi ces outils, le contrat d administration tient une place privilégiée, son but étant d assurer une maîtrise globale des activités. Une attention particulière a dès lors été apportée à la qualité des objectifs du contrat qui concernent le processus audité, à la qualité du suivi de leur réalisation, ainsi qu aux systèmes d information de gestion. 9 Dès à présent, la Cour des comptes tient à souligner qu il n a pas été possible d analyser la performance du recouvrement judiciaire sur la base d un échantillonnage statistique de dossiers compte tenu du manque d informations disponibles. 10 Un rapport provisoire a donné lieu à un premier débat contradictoire avec les services concernés de l O.N.S.S. en date du 30 septembre 2003, au cours duquel l administration générale et les directions générales de l Office se sont engagées à mettre en œuvre le plan d action suggéré. L Office a toutefois insisté sur le manque de moyens humains à sa disposition pour l accomplissement de ses missions. A l occasion de cet échange de vues, un certain nombre de remarques ont été formulées par l O.N.S.S. Le présent rapport tient compte de la plupart de ces considérations. Conformément à la procédure arrêtée par la Cour des comptes en matière de contrôle du bon emploi des deniers publics, le projet de rapport a ensuite été communiqué au ministre des Affaires sociales et de la Santé publique ainsi qu à son homologue de l Emploi et des Pensions, en date du 18 février 2004, afin de recueillir leurs observations. Le ministre de l Emploi et des Pensions a répondu, par lettre du 5 mai 2004, qu il n avait pas de commentaires à formuler concernant le rapport d audit. Il précise que l O.N.S.S. a pris, pour répondre à la plupart de ces remarques, des mesures constructives. Le ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, par lettre du 14 mai 2004, s est également rallié au rapport d audit. Le recouvrement judiciaire à l O.N.S.S. Cour des comptes, juin 2004 7

11 Enfin, il convient de souligner ici la parfaite collaboration de toutes les personnes que les représentants de la Cour des comptes ont rencontrées pendant cet audit, comme en témoignent les réflexions déjà menées au sein de l O.N.S.S. à propos de certaines des faiblesses constatées et qui ont alimenté la démarche d audit de la Cour des comptes. Plan du rapport 12 Dans un premier chapitre, il est fait état des faiblesses concrètes qui ont été constatées et qui peuvent entacher l efficience et l efficacité du recouvrement judiciaire. Ces constatations sont l expression d un manque de maîtrise de ce processus. Ces faiblesses sont développées dans les chapitres suivants, avec pour objectif d en dégager les causes et de suggérer des solutions permettant d y remédier de manière cohérente. Au chapitre 2 sont développées les constatations et recommandations directement liées au processus, au chapitre 3, celles liées aux informations de gestion et à leur traitement et, au chapitre 4, celles liées aux objectifs du recouvrement judiciaire dans le contrat d administration. Ce dernier chapitre intègre également un tableau qui permet d envisager la mise en oeuvre de la recommandation touchant au contrat d administration en synergie avec l ensemble des autres recommandations du rapport. 8 Le recouvrement judiciaire à l O.N.S.S. Cour des comptes, juin 2004

Présentation des services participant au processus de recouvrement judiciaire Organigramme (situation en mai 2003) Les services responsables du processus de recouvrement judiciaire 13 Le processus de recouvrement judiciaire relève de la responsabilité des services de recouvrement judiciaire de la Direction générale des services juridiques et des services de la Direction générale de la perception. 14 Les services de la perception ont pour mission principale, en collaboration avec les services techniques de la SmalS-MvM 4, d assurer la tenue à jour des comptes individuels des employeurs assujettis. Dans le cadre de cette activité, ils ont la responsabilité de la production et de la transmission aux services du recouvrement judiciaire du compte de la dette impayée de l employeur. Les services de la perception sont organisés en sections regroupées par rôle linguistique pour former un service francophone et un service néerlandophone relevant de la Direction générale des services de la perception. 15 Les services du recouvrement judiciaire veillent à la mise en œuvre de la procédure judiciaire en vue de récupérer les créances, mais le suivi des paiements avant et après jugement est quant à lui du ressort des services de la perception. 4 A.S.B.L. «Société de mécanographie pour l application des lois sociales» qui a pour mission notamment de gérer l ensemble des données de l O.N.S.S. Le recouvrement judiciaire à l O.N.S.S. Cour des comptes, juin 2004 9

16 La Direction générale des services juridiques comporte deux services de recouvrement judiciaire 5, l un néerlandophone et l autre francophone, gérés chacun par un directeur. Ces deux services sont chacun divisés en cinq sections composées de personnel de niveaux B et C, auxquelles s ajoutent une section spécialisée dans le traitement des faillites et, du côté francophone, une section spécialisée dans le lancement des affaires, cette activité étant intégrée au secrétariat du côté néerlandophone. Les juristes interviennent en appui aux sections en tant qu experts. Par ailleurs, au sein de ces deux services de recouvrement judiciaire, trois personnes, tant du côté néerlandophone que francophone, exercent, à côté d autres missions opérationnelles telles que le traitement des demandes d exonération des sanctions civiles, des fonctions de «responsables administratifs» chargés de missions de gestion quotidienne. Des deux côtés linguistiques, un de ces responsables administratifs exerce également la fonction de business analyst. A côté des services de recouvrement judiciaire, la cellule anti-fraude a été créée pour appliquer des procédures particulières relatives aux dossiers dans lesquels il a été constaté qu il existe un risque éventuel d irrécouvrabilité. Ces procédures ont pour objectif d éviter que des dettes ne s accumulent ou que l actif ne disparaisse et visent à un recouvrement accéléré de la cotisation 6. La Direction de l organisation 17 La Direction de l organisation fait partie de la Direction générale des services d appui. Sa mission est, notamment, de coordonner la préparation et la mise en place du contrat d administration actuel, de suivre et examiner sa réalisation et de faire rapport sur ce point à l administration générale, au comité de gestion et aux commissaires du gouvernement. Cette direction suit également l exécution des plans d administration. Il lui appartient de préparer le prochain contrat d administration. Description sommaire du processus de recouvrement judiciaire 18 Les extraits de comptes qui reprennent la dette impayée de l employeur sont produits et imprimés quotidiennement, à la SmalS-MvM, par un programme de surveillance des comptes des employeurs. Ils sont produits automatiquement dès qu un défaut de paiement est constaté à l échéance prévue et envoyés aux services de la Direction de la perception. La procédure administrative de recouvrement doit être entamée dans les 30 jours ouvrables qui suivent l enregistrement des montants impayés dans le compte de l employeur. Elle comporte l envoi de deux avertissements au débiteur. Le second, qui est en réalité le dernier avertissement de la phase amiable, annonce la procédure judiciaire. A ce stade, l employeur dispose 5 A côté des services de recouvrement judiciaire, deux autres directions font partie de la DG des services juridiques, la direction du contentieux et des études et la direction de l information et de la communication externe. Leurs activités ne sont toutefois pas en lien direct avec le recouvrement judiciaire. 6 Cette cellule a été effectivement mise en place en mars 2003. Son fonctionnement a été jugé trop récent pour pouvoir être évalué. 10 Le recouvrement judiciaire à l O.N.S.S. Cour des comptes, juin 2004

de 10 derniers jours ouvrables pour payer. Cette phase amiable dure approximativement quatre mois 7. 19 A défaut de paiement au terme de la procédure administrative, les extraits de compte sont transmis aux services de recouvrement judiciaire en vue de poursuites auprès des cours et tribunaux. Les services confient les extraits de compte à un avocat qui doit obtenir un jugement qu il communiquera à l O.N.S.S. à l aide d un document type 8. 20 Après l obtention d un jugement n octroyant pas de délais de paiement ou lorsque ceux-ci ne sont pas respectés, des plans d apurement peuvent, sous certaines conditions définies par le comité de gestion, être consentis par les services du recouvrement judiciaire. Il s agit d un sursis à une exécution forcée du jugement consenti à l employeur sous la condition que celui-ci respecte certaines modalités de paiement. 21 Les services de la Direction de la perception suivent les paiements effectués par les employeurs poursuivis et informent les services du recouvrement judiciaire de tout paiement effectué en cours de procédure. Ils surveillent également le respect de l obligation de paiement fixée par jugement, assortie ou non de modalités de paiement, avec ou sans plan d apurement. Le suivi des paiements et du respect des modalités est effectué par un système manuel de fiches de procédure 9. 22 Lorsque l employeur reste en défaut de payer, la Direction de la perception envoie aux services de recouvrement judiciaire une demande d exécution forcée qui, après décision de ces services, est transmise à l avocat afin qu il confie l affaire à un huissier de justice. L avocat informera l O.N.S.S. de l identité de l huissier via un document type 10. 23 En définitive, la procédure est soldée soit par paiement, soit par une décision d irrécouvrabilité prise par la Direction générale des services juridiques pour l ensemble de la dette de l employeur 11 ou uniquement pour une dette individualisée 12. 7 Ce délai résulte des engagements pris dans le contrat d administration (article 18, alinéas 2 à 4) et de leur mise en œuvre dans le plan d administration. La procédure de recouvrement administratif doit être entamée dans un délai de 30 jours ouvrables à partir de l échéance impayée, et le deuxième avertissement doit être produit 45 jours calendrier après le premier avertissement. Enfin, l extrait de compte doit être transmis aux services de recouvrement judiciaire au plus tard dans les 20 jours ouvrables qui suivent la production de ce deuxième avertissement. 8 Appelé Modèle III. 9 Appelées «NOVACARD» à l O.N.S.S. 10 Appelé Modèle A. 11 Exemple: faillite clôturée par un défaut d actif. 12 Exemple: prescription d une créance. Le recouvrement judiciaire à l O.N.S.S. Cour des comptes, juin 2004 11

Chapitre 1 Les faiblesses constatées 1.1 Introduction 24 Le présent chapitre décrit les faiblesses constatées dans le processus de recouvrement judiciaire et révèle les problèmes concrets qui en résultent. 25 Trois types de faiblesses peuvent être mis en exergue: quant au processus; quant aux informations de gestion; quant au suivi des activités. 1.2 Méthodologie 26 L audit de la Cour des comptes s est déroulé sur place, à l O.N.S.S., de mai à juin 2002 et de janvier 2003 à mai 2003. 27 Les constats qui suivent sont le résultat de trois méthodes de travail principales : des entretiens aux différents niveaux de responsabilité, une analyse des données source du processus étudié, émanant directement de la SmalS-MvM, et un examen de dossiers des services du recouvrement judiciaire et de fiches de procédures des services de la perception, tirés par échantillonnage. 1.2.1 Les entretiens 28 Les entretiens se sont déroulés au sein des services du recouvrement judiciaire néerlandophones et francophones, où les différentes fonctions clés ont été envisagées 13, au sein de la Direction de la perception 14 et avec la Direction de l organisation qui gère de manière transversale le contrat d administration de l O.N.S.S. et son suivi. D autres services ont également été visités, tels que la comptabilité et le budget. 29 Ces entretiens ont permis de connaître le processus de recouvrement judiciaire, d en identifier les points forts et les points faibles et de valider les constatations. Chacun des entretiens a donc été préparé dans cette optique en tenant compte des tâches attribuées aux services concernés et de la fonction des personnes rencontrées. 13 Les chefs des sections qui composent les services de recouvrement judiciaire, les juristes, les responsables administratifs, les business analysts, les directeurs des services de recouvrement judiciaire et la direction générale. 14 Avec la direction générale et les directeurs des services néerlandophones et francophones de la perception. 12 Le recouvrement judiciaire à l O.N.S.S. Cour des comptes, juin 2004

1.2.2 L analyse des données Le système d information 30 L ensemble de la procédure judiciaire est suivie par un système informatique appelé ASPR 15. Ce système a été conçu, à la base, comme un outil de suivi, dans le but d automatiser la surveillance des étapes de la procédure, et non comme un outil analytique. Il apparaît comme la mesure de contrôle interne fondamentale rendue indispensable par la masse de procédures à traiter. En ce sens, il s agit d un outil essentiel contribuant à la maîtrise journalière du recouvrement judiciaire. 31 Le principe de ce système est d encoder les dates des actes posés lors des différentes étapes de la procédure et de produire automatiquement, après un certain délai, un rappel selon l étape concernée. Les premiers champs sont alimentés par un système de surveillance automatisé des comptes des employeurs 16. Ils contiennent notamment la date de fixation et le montant de la créance 17 qui sera poursuivie par voie judiciaire. Ensuite le personnel des sections du recouvrement judiciaire doit, au fur et à mesure de l avancement de la procédure, encoder la date de l envoi de l affaire à l avocat, la date du jugement (ou opposition/appel), la date de l envoi de la demande d exécution forcée à l avocat, la date éventuelle de la seconde demande d exécution forcée, l existence d un accord administratif et la fin de la procédure par paiement 18. 32 La présence de chacune de ces dates génère le calcul d un délai au terme duquel un rappel est produit. Ce délai pourra toutefois être suspendu pendant une certaine période par certains agents. Le déblocage se fera automatiquement à la fin de cette période. L analyse 33 L analyse de la Cour des comptes a été effectuée sur la base d une extraction des données de ce système d information, arrêtées au 14 juillet 2002. Elles ont été fournies par la SmalS-MvM. Il s agit de l ensemble des données de suivi des procédures de recouvrement dont font l objet les employeurs (table ZA). Une telle analyse a l avantage de permettre d évaluer directement la fiabilité de l ensemble des données de base du recouvrement judiciaire, lesquelles alimentent le datawarahouse, et leur potentialité d exploitation et d extension. Une double approche a été adoptée, comprenant d une part, un examen de la qualité des données sous-tendant la gestion du recouvrement judiciaire et d autre part, une analyse statistique descriptive des données. 15 ASPR: Automatisation de la surveillance des procédures. 16 Quotidiennement, l ASPR est alimenté par des extraits de compte identifiés par ce système automatisé de surveillance. 17 En cotisations, majoration et intérêt. 18 Dans le cas de créances irrécouvrables, les procédures sont terminées de façon automatique après validation des décisions d irrécouvrabilité prises par le service juridique et après passation automatique des écritures d irrécouvrabilité dans les comptes. Le recouvrement judiciaire à l O.N.S.S. Cour des comptes, juin 2004 13

Les résultats de ces deux approches ont été validés par le biais d entretiens avec la SmalS-MvM, les dirigeants des services du recouvrement judiciaire et la Direction de l organisation. 34 L examen de la qualité des données a porté sur les différents champs de la table ZA, analysés sous trois angles : les défauts de chronologie, les valeurs manquantes et les valeurs erronées. C est à ces différents niveaux que des incohérences ont été relevées. Un examen a également été réalisé en vue d évaluer la concordance des autres tables en lien avec la table ZA 19. A ce niveau également, une liste d incohérences a été dressée. 35 A l appui des statistiques descriptives, et tenant compte des informations disponibles dans les bases de données, l audit a tenté de dresser la physionomie du processus de recouvrement judiciaire en fonction du nombre de dossiers qui restent ouverts et des délais de procédure 20. Le dernier archivage, qui est intervenu fin 1996, a éliminé de la base de données toutes les procédures qui étaient clôturées au 1 er janvier de cette année. Les données relatives aux procédures clôturées depuis lors sont donc encore consultables. 1.2.3 La sélection des échantillons de dossiers du recouvrement judiciaire et de fiches de procédure des services de la perception 36 L analyse statistique de la base de données a mis en évidence des délais de procédure parfois très longs. Etant donné qu un jugement est obtenu le plus souvent dans les quatre mois qui suivent la citation et qu un plan d apurement est accordé, selon les critères fixés par le comité de gestion, sur la base d un échelonnement de la dette sur une durée de douze mois, une durée supérieure à deux ans mérite l attention. A partir de dix ans et plus, le délai peut manifestement être qualifié de théoriquement long. Etant donné l insuffisance des données du système d information susceptibles d expliquer ces durées, il a été nécessaire d examiner les dossiers afin de tenter de comprendre les raisons de la longueur des procédures. A cet effet, à partir des étapes de la procédure judiciaire reprises dans le système d information réparties selon deux types de durée, entre deux et dix ans, d une part, plus de dix ans, d autre part, 14 strates ont été constituées. Dans chacune de ces 14 strates, 15 dossiers ont été choisis aléatoirement et examinés physiquement. 37 La surveillance des modalités de paiement après jugement, réalisée par les services de la perception, a été examinée sur la base des fiches de procédure de ces services. Un délai moyen de réaction 21 a été calculé sur la 19 A cet effet, les tables suivantes ont été examinées: la table A définissant la situation administrative des employeurs par matricule; la table DOK reprenant les dates des différents documents expédiés aux employeurs; la table DO reprenant les informations relatives aux données des dossiers (un dossier étant formé de l ensemble des procédures actives d un employeur); la table HI reprenant l historique des procédures de recouvrement; la table IRREC reprenant les propositions d irrécouvrabilité. 20 Afin de limiter l addition de mêmes créances présentes dans des procédures de nature différente, les procédures d assignation en faillite, d admission au passif d une faillite, d appel et d opposition ont été écartées des résultats de l analyse. 21 Au départ de cas de non-respect de modalité du jugement ou d un plan d apurement. Le délai calculé a comme borne de départ la date d exigibilité de la créance ou d une partie de la créance et comme borne de fin, la date d envoi d une demande d exécution forcée. 14 Le recouvrement judiciaire à l O.N.S.S. Cour des comptes, juin 2004

base d un échantillon de 111 fiches tirées de façon aléatoire dans la strate 22 des procédures pour lesquelles une demande d exécution forcée a été adressée à l huissier. 1.3 Les faiblesses constatées 1.3.1 Faiblesses dans le processus 38 Ces faiblesses peuvent entacher l efficience et l efficacité du processus. Leur impact à cet égard n a toutefois pu être quantifié en raison de la qualité insuffisante des données et du manque d informations disponibles dans le système d information du recouvrement judiciaire. 39 Dans ce contexte, il ne peut être établi avec certitude que le processus fonctionne bien. Il peut être affirmé par contre que les conditions ne sont pas remplies pour donner une assurance quant au bon fonctionnement du processus envisagé. 40 L analyse descriptive des procédures contenues dans la table ZA 23 a fait apparaître plusieurs situations inquiétantes. Ces situations sont toutefois à examiner en tenant compte des faiblesses de la base de données qui sont développées plus amplement ultérieurement 24. Ces faiblesses tiennent principalement au manque de fiabilité des données présentes dans le système et à l absence de données importantes qui permettraient d interpréter les représentations graphiques, telles que, notamment, les paiements partiels et le nombre de plans d apurement accordés 25. Dans ce contexte, il a été décidé d exclure toute approche du recouvrement judiciaire sous l angle du montant des cotisations en jeu. Etant donné ces faiblesses et afin de comprendre ces situations inquiétantes, des dossiers du recouvrement judiciaire ont été examinés à partir d un échantillonnage tiré aléatoirement parmi les procédures qui excèdent deux ans 26. L importance et l enjeu des dossiers ouverts 41 Le graphique reprend sur une échelle du temps annuelle, d une part, le nombre de dossiers encore ouverts et, d autre part, le nombre de dossiers terminés à la suite d un paiement, d une déclaration d irrécouvrabilité ou d une annulation effectuée par les services de recouvrement judiciaire. En abscisse figure le délai qui sépare la date de création de la procédure de la date de fin de cette procédure ou, à défaut de fin, la date d extraction des données, à savoir le 14 juillet 2002 27. 22 Afin de limiter le nombre de fiches non-analysables en raison de leur archivage, n ont été sélectionnées que des procédures dont l exécution a été demandée après le 1 er janvier 1998. En raison de ces archivages et des règles applicables en matière de statistique, il n a plus été possible de tirer un échantillon représentatif de la population. 23 Voir méthodologie point 35. 24 Voir point 47 et s. 25 Voir points 50 et s. 26 Voir, pour plus de précisions, la méthodologie développée au point 36. 27 Dès lors une procédure ouverte ou terminée, par exemple 18 mois après sa création, se retrouvera exclusivement dans l histogramme représentant la deuxième année. Le recouvrement judiciaire à l O.N.S.S. Cour des comptes, juin 2004 15

La représentation qui suit peut être mise en perspective avec le fait que depuis le 1 er janvier 2000, une moyenne d approximativement 97.195 procédures nouvelles par an 28 sont à traiter par les services de recouvrement judiciaire. Figure 1 Répartition dans le temps de l issue donnée aux dossiers gérés par les services de recouvrement judiciaire De cette représentation, il ressort que la plupart des paiements s effectuent durant les deux premières années et qu un nombre important de procédures restent encore ouvertes après un délai qui apparaît comme théoriquement long. Concernant ce dernier point, les données chiffrées montrent que sur le nombre total de procédures en cours, la proportion de procédures ouvertes depuis plus de dix ans est de 20,8 %, soit 47.685 procédures. Il ne faut pas oublier que les données exploitées ici sont celles d un système de suivi des étapes de procédure et que le dernier archivage, qui remonte toutefois, comme dit précédemment, à la fin de l année 1996, a eu pour effet de supprimer les procédures terminées au 1 er janvier de cette année 29. Cet archivage a comme impact de diminuer le nombre de procédures fermées. Le grand nombre de procédures non terminées se traduit par un solde débiteur qui peut être considérable mais n a pu être quantifié en raison du manque d intégration des bases de données 30. 28 Moyenne calculée sur les années 2000, 2001 et 2002. Cette moyenne reprend les procédures ordinaires et les assignations en faillite. Elle a été calculée à partir des informations fournies par l O.N.S.S. 29 Voir point 35, al. 2. 30 Pour pouvoir obtenir une vue complète et globale des montants perçus et du solde restant à percevoir au regard de chaque procédure, il conviendrait d opérer le rapprochement entre la table des procédures, la table contenant l imputation des recettes des employeurs et la table contenant les soldes en cotisations, majorations et intérêts. L intégration globale de ces données n était pas effectuée au moment de l audit et, vu sa complexité, elle n a pas été réalisée par la Cour des comptes. Voir point 51. 16 Le recouvrement judiciaire à l O.N.S.S. Cour des comptes, juin 2004

La longueur des délais 42 L analyse des données montre que c est principalement entre le jugement et la fin de la procédure que des problèmes se posent. En effet, toute la phase qui précède le jugement ne pose pas problème. Pour près de 80% des affaires, le jugement intervient dans les trois mois de leur transmission à l avocat 31. Le graphique qui suit renseigne sur les délais qui s écoulent entre la date du jugement et celle de la fin de la procédure ou, à défaut de fin, la date d extraction des données. Toutes les procédures sont reprises, qu il ait été fait usage des actes nécessaires à l exécution forcée ou non, que des plans d apurement aient été accordés ou non. Figure 2 Les délais entre la date de jugement et la fin de la procédure ou, à défaut de fin, la date d extraction des données Le tableau suivant met en évidence l accumulation de dossiers non clôturés deux ans après le jugement et la part fort importante des procédures présentant des délais encore bien supérieurs: Tableau 1 Délai entre le jugement et la fin de la procédure ou, à défaut de fin, la date d extraction des données Plus de Plus de Plus de Plus de Plus de 2 ans 3 ans 4 ans 5 ans 10 ans En nombre de procédures 54,72% 46,25% 38,95% 32,52% 11,29% 31 Pour près de 90% dans les quatre mois. Ce calcul est obtenu en excluant les procédures d assignation en faillite et d admission au passif d une faillite et les recours, et en ne tenant compte que des procédures pour lesquelles un jugement a été prononcé. Le recouvrement judiciaire à l O.N.S.S. Cour des comptes, juin 2004 17

Les délais de surveillance des modalités de paiements accordées par jugement ou plan d apurement 43 Parmi les facteurs influençant la durée des procédures figurent les délais nécessaires pour constater le non-respect des modalités de paiement. Le délai moyen calculé sur la base d un échantillon de fiches de procédures est de 83 jours calendrier à partir de la date d exigibilité, soit près de trois mois 32. 44 Ce délai doit également être mis en perspective avec le fait qu il n est pas rare que plusieurs plans d apurement soient accordés en vue de répondre notamment à des difficultés de paiement de l employeur ou à des demandes formulées à l occasion d une exécution forcée. Ceci a comme répercussion sur le plan du suivi du respect des modalités de paiement que, à chaque nouveau plan d apurement, un délai moyen de trois mois pour détecter le non respect des modalités de paiement est susceptible d être ajouté. Une telle situation peut accroître considérablement les délais de récupération et en définitive diminuer les chances de recouvrement. Les défaillances relevant de la gestion du dossier 45 L examen d un échantillon de dossiers tiré à partir des délais théoriquement longs a mis en exergue les éléments suivants 33 : Défaut de lisibilité des dossiers (pas de synthèse, pas d explication commentant les décisions prises, par exemple, en matière d exécutions forcées, de faillite ou d octroi d un plan d apurement, difficulté d identification de l auteur de la décision, ) ou leur caractère incomplet. La conséquence est l impossibilité de contrôles a posteriori. Des instructions ont toutefois été communiquées aux juristes afin d améliorer la transparence des dossiers. Ruptures dans l information provenant tant de l extérieur 34 que de l intérieur 35. Lenteurs ou inactions des avocats, curateurs et liquidateurs. Ces circonstances peuvent, en partie, être la conséquence de contraintes économiques ou d un système d organisation judiciaire qui ne dispose pas des moyens nécessaires pour assurer toutes les missions légales. Dossiers non clôturés et restant inactifs, ou gérés de manière passive, la conséquence étant des lenteurs ou des absences de traitement de dossiers durant plusieurs années. Discordances entre les informations contenues dans le système informatique de suivi des procédures et le contenu des dossiers. Propositions de déclaration d irrécouvrabilité rédigées longtemps après que les conditions déterminant l irrécouvrabilité de la créance ont été réunies. Une fois rédigées, ces propositions sont stockées parfois 32 Voir point 37. 33 Voir point 36. 34 Exemples: absence d informations sur la déclaration d une faillite, absence de réponse de l avocat, rappels purement formels, 35 Exemples: absence d informations provenant ou destinées aux services de la perception, de l immatriculation ou du contrôle, multiples et tardives déclarations complémentaires de créance alors que parfois il y a impossibilité de récupérer, 18 Le recouvrement judiciaire à l O.N.S.S. Cour des comptes, juin 2004

durant plusieurs années avant de recevoir la signature qui autorise leur comptabilisation. Cette situation entache la fidélité des comptes de l O.N.S.S. 46 Outre les nombreux dossiers en cours de faillite, ces constats de nature et d importance différentes, même s ils n ont pu être extrapolés en raison de la qualité insuffisante des données disponibles dans le système d information, constituent, pour certains d entre eux, une explication à la longueur des délais. Ils ont tous pour effet d entacher l efficience et l efficacité du processus. En conséquence, ils doivent être vus par les services de recouvrement judiciaire comme des indices de déficience dans le fonctionnement qu il convient de prendre en considération en vue d améliorer les conditions de maîtrise du processus et, de ce fait, l assurance qu ils pourront offrir quant à son bon fonctionnement. 1.3.2 Faiblesses liées aux informations de gestion 47 Pour être en mesure de maîtriser son activité, un gestionnaire doit pouvoir disposer d une information de gestion de qualité. Or, les entretiens effectués, la réalisation de tests et l exploitation des données 36 qui soustendent le processus de recouvrement judiciaire ont permis de relever un nombre important de faiblesses qui entachent fondamentalement la qualité des informations disponibles et susceptibles d être utilisées. 48 Ces faiblesses ont une influence importante sur la qualité du système d information en tant que mesure de contrôle interne et en tant qu outil de gestion. Or, il convient de relever que ce système d information est utilisé actuellement en tant qu outil de gestion dans le cadre du suivi du contrat d administration. Il faut souligner néanmoins la mise en place au sein de l O.N.S.S. d un datawarehouse dont l utilisation par les business analysts devrait permettre d analyser les données de base du processus de recouvrement judiciaire et inciter à les améliorer. Incohérences dans les données 49 Sur un peu plus d un million de procédures, 578.000 incohérences ont pu être relevées dans les champs des lignes de procédures lors de l analyse des bases de données. Elles consistent en des anomalies de chronologie 37 dans les dates encodées, des valeurs manquantes alors qu elles auraient dû être présentes 38 et des valeurs erronées 39. Elles ne constituent pas 36 Voir les développements relatifs à la méthodologie repris aux points 26 et s. 37 Exemples: dates de jugement antérieures aux dates où l affaire est confiée à l avocat, dates de fin de la procédure antérieures à la date du jugement avec des délais d écart pouvant dépasser 1 année, dates où l affaire est confiée à l avocat et qui sont antérieures à la date de création de la procédure enregistrée dans le système. 38 Tels les cas où les champs qui alimentent la production des données statistiques ne sont pas en cohérence avec les données électroniques qui traduisent l état du dossier (ex.: incohérence entre le champ qui indique la présence effective d un ordre d exécution forcée et celui qui le comptabilise à des fins de statistique). Cette situation existe aussi par rapport à des données historiques. 39 Les incohérences entre l information sur l état de la procédure et la situation administrative de l employeur, qualifié de non poursuivi, d ex-poursuivi ou d irrécouvrable définitif alors que des procédures sont en cours, sont relevées par des messages d anomalies non bloquantes au service de la perception. Le recouvrement judiciaire à l O.N.S.S. Cour des comptes, juin 2004 19

nécessairement des valeurs inexactes en ce sens que des explications pourraient parfois être données. Mais ces explications restent des hypothèses et sont multiples. La conséquence en est que s il n est pas certain que ces incohérences ont une influence négative sur le système en tant qu outil quotidien de suivi des procédures, elles empêchent, cependant, toute exploitation utile a posteriori des informations et réduisent fondamentalement la fiabilité des informations qui pourraient en être tirées à des fins de gestion ou en vue de suivre la réalisation du contrat d administration. Absences d intégration de données importantes dans le système d information de gestion 50 Un certain nombre de données nécessaires au suivi des procédures et indispensables pour une exploitation des informations à des fins de gestion font défaut, telles que les motifs des annulations effectuées, principalement par les services de la perception, certaines données concernant des étapes-clés de la procédure, comme la citation, ou des procédures judiciaires entières 40, l état d avancement de la proposition d irrécouvrabilité, la nature de l irrécouvrable 41, etc. 51 D autres données, tout particulièrement les informations sur les paiements partiels et le type ou l origine de la créance 42 sont présentes dans les systèmes d information de l O.N.S.S., mais la structure de ces tables de données rend leur exploitation fort difficile sans développements informatiques complémentaires 43, outre qu elle est risquée au niveau de la fiabilité des montants pour l ensemble des procédures. Ces difficultés d exploitation rendent particulièrement ardue la construction d un taux de recouvrement judiciaire fiable 44. La mise en place du datawarahouse ne permettait pas, au moment de l audit, de résoudre ce problème d intégration entre l état des paiements de l employeur et celui de la procédure. 52 D une manière générale, l absence d un nombre important de données, telles que les raisons d un blocage, les modalités de paiement résultant des jugements et des plans d apurement, le nombre de plans d apurement, l historique des rappels aux différentes étapes de procédure, le caractère favorable ou non du jugement, des données plus précises sur la procédure d exécution forcée 45, etc., empêche d interpréter la durée des procédures et, en définitive, le solde débiteur, outre qu elle limite l exploitation que permet le datawarahouse. 40 Exemple: procédures devant le juge des saisies. 41 Définitif ou provisoire. 42 Exemple : simple retard de paiement d une cotisation déclarée ou rectification opérée par l O.N.S.S. 43 En effet, un tel rapprochement implique l intégration horizontale de données pour lesquelles les clés de référence sont différentes: les données concernant les procédures sont référencées au regard du numéro de matricule O.N.S.S. de l employeur et d un numéro de procédure alors que les recettes et les soldes sont repris au regard du numéro de matricule et du trimestre de cotisation concerné. L intégration s avère donc délicate et nécessite un travail informatique (construction d une clé de liaison) du ressort de l autorité gestionnaire et une validation importante des résultats obtenus. 44 Voir points 60 à 62. 45 Procédure devant le juge des saisies, p.-v. de carence, etc. 20 Le recouvrement judiciaire à l O.N.S.S. Cour des comptes, juin 2004

Défauts dans le système qui augmentent les risques dans l exploitation des informations à des fins de gestion 53 Un certain nombre d éléments qui tiennent à la construction du système rendent périlleuse l exploitation des résultats ou pourraient les fausser: écrasement de données, absence d historiques, doublons systématiques entre des procédures ordinaires et des procédures en faillite, absence d automatisation de certains types de blocages 46, etc. Manque d assurance sur l exactitude des données 54 Le manque de contrôle, principalement sur l exactitude des données encodées, ne donne aucune assurance sur ce point. C est ainsi que les agents des sections du recouvrement judiciaire peuvent modifier, voire effacer, les données 47 sans qu aucun contrôle spécifique ne soit mis en place. Utilisation non uniforme du système de rappel 55 Le système produit des rappels à chaque étape de procédure, et ceci dans le but d éviter l oubli de traitement des dossiers en cours. Or, pour des raisons d inadéquation des délais de rappel, jugés trop longs pour certains et trop courts pour d autres, les rappels produits par le système ne sont pas utilisés de manière uniforme par les personnes chargées du suivi des dossiers. L utilisation de ces rappels par le personnel ne fait pas l objet d un suivi par les responsables. La conséquence en est que cette mesure de contrôle interne que constitue ce système de suivi n est pas effectivement appliquée et n offre aucune assurance quant au bon traitement des dossiers. Défaut de maîtrise du système informatique 56 Des entretiens menés avec les services du recouvrement judiciaire et avec la SmalS-MvM, il apparaît que l O.N.S.S. n a plus la maîtrise du système informatique de suivi de la procédure judiciaire 48. 57 Ceci résulte notamment de l externalisation de la gestion des données de l O.N.S.S. à la SmalS-MvM et, son corollaire, la désappropriation du système de la part des services de recouvrement judiciaire. L absence de modification majeure ou de réévaluation du système depuis sa création, au début des années 80, a cristallisé cette perte de maîtrise. 58 Actuellement, les services de recouvrement judiciaire ne sont pas organisés pour se réapproprier le système en vue d en avoir la maîtrise et de permettre à l O.N.S.S. de pleinement jouer son rôle de client vis-à-vis de la SmalS-MvM dans le cadre d une réelle relation de partenariat. 46 Exemple: le cas de faillite pour les procédures ordinaires. 47 A savoir les dates encodées au regard des étapes de procédures et ces étapes de procédures. Ils ne peuvent par contre pas modifier les informations touchant à l existence de l extrait de compte dans le système, sa date et son montant. Voir chapitre 3 et particulièrement point 116. 48 Voir la constatation développée aux points 104 et s., et plus précisément aux points 108, 113 et 114. Le recouvrement judiciaire à l O.N.S.S. Cour des comptes, juin 2004 21