Débat démocratique et coopératives en croissance : un défi?



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Transcription:

Débat démocratique et coopératives en croissance : un défi?

1 Introduction Lors de la création d'une société coopérative, les fondateurs veillent à respecter les grandes caractéristiques de l'esprit coopératif : poursuivre un but non lucratif, répondre à une nécessité locale et mettre en place un mode d organisation démocratique où le pouvoir de décision est attribué aux membres en s inspirant du principe un membre-une voix. Cependant, comment ces valeurs sont-elles conservées au fil du temps? Nous posons la question à quatre coopératives de crédit opérant en Belgique. En bref 1. En Belgique, les coopératives ayant l agrément du Conseil national de la Coopération et/ou la qualité de finalité sociale consignent dans leurs statuts des règles pour assurer une organisation démocratique des pouvoirs de décision. 2. La répartition des pouvoirs entre les coopérateurs, la communication et la transparence entre l équipe dirigeante et les coopérateurs, ainsi que la participation des coopérateurs à l assemblée générale sont des éléments clés pour assurer un débat démocratique. 3. Les défis pour conserver ce débat sont les niveaux d implication variables des membres, les aspects techniques liés à la taille de la coopérative et le rôle des procurations. 4. La volonté de la direction est essentielle dans le maintien d un débat démocratique et un échange de bonnes pratiques pourrait se révéler intéressant pour les acteurs concernés. 1 Les principes coopératifs : qu en est-il en Belgique? En droit belge, la société coopérative 1 est une forme spécifique de société commerciale, qui a pour caractéristique d'avoir un nombre d'associés et un capital variables. Jusqu'ici, il n'y a donc pas de grande différence sur le plan sociétal avec toute autre société commerciale. Toutefois, les entrepreneurs souhaitant respecter les valeurs coopératives peuvent se distinguer des autres entrepreneurs soit par un agrément ou soit par la qualité de finalité sociale. 1 Cette partie de l'analyse se base majoritairement sur l'article de ADAM, Sophie, «Société coopérative en droit belge», Centre d'économie sociale, Université de Liège, consulté le 23/04/2012 : http://www.ces.ulg.ac.be/fr_fr/services/cles/dictionnaire/s---t---u/societe-cooperativeen-droit-belge-2 2/10

L'agrément du Conseil national de la Coopération (CNC) est donné aux sociétés coopératives qui réunissent les cinq éléments suivants dans leurs statuts : «adhésion volontaire ; égalité ou limitation du droit de vote aux assemblées générales ; désignation des administrateurs et des commissaires par l'assemblée générale des membres ; taux d'intérêt modéré, limité aux parts sociales ; ristourne aux associés.» Le deuxième point, sur le droit de vote, nous intéresse. L'idée est que le poids dans les décisions à prendre n'est pas directement proportionnel au capital investi. En effet, ce poids est similaire pour tous les coopérateurs ou, à tout le moins, limité, en sorte que les petits investisseurs aient toujours aussi leur mot à dire. Toutes les coopératives ayant l'agrément du CNC n'appliquent donc pas strictement le principe «une personne, une voix», mais elles s'en inspirent. Ainsi, leurs statuts doivent préciser ce point et décrire les règles limitant le vote sur les décisions de l'assemblée générale. Ceci signifie que, quelle que soit l importance de leur investissement financier, tous les associés disposent d une voix réelle dans la politique de l'entreprise. Le but de cette règle est d'accroître l'engagement des coopérateurs dans le fonctionnement de leur société. Un autre moyen de reconnaissance de son esprit coopératif, pour une société, consiste à s assurer une finalité sociale. Neuf points, concernant le but social, les bénéfices, l'acquisition de la qualité d'associé pour les travailleurs et la gouvernance, doivent alors être mentionnés dans les statuts de la société 2. Le critère de la gouvernance se révèle capital dans la gestion démocratique des décisions : «Nul ne peut prendre part au vote à l'assemblée générale pour un nombre de voix dépassant le dixième des voix attachées aux parts ou actions représentées. Ce pourcentage est porté au vingtième si un associé a la qualité de membre du personnel». Cette disposition limite donc le poids des gros investisseurs afin d'assurer un certain équilibre des voix entre tous les investisseurs. C'est une exigence directement inspirée de l'idéal coopératif. Par ailleurs, même si la loi ne le prévoit pas, les statuts peuvent aussi utiliser le principe : «une personne, une voix». Pour nourrir cette analyse, nous avons interviewé 3 des responsables de quatre coopératives de crédit opérant en Belgique. Les données de base, comme leurs statuts juridiques, le nombre de coopérateurs en 2011, une estimation du nombre de coopérateurs à la dernière AG et une estimation du pourcentage de voix présentes ou représentées en 2011, sont précisées dans le tableau dans l annexe 2. 2 «La société à finalité sociale, administration et gestion pour l'économie sociale», consulté le 23/04/2012 : http://www.econosoc.be/files/sfs.pdf 3 Voir annexe 1. 3/10

Chaussée d Alsemberg 303-309 1190 Bruxelles Tel : + 32 (0) 2.340.08.60 Fax : + 32 (0) 2.706.49.06 info@rfa.be - www.financite.be 2 Mécanismes pour assurer le débat démocratique Tout d abord, interrogeons-nous sur les buts qui sous-tendent la promotion d un débat démocratique au sein d une entité. C est certainement pour amener des idées nouvelles, pour coller au plus près des besoins réels ainsi que pour motiver et stimuler les coopérateurs. Mais comment assurer ce débat démocratique? Tout part clairement de la volonté de la direction. Certains mécanismes peuvent être mis en place pour créer les conditions idéales afin que chaque coopérateur puisse, s il le souhaite, exprimer ses opinions sur les décisions qui doivent être prises. Un élément clé pour assurer un débat démocratique est bien entendu la répartition des pouvoirs de décision entre les coopérateurs. Nous l avons vu plus haut, les coopératives à finalité sociale et/ou agréées par le CNC consignent dans leurs statuts la manière de procéder en cette matière. Parmi les coopératives interrogées toutes FS ou agréées CNC -, Crédal suit à la lettre le principe «un homme, une voix», alors qu Alterfin, Netwerk Rentevrij et Hefboom appliquent le principe «une part, une voix», mais limitent le nombre de voix à un dixième des voix présentes ou représentées à l assemblée générale. Ce type de répartition permet à chaque coopérateur d avoir un poids dans les décisions concernant sa coopérative. Un autre élément clé est la communication et la transparence en tout temps entre l équipe dirigeante et les coopérateurs. Ainsi, les informations concernant la coopérative, et plus particulièrement sur les décisions à prendre, doivent être correctement acheminées vers tous les coopérateurs. Ceci peut se faire de différentes manières : bulletins d information, site internet ergonomique et informations sur les activités publiques de la coopérative. De plus, le coopérateur doit pouvoir réagir à ces informations, avoir une liberté de parole. Il est important de donner la possibilité de contacter en personne les membres de l équipe dirigeante de la coopérative, par téléphone, courrier ou e-mail. Un troisième élément clé est la participation des coopérateurs à l assemblée générale (AG). Pour atteindre une participation satisfaisante, l AG doit être orchestrée avec la plus grande attention. Elle doit être convoquée dans les temps, avec un ordre du jour clair et concis, et des documents annexes fournissant de manière accessible les informations nécessaires sur les divers points de décision. De plus, l invitation devrait aussi comprendre une procédure concernant les procurations afin de faciliter l expression des coopérateurs ne pouvant pas se rendre en personne à l AG. Toujours dans le but d obtenir un bon taux de participation à l AG, plusieurs opérateurs nous ont dit vouloir en faire un moment fort : pas seulement une session formelle consacrée à l approbation des comptes et la nomination ou démission des administrateurs, mais aussi un temps de convivialité et d intérêt entre les coopérateurs et l équipe dirigeante de la coopérative. Par exemple, Bernard 4/10

Horenbeek, le directeur de Crédal, déclare organiser une AG «invitative», où l on ait envie de se rendre. À cette fin, au-delà de la remise des comptes, l AG comporte une session de témoignages de clients ayant reçu des crédits, mais aussi un moment plus festif, le «piquenique éthique», auquel non seulement les coopérateurs sont invités, mais également leurs familles. Ce piquenique est en général assuré par des clients de la coopérative et chez un client de la coopérative. Crédal souhaite ainsi favoriser les échanges entre coopérateurs et illustrer leur slogan «donner du sens à son argent». Enfin, certains aspects techniques de l AG doivent aussi être considérés pour assurer une participation maximale des coopérateurs et donc un niveau de débat démocratique acceptable. Un élément est la délocalisation de l AG, c est-à-dire le principe d organiser l AG dans divers endroits pour attirer des coopérateurs des quatre coins de la Belgique. Idéalement, l endroit choisi doit être facilement accessible. Un autre élément, de bon sens, est de s assurer, dans le cadre de l expédition des invitations, de disposer des bonnes adresses (électronique et/ou postales) des coopérateurs. À titre d exemple, Netwerk Rentevrij demande un accusé de réception et obtient environ 90 % de réponses en retour. Ce genre de stratégie est plus facile à mettre en place dans de petites structures - Netwerk Rentevrij ne comptant que 70 coopérateurs en 2011. Enfin, le choix du jour de la tenue de l AG peut aussi aider à augmenter le taux de participation. Si l assemblée a lieu un samedi on augmente, bien évidemment, les chances de voir venir plus de coopérateurs, qui travaillent la semaine. 3 Défis pour conserver le débat démocratique Bien qu en théorie un certain nombre de mécanismes soient mis en place pour assurer le débat démocratique, il n est pas toujours simple en pratique de réellement conserver celui-ci. Ceci pour différentes raisons : la variabilité du niveau d'implication des membres, les difficultés techniques pour faire participer les membres quand l entité grandit, et le rôle des procurations dans les prises de décision. Toutes les coopératives de crédit interrogées nous l ont fait comprendre : tous leurs membres ne s impliquent pas de la même manière. Certains se contentent de prendre des parts de coopérateurs sans jamais vouloir faire entendre leur voix sur les décisions concernant la coopérative. Aux dires des personnes interviewées, il y a, d'un côté, ceux qui «font confiance à l organisation» et que l on ne peut pas forcer à participer aux AG s'ils ne le souhaitent pas. De l autre côté, il y a les coopérateurs qui, au contraire, sont très actifs et toujours présents aux AG, voire élus au conseil d administration. Enfin, on trouve, au milieu de ces deux extrêmes, des coopérateurs 5/10

qui viennent de temps à autre aux AG, ou qui se font représenter via une procuration. Le défi est alors de faciliter l accès aux décisions pour les coopérateurs intéressés. D après les propos recueillis, la taille de la coopérative n est pas considérée comme un réel problème pour assurer un débat démocratique. Toutefois, Netwerk Rentevrij admet que sa petite taille facilite les aspects techniques concernant les prises de décision. Il est intéressant de noter que toutes les coopératives interrogées jugent le taux de participation à leurs AG satisfaisant, bien que celui-ci varie, grosso modo, entre 7 % et 40 % selon les informations récoltées. Deux grosses coopératives sur trois atteignent un haut taux de participation grâce au grand nombre de procurations reçues. Alterfin, la plus grosse des coopératives interviewées, obtient le taux le plus bas en termes de représentation des voix. Est-ce à cause de sa grande taille? Peutêtre en partie. Sans doute le fait que beaucoup de leurs membres se situent en dehors de la Belgique rend-il la participation plus difficile. Mais il est à noter qu il n y a, chez Alterfin, qu un nombre restreint de procurations. Contrairement à Crédal ou Hefboom, où un membre donné peut cumuler un nombre illimité de procurations, une personne chez Alterfin ne peut représenter qu un seul autre coopérateur. Un grand nombre de coopérateurs entraîne donc immanquablement une certaine pression sur les aspects techniques liés au maintien du débat démocratique. Mais alors, quelle serait la solution qui favoriserait le plus le débat démocratique? Le cumul de procurations, du reste parfois plus nombreuses que les membres physiquement présents, permet-il un débat démocratique ou juste une expression des voix? Dans le cas de Crédal ou Hefboom, un coopérateur peut exprimer sa voix par procuration, mais si les informations changent pendant la discussion de l AG, le mandataire doit faire confiance au mandant pour voter comme il l aurait fait. Par ailleurs, dans le cas d'alterfin, le coopérateur doit connaître personnellement quelqu un de l AG susceptible de représenter son point de vue tout en étant sûr que celui-ci ne détient pas encore d autres procurations ces complications semblent en démotiver plus d un. Qu une personne cumule plusieurs dizaines de procurations semble limiter les possibilités d un réel débat démocratique. Les mandants expriment bien leurs voix, mais auraient-ils eu exactement les mêmes comportements, les mêmes réactions face aux discussions que leurs mandataires? La question mérite d être posée. Pour résumer, les idéaux coopératifs, tels que la gestion participative et la remontée d'idées par tous les coopérateurs, sont réellement des principes souhaitables pour la société en général. Dans l'histoire des coopératives, il arrive que ces principes se perdent, en tout ou en partie, en chemin, comme c'est le cas dans certains gros groupes coopératifs bancaires en France. D'autres entités arrivent à garder un débat démocratique malgré leur taille : on compare par exemple les manières de faire du 6/10

groupe coopératif espagnol Mondragon Corporacion Cooperativa à celles d'une cité grecque 4, où chaque coopérateur peut exprimer son opinion. Ainsi, si les statuts des coopératives étudiées permettent d'assurer les quorums minimums aux prises de décision, il n'en reste pas moins qu'il est important de créer les conditions nécessaires pour permettre à chaque coopérateur de s'exprimer s'il le souhaite. 4 Conclusion Une coopérative respectant l idéal coopératif se doit de conserver le débat démocratique au sein de son entité. Pour atteindre ce but, sans cesse à renouveler quand la coopérative grandit, l équipe dirigeante doit mettre en place des mécanismes afin d assurer à tous les coopérateurs qui le souhaitent, la possibilité d exprimer leurs opinions. La volonté sans faille de la direction peut permettre d arriver à entendre et prendre en compte les avis des coopérateurs. Certains mécanismes censés inciter ce débat peuvent être contestés : la procuration permet à un coopérateur d être représenté. Bien. Mais si une même personne cumule de nombreuses procurations, comment savoir si tous les mandants expriment in fine réellement leur opinion? Les nouvelles technologies, utilisées avec sagesse, pourraient éventuellement pallier cette difficulté. Potentiellement, le Conseil national de la Coopération ou une fédération de l'économie sociale pourrait envisager de développer une interface informatique adaptée pour favoriser l'expression démocratique de ses membres. Celle-ci permettrait, par exemple, aux coopérateurs de suivre une assemblée générale depuis leur domicile et d exprimer leur vote électroniquement. Ou alors un coopérateur pourrait voir quelles personnes assisteront à l AG et à la manière d un «web check-in» de vol d avion, choisir à quel membre il pourrait donner sa voix, en s assurant que celui-ci ne soit pas déjà trop mandaté. Ou encore, en plus de proposer une liste de personnes à même de prendre des procurations, mentionner à l avance quel vote chacune de ces personnes fera sur chaque point de l ordre du jour de l AG. 4 Fernando Gomez-Acedo, MONDRAGÓN : A HOLDING COMPANY OF CO-OPERATIVES FACED WITH GLOBALISATION, 28/11/2005 7/10

En conclusion, il n est pas toujours simple d assurer le maintien du débat démocratique, mais les personnes interrogées semblent certes engagées à le faire. Un échange de bonnes pratiques sur la matière pourrait être intéressant à organiser afin de trouver des solutions potentielles aux questions qui se posent. Annika Cayrol Mai 2012 Retrouvez toutes nos analyses sur www.financite.be 8/10

4.1 Bibliographie : Alterfin, Audrey Timmermans, Compliance and reporting Manager, 23/04/2012 Crédal, Bernard Horenbeek, Directeur, 20/04/2012 Hefboom : Dirk Dalle, Directeur, 26/04/2012 Netwerk Rentevrij, Hugo Wanner, ex-membre du Conseil d'administration, 20/04/2012 Annexe 1 QUESTIONS D'INTRODUCTION Date de création : Quel est votre statut juridique exact? Agréé CNC? Pourquoi? Caractéristique FS? Pourquoi? Secteur d'activités : Nombre de coopérateurs création et 2011 Capital social création et 2011 Quelles sont les valeurs clés de votre organisation? QUESTIONS SUR LA GOUVERNANCE 5. Décrivez la gouvernance dans votre organisation. 6. Y a-t-il différents types de membres? Quels sont-ils? Dans quel but? 7. Qui décide de l'acceptation des nouveaux membres? 8. Les valeurs clés de votre organisation se retrouvent-elles toujours dans votre système de gouvernance? Comment? 9. Décrivez votre politique de vote en AG (quorum, date, manière de voter...) 10. Comment assurez-vous le débat démocratique parmi les coopérateurs? 11. Y a-t-il une procédure pour inciter les membres à participer? Si oui, quelle estelle? 12. Quelles sont les circonstances qui rendent plus difficile le maintien d'un débat démocratique (augmentation du nombre de membres, crise objet social, autres)? 13. Comment obtenez-vous une participation satisfaisante des coopérateurs aux AG? 14. Comment faites-vous pour atteindre le quorum requis dans vos statuts (précisez ceux-ci)? 15. Avez-vous déjà dû annuler une AG car le quorum n'était pas atteint? Comment procédez-vous alors? 16. Avez-vous une démarche d'amélioration de l'efficacité de la gouvernance en cours dans votre organisation? Si oui, quelle est-elle? 17. Avez-vous de bonnes pratiques sur la gouvernance de vote à partager? 9/10

Annexe 2 Noms Alterfin Crédal Hefboom Netwerk Rentevrij Statut juridique Société coopérative à responsabilité limitée, agréée pour le Centre national de la Coopération Société coopérative à responsabilité limitée, agréée pour le Conseil national de la Coopération et à finalité sociale Société coopérative à responsabilité limitée, agréée pour le Conseil national de la Coopération Société coopérative à responsabilité limitée, agréée pour le Centre national de la Coopération et à finalité sociale Nombre de coopérateurs en 2011 Estimation du nombre de coopérateurs à la dernière AG 2533 160 et environ 10 procurations 1750 100-150 et environ 200-300 procurations 1300 50 et environ 500 procurations 70 10, peu de procurations Estimation du % de voix présentes ou représentées en 2011 Environ 7 % Environ 20-25 % Environ 40 % Environ 14 % 10/10