20 SEPTEMBRE 2001 C.98.0451.N/1 N C.98.0451.N D. J., Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, contre RAPS & C GEWURTSWERK, société de droit allemand. LA COUR, Ouï Monsieur le conseiller Londers en son rapport et sur les conclusions de Madame De Raeve, avocat général ; Vu l'arrêt attaqué, rendu le 30 janvier 1998 par la cour d'appel d'anvers ; Sur le premier moyen, libellé comme suit, pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 19, 1043 et 1055 du Code judiciaire et, pour autant que de besoin, de l'article 1648 du Code civil, en ce que, par l'arrêt attaqué, la cour d'appel de Gand a déclaré recevable l'appel formé par la requête déposée le 30 juillet 1993 par la défenderesse contre le jugement interlocutoire rendu le 4 mars 1985, a annulé ensuite le jugement rendu le 4 mars 1985 et, partant, le jugement rendu le 11 juin 1990 et, statuant à nouveau, a déclaré irrecevable la demande reconventionnelle introduite par le demandeur, par les motifs suivants : "L'appel principal formé contre le jugement rendu le 4 mars 1985. Par requête déposée le 30 juillet 1993, (la défenderesse) a interjeté appel du jugement rendu le 4 mars 1985 par la deuxième chambre du tribunal de commerce de Gand déclarant la demande principale de (la défenderesse) et la demande reconventionnelle du (demandeur) recevables et désignant le professeur V. H. à titre d'expert. Après avoir exécuté sa mission, le 21 janvier 1986, l'expert a déposé son rapport. Le
20 SEPTEMBRE 2001 C.98.0451.N/2 jugement définitif a été prononcé le 11 juin 1990. Le 17 août 1990, (le demandeur) a formé un appel principal contre ce jugement et (la défenderesse) a incidemment interjeté appel de ce même jugement le 21 mai 1993. ( ) C'est à tort que la recevabilité de l'appel du jugement rendu le 4 mars 1985 est contestée. Le premier juge a considéré que : 'A l'audience du 18 février 1985, les parties ont marqué leur accord à la désignation d'un expert chargé de la mission décrite ci-après dans le dispositif'. Pour pouvoir introduire un appel contre ce jugement qui n'est pas un jugement au sens de l'article 1043 du Code judiciaire dès lors qu'il n'apporte pas de solution au litige entre les parties, (la défenderesse) doit avoir un intérêt. (La défenderesse) a cet intérêt dès lors qu'après la prononciation du jugement, elle a estimé utile d'invoquer un délai prescrit à peine de déchéance et que ce nouvel argument requiert l'annulation de la décision par laquelle le premier juge a déclaré la demande reconventionnelle recevable. L'appel principal du jugement rendu le 4 mars 1985 n'a pas été formé par la partie qui a préalablement interjeté appel du jugement définitif rendu le 11 juin 1990. L'article 1055 du Code judiciaire n'est pas applicable en l'espèce. ( ) Ainsi qu'il a été dit ci-avant, (la défenderesse) a incidemment formé appel contre le jugement rendu le 11 juin 1990. Cette partie a un intérêt pour ce faire : dans les circonstances données, l'appel lui permet d'éventuellement obtenir l'annulation du jugement rendu le 11 juin 1990 en tant qu'il réitère la décision du 4 mars 1985 déclarant la demande reconventionnelle recevable (arrêt attaqué, pages 2 et 3, n 2), alors que, première branche, il est contradictoire de constater d'une part que, par conclusions déposées le 21 mai 1993, la défenderesse a incidemment interjeté appel du jugement définitif rendu le 11 juin 1990 et de décider d'autre part que l'appel principal introduit par requête déposée le 30 juillet 1993 par la défenderesse contre le jugement interlocutoire rendu le 4 mars 1985 n'a pas été formé par la partie qui a préalablement interjeté appel du jugement définitif rendu le 11 juin 1990 ; que la contradiction consiste en ce que les juges d'appel ont constaté et décidé, d'une part, que la défenderesse avait incidemment interjeté appel du jugement définitif rendu le 11 juin 1990 par la voie des conclusions déposées le 21 mai 1993 et, d'autre part, que lors de l'introduction de l'appel principal du jugement interlocutoire rendu le 4 mars 1985 par le dépôt de la requête du 30 juillet 1993, elle n'avait pas encore formé
20 SEPTEMBRE 2001 C.98.0451.N/3 appel contre le jugement définitif rendu le 11 juin 1990 ; que cette contradiction dans les motifs équivaut à une absence de motifs et que, dès lors, l'arrêt ne satisfait pas aux conditions de forme prescrites à l'article 149 de la Constitution ; deuxième branche, conformément à l'article 1055 du Code judiciaire, même s'il a été exécuté sans réserves, tout jugement avant dire droit peut être frappé d'appel avec le jugement définitif ; qu'après avoir constaté que la défenderesse a incidemment interjeté appel du jugement rendu le 11 juin 1990 par la voie des conclusions déposées le 21 mai 1993, les juges d'appel n'ont pas pu déclarer recevable l'appel formé par la défenderesse contre le jugement avant dire droit rendu le 4 mars 1985 par le dépôt de la requête du 30 juillet 1993, soit après l'appel du jugement définitif formé par la défenderesse, sans violer l'article 1055 du Code judiciaire (violation de l'article 1055 du Code judiciaire) ; troisième branche, conformément à l'article 1648 du Code civil, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un bref délai ; que le bref délai visé à cet article est un délai légal prescrit à peine de déchéance qui à trait à la recevabilité de la demande ; que l'action originairement introduite le 20 mars 1984 par la défenderesse tendait à obtenir le paiement de trois factures pour la livraison des produits Biostart plus et Rotblock M ; que, par demande reconventionnelle, le demandeur a demandé la dissolution de la vente et la réparation de son préjudice, ces produits étant entachés de vices cachés ; que, par jugement rendu le 4 mars 1985, le tribunal de commerce de Gand a déclaré la demande principale et la demande reconventionnelle recevables et a désigné un expert, après avoir constaté "qu'à l'audience du 18 février 1985, les parties ont marqué leur accord à la désignation d'un expert chargé de la mission décrite ci-après dans le dispositif" ; que, dans le dispositif, la mission de l'expert est décrite en ces termes : "- examiner et décrire le matériel livré par (la défenderesse) au (demandeur) ; - déterminer si ce matériel convient à la réalisation de la production envisagée par (le demandeur) ; - établir si les produits fabriqués à l'aide du matériel livré par (la défenderesse) au (demandeur) pouvaient être mis sur le marché et étaient consommables par l'homme" ; qu'ainsi, l'expert a été chargé de constater si les produits livrés par la défenderesse étaient entachés
20 SEPTEMBRE 2001 C.98.0451.N/4 d'un vice caché ; que, conformément à l'article 1043 du Code judiciaire, les parties peuvent demander au juge d'acter l'accord qu'elles ont conclu sur la solution du litige dont il est régulièrement saisi ; que ce jugement n'est susceptible d'aucun recours de la part des parties litigantes ; qu'un jugement d'accord au sens de cette disposition légale ne doit pas nécessairement inclure tous les points de la contestation ; que le jugement rendu le 4 mars 1985 est un jugement d'accord, dès lors qu'il a apporté une solution à la contestation relative à la désignation de l'expert ; que la mission de l'expert, telle qu'elle est décrite dans le dispositif du jugement rendu le 4 mars 1985, tend à faire vérifier si les griefs concernant les vices cachés sont fondés et est par conséquent relative au bien-fondé de la demande reconventionnelle de sorte que l'accord des parties quant à la désignation de l'expert implique leur accord préalable quant à la recevabilité de la demande reconventionnelle ; que, dès lors, en décidant que l'appel principal formé par la défenderesse contre le jugement rendu le 4 mars 1985 statuant sur la recevabilité de la demande reconventionnelle est recevable, les juges d'appel violent l'article 1043 du Code judiciaire et, pour autant que de besoin, l'article 1648 du Code civil ; quatrième branche, dans ses conclusions, le demandeur a fait valoir "que, lorsqu'elle a ensuite marqué son accord à la désignation de l'expert, (la défenderesse) s'est nécessairement engagée à ne plus se prévaloir de la tardiveté des griefs concernant les vices invoqués des livraisons de (la défenderesse) ; qu'il est exclu et totalement contradictoire de consentir dans un premier temps à la désignation d'un expert chargé de l'examen des plaintes concernant les vices cachés pour ensuite, à la fin de l'expertise, invoquer la tardiveté de ces plaintes et, par conséquent, considérer les conclusions de l'expertise comme dénuées de pertinence ( ) ; qu'en consentant à la désignation de l'expert, (la défenderesse) s'est privée du droit de soulever l'exception de tardiveté" (conclusions additionnelles déposées le 29 mars 1994, page 2) ; que, ni par les motifs précités, ni par d'autres motifs, les juges d'appel n'ont répondu à ce moyen de défense régulièrement invoqué dans les conclusions du demandeur ; que, dès lors, l'arrêt n'est pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution) : ( )
20 SEPTEMBRE 2001 C.98.0451.N/5 Quant à la deuxième branche : Attendu que, conformément à l'article 1055 du Code judiciaire, même s'il a été exécuté sans réserves, tout jugement avant dire droit ou statuant sur la compétence peut être frappé d'appel avec le jugement définitif ; Que l'obligation d'interjeter simultanément appel du jugement définitif et du jugement avant dire droit incombe à l'auteur de l'appel principal et non à l'auteur de l'appel incident, ce dernier appel étant nécessairement limité à la décision attaquée par l'appel principal ; Que l'article précité ne s'oppose pas à ce que, postérieurement à son appel incident, l'auteur de cet appel forme encore un appel principal contre un jugement avant dire droit ; Attendu que l'arrêt déclare recevable l'appel formé par la défenderesse contre le jugement avant dire droit rendu le 4 mars 1985 par le motif qu'il n'a pas été introduit par le demandeur qui a antérieurement formé un appel principal contre le jugement définitif rendu le 11 juin 1990 ; Qu'ainsi, il ne viole pas l'article 1055 du Code judiciaire ; Que le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli ; Quant à la troisième branche : Attendu que, conformément à l'article 1043, alinéa 1 er, du Code judiciaire, les parties peuvent demander au juge d'acter l'accord qu'elles ont conclu sur la solution du litige dont il est régulièrement saisi ; Qu'en vertu de l'article 1043, alinéa 2, du même code, ce jugement n'est en principe susceptible d'aucun recours ; Attendu que le jugement dont appel rendu le 4 mars 1985 constate "qu'à l'audience du 18 février 1985, les parties (ont marqué) leur accord à la désignation d'un expert chargé de la mission décrite ci-après dans le dispositif" ; Qu'ensuite, le jugement dont appel déclare d'une part la demande principale et la demande reconventionnelle recevables et, d'autre part, ordonne une mesure d'expertise "avant de statuer au fond" ; Attendu que l'accord des parties consistant à faire désigner un expert chargé de la mission que le juge déterminera, avant toute décision au fond, ne constitue pas un accord conclu sur la solution du litige dont le juge est régulièrement saisi ;
20 SEPTEMBRE 2001 C.98.0451.N/6 Que, par conséquent, le jugement ordonnant une mesure d'instruction conformément à l'accord des parties n'est pas une décision non susceptible de recours au sens de l'article 1043, alinéa 1 er, du Code judiciaire ; Que le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli ; Quant à la quatrième branche : Attendu que les juges d'appel décident que la défenderesse a intérêt à interjeter appel du jugement rendu le 4 mars 1985 par la considération "que (la défenderesse) a cet intérêt dès lors qu'après la prononciation de ce jugement, (elle) a estimé utile d'invoquer un délai prescrit à peine de déchéance et que ce nouvel argument requiert l'annulation de la décision par laquelle le premier juge a déclaré la demande reconventionnelle recevable" ; Attendu que, par ces motifs, les juges d'appel répondent au moyen de défense invoqué par le demandeur suivant lequel en consentant à la désignation de l'expert, la défenderesse a renoncé à soulever l'exception de tardiveté fondée sur l'article 1648 du Code civil et le rejettent ; Que le moyen, en cette branche, manque en fait ; PAR CES MOTIFS, Rejette le pourvoi ; Condamne le demandeur aux dépens. Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient Monsieur Verougstraete, président, Monsieur Boes, président de section, Monsieur Waûters, Monsieur Londers et Monsieur Stassijns, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt septembre deux mille un, par Monsieur Verougstraete, président, en présence de Madame De Raeve, avocat général, avec l assistance de Monsieur Van Geem, greffier. Traduction établie sous le contrôle de Monsieur le conseiller Londers et transcrite avec l assistance de Madame le greffier Massart. Le greffier, Le conseiller,