TETRALERT TAX PRÊTS HYBRIDES (PPL), MONTAGES NON-AUTHENTIQUES ET FIN DE LA DÉDUCTION DES RDT I. INTRODUCTION La directive 2011/96/UE concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d Etats membres différents (directive «mère-filiale») a été modifiée successivement par les directives n 2014/86/UE du 8 juillet 2014 et n 2015/121 du Conseil du 27 janvier 2015. Ces modifications ont introduit de nouvelles règles visant à éviter les abus liés à l application de la directive «mère-filiale». L introduction de ces mesures anti-abus est née de l initiative de la Commission. Celle-ci a en effet souhaité, par l adoption de ces mesures, répondre aux travaux menés par l OCDE sur l érosion de la base d imposition et le transfert de bénéfices («BEPS») et à la volonté politique généralisée, démontrée dans les réunions du G20 ou du G8, de prioriser la question de l érosion de l assiette de l impôt des sociétés. Ce 27 septembre 2016, le Gouvernement a déposé un projet de loi portant des dispositions fiscales, visant à transposer les modifications susvisées en droit belge. L attention est attirée sur le fait que les nouvelles règles s appliquent également aux situations belgo-belges. Deux mesures anti-abus y sont abordées : - D une part une mesure anti-abus spécifique visant à éviter l utilisation d instruments financiers hybrides entre sociétés mères-filiales ; - D autre part, une mesure anti-abus générale ayant pour but de contrer les montages dits «non-authentiques», qui participent d un usage abusif des avantages de la directive «mère-filiale». II. COMBATTRE LES INSTRUMENTS HYBRIDES Une question spécifiquement abordée par la Commission dans la directive 2014/86/UE concerne la lutte contre la double nonimposition permise par certains dispositifs financiers hybrides exploitant les asymétries entre systèmes fiscaux nationaux. L on vise plus particulièrement les prêts hybrides, c est-à-dire «des instruments financiers qui présentent les caractéristiques à la fois des emprunts et des fonds propres. En raison du traitement fiscal différent des prêts hybrides selon les Etats membres (emprunts ou fonds propres), les paiements effectués au titre d un prêt hybride transfrontière peuvent être 1
considérés comme une dépense fiscalement déductible dans un Etat membre (Etat membre du payeur) et comme une distribution de bénéfices exonérée dans l autre Etat membre (Etat membre du bénéficiaire), ce qui se traduit par une double non-imposition involontaire» (J.O.U.E., COM (2013) 814 final). On pense principalement aux prêts participatifs, par exemple. Une limitation de l exonération d une telle distribution de bénéfices a donc été introduite dans la directive «mère-filiale» pour éviter la double non-imposition résultant de tels prêts hybrides. Le projet de loi du 27 septembre 2016 introduit dès lors une exception à l article 203 1 er alinéa 1 er 6 CIR 92 : les sociétés belges se verront refuser la déduction de dividendes reçus au titre de RDT dans le cas et dans la mesure où la société qui a distribué ces dividendes «a déduit ou peut déduire ces revenus de ses bénéfices» (indépendamment de l effectivité de cette déduction). III. COMBATTRE LES MONTAGES «NON- AUTHENTIQUES» A. Une mesure anti-abus générale issue de la directive mère-filiale La dernière modification en date de la directive «mère-filiale» a été effectuée par la directive 2015/121 du 27 janvier 2015 et comporte l adoption d une mesure anti-abus générale, qui impose aux Etats-membres de refuser les avantages de la directive «mère-filiale» à «un montage ou à une série de montages qui, ayant été mis en place pour obtenir, à titre d objectif principal ou au titre d un des objectifs principaux, un avantage fiscal allant à l encontre de l objet ou de la finalité de la présente directive, n est pas authentique compte tenu de l ensemble des faits et circonstances pertinents.» (article 1 2 nouveau de la directive «mère-filiale»). Un montage ou une série de montages sont à considérer comme non-authentiques «dans la mesure où ce montage ou cette série de montages n est pas mis en place pour des motifs commerciaux valables qui reflètent la réalité économique». Le projet de loi du 27 septembre 2016 intègre donc le nouveau concept de montage nonauthentique dans l arsenal juridique belge, et en particulier dans les règles de déduction des RDT et de renonciation à la perception du précompte mobilier. B. Plus de RDT ou de renonciation à la perception du précompte mobilier en cas de montage «nonauthentique» En ce qui concerne les RDT, le projet introduit une exception à la déduction des RDT dès lors que les revenus y relatifs proviennent - «d une société qui distribue des revenus qui sont liés à un acte juridique ou à un ensemble d actes juridiques ; 2
- dont l administration, compte tenu de l ensemble des faits et circonstances pertinents, a démontré, sauf preuve contraire, que cet acte ou cet ensemble d actes n est pas authentique ; et - est mis en place pour obtenir, à titre d objectif principal ou au titre d un des objectifs principaux, la déduction des revenus visés à l article 202 1 er 1 et 2, la renonciation visée à l article 266, alinéa 1, de ces revenus, ou un des avantages de la directive 2011/96/EU, dans un autre Etat membre de l Union européenne» (nouvel article 203 1 er alinéa 1 er 7 CIR 92). Une mesure identique a été adoptée en matière de renonciation à la perception du précompte mobilier. Cette renonciation se verra exclue en ce qui concerne les dividendes qui sont liés à un acte juridique ou à un ensemble d actes juridiques dont l administration démontre que ces actes ne sont pas authentiques (dernier alinéa nouveau de l article 266 CIR 92). A cet égard, le projet de loi reprend mot pour mot la définition de la «non-authenticité» de la directive «mère-filiale» et considère que, pour l application du régime RDT et de la renonciation à la perception du précompte mobilier, «un acte juridique ou un ensemble d actes juridiques est considéré comme non-authentique dans la mesure où cet acte ou cet ensemble d actes n est pas mis en place pour des motifs commerciaux valables qui reflètent la réalité économique» (article 203 2 nouveau CIR 92 et 266, dernier alinéa, CIR 92). En conséquence, le dividende distribué sera imposé dès lors que l administration aura établi que cette distribution s inscrit dans le cadre d un ou de plusieurs actes juridiques nonauthentiques. Encore faut-il déterminer les cas dans lesquels l on se trouvera dans le cadre d un montage «non-authentique», qui n aurait pas été mis en place pour des motifs commerciaux valables, reflétant la réalité économique. Les exposés des motifs de la directive et du projet de loi donnent peu d indications à cet égard. L exposé des motifs du projet de loi précise toutefois que, «le but n est pas d interpréter de manière trop restrictive les mots motifs commerciaux valables. La référence à des motifs commerciaux valables n a donc pas non plus pour but de ne pas prendre en considération des motifs économiques qui ne sont pas des motifs commerciaux (au sens strict). Ainsi, la présente disposition anti-abus n a pas pour but d inclure dans son champ d application la gestion financière active d une société holding et de la considérer comme abusive» (Doc. parl, n 54-2052/001, pp. 9-10.). Une main semble donc avoir été tendue par le Gouvernement belge, qui a vraisemblablement pensé nécessaire de rassurer les différents acteurs économiques structurant leurs activités de holding via des sociétés holding belges. 3
Toujours est-il, qu à l exception de cette mention dans les travaux préparatoires, aucun élément concret ne pointe l un ou l autre montage qu il conviendra de considérer comme nonauthentique, au sens de la directive transposée en droit belge. On peut toutefois, d ores et déjà, penser aux structurations de sociétés ayant été sujettes à des plus-values internes non imposées ; les structurations par lesquelles les bénéfices de sociétés sont transférés à des sociétés holding dépourvues de substance Rappelons enfin que, outre cette nouvelle mesure anti-abus générale, l administration pourra également faire appel à l article 344 1 er CIR 92, dont l application combinée n est pas exclue par les travaux préparatoires. IV. ENTRÉE EN VIGUEUR? Les directives modifiant la directive «mère filiale» (n 2014/86/UE du 8 juillet 2014 et n 2015/121 du 27 janvier 2015), devaient, en principe, être transposées dans le droit national pour le 31 décembre 2015 au plus tard. Étant une transposition tardive, le projet de loi prévoit une entrée en vigueur rapide : - en ce qui concerne les nouvelles exceptions et/ou limitations du régime des RDT, la loi s appliquera aux revenus alloués ou attribués à partir du 1 er janvier 2016 (sauf si le premier jour du mois qui suit celui de la publication de la loi au Moniteur belge tombe en 2017, auquel cas loi sera d application à partir du 1 er janvier 2017) ; - en ce qui concerne la renonciation à la perception du précompte mobilier, la loi sera d application pour les revenus qui sont attribués ou mis en paiement à partir du premier jour du mois qui suit celui de sa publication du Moniteur belge. V. CONCLUSION Les nouvelles dispositions anti-abus de la directive «mère-filiale» constituent une nouvelle donnée à prendre en compte dans toutes les structurations futures de sociétés. Par ailleurs, dès lors que ces mesures sont, selon le projet, applicables aux revenus attribués, alloués ou mis en paiement à partir de l entrée en vigueur de la loi (et non aux actes juridiques considérés comme «non-authentiques» par l administration), la question est de savoir si l administration pourrait, sur cette base et de manière rétroactive, remettre en cause les structurations de sociétés passées et refuser aux sociétés belges concernées le bénéfice du régime des RDT ou de la renonciation à la perception du précompte. Cette application rétroactive des mesures antiabus nous semble à tout le moins contestable mais l on regrettera à cet égard l absence de précision des travaux parlementaires. 4
En tous les cas, une évaluation de la compatibilité des structurations de sociétés actuelles, au regard de ces nouvelles mesures anti-abus, s avèrerait nécessaire. Contact : département droit fiscal tax@tetralaw.com Disclaimer : Les informations juridiques développées dans les «TETRALERT» sont des commentaires généraux à caractère purement informatif et ne peuvent en aucun cas être considérées comme étant des conseils juridiques. Celles-ci ne visent pas à tenir compte des circonstances propres applicables à une personne ou entité en particulier. Tetra Law s efforce bien entendu de fournir une information précise et la plus à jour possible, il ne peut cependant être garanti que cette information soit toujours exacte à la date à laquelle la TETRALERT est lue ou qu elle le sera encore à l avenir. Toute personne veillera donc à s informer auprès d un conseiller professionnel et qualifié pour sa situation personnelle. Tetra Law décline toute responsabilité pour tout dommage qui pourrait être causé par des informations figurant dans ses «TETRALERT». Tetra Law n'est en outre aucunement responsable du contenu de sites internet externes qui seraient renseignés dans ces TETRALERT. ***** 5