Direction régionale et interdépartementale de l Équipement et de l Aménagement d Ile-de-France. www.driea.ile-de-france.developpement-durable.gouv.



Documents pareils
Résumé non technique. Tableaux d estimation

ACOUPHEN ENVIRONNEMENT GROUPEMENT COORDONNE PAR LA COMMUNE DE MONTESSON ETUDE REALISEE POUR LE COMPTE DU : RAPPORT D ETUDE RA A

P.L.U. Plan Local d'urbanisme PRESCRIPTION D'ISOLEMENT ACOUSTIQUE AU VOISINAGE DES INFRASTRUCTURES TERRESTRES DOCUMENT OPPOSABLE

Quelle qualité de l air au volant? Premiers éléments de réponse en Ile-de-France

Tableau 1 Routes nouvelles ou modifiées : les infrastructures concernées

Cartes stratégiques de bruit Résumé non technique

CENSI BOUVARD. Residhome Apparthotel Paris Nanterre. Nanterre (92)

FAVORISER LES DEPLACEMENTS ET LES TRANSPORTS LES MOINS POLLUANTS EXEMPLES, PROJETS, PROSPECTIVES

Mémoire de la Corporation de développement communautaire de Côte-des-Neiges portant sur le projet de Schéma d aménagement et de développement de l

ANNEXE 2 L ACOUSTIQUE

«Tous les sons sont-ils audibles»

Pompes à Chaleur & environnement acoustique. Recommandations pour la mise en œuvre des pompes à chaleur. Fiche technique n 1

RESUMÉ NON TECHNIQUE ELABORATION DES CARTES DE BRUIT COMMUNAUTE D AGGLOMERATION DU HAUT VAL DE MARNE

ETUDE D IMPACT ACOUSTIQUE

t Vous devez élever la voix pour parler avec un collègue situé à 1 m. t Vos oreilles bourdonnent pendant ou à la fin de votre journée de travail.

Le Confidentiel Appel gratuit depuis un poste fixe. LNC.fr

PLACE DE L ACADIE MISE À JOUR DES ÉTUDES ACOUSTIQUES À PARTIR DES PLANS DE SITE RÉVISÉS SOUMIS EN DATE DU 3 DÉCEMBRE 2008

nouvel horizon Quartier Beauregard Une vue sur le soleil, une vue sur la ville

Délibération n POINT N 5 DE L'ORDRE DU JOUR -=-=-=-=-= AGENCE DE L'ENVIRONNEMENT ET DE LA MAITRISE DE L'ENERGIE CONSEIL D'ADMINISTRATION

Le réseau de transport public du

UN NOUVEAU CADRE DE VIE...

Stratégie et développement du groupe SOGARIS en logistique urbaine pour l agglomération parisienne

Les enjeux du projet Cœur de Quartier sont :

mémo santé du bâtiment Chef d entreprise artisanales Le bruit est un son désagréable et gênant.

1 INTERET ET ELEMENTS D INTERPRETATION DE L INDICATEUR

Consultation d acquéreurs en vue de la réalisation du programme de la Z.A.C. des Bergères ILOT DE LA ROTONDE - LOT N 19

Journée d information du 5 novembre Mobilité Multimodale Intelligente Urbanisme, tourisme, logistique urbaine. économiques

Guide pédagogique. L ADEME contribue à la lutte contre le bruit. Collection Planète Précieuse

un nouveau quartier pour une qualité de vie durable Le domaine uni-vert Saint-pierre-du-perray / 91

L Envol La destination shopping et détente de Montélimar

Energie et morphologie : vers la perdurabilité de la forme urbaine? Généralités et transports. Luc Adolphe

MESURES DE BRUIT A l ÉTAT INITIAL

Cours d Acoustique. Niveaux Sonores Puissance, Pression, Intensité

Notions d acoustique contexte réglementaire et solutions de prévention

COMITE DE LIGNE METRO 13 Compte-rendu de la réunion du 09 octobre 2013

Bancs publics. Problématiques traitées : FICHE

Les Français et les nuisances sonores

Projet de Plan de Prévention du Bruit dans l Environnement (P.P.B.E) des infrastructures de transports terrestres nationales

Concertation sur la requalification des places MABIT et PRESSENSE

CODE DE SÉCURITÉ SAFETY CODE. Publié par: Le Directeur général Date de publication: 1993 Original: français PROTECTION CONTRE LE BRUIT

CONSOLIDATION des ESPACES OUVERTS

PROJET DE PÔLE COMMERCIAL SAINT-LOUIS A BREST

> REnDRE LE BRuIt visible

[Texte] GLOSSAIRE DU CDT. [Texte]

LE W, UN ÎLOT VIVANT DANS LA VILLE

Le bruit. Le bruit Page 1 sur 10

Certu. Les zones 30 en France Bilan des pratiques en 2000

20 propositions visant à assurer la mise en application du principe de développement durable au transport aérien

Les Français et les nuisances sonores. Ifop pour Ministère de l Ecologie, du Développement Durable et de l Energie

Analyse des bruits de clavier d ordinateur

ACOUSTIQUE 3 : ACOUSTIQUE MUSICALE ET PHYSIQUE DES SONS

AVIS. Objet : Demande de permis de lotir à Franc- Waret (FERNELMONT) Réf. : CWEDD/05/AV.276. Liège, le 14 mars 2005

Stratégie et développement du groupe Sogaris en logistique urbaine pour l agglomération parisienne

Vendredi 22 mars Prolongement de la ligne B du métro Toulouse > Ramonville > Labège

Roulons En Ville à Vélo

Détermination et évaluation des nuisances sonores liées à l'exploitation des établissements publics

Guide méthodologique

Lyon Part-Dieu. Une vision éclairée de l immobilier de bureaux IMMOBILIER

Grand Hameau. Une entrée de ville à la campagne

PROJET TOSA INFORMATIONS GÉNÉRALES

EXPRIMEZ-VOUS LORS DU CHOIX DE VOS PNEUS : EXIGEZ DES PNEUS SÛRS, ÉNERGÉTIQUEMENT EFFICACES ET SILENCIEUX!

Edeline. À Saint-Cloud. Imaginez votre avenir avec nous. Une co-promotion

Elaboration d une méthodologie définissant un indicateur représentatif du risque sanitaire induit par les nuisances sonores en milieu urbain

Version du 17 octobre Le bruit

MONITORING DE LA COMPÉTITIVITÉ DU TRANSPORT AÉRIEN SUISSE

L Espace Urbain de Distribution de Chapelle International Paris 18 ème arrondissement

A terme: 5000 habitants / 600 emplois

Plan d éducation au développement durable. Eduquer à la mobilité. Propositions de trois partenaires

Place à votre nouvelle vie!

Test électoral 2014 de la RTBF

Une autre façon de vivre à Lyon BBC. Bâtiment Basse Consommation

ATELIER PARISIEN D URBANISME. Le parc de bureaux parisien et son potentiel de transformation

Le Scanner 3D Dynamique

SCP d Architecture et d Aménagement du Territoire DESCOEUR F & C 49 rue des Salins, Clermont Fd. 7 juin 2010

LUTTER CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

Tableau 7: Emissions polluantes scénario «futur avec projet 2014»

Le Bruit en Europe Colloque du Conseil National du Bruit Paris, Décembre 2000

Vision stratégique du développement culturel, économique, environnemental et social du territoire

Opération d intérêt national Bordeaux Euratlantique. Point d étape

Les effets nocifs du bruit sur l'homme

Dossier de presse. Création de l observatoire sanef 1 ère étude scientifique des comportements au volant sur autoroute JUILLET 2012

L architecture de Neuilly Collection est fortement inspirée des résidences de standing de Neuilly-sur-Seine et des beaux quartiers de l Ouest

PCAR n 3083 «Îlot Square Léopold» à Namur Survey & Aménagement Février 2014 Rapport d options

Ouverture d'un point de vente L étude de la zone de chalandise.

Cartes de bruit stratégiques

LE DOMAINE DE LA PRAIRIE SAINT PIERRE LÈS ELBEUF / 76

étudié pour les étudiants!

AMMONITIA Département Investissement Etude locative

RUE DE BERCY PARIS 12 e

Enquête globale transport

Pose de la passerelle de la future gare «Entzheim-Aéroport»

ƫ ƫ ƫ DESSERVI GAGNE EN EFFICACITÉ

NaNtes NaNtes VERS PARIS VERS RENNES Erdre Domaine De l erdre NANTES

Les Terrasses du Douaire

J.9. Annexe DOSSIER D ENQUÊTE PRÉALABLE À LA DÉCLARATION D UTILITÉ PUBLIQUE

Réunion La Teste ( 08/03/10 )

47 équipements. Un projet urbain singulier et pluriel! Est Ensemble, une ambition métropolitaine. 1,8 million de m² constructibles à horizon 15 ans

É dito E. Investir V illejuif

Département de l ARIEGE

Transcription:

Le bruit dans la ville Pour une approche intégrée des nuisances sonores routières et de l aménagement urbain Janvier 2011 Marissa PLOUIN (urbaniste), avec les contributions de Benoit PETIT (École supérieure des géométres et topographes) et de Michel RUDYJ (CETE Ile-de-France) Direction régionale et interdépartementale de l Équipement et de l Aménagement d Ile-de-France www.driea.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr

2

Table des matières Résumé 1 Introduction 3 Références urbaines Crescent Cove (San Francisco - Etats-Unis) 12 Nutheschlange (Potsdam - Allemagne) 25 Porte des Lilas (Paris, Bagnolet, Les Lilas, Le Pré-Saint-Gervais - France) 40 Parc des Hautes Bruyères (Villejuif - France) 56 Fiche technique Réduire la vitesse, réduire le bruit 65 Conclusion 78 Bibliographie 80 Remerciements 81 3

4

Résumé En Ile de France, environ trois quarts des habitants se déclarent quotidiennement gênés par le bruit. Bien au-delà de questions de confort, le bruit est devenu aux yeux d un nombre croissant d acteurs une nuisance dont les effets sur la santé doivent être pris en compte le plus en amont possible par les professionnels de l aménagement urbain. En milieu urbain, le bruit routier lié aux modes de déplacement, essentiellement automobile, est en général la nuisance la plus saillante. Due au bruit du moteur et au bruit causé par le contact entre la roue et la chaussée, dont l importance augmente avec la vitesse, cette nuisance est également fonction des modes de gestion des infrastructures, notamment en termes de régulation du trafic et de vitesse maximale autorisée. Ce constat a conduit à identifier la réduction des nuisances et des risques comme l une des 10 lignes d action de la méthode @d aménagement durable sur laquelle la collectivité est amenée à se positionner pour élaborer un projet d aménagement durable sur son territoire. Si une certaine latitude est permise par la réglementation en vigueur, laquelle définit le classement des infrastructures et requiert la réalisation de cartes de bruit stratégiques et l élaboration de Plans de Prévention du Bruit dans l Environnement, force est de constater que les solutions correctives mises en place reposent aujourd hui principalement sur la pose de coûteux murs antibruit. Des solutions alternatives, travaillées à l échelle du quartier, par l aménagement urbain lui-même, sont cependant envisageables dans le cadre de nouveaux développements urbains comme dans le cadre d actions de réinvention écologique de la ville existante. La présente étude de cas, réalisée pour la DRIEA, et portant sur quatre opérations, en France, en Allemagne et aux Etats-Unis, illustre comment des solutions acoustiques, envisagées au travers de l aménagement de quartiers, peuvent apporter un confort sonore en même temps qu une réelle qualité urbaine. L analyse est complétée par des simulations issues de logiciels de cartographie acoustique. Quelles alternatives au mur antibruit peut-on envisager? Un projet urbain dont les bâtiments mêmes font office d écran antibruit. A San Francisco, par exemple, un immeuble dispose d une façade en continu pour faire obstacle aux nuisances sonores provenant d une voie ferrée ; à Potsdam, le long d une autoroute, dix bâtiments sont reliés entre eux par des plaques de verre afin de former un écran antibruit. Dans les deux cas, une réduction allant jusqu à 20 db(a) a été constatée, permettant aux habitants de jouir pleinement des espaces habitables ainsi que des espaces communs 1 extérieurs (cours, terrasses, jardins). A San Francisco, cette disposition a également permis de réaliser des économies sur les coûts de renforcement acoustique d autres bâtiments à l intérieur du même projet. Un agencement stratégique des immeubles où une zone tampon (composée, par exemple, de bureaux et d équipements) à proximité de la source du bruit protège des activités plus sensibles aux nuisances sonores (habitations, écoles, crèches, etc.). C est le résultat d une structuration où la répartition des terrains est organisée, pour partie, en fonction des nuisances urbaines. Lors du grand projet de recouvrement du boulevard périphérique parisien à la Porte des Lilas, l emplacement des bureaux et des équipements s est fait en priorité le long de la voie rapide pour qu une deuxième rangée d immeubles puisse accueillir des activités exigeant plus de tranquillité, telles que des habitations, des écoles ou des crèches. Une forme et une disposition de bâtiments privilégiant de grandes emprises, des fronts bâtis continus et une hauteur importante. Par rapport à un tissu urbain très fin, une forme urbaine «massive» est souvent mieux adaptée pour protéger les habitants et les usagers des nuisances sonores. C est le cas de la Porte des Lilas où, par leur forme et leur disposition, les immeubles longeant la voie rapide font obstacle au bruit routier.

Un espace vert servant de zone tampon et tirant profit des éléments topographiques pour lutter contre les nuisances sonores. A Villejuif, une ancienne zone industrielle a été transformée en vaste parc de 23 hectares. Le Parc départemental des Hautes Bruyères est tout d abord une zone tampon verte, située entre une autoroute et des habitations. Mais ce sont les éléments topographiques qui font réellement la différence sur le plan sonore. En particulier, une butte végétale longe l autoroute et empêche que le bruit routier ne pénètre de toute son intensité dans le parc : alors que le niveau sonore au bord de l autoroute peut atteindre plus de 80 db(a), celui constaté à l intérieur du parc est, en moyenne, de 20 db(a) de moins. Autre point fort : le site auparavant accueillant une carrière de sablons, un «jardin de silence» a été aménagé dans l une des anciennes carrières. A douze mètres de profondeur, ce lieu calme propice à la lecture et à la réflexion bénéficie d un niveau sonore presque deux fois moins élevé que celui constaté au bord de l autoroute. Des mesures acoustiques adaptées à la particularité du lieu contribuent à la reconquête d un territoire jugé auparavant peu attractif et transformé en espace de détente de qualité. Détails architecturaux optimisant les protections acoustiques. Rarement suffisants pour lutter seuls contre des niveaux acoustiques très élevés, les détails architecturaux peuvent cependant améliorer la qualité sonore lorsqu ils sont combinés à d autres dispositifs acoustiques. Les références urbaines citées dans la présente étude proposent pour ces derniers, entre autres, une double façade le long de la source de bruit routier, des toits orientés en fonction de la provenance du bruit, l absence de fenêtres sur la façade exposée à la source de bruit, des portes à double épaisseur et des fenêtres à double ou à triple vitrage. Le recouvrement d une voie rapide est une solution qui permet de réduire les nuisances sonores à condition que l aménagement en surface fasse l objet d une stratégie de réduction de bruit. A la Porte des Lilas le recouvrement d un tronçon du boulevard périphérique représente une solution forte sur les plans symbolique, pratique et esthétique : une porte s ouvre entre Paris et les communes limitrophes. Malgré une diminution des niveaux sonores auxquels les riverains sont exposés, les niveaux restent élevés, du fait de la forte circulation qui persiste sur les rues environnantes. Une fiche technique complète l étude par l analyse du lien entre vitesse pratiquée et bruit routier. Des références de collectivités ayant mis en œuvre des actions de limitation du bruit routier par une réduction de la vitesse sont fournies, telle Gleisdorf en Autriche, où un système automatique de réduction de vitesse se déclenche lorsque les niveaux acoustiques sont trop élevés pour les riverains. 2 Les références citées ici montrent que le coût de la protection phonique mise en œuvre peut être ainsi réduit, en même temps qu une valeur économique et urbaine nouvelle est donnée à des terrains auparavant délaissés du fait de ces nuisances sonores. Bâtiments faisant office de protections, agencement stratégique des immeubles, éléments topographiques optimisés, gestion des ambiances internes au quartier, détails architecturaux optimisant les protections, intégration paysagère, telles sont quelques-unes des solutions qui se dégagent de cette étude.

Introduction Le bruit est l objet d une préoccupation croissante des habitants et des usagers des agglomérations et donc des équipes municipales, des architectes et des urbanistes. Selon une étude publiée par l Observatoire régional de la santé en Ile-de-France, 71 % des Franciliens se déclarent gênés par le bruit, les résidents de Paris étant les plus touchés 1. Plus l environnement est urbain, plus les niveaux sonores sont élevés. Les nuisances sonores dues au trafic routier représentent la source de bruit urbain la plus saillante. Environ 360 000 habitants de la petite couronne 2 et 150 000 Parisiens 3 subiraient des niveaux sonores liées au réseau routier d une intensité supérieure à 70 db(a) en façade d habitation dans la journée 4, niveau définissant un «Point noir bruit», ou PNB [cf. p. 7]. A titre de comparaison, en France, deux millions de logements se situent dans ces zones PNB 5. Au niveau européen, l organisation mondiale de la santé (OMS) estime qu un Européen sur trois environ souffre du bruit de la circulation routière 6. Le problème entraîne déjà des dépenses considérables en France: en 2007, près de deux milliards d euros ont été investis dans la lutte contre le bruit, des frais répartis entre les entreprises, les administrations publiques et les ménages 7. Traiter la question des nuisances sonores constitue l une des dix lignes d actions de la méthode @d aménagement durable 8. Elaborée par la DRIEA et les huit établissements publics d aménagement en Ile-de-France, elle a pour objet d outiller les collectivités locales dans leurs démarches d aménagement durable. Le bruit urbain représente pour beaucoup de personnes une gêne majeure qui nuit à leur qualité de vie. Mais l exposition au bruit peut aussi provoquer des effets néfastes sur la santé, dont certains sont encore méconnus. Parmi ceux qui inquiètent particulièrement les experts, on peut mentionner des effets physiologiques, tels que l apparition de troubles auditifs, des problèmes cardiovasculaires ou la perturbation du sommeil, et des effets psychologiques, plus difficiles à mesurer, comme l anxiété, la dépression ou l interférence avec la communication, qui peut provoquer une diminution des performances. Le bruit est considéré comme un «agent stressant» qui entraîne des effets aussi bien dans l immédiat que dans le long terme 9. Même si le bruit n est pas ressenti de la même façon par tout le monde certains y sont plus sensibles que d autres des études ont néanmoins établi quelques valeurs de référence sur le plan sanitaire : selon l Organisation mondiale de la santé (OMS), pour éviter des effets néfastes sur la santé, dans les zones résidentielles extérieures les niveaux sonores ne devraient pas dépasser 55 db(a) en journée (pour un LAeq évalué sur une base de 16 heures d exposition) 10 ou 40 db(a) la nuit (sur une base de 8 heures d exposition) 11 [Tableau T3 indique quelques repères des niveaux sonores dans la vie quotidienne]. Plus spécifiquement, les experts s inquiètent de la santé de quelques populations jugées les plus fragiles : nourrissons et jeunes enfants, personnes âgées, personnes atteintes de maladies particulières ou présentant un déficit auditif, aveugles, patients en hôpital ou en convalescence chez eux 12. Protéger ces populations de niveaux sonores trop élevés est indispensable et demande notamment à bien situer, isoler et protéger certains environnements spécifiques tels que les crèches et les jardins d enfants, les écoles, les hôpitaux, les maisons de retraite et autres centres de soins. 3

Le bruit en Ile-de-France A quoi est dû le bruit en Ile-de-France? Selon un rapport réalisé par le STIF en 2005 sur le bruit et les transports, les circulations routière et ferroviaire sont la principale source de gêne sonore en Ile-de-France, sauf cas particuliers où le bruit de voisinage et celui dû aux aéronefs sont par exemple plus importants 13. La circulation routière en Ile-de-France Le réseau routier francilien comprend quelque 40 000 km de routes, dont plus de 800 km d autoroutes et voies rapides. En Ile-de-France (hors Paris), en journée, près de 1 900 km de linéaire de tronçons routiers sont classés dans la catégorie supérieure à 70 db (LAeq 6h-22h en façade d habitation), et près de 550 km pour les tronçons à plus de 75 db, selon la cartographie régionale de l IAURIF relative au bruit des transports terrestres. Dans la petite couronne, environ 360 000 habitants, soit 9% de la population, subiraient, en journée, des niveaux sonores liés au réseau routier d une intensité supérieure à 70 db(a) en façade d habitation (situation de 1994). A Paris, environ 150 000 habitants, soit 7% de la population, sont, en journée, exposés en façade de bâtiments à des niveaux sonores supérieurs à 70 db entre 6 heures et 22 heures, selon l Observatoire du bruit à Paris. La circulation ferroviaire en Ile-de-France Le réseau ferroviaire (hors métro) comprend environ 1 800 km de voies ferrées. En Ile-de-France, le jour, environ 300 km de linéaire de tronçons ferroviaires sont classés dans la catégorie supérieure à 70 db (LAeq 6h-22h en façade d habitation), et près de 100 km pour les tronçons à plus de 75 db. La nuit, un peu plus de 180 km de linéaire sont classés dans la catégorie supérieure à 70 db et jusqu à 400 km dans la classe supérieure à 65 km. Le STIF rappelle que si l exposition au bruit des circulations ferroviaires s avère moindre que celle liée au bruit routier, elle est particulièrement importante la nuit avec les circulations de trains de marchandises (matériels plus lourds et trains plus longs). Rappelons que l Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande une limite d exposition sonore nocturne de 40 db, sur une base de 8 heures d exposition. La circulation ferroviaire des seules lignes du réseau ferré national (hors lignes de métro aérien RATP et lignes RER) est responsable des zones Point noir bruit qui toucheraient à quelques 55 600 de Franciliens. Que faire pour lutter contre le bruit en milieu urbain? Si de plus en plus de chercheurs étudient des solutions visant à réduire le bruit à la source portant par exemple sur la gestion du trafic, le revêtement de chaussée, les pneumatiques ou même la propulsion des véhicules les équipes municipales, les services techniques territoriaux, les architectes et les urbanistes sont en première ligne pour aborder le problème par la voie de l aménagement urbain. Aujourd hui dans les régions très urbanisées comme l Ile-de-France, l aménagement des sites rencontre une telle multiplicité de contraintes que la question du bruit ne constitue pas toujours une priorité majeure. Cela conduit souvent à adopter des mesures certes classiques ou éprouvées écran antibruit ou simple éloignement des sources de bruit mais qui ne sont peutêtre pas les mieux adaptées ou les plus opportunes. D une part, les écrans antibruit ne s inscrivent pas toujours de manière harmonieuse dans le paysage urbain et 4 représentent un coût extrêmement important pour les finances publiques : entre 1 000 à 1 500 /m² en Ile-de-France, selon le lieu de pose, le type de fondation et la nature des matériaux (soit 3 000 à 4 000 / m² par mètre linéaire pour un mur de 3m de haut) 14. Ces coûts peuvent jusqu à doubler si les travaux doivent être réalisés sur une voie très fréquentée, qu il s agisse, dans le cas d une voie ferrée, de ralentir le trafic ou, dans le cas d une route, d en fermer une voie. D autre part, éloigner les sources de bruit des résidents et des usagers des agglomérations n est, dans la pratique, que très rarement envisageable, du fait des coupures urbaines qui seraient ainsi créées [cf. tableaux T1 et T2]. Le long du périphérique parisien il faudrait, par exemple, compter une distance d atténuation de plus d un kilomètre pour atteindre 45 db(a) en façade d immeuble. Cette hypothèse entre en contradiction avec la volonté actuellement marquée d œuvrer à une ville dense. Néanmoins, du point de vue des équipes municipales et des services techniques territoriaux, la lutte contre le bruit peut comprendre un certain nombre d approches proprement urbanistiques qui ne se limitent pas à ces solutions classiques.

Type de routes Trafic moyen Distance d atténuation (m) (véhicules/jour) journalier annuel pour atteindre 45 db(a) Autoroute 5 000 550-700 (130 km/h) 10 000 800-1 000 Circulation Distance d atténuation (m) Type de voies Nature du trafic par jour pour atteindre 45 db(a) Ligne à grande Voyageurs ou Plus de 50 1 400 20 000 1 100-1 400 vitesse (130 km/h) Voyageurs + fret 50 000 1 750-2 100 Route à chaussées séparées 5 000 470-650 (110 km/h) 10 000 700-950 20 000 1 000-1 300 Ligne classique Voyageurs et fret Plus de 50 1 500 (jusqu à 200 km/h) T2. Empreinte sonore pour les infrastructures ferroviaires de transport 15 30 000 1 250-1 600 Route à chaussée unique 5 000 380-550 (90 km/h) 10 000 580-820 20 000 850-1150 T1. Empreinte sonore pour les infrastructures routières de transport 15 5

Figure 1 Entrée principale de Crescent Cove. Image David Baker + Partners Architects. Figure 2 Les appartements du Quartier Nutheschlange à Potsdam. Figure 3 Les jardins familiaux au Parc des Hautes Bruyères. Figure 4 Couverture du boulevard périphérique au niveau de la Porte des Lilas. Image Philippe Guigna. La présente étude porte principalement sur quatre projets urbains qui ont abordé le problème des nuisances sonores par l aménagement en privilégiant des solutions à l échelle du quartier. Cet aménagement recouvre des options telles que l agencement des bâtiments en fonction de leur utilisation ou la disposition d immeubles par rapport aux sources de bruit. Dans la mesure où elle peut faire l objet d une intervention des pouvoirs publics locaux, la question des liens entre le bruit et la vitesse pratiquée sur les infrastructures majeures est abordée dans une fiche dédiée. Les quatre références urbaines sont les suivantes : Dans le projet résidentiel de Crescent Cove à San Francisco, une rangée de maisons de ville fait fonction de mur antibruit, l aménagement du site répondant aux nuisances sonores dues à une ligne ferroviaire régionale et une autoroute surélevée. [Figure 1] En Allemagne, à Potsdam, les habitants du Quartier Nutheschlange sont protégés du bruit provenant d une autoroute par une succession continue d immeubles avec isolation acoustique intégrée. Un travail important sur le cadre paysager à l intérieur du site contribue à créer une zone calme à l intention des riverains. [Figure 2] En Ile-de-France, à Villejuif, le parc départemental des Hautes Bruyères, entièrement aménagé en fonction des nuisances acoustiques causées par l autoroute A6, sert de zone tampon verte qui protège du bruit routier les visiteurs du parc. [Figure 3] A la frontière entre Paris et des communes limitrophes, la ZAC Porte des Lilas est une grande opération de renouvellement urbain qui porte notamment sur la couverture de deux tronçons du boulevard périphérique. Sur les parties non-couvertes du boulevard, c est l agencement de locaux et d équipements municipaux qui protège du bruit routier un second rang de résidences, commerces et bureaux. [Figure 4] La fiche technique qui constitue la dernière partie de l étude propose une vue d ensemble sur les recherches théoriques sur le lien entre réduction de la vitesse autorisée sur des routes majeures et baisse du niveau sonore, ainsi qu un aperçu sur les villes qui sont passées à l acte. Pour les quatre références urbaines, une analyse technique, réalisée grâce à un logiciel de cartographie acoustique, Mithra, complète l analyse urbanistique en mesurant l efficacité acoustique des choix opérés dans le cadre de l aménagement du site. 6

Les approches françaises et européennes du bruit dans la ville En France La réglementation française relative à la lutte contre le bruit s attache à limiter le bruit des routes nouvelles ou faisant l objet d une modification (article 12 de la loi n 92-1444 du 31 décembre 1992) et à réduire les nuisances sonores auxquelles sont exposés les bâtiments nouveaux construits en bordure d infrastructures existantes (article 13) 16. Toutes les routes et rues dont le trafic journalier moyen annuel est supérieur à 5 000 véhicules par jour doivent être classées en fonction de leur niveau sonore. Disposer d un tel classement fournit des critères permettant de s assurer, au travers du permis de construire, que les futurs bâtiments érigés à proximité des infrastructures bénéficient d un certain niveau d isolation et de confort acoustique. Les dispositions législatives portent également sur les émissions sonores des véhicules (cf. Arrêté du 13 avril 1972 relatif au bruit des véhicules automobiles). Le plan national d action contre le bruit, élaboré en 2003, s articule autour de plusieurs points : l isolation phonique des logements soumis à un bruit excessif à proximité des aéroports ; une campagne de réhabilitation acoustique de crèches et d écoles ; une meilleure gestion des plaintes relatives au bruit de voisinage ; le développement de véhicules moins bruyants ; la définition de nouveaux indicateurs de bruit et l évaluation de l impact des nuisances sonores. Pour les infrastructures de transports terrestres, la réglementation française introduit les notions de Zone de bruit critique (ZBC) et Point noir bruit (PNB). Une zone de bruit critique est une zone urbanisée relativement continue où le bruit dû aux infrastructures terrestres et évalué en façades des bâtiments sensibles* dépasse, selon les indicateurs définis, la valeur limite de 70 db(a) le jour et/ou 65 db(a) la nuit. Un Point noir du bruit est un bâtiment sensible qui est localisé dans une zone de bruit critique engendrée par au moins une infrastructure de transport terrestre et qui répond aux critères d antériorité. * On entend par bâtiment sensible un bâtiment composé de locaux à usage d habitations, d enseignement, de soins, de santé ou d action sociale. 7 Au niveau européen En 1996, la Commission européenne publie le livre vert de la lutte contre le bruit, qui traite pour la première fois des nuisances sonores sous l angle de la protection de l environnement. Il a pour objectif de porter la lutte contre le bruit à un niveau plus élevé dans l échelle des priorités législatives. En 2002, la Directive européenne 2002/49/ CE définit une «approche commune» dans le cadre de la lutte contre les nuisances sonores, visant à garantir l information du public sur l exposition au bruit. Elle prévoit notamment la réalisation de cartes de bruit stratégique (CBS), établies sur la base de méthodes communes aux pays européens et accessibles au public, ainsi que des plans d action autour des zones bruyantes. Les CBS doivent être réalisées pour les agglomérations de plus de 100 000 habitants et servent de base à des plans de prévention du bruit dans l environnement (PPBE). La directive prévoit également la mise en œuvre de politiques visant à réduire le niveau d exposition au bruit et à préserver des zones calmes.

Figure 5 Crescent Cove dans son contexte urbain : au premier plan, le projet résidentiel (entouré en orange), situé entre la voie ferrée au nord-ouest et l autoroute 280 surélevée à l est. Downtown à l arrière plan. Image David Baker + Partners Architects. La question de bruit s inscrit dans le cadre des objectifs du développement durable ; elle constitue l une des dix lignes d action de la méthode @d aménagement durable. Par ailleurs, des mesures destinées à réduire les nuisances sonores dans la ville sont souvent efficaces pour lutter en même temps contre d autres types de pollution et de nuisance dans l environnement : pollution de l air et émissions de gaz à effet de serre, voire sécurité routière. Traiter la question du bruit peut avoir un impact positif sur l environnement global : envisager des véhicules moins polluants, réduire la vitesse en ville, protéger des zones calmes et en créer des nouvelles de proximité permettent d améliorer la qualité de vie des citoyens en s attaquant de front à plusieurs problèmes environnementaux. La lutte contre le bruit doit faire partie d une approche globale pour traiter des nuisances environnementales. 8

Ambiance Niveau de db Exemple Calme 20 db Conversation à voix basse Bruits courants 40 db Limite d exposition sonore nocturne recommandée par l OMS, sur une base de 8 heures d exposition 17 55 db Limite d exposition sonore journalière recommandé par l OMS, sur une base de 16 heures d exposition 18 60 db Conversation normale Bruyant 65 db Salle de classe 70 db Téléviseur, rue à gros trafic Pénible, nocif 75 db Voiture, aspirateur 85 db Cantine scolaire Difficilement supportable, dangereux 90 db Aboiement d un chien, appareil de bricolage (scie circulaire) 100 db Chaîne hi-fi, baladeur au niveau maximum 110 db Concert de rock en plein air Seuil de la douleur 120 db Voiture de course 140 db Avion au décollage T3. Exemples de niveaux sonores Qu est-ce que le bruit? Le bruit est un phénomène physique dû à une variation rapide de la pression dans l atmosphère. Le bruit perçu est une sensation auditive qui est liée physiologiquement au logarithme du niveau de pression acoustique, ce qu on appelle également le niveau sonore. Comment mesure-t-on le bruit? Le niveau sonore d un bruit s exprime en une unité logarithmique, le décibel, noté db. Les appareils de mesure acoustique, tels que les sonomètres, indiquent le niveau de pression acoustique en décibels. Par contre, le niveau exprimé en décibels ne reflète pas tout à fait la perception de l oreille. L oreille humaine n a pas la même sensibilité au bruit à toutes les fréquences: elle privilégie les fréquences médiums et, à une intensité identique, saisit plus facilement les sont aigus que les sons graves. Pour tenir compte de cette sensibilité spécifique de l oreille humaine, on utilise souvent un filtre de pondération fréquentiel appelé le filtre de pondération A : le niveau sonore s exprime alors en db(a), le décibel pondéré A 19. Quels niveaux sonores retrouve-t-on dans l environnement? Dans l environnement, les bruits audibles se situent entre 0 db (le seuil d audition) et 140 db, le seuil de la douleur étant de 120 db environ. Par contre, la gêne acoustique est une notion très subjective et n a pas une valeur absolue 20. [cf. Tableau T3] Comment additionne-t-on deux niveaux sonores? Lorsqu on est confronté à plusieurs sources de bruit, il faut se rappeler que l addition de deux niveaux sonores ne se fait pas de la même manière que l addition de deux nombres classiques car la représentation du bruit est une expression logarithmique : 60 db + 60 db ne font pas 120 db. Lorsqu on additionne deux sources de même niveau, toutes choses égales par ailleurs, le résultat global augmente de 3 db. Si deux niveaux de bruit sont émis simultanément par deux sources sonores, et si le premier est au moins supérieur de 10 db(a) au second, le bruit le plus fort «masque» le plus faible: le niveau sonore résultant est le 9

plus grand des deux. Par exemple, si l on est exposé au passage simultané d une voiture émettant 60 db(a) et d un bus émettant 70 db(a), le bruit du bus masquera celui de la voiture et l oreille n enregistrera que le niveau sonore du bus à 70 db(a). On appelle ce phénomène l effet de masque. Quels indicateurs utilise-t-on pour mesurer le bruit? Le niveau acoustique du bruit routier est un bruit fluctuant et instable qui varie avec le temps. Pour prendre en compte l aspect temporel du bruit fluctuant, on recourt à différents indicateurs qui sont des formules mathématiques représentant partiellement la sensation acoustique vraiment perçue : Indicateurs énergétiques : LAeq, Lden LAeq, ou Leq, est la moyenne énergétique de la variation du bruit au cours du temps et caractérise la «dose» de bruit reçue pendant une durée donnée. En France, on a adopté des périodes diurne (6h 22h) et nocturne (22h 6h) comme référence pour le calcul du LAeq. Les niveaux sonores des simulations acoustiques dans la présente étude sont calculés en LAeq (6h - 22h), conformément à la réglementation française. Lden (Level Day Evening Night), ou Ldn (Level Day Night), est l indice retenu par la Commission européenne. Calculé à partir de valeurs LAeq sur trois périodes de base (jour, soirée et nuit), cet indice pondère négativement les périodes de soirée et de nuit : on ajoute 5 db(a) le soir et 10 db(a) la nuit. Il a pour objet d aboutir à une meilleure représentation de la gêne perçue par les riverains sur 24 heures. Indicateur événementiel : Lmax Lmax correspond au niveau sonore maximum produit par un événement unique (par exemple, le passage d une voiture ou d un train). Au contraire des autres indicateurs, c est une mesure physique qui correspond à la sensation acoustique vraiment perçue. Cet indicateur permet de mieux prendre en compte la gêne due à de larges fluctuations du bruit dans le temps et d évaluer les effets sur la santé de l exposition au bruit. D où vient le bruit routier? Pour ce qui concerne le bruit routier, le bruit provient du moteur et du contact entre les pneus et la chaussée. Pour des vitesses inférieures à 50 km/h, ce sont les bruits de moteur qui prédominent. Pour des vitesses supérieures, sur autoroutes par exemple, ce sont les bruits de contact entre les pneus et la chaussée qui prédominent 21. La perception du bruit Une variation de bruit d 1 db(a) est à peine perceptible. Une variation de 3 db(a) est légèrement perceptible à l oreille, tandis qu une variation de 6 db(a) est nettement perceptible. Une variation d environ 10 db(a) correspond à une sensation auditive de «deux fois plus fort». Le bruit produit par un poids lourd équivaut à celui produit par 4 à 7 véhicules légers, selon la vitesse de circulation. 10

1 Grange, Dorothée ; Chatignoux, Edouard ; Grémy, Isabelle, Les perceptions du bruit en Ile-de-France, Rapport de l Observatoire régional de santé d Ile-de-France, mars 2009. 2 Situation de 1994 3 Situation de 2005 4 STIF, «Le bruit et les transports en Ile-de-France» dans Mobilité et Transports en Ilede-France - Etat des lieux, rapport réalisé par le groupe «Mobilité et Transports» dans le cadre de l élaboration du future SDRIF, mars 2005. 5 ADEME - CERTU, Agir contre l effet de serre, la pollution de l air et le bruit dans les plans de déplacements urbains : Approches et méthodes, rapport coédité par le CERTU et l ADEME, juin 2008. 6 www.euro.who.int/noise?language=french 7 Services de l observation et des statistiques, «Comptes de la dépense de protection de l environnement», mai 2009. Cité dans le rapport du Commissariat général au développement durable, L environnement en France. Edition 2010. 8 Disponible sur le site internet de la DRIEA : www.ile-de-france.equipement.gouv.fr / rubrique.php3?id_rubrique=515 9 Organisation mondiale de la santé (OMS), Guidelines for Community Noise, 1999. 12 Livre vert de la Commission européenne, du 4 nov 1996, sur la politique future de lutte contre le bruit [COM(96) 540]. Disponible à : http://eur-lex.europa.eu/lexuriserv/lexuriserv.do?uri=com:1996:0540:fin:fr:pdf 13 STIF, op. cit. 14 Selon les estimations de la Division Etudes et Stratégie des Déplacements au sein du Pôle Déplacements à la DRIEA. 15 Michel, Patrick et Monier, Thierry, BCEOM, L évaluation environnementale des plans et programmes de transport, rapport du Ministère de l aménagement du territoire et de l environnement, France, 2001. Cité dans le rapport de l IAURIF, Les zones de calme et aménagement : étude exploratoire sur la notion de zone de calme, les enseignements pour l Ile-de-France, novembre 2006. 16 Articles 12 et 13 de la loi française n 92-1444 du 31 décembre 1992 relative à la lutte contre le bruit. 17 Bureau régional de l OMS pour l Europe, op. cit. 18 Organisation mondiale de la santé (OMS), op. cit. 19, 20, 21 www.bruitparif.fr 10 Bureau régional de l OMS pour l Europe, Night Noise Guidelines for Europe, Copenhague, 2009. 11 Organisation mondiale de la santé (OMS), op. cit. 11

Crescent Cove San Francisco (Etats-Unis) informations clés relatives au projet Site : 1,44 ha Programme : 236 logements (soit 17 187 m²) destinés à accueillir des ménages à revenu modeste Sources principales de bruit: une voie ferrée et une autoroute Mesures acoustiques clés : réalisation d un immeuble écran continu le long de la voie ferrée et disposition originale de bâtiments Réduction de niveaux sonores atteinte : jusqu à 15 db(a), suivant l endroit Coût estimé : 1 850 / m² SHON MOA : The Related Companies of California, San Francisco Redevelopment Agency MOE : David Baker + Partners (architectes), Andrea Cochran (paysagiste), Structural Design Engineers, Bhatia Associates, Nibbi Brothers Livré : 2007 Une disposition originale des immeubles pour résoudre un problème de nuisances sonores très élevées Figure 1 (gauche) Situation de Crescent Cove (en orange), qui s inscrit au vaste programme de rénovation urbaine du quartier Mission Bay, à l est à San Francisco. Figure 2 (droite) Crescent Cove, entouré en orange au premier plan, à San Francisco. Downtown à l arrière plan. Image David Baker + Partners Architects. Crescent Cove s inscrit dans le grand projet de rénovation urbaine que connaît actuellement le quartier de Mission Bay à San Francisco, situé à l est de la ville entre l autoroute 280 et la baie de San Francisco [Figure 1]. Couvrant quelques 123 hectares d anciennes friches industrielles, le programme d aménagement de Mission Bay s articule autour d un nouveau campus de 12 recherche publique pour l Université de Californie à San Francisco et comprend 6 000 logements nouveaux dont un tiers accessibles aux ménages à revenu modeste, plus de 400 000 m² de bureaux dont une majorité dans le domaine des biotechnologies, près de 50 000m² de commerces, un hôtel, un hôpital, un nouveau réseau d espaces verts et de nouveaux équipements publics.

Le projet résidentiel de Crescent Cove se situe au nord-ouest de Mission Bay sur une ancienne décharge de la compagnie ferroviaire CalTrain, au cœur d une zone industrielle en mutation. Les architectes ont été confrontés à un site peu commun qui ne couvre que 1,44 ha et comporte une difficulté majeure : sa proximité immédiate sur un côté à la voie ferrée d un train de banlieue qui relie San Francisco et la Silicon Valley, et sur un autre côté à une autoroute surélevée, au trafic important. L entrée principale du projet se fait sur le sud, au niveau de Berry Street, une rue qui mène aux commerces de proximité [Figure 3]. Berry St. Figure 3 Crescent Cove, entouré en orange, se trouve entre une voie ferrée à l ouest et une autoroute surélevée au nord-est. Seventh St. Les infrastructures ferroviaires et routières ne donnent pas uniquement au projet d aménagement sa forme triangulaire, elles sont également une source de bruit extrêmement important et dont il fallait impérativement protéger les résidents sans donner l impression d un espace aux dimensions trop restreintes. Au bruit des véhicules de l autoroute 280 qui débute en pleine ville à l est du site, il faut ajouter celui du trafic routier de Seventh Street, une rue passante empruntée par de nombreux poids lourds et située de l autre côté de la voie ferrée à l ouest. Le trafic ferroviaire reste néanmoins la source des niveaux sonores les plus élevés. Selon une étude acoustique réalisée en vue de l aménagement proposé, le passage du train induit des niveaux sonores extérieurs de 76 Lden en moyenne en limite nord-ouest, avec des niveaux maximum (Lmax) de 95 db(a) lors du passage d un train sur la voie la plus proche 1. Le week-end, du fait de la moindre fréquence des trains et de la diminution du trafic sur l autoroute comme sur les rues avoisinant le site, les niveaux sonores mesurés étaient de 10 à 12 db(a) inférieurs à ceux de la semaine. La réglementation acoustique de l état de Californie exige que le bruit à l intérieur d une habitation ne dépasse pas 45 db(a) Lden. Elle requiert également que toute nouvelle construction résidentielle située dans un environnement où les niveaux sonores Lden dépassent 60 db(a) soit soumise à une analyse acoustique 2. 13

Figure 4 Esquisse conceptuelle de l architecte : comment aborder le problème de bruit à Crescent Cove. Image David Baker + Partners Architects (reprise par Marissa Plouin). Réduire les nuisances sonores: un immeuble écran protège l ensemble du site Confrontés à un site soulevant de nombreuses difficultés, notamment sur le plan acoustique, les architectes ont misé sur un aménagement astucieux pour obtenir le plus grand impact sur le plan sonore. La forme et l orientation de l ensemble des bâtiments, en particulier les façades extérieures continues des bâtiments en périmètre, contribuent à créer un environnement sonore conforme à la réglementation en vigueur dans les espaces extérieurs (cours et jardins) aussi bien qu à l intérieur des appartements. Crescent Cove propose à la location 236 appartements et maisons de ville, tous destinés à accueillir des ménages à revenu modeste. L ensemble du projet se compose de deux immeubles : un immeuble écran incurvé qui épouse la courbe de la voie ferrée au nord-ouest du site et un deuxième immeuble en forme de main comprenant cinq bâtiments reliés par des couloirs en verre [Figure 4]. 14

Figure 5 (ci-dessous) Vue du projet depuis Berry Street : à gauche, la voie ferrée, derrière la grille ; au milieu, le profil de l immeuble écran incurvé ; à droite, l extrémité Est du principal bâtiment de l immeuble en forme de main qui jouxte Berry Street. Image David Baker + Partners Architects. 15

Figure 6 Immeuble écran (en jaune). Image David Baker + Partners Architects. Figure 7 Immeuble en forme de main (en jaune). Image David Baker + Partners Architects. L immeuble écran de R+2 [Figure 6] propose un mélange de studios en rez-de-chaussée et de maisons de ville aux deux étages supérieurs. Cet immeuble est le dispositif acoustique clé du projet: sa forme incurvée suit la courbe de la voie ferrée et forme un véritable écran qui protège l ensemble du projet des niveaux sonores élevés provenant des trains. La façade extérieure de l immeuble comporte plusieurs caractéristiques acoustiques notables : continuité et absence de fenêtres sur ses 183 m de long et 10,7 m de haut, épaisseur acoustiquement renforcée (suivant l endroit, de 22 cm ou de 37 cm, par rapport aux 19 cm d un mur standard) ; toit incliné vers l intérieur pour gagner quelques mètres supplémentaires et obtenir un écran le plus haut possible (le faîte est à 10,7 m de hauteur et le bord inférieur à 8,5 m) [Figure 8]. Enfin, les pièces à vivre, les fenêtres et l aération sont situées uniquement sur le côté calme de l immeuble, évitant ainsi les ouvertures dans la façade du côté de la voie ferrée. Cet immeuble sert effectivement de «mur» antibruit intégré au projet c est d ailleurs ainsi que les architectes ont choisi de désigner cette rangée de logements («soundwall houses», littéralement : les maisons faisant office de mur antibruit). L immeuble crée 16 une barrière phonique continue entre la voie ferrée et l intérieur du projet, le bruit étant réduit aussi bien dans les cours et les jardins qu à l intérieur des appartements du second immeuble. L immeuble en forme de main [Figure 7], donnant sur Berry Street, comporte un bâtiment principal orienté sud, ainsi que quatre bâtiments, appelés des «doigts» par les architectes, disposés à la verticale du bâtiment principal. Ces cinq bâtiments de R+3 sont reliés par des couloirs en verre transparents qui donnent aux résidents une vue sur les jardins communs aménagés entre les «doigts». Une petite ruelle sépare l immeuble écran et l immeuble «en forme de main» pour donner accès aux quelques places de stationnement en pied d immeubles ainsi qu au parking situé à l est du site sous l autoroute surélevée. La disposition de cet immeuble a également été conçue en fonction de sa performance acoustique. En orientant les «doigts» vers l immeuble écran, les concepteurs ont réussi à éloigner un maximum d appartements de la voie ferrée, principale source de bruit: la façade de la majorité des appartements donne sur l intérieur du site, offrant aux habitants une vue sur les jardins. Cette forme inventive

assure une certaine densité au projet (presque 164 logements/ha) tout en permettant une utilisation optimisée des espaces extérieurs et en limitant le vis-à-vis dans la mesure où les bâtiments ne sont pas tout à fait parallèles. Le bâtiment principal de l immeuble «en forme de main» fait face à Berry Street et comporte également une façade continue d environ 100 m de long sur 14,3 m de haut qui sert à protéger l intérieur du site du bruit de la rue [Figure 8]. D autres mesures acoustiques viennent renforcer l aménagement antibruit Si l emplacement et l orientation des immeubles, ainsi que la réalisation de façades continues sur les bâtiments situés en périphérie, sont les procédés les plus efficaces en matière acoustique sur l ensemble du site, des mesures plus classiques ont été appliquées, telles que les portes deux fois plus épaisses que les standards et les fenêtres à double vitrage des appartements qui ne donnent pas sur la cour intérieure. Figure 8 Restitution numérique en 3D de Crescent Cove : l immeuble écran incurvé à l arrière plan ; l immeuble en forme de main au premier plan. Image David Baker + Partners Architects. 17

Figure 9 (à gauche) Vue des jardins entre les bâtiments. Image David Baker + Partners Architects. Figure 10 (à droite) Espace collectif offrant notamment des tables, des bancs et des barbecues. Image Brian Rose. 18

Figure 11 Exposition acoustique. Image Benoit Petit et Michel Rudyj. > 80.0 73.8.. 80.0 67.5.. 73.8 61.3.. 67.5 55.0.. 61.3 48.8.. 55.0 42.5.. 48.8 36.3.. 42.5 30.0.. 36.3 < 30.0 Deux logiciels de cartographie acoustique ont fourni des estimations simulant l efficacité acoustique du projet d aménagement. Les simulations, calculées en LAeq, conformément à la réglementation française, sont représentées dans les Figures 11 à 15. Les logiciels acoustiques calculent les niveaux sonores de projets routiers à 2 m en avant des façades pour indiquer le bruit perçu par un habitant situé près de sa fenêtre ouverte. Certaines mesures de renforcement acoustique n étant pas prises en compte par les logiciels (fenêtres à double vitrage, par exemple), les niveaux sonores indiqués restent néanmoins des estimations pertinentes pour évaluer les points forts ou faibles du projet sur le plan sonore. Points forts du design L immeuble écran longeant la voie ferrée est l élément acoustique clé du projet, qui absorbe les niveaux sonores les plus forts: toute la façade extérieure est exposée à des niveaux sonores provenant de la voie ferrée qui dépassent 70 db(a), alors que les niveaux de la façade intérieure de cet immeuble sont entre 55 et 61,3 db(a) [Figure 11]. Les logements situés dans les bâtiments «en forme de doigt» sont bien protégés du bruit provenant de la voie ferrée, avec la plupart des niveaux sonores inférieurs à 60 db(a), voire 55 db(a) en façade d immeuble. 19 Points faibles du design A l intérieur du projet, les étages supérieurs sont plus exposés au bruit que les étages inférieurs. Rappelons que l immeuble «en forme de main» est plus haut que l immeuble écran : si les habitants au dernier étage peuvent ainsi profiter des vues sur la ville, ils souffrent en contrepartie des niveaux sonores plus élevés. Les quelques logements situés face à l autoroute [Figure 12] souffrent du bruit routier : aux étages supérieurs, les niveaux sonores dépassent 70 db(a). A part quelques mesures acoustiques classiques -- fenêtres à double vitrage et portes à double épaisseur -- ce bâtiment à l extrémité nordest du projet reste très exposé au bruit. En résumé La disposition d un immeuble servant de mur antibruit le long de la voie ferrée est d une grande efficacité avec une différence de plus de 15 db(a) entre chaque face de l immeuble. On obtient un résultat proche pour les bâtiments intérieurs. Ces résultats permettent de supposer que le niveau sonore au cœur de l ensemble immobilier est très faible et peut se comparer à celui d une cour située au centre d un îlot urbain clos. Un tel aménagement est efficace mais on ne négligera pas que les appartements situés du côté des nuisances sonores sont constamment exposés à un certain niveau de bruit.

En db(a) Figure 12 (en haut, à gauche) Exposition acoustique de l immeuble écran du côté de la voie ferrée. Image Benoit Petit et Michel Rudyj. Figure 13 (en haut, à droite) Exposition acoustique des bâtiments en forme de doigt du côté de la voie ferrée. Image Benoit Petit et Michel Rudyj. Figure 14 (en bas, à droite) Exposition acoustique des bâtiments en forme de doigt du côté de l autoroute. Image Benoit Petit et Michel Rudyj. Figure 15 (en bas, à gauche) Exposition acoustique de la partie de l immeuble en forme de main du côté de Berry Street. Image Benoit Petit et Michel Rudyj. 20

Figure 16 (en haut) Vue de l immeuble écran à partir de la voie ferrée. Image David Baker + Partners Architects. Figure 17 (en bas) Vue de l immeuble écran avec la fresque murale, en cours de réalisation. Image David Baker + Partners Architects. 21

Figure 18 (en haut) Entrée principale du projet sur Berry Street. Image David Baker + Partners Architects. Figure 19 (en bas) Vue sur un bâtiment doigt et une cour intérieure. Image David Baker + Partners Architects. Leçons et limites Un design réussi sur les plans acoustique et esthétique L un des objectifs de l équipe municipale était de construire à l intention de ménages à revenu modeste des immeubles qui ne dénotent pas dans le reste du parc immobilier. Les architectes ont relevé le défi en proposant un design qui n est pas seulement efficace en matière de réduction des nuisances sonores, mais qui, recherché et inventif, est également parfaitement intégré aux environs. Rehaussé d une grande variété de couleurs, de textures et de matériaux, le projet se distingue aussi par ses balcons en bois, sa halle d entrée et ses couloirs en verre et en métal. Réaliser des façades continues sur l ensemble du périmètre du site était indispensable pour protéger l intérieur du projet du bruit, mais les concepteurs ont ainsi pris le risque de créer une sorte de «forteresse urbaine» qui resterait coupée de ses environs. Pour éviter le sentiment de bloc massif et impénétrable, une ruelle aménagée entre les deux immeubles permet d ajourer en quelque sorte la façade sur Berry Street. Cette façade, où se situe l entrée principale (construite en verre sur deux niveaux) de l immeuble «en forme de main», se compose également d un mélange de baies vitrées, d évidements, d entrées piétons, de terrasses privatives et de poches paysagères afin de proposer une variété dans les textures et les reliefs. Enfin, la forme triangulaire particulière au site a été bien exploitée : la plupart des logements de l immeuble «en forme de main» ouvrent sur la petite rue à vocation résidentielle et sur Berry Street, tandis que le parking, à l est du site, a été localisé en dessous de l autoroute surélevée. Une forte densité couplée avec des espaces extérieurs protégés Les habitants de Crescent Cove bénéficient d un cadre agréable, où chaque appartement est équipé d un balcon ou d une terrasse privative et d un accès direct aux jardins. Ceux-ci sont aménagés entre les «doigts» et offrent des petits coins verdoyants et variés, agrément non négligeable pour un projet résidentiel aussi dense (environ 164 logements par hectare) situé en pleine ville. Les dispositifs acoustiques de l immeuble écran permettent de réduire les nuisances sonores dans les cours et les jardins, rendant ainsi la fréquentation de ces espaces de plein air très agréable. Des espaces extérieurs collectifs, équipés de tables et de barbecues, sont mis à la disposition des habitants [Figure 10]. Un nouveau réseau d espaces verts et d équipements publics est accessible juste en face de Crescent Cove, où les résidents peuvent bénéficier des terrains sportifs de Mission Creek. A un quart d heure à pied, les habitants 22

peuvent également jouir d une ballade piétonne sur le «Bay Trail», un chemin piéton et cyclable de plus de 460 km aménagé le long de la baie de San Francisco et qui, à terme, reliera 47 villes de la région. Réduction du bruit, réduction des coûts de construction des bâtiments «en forme de doigt» Comme autre point fort du projet, il est apparu que la réduction des nuisances sonores internes à l îlot, obtenue grâce à la disposition de l immeuble écran, a entrainé une baisse des coûts de renforcement acoustique, et donc de construction, des bâtiments «en forme de doigt», qui sont situés à l intérieur du site. Accessibilité Crescent Cove se veut accessible à plusieurs sens du terme : accessible à des ménages à revenu modeste ; accessible aux transports en commun locaux et régionaux (des bus et des tramways relient Mission Bay au «downtown» et à d autres quartiers dans la ville, tandis que CalTrain propose une liaison rapide avec la Silicon Valley) ; enfin, le projet jouit d une accessibilité piétonne à une gamme diversifiée de services : une gare de train régional (10 minutes), un supermarché (12 minutes), un réseau d espaces verts (2 minutes) et le stade de base-ball professionnel (15 minutes). Une façade continue sans fenêtres Malgré un design réussi et un aménagement astucieux, il faut néanmoins se rappeler que l on a affaire à un site qui présente, dès le départ, un grand nombre de contraintes physiques : petite taille, forme triangulaire et surtout proximité avec plusieurs sources importantes de nuisances sonores. L aménagement de la façade continue sans fenêtres face à la voie ferrée représente l élément clé du programme acoustique mais il implique un désavantage important pour les habitants de l immeuble écran puisqu ils ne disposent de fenêtres que sur le côté intérieur du projet. Les avantages de cet aménagement de façade l ont emporté sur cet inconvénient, dans la mesure où celle-ci permet de réduire significativement le niveau sonore sur l ensemble du projet ; faisant office de mur antibruit de presque 11 m de haut, sans le coût important qu aurait représenté l édification d un écran antibruit à part entière. Atout esthétique, une fresque murale sur le côté voie ferrée, réalisée par un artiste local, viendra embellir la façade à l avenir. Quelle intégration du projet à un tissu urbain en pleine mutation? A terme, la ville prévoit un fort développement résidentiel sur Berry Street, où Crescent Cove représenterait la pointe à l ouest [Figure 1]. Un parc relié à un nouveau réseau d espaces verts dans Mission Bay a été récemment aménagé juste 23 en face de la halle d entrée de Crescent Cove, offrant aux habitants du projet la possibilité d accéder à un espace vert et à des équipements sportifs. Le projet reste néanmoins entièrement coupé du tissu urbain sur les côtés nord et ouest (voire à l est, vue la coupure symbolique créée par l autoroute surélevée) et n aura jamais la possibilité de s y ouvrir si les infrastructures routières et ferroviaires lourdes demeurent. L espoir de la municipalité, qui reste à concrétiser, est que, grâce au parc construit en face du projet et aux nouveaux logements prévus à l est sur Berry Street (dont certains sont déjà réalisés), les habitants de Crescent Cove aient à terme le sentiment de bénéficier d une vraie vie de quartier. 1 Les indicateurs Lden et Lmax représentent les deux types de nuisances acoustiques provenant de la voie ferrée : Lden, un bruit «de fond», correspond aux niveaux acoustiques moyens dus au roulement du train ; Lmax correspond aux événements acoustiques «uniques», comme par exemple le grincement des freins (bruit aigu de courte durée et plus fort que le bruit de fond). 2 California Code of Regulations, Title 24. Dans la réglementation californienne, les niveaux sonores sont mesurés en Lden, tandis que l indicateur retenu dans le cadre de cette étude est le LAeq.