PRISE DE POSITION DE LA SOCIÉTÉ QUÉBÉCOISE DE GÉRIATRIE SUR L ONCOGÉRIATRIE

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PRISE DE POSITION DE LA SOCIÉTÉ QUÉBÉCOISE DE GÉRIATRIE SUR L ONCOGÉRIATRIE Octobre 2016

INTRODUCTION Au Canada, l incidence du cancer chez les personnes de 70 ans et plus est de 43% avec une mortalité de 62%. Connaissant l augmentation prévue de la population âgée de plus de 65 ans, l incidence accrue du cancer dans les prochaines décennies sera attribuable principalement au vieillissement de la population. Le Québec connaîtra une hausse de 35% de l incidence du cancer d ici 2030 en même temps que la croissance de sa population âgée. Cette réalité occasionne plusieurs défis face au dépistage, à l évaluation et à la prise en charge de la personne âgée atteinte de cancer. L oncogériatrie s est développée à travers le monde dans les dernières décennies à cause de ces constats et grâce à l esprit visionnaire d un bon nombre de personnes. L organisation des soins s est précisée et détaillée en Europe, tout particulièrement en France, et aux États-Unis. L un des principaux défis repose sur le fait que la population âgée est une population hétérogène tout comme le cancer est une maladie hétérogène. Il est donc difficile d établir des règles et des principes convenant à l ensemble de la population touchée. La population âgée étant faiblement représentée dans les études cliniques, bien souvent l ajustement des traitements a été extrapolé des études faites sur des sujets plus jeunes, il est donc important de développer des études cliniques plus représentatives. Une évaluation et une prise en charge adaptée et personnalisée est aussi de mise. Des ressources en oncogériatrie existent déjà dans différents centres hospitaliers québécois et continuent à se développer. Toutefois, ces ressources étant limitées, la Société québécoise de gériatrie (SQG) considère qu il est important d offrir aux médecins oeuvrant auprès des personnes âgées des outils pour faciliter l évaluation de cette population. LE DÉPISTAGE Tous les patients âgés atteints de cancer ont-ils besoin d une évaluation ou d une prise en charge en oncogériatrie? Bien évidemment la réponse à cette question est non. Il n y aura pas assez de gériatres ou d oncologues pour accomplir cette tâche et il n est pas souhaitable d appliquer cette approche à des 2

patients qui peuvent bénéficier du parcours usuel en oncologie. Plusieurs études se sont penchées sur des outils de dépistage permettant de déterminer quelles sont les personnes qui bénéficieraient d une évaluation en oncogériatrie. Divers outils de dépistage sont cités dans la littérature oncogériatrique. Le G8 (cf. annexe) est l outil actuellement le plus utilisé et le plus mentionné 1. Le G8 a été développé en France par l équipe de Dr Pierre Soubeyran : il est basé sur le Mini Nutritional Assessment (MNA), il peut être administré par un professionnel de la santé et ne prend que quelques minutes. Un score 14/17 indique un profil gériatrique. Sa sensibilité est de 76.6 % et sa spécificité est de 64.4 %. Ses faiblesses se situent au niveau de la spécificité abaissée, l évaluation sommaire de l humeur et de l état cognitif et l absence de marqueurs socio-économiques. Une nouvelle version du G8 incluant des questions sur les AVD en remplacement de celle sur l atteinte neuropsychologique s est avérée légèrement plus performante 2. Le VES-13 et le Flemish Triage Risk Screening Tool (ftrst) sont d autres outils retrouvés dans la littérature. Tous ces outils s adressent surtout au médecin référent, pour lui permettre de diriger, le cas échéant, un patient pour une évaluation gériatrique standardisée en oncogériatrie (lorsque disponible) ou à tout le moins par une équipe de soins aux personnes âgées. Certains de ces outils sont disponibles sur des applications pour téléphone intelligent. La SQG favorise l utilisation de l outil de dépistage G8. Lorsque le dépistage s avère positif, une évaluation gériatrique standardisée est recommandée. L ÉVALUATION GÉRIATRIQUE STANDARDISÉE (EGS) Lorsqu une personne âgée souffrant d un cancer est considérée frêle, vulnérable ou présente un profil gériatrique, soit par un test de dépistage ou par l évaluation clinique, il est recommandé qu elle soit dirigée vers une évaluation gériatrique standardisée. Les objectifs de cette évaluation peuvent être multiples : estimer l espérance de vie, structurer et optimiser la prise en charge, améliorer la qualité de vie, prévenir et devancer les complications, identifier des conditions réversibles ou nouvelles, améliorer la capacité fonctionnelle, préciser et 3

déterminer l aptitude, réduire le recours inutile aux services de soins, optimiser les orientations du milieu de vie ou clarifier le support social. Ce type d évaluation est basée sur l évaluation gériatrique usuelle, avec une attention particulière portée aux marqueurs de fragilité, tout en tenant compte des diverses options de traitement disponibles et de l impact de celles-ci sur le patient afin d assurer un plan de traitement adapté. L évaluation de l état fonctionnel, des comorbidités en incluant les syndromes gériatriques dont la polypharmacie, les fonctions cognitives, l état psychologique, le support social et l état nutritionnel sont les éléments principaux de l évaluation en oncogériatrie. - État fonctionnel Il n est pas possible de déterminer avec exactitude et précision l espérance de vie estimée de chaque individu. Les tables de Walter et Covinski 3 sont celles les plus utilisées pour les tranches d âge supérieure à 70 ans jusqu à 95 ans selon les comorbidités. L évaluation selon les échelles de performance usuelles d oncologie (ECOG, Karnofsky) reflète mal les atteintes fonctionnelles alors que celles-ci ont un impact plus significatif sur la prédiction de la tolérance aux traitements. Les AVQ et AVD sont de meilleurs éléments prédicteurs de la tolérance aux traitements. Le Timed Up and Go (TUG) et la vitesse de marche ( 0.8 m/s) peuvent être utilisés comme outils de dépistage et de prédiction de mortalité et de morbidité. La fragilité telle que décrite par Fried peut bien entendu avoir un impact dès que le diagnostic est posé. La majorité de ses composantes sont inclues dans l évaluation standardisée, la force de préhension est souvent rajoutée vu son influence sur la mortalité et qu il s agit aussi d un reflet de l état nutritionnel. Le Balducci Frailty Criteria (dépendance dans 1 AVD, comorbidités 3, syndrome gériatrique 1) serait un meilleur indicateur de complications postopératoires selon certaines études. Il s agit d un outil validé dans la population oncologique. Plusieurs autres échelles de fragilité sont disponibles mais elles ne sont majoritairement pas validées pour une population oncologique. L évaluation de la fragilité du patient demeure essentiellement clinique. 4

La SQG recommande d effectuer l évaluation des AVD et AVQ, la force de préhension et la vitesse de marche pour mesurer l état fonctionnel dans le cadre de l évaluation gériatrique standardisée oncogériatrique. - Comorbidités Les comorbidités telles que l insuffisance cardiaque et le diabète ont un impact sur le pronostic et la tolérance aux traitements. Le nombre et la sévérité des comorbidités peuvent, de façon générale, modifier la trajectoire de la maladie. L Adult Comorbidity Evaluation Index 27 (ACE-27), le Charlson Comorbidity Index (CCI) et le Cumulative Illness Rating-Geriatrics (CIRS-G), sont les index les plus fréquemment mentionnés. La SQG favorise l utilisation du Charlson Comorbidity Index (CCI) afin de mesurer l impact attendu des comorbidités dans le cadre de l évaluation gériatrique standardisée oncogériatrique. - Polypharmacie Le traitement du cancer s accompagne bien souvent d une pléthore de prescriptions qui s ajoute à la médication déjà prise par le patient occasionnant des effets secondaires, des interactions médicamenteuses et la non observance au traitement pouvant culminer en un ensemble de phénomènes qui ont un impact également sur la toxicité des traitements. Une réévaluation de la médication lors de chaque visite est recommandée. L utilisation des critères START, STOPP et Beers est préconisée. La SQG recommande d utiliser les critères START, STOPP et Beers afin d évaluer la polypharmacie dans le cadre de l évaluation gériatrique standardisée oncogériatrique. - Fonction cognitive L atteinte cognitive a non seulement une influence sur la mortalité et la morbidité mais également sur la prise de décision, l observance aux traitements et la capacité à reconnaître adéquatement les effets secondaires et à consulter le cas échéant. Il est primordial d évaluer dès le départ les fonctions cognitives car cela permettra entre autres de prédire et prévenir le risque de délirium et de mesurer l impact que peuvent avoir ultérieurement les interventions thérapeutiques proposées sur l état cognitif. Le MiniCog est suggéré comme outil de dépistage 5

primaire, le Mini Mental State Examination (MMSE) et le Montreal Cognitive Assessment (MoCA) sont suggérés pour une évaluation plus poussée. Le MoCA s est avéré un meilleur indicateur chez les patients souffrant de métastases cérébrales 4. Une évaluation clinique de la cognition est recommandée pour tous les patients. La SQG recommande l utilisation de l outil MiniCog en dépistage primaire des fonctions cognitives, et de poursuivre avec le MMSE et le MoCA si une évaluation plus poussée est nécessaire, dans le cadre de l évaluation gériatrique standardisée oncogériatrique. - État psychologique La détresse psychologique est fréquente dans la population oncologique et survient de façon concomitante avec la fatigue à bien des égards. Il est recommandé de l évaluer lorsqu un patient se plaint uniquement de fatigue. Le DT ou The Distress Thermometer est un outil permettant d identifier des atteintes sur le plan pratique, familial, religieux ou spirituel, émotionnel et physique. L évaluation de la détresse est maintenant devenue obligatoire dans la prise en charge de patients atteints de cancer. D autres échelles sont présentement à l étude. La Geriatric Depression Scale (GDS) est l échelle la plus souvent mentionnée pour l évaluation de la dépression à proprement parler. La SQG recommande l utilisation de l échelle Geriatric Depression Scale (GDS) pour objectiver l état psychologique dans le cadre de l évaluation gériatrique standardisée oncogériatrique. - Support social L isolement social a été identifié comme un prédicteur significatif de la mortalité. L évaluation sociale est donc primordiale sans oublier de vérifier si le patient est lui-même un aidant naturel, aspect qui peut avoir un impact sur les décisions du patient et son observance au traitement. Le support des aidants dès le début et durant tout le processus s avère d importance capitale. L implication de l équipe interdisciplinaire est également requise. La SQG considère que l évaluation du réseau social est primordiale dans le cadre de l évaluation gériatrique standardisée oncogériatrique et devrait 6

impliquer au besoin des membres de l équipe interdisciplinaire (infirmièreclientèle, travailleur social, etc.) - État nutritionnel La malnutrition est souvent sous diagnostiquée chez le sujet âgé atteint de cancer et est associée à un risque augmenté de toxicité hématologique sévère, de mortalité et d hospitalisation prolongée. La probabilité de mener à terme les traitements de chimiothérapie est également réduite. Un indice de masse corporelle (IMC) inférieur à 23, une perte de poids 5% du poids en 6 mois et un poids < 80 % du poids idéal sont des éléments qui nécessitent une prise en charge individualisée. Le Mini Nutritional Assessment (MNA) peut aussi être utile pour détecter la malnutrition. Le dosage de l albumine est fréquemment utilisé mais celui-ci ne constitue pas un bon marqueur de l état nutritionnel. La SQG recommande l utilisation du MNA et l évaluation de la perte de poids comme outils de dépistage de la malnutrition dans le cadre de l évaluation gériatrique standardisée oncogériatrique. PRISE EN CHARGE PRÉCONISÉE SUITE À L ÉVALUATION GÉRIATRIQUE STANDARDISÉE Lorsque les résultats de l évaluation démontrent la présence de conditions médicales nouvelles, réversibles ou autre syndromes gériatriques, la prise en charge des patients suite à des résultats est primordiale. Elle peut différer selon le type d intervention prévue, soit la chirurgie, la chimiothérapie, la radiothérapie ou une combinaison de tous ces traitements. Une prise en charge en interdisciplinarité avec une collaboration entre les équipes de gériatrie et d oncologie est la meilleure option pour s assurer d accompagner le patient et sa famille sur une trajectoire de soins optimale. Il pourra être recommandé de poursuivre avec le plan de soins standard, de limiter les interventions, de ne pas procéder aux interventions vu les risques trop élevés ou de procéder aux interventions après certains ajustements (ex : amélioration de l état nutritionnel, diminution des doses, etc.). Mis à part les différents éléments de l évaluation mentionnés plus haut, d autres aspects doivent être pris en compte lors de la prise en charge. De manière 7

générale, la prévention du délirium est de mise selon les recommandations usuelles telles que celles de l approche adaptée à la personne âgée et de la prise de position de la Société québécoise de gériatrie sur le délirium. Dans les cas où le risque de délirium est élevé un suivi par l équipe de consultation gériatrique peut être suggérée particulièrement en postopératoire. La limitation de la durée d anesthésie, l usage approprié des narcotiques ainsi que le fait d éviter les benzodiazépines à moins d indications spécifiques (sevrage de benzodiazépine, sevrage d alcool) contraires, sont également recommandés. L aptitude du patient à consentir ou non à ses traitements est un point à considérer tout comme l intensité du niveau de soins souhaitée par le patient. Sur le plan chirurgical les recommandations des dernières lignes directrices sur l évaluation préopératoire du patient âgé de l American College of Surgeons (ACS) et de l American Geriatrics Society (AGS) publiées en 2012 s appliquent en chirurgie oncologique. Si des traitements de chimiothérapie ou de radiothérapie sont prévus, une adaptation de la prise en charge globale peut être nécessaire en raison des toxicités liées aux traitements prévus et cela selon les comorbidités propres au patient. Des outils sont disponibles pour prédire la toxicité secondaire aux traitements de chimiothérapie 5 6. Les traitements nécessitant une combinaison de chimiothérapie et radiothérapie sont plus susceptibles de causer des effets secondaires significatifs. La SQG recommande une prise en charge interdisciplinaire, comprenant entre autres le dépistage du délirium et l évaluation de l aptitude dans le cadre de la prise en charge suite à l évaluation gériatrique standardisée oncogériatrique. La SQG recommande de s assurer d une discussion interdisciplinaire entre médecins oeuvrant auprès de la clientèle âgée, chirurgiens, radiooncologues et oncologues dans le but d opter pour les traitements visant à minimiser la toxicité chez le patient fragile. 8

ALGORITHME DÉCISIONNEL Dépistage des patients 70 ans atteints d un cancer (à l aide du G8) Score > 14 Score 14 Cursus usuel en oncologie Évaluation gériatrique standardisée Par une équipe de soins aux personnes âgées, un gériatre ou l oncogériatre lorsque disponible Syndromes gériatriques en cours d évolution Traitement usuel Prise en charge interdisciplinaire Traitement non recommandé Traitement selon certains ajustements Prise en charge interdisciplinaire 9

RÉSUMÉ DES RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES La SQG favorise l utilisation de l outil de dépistage G8. Lorsque le dépistage s avère positif, une évaluation en oncogériatrie est recommandée. La SQG recommande d effectuer l évaluation des AVD et AVQ, la force de préhension et la vitesse de marche pour mesurer l état fonctionnel dans le cadre de l évaluation gériatrique standardisée oncogériatrique. La SQG favorise l utilisation du Charlson Comorbidity Index (CCI) afin de mesurer l impact attendu des comorbidités dans le cadre de l évaluation gériatrique standardisée oncogériatrique La SQG recommande d utiliser les critères START, STOPP et Beers afin d évaluer la polypharmacie dans le cadre de l évaluation gériatrique standardisée oncogériatrique. La SQG recommande l utilisation de l outil MiniCog en dépistage primaire des fonctions cognitives, et de poursuivre avec le MMSE et le MoCA si une évaluation plus poussée est nécessaire, dans le cadre de l évaluation gériatrique standardisée oncogériatrique. La SQG considère que l évaluation du réseau social est primordiale dans le cadre de l évaluation gériatrique standardisée oncogériatrique et devrait impliquer au besoin des membres de l équipe interdisciplinaires (infirmière-clientèle, travailleur social, etc.) La SQG recommande l utilisation du MNA et l évaluation de la perte de poids comme outils de dépistage de la malnutrition dans le cadre de l évaluation gériatrique standardisée oncogériatrique. La SQG recommande une prise en charge interdisciplinaire, comprenant entre autres le dépistage du délirium et l évaluation de l aptitude dans le cadre de la prise en charge suite à l évaluation gériatrique standardisée oncogériatrique. La SQG recommande de s assurer d une discussion interdisciplinaire entre médecins oeuvrant auprès de la clientèle âgée, chirurgiens, radiooncologues et oncologues dans le but d opter pour les traitements visant à minimiser la toxicité attendue dans le cadre de patients fragiles. 10

La SQG recommande en premier lieu de référer les patients aux équipes spécialisées en soins aux personnes âgées (SPA), le cas échéant à une équipe d oncogériatrie selon les ressources disponibles dans le milieu régional. Tableau récapitulatif des outils recommandés pour l évaluation gériatrique standardisée Domaine évalué Outils SQG Outils SIOG* Outils NCCN* État cognitif Statut fonctionnel MiniCog MMSE MoCA AVQ AVD Vitesse de marche Force de préhension Mini Mental State Examination (MMSE) - Clock Drawing Test (Sunderland et al., 1989) Activities of Daily Living (ADL) (Katz) - Barthel Index (BI) - Instrumental Activities of Daily Living (IADL) MiniCog MMSE MoCA ADL IADL TUG Gait speed État nutritionnel IMC Perte de poids 5% du poids MNA Mini Nutritional Assessment (MNA) - Mini Nutritional Assessment Short Form (MNA-SF) IMC ( 22) 5% weight loss État psychosocial Geriatric Depression Scale (GDS) Geriatric Depression Scale (GDS) Geriatric Depression Scale (GDS) Polypharmacie Révision de la médication Critères START STOPP Beers Révision de la médication Bilan comparatif Révision de la médication Observance 11

Domaine évalué Outils SQG Outils SIOG* Outils NCCN* Comorbidités Charlson Comorbidity Index (CCI) Charlson Comorbidity Index (CCI) - Cumulative Illness Rating Scale Geriatrics Adult Comorbidity Evaluation Index 27 (ACE-27) Charlson Comorbidity Index (CCI) Cumulative Illness Rating Scale (CIRS) * Les principaux organismes responsables des lignes directrices en oncogériatrie sont la Société Internationale d Oncogériatrie (SIOG) et le National Comprehensive Cancer Network (NCCN) section Older Adults Oncology CONCLUSION Le cancer dans la population âgée est une réalité grandissante qui doit mobiliser l ensemble des soignants appelés à intervenir dans la trajectoire du patient. Le dépistage de patients vulnérables en première ligne est primordial. L évaluation gériatrique standardisée fournit une appréciation globale de l état du patient et de ses proches, de ses attentes et des paramètres qui permettront dans leur ensemble d assurer une prise en charge adaptée et personnalisée. L oncogériatrie est en constant développement avec des ressources disponibles dans plusieurs centres québécois (Hôpital Général Juif de Montréal, Centre Hospitalier Affilié Hôpital de l enfant-jésus à Québec, Centre Hospitalier Universitaire de Québec-CHUQ Hôtel-Dieu, Hôpital Charles-Lemoyne, Centre Hospitalier de l Université de Montréal-CHUM, Centre Hospitalier Le Gardeur, Centre Hospitalier Pierre Boucher). Une approche interdisciplinaire est de mise en maintenant une collaboration entre les équipes de gériatrie et d oncologie. 12

RÉFÉRENCES 1. SIOG practice guideline, Comprehensive Geriatric Assessment (CGA) in oncological patients. 2. Petit-Moneger A. et al, Detection of frailty in elderly cancer patients : Improvement of the G8 screening test, JGO, 2016 (7) 3. Walter LC., Covinsky KE., Cancer screening in elderly patients : a framework for individualized decision making, JAMA, 2001, 285 4. Olson RA et al, Feasibility study of the Montreal Cognitive Assessment (MoCA) in patients with brain metastases, Support Care Cancer, 2008;16 5. Hurria A et al, Predicting Chemotherapy Toxicity In Older Adults With Cancer: A Prospective Multicenter Study, JCO, 2011 (29) 6. Extermann M. et al, Predicting the risk of chemotherapy toxicity in older patients: The Chemotherapy Risk Assessment Scale for High-Age Patients (CRASH) score, Cancer, 2012 7. NCCN Guidelines version 1.2016, Older Adult Oncology 8. Geriatric oncology : an overview, JCO, 2014, Aug 20 ; 32 (24) 9. Decoster L. et al, Screening tools for multidimensional health problems warranting a geriatric assessment in older cancer patients: an update on SIOG recommendations, Ann Oncol, 2015, Feb 26(2) 10. Bourque, P., Blanchard, L., & Vézina, J. Étude psychométrique de l'échelle de dépression gériatrique. Revue Canadienne du Vieillissement, 1990 ; 9, 348-355. 11. Wieldiers H. et al, International Society of Geriatric Oncology Consensus on geriatric Assessment in Older Patients with Cancer, JCO, 2014, Aug 20 ; 32 (24) 12. Family practice notebook 13. Agence de la santé publique du Canada 14. Société Canadienne du Cancer 15. Statistiques Canada 16. Santé Canada 17. http://www.alz.org/documents_custom/minicog.pdf 18. Oncoscale, application pour téléphone intelligent 13

ANNEXES 14

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Upper, Middle, and Lower Quartiles of Life Expectancy for Women and Men at Selected Ages Walter, L. C. et al. JAMA 2001;285:2750-2756. 16

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