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Etudes de planification de l'énergie et de l'électricité nucléaire Bilan et leçons des études faites en Algérie, en Jordanie et en Thaïlande par L.L. Bennett, P.E. Molina et T. Mueller A out pays qui envisage sérieusement de se doter d'un programme nucléo-énergétique est amené à prendre très tôt des décisions fondées sur une évaluation minutieuse des futurs besoins énergétiques, des différentes solutions et de leurs incidences économiques et financières, et des besoins d'infrastructure et de transfert de technologie. L'AIEA est en mesure d'aider les Etats Membres qui le souhaitent à réaliser de telles études selon un scénario bien rodé qui comporte trois étapes principales: La première étape consiste à analyser la viabilité économique d'un programme national d'équipement nucléo-électrique sur une période relativement longue, 20 à 30 ans en moyenne. La deuxième étape consiste à fournir des informations sur les incidences financières et en matière d'infrastructure d'un projet nucléo-énergétique. L'AIEA peut aider les autorités nationales à évaluer les effets d'une telle décision sur leur balance des paiements ainsi que la participation de l'industrie nationale à la construction des installations. Enfin, des programmes de formation spécialement conçus pour le personnel nécessaire à la réalisation du projet sont mis à l'étude. La troisième étape consiste à aider le pays à réaliser des études de faisabilité en vue de l'indispensable travail de préparation et d'organisation précédant la construction de la première centrale. Nous parlerons plus particulièrement de la procédure d'aide mise en place par l'aiea pendant la première étape du processus, à savoir l'analyse de la viabilité économique d'un programme nucléo-électrique. L'expérience a montré qu'une telle étude devait tenir compte des besoins globaux du pays en matière d'énergie et de la part qui peut être attribuée à chaque forme d'énergie (et en particulier à l'électricité) pour les satisfaire. Il s'agit donc en fait d'une étude de planification de l'énergie et de l'électricité nucléaire. La première étape d'une telle étude consiste normalement à former une équipe pluridisciplinaire composée de spécialistes nationaux et de deux ou trois experts de M. Bennett dirige la Section des études économiques de la Division de l'énergie d'origine nucléaire de l'agence; M. Molina et M. Mueller sont membres de la Division. l'aiea*. Des études de ce genre ont été effectuées pour les pays suivants: Algérie, Egypte, Indonésie, Jordanie, Malaisie, Thaïlande, Tunisie, Turquie, Venezuela et Yougoslavie**. Les études pour l'egypte, la Jordanie, la Turquie et la Yougoslavie ont été effectuées en coordination et en coopération avec la Banque mondiale. Nous ferons ici la synthèse des études réalisées pour l'algérie, la Jordanie et la Thaïlande, en nous efforçant de montrer les principaux résultats obtenus dans le contexte des objectifs et de l'organisation de l'étude et des principaux enseignements acquis au cours de ce processus. L'étude pour l'algérie L'objectif de cette étude était d'examiner dans quelle mesure l'énergie nucléaire pourrait contribuer à satisfaire les besoins de l'algérie en électricité au cours des prochaines décennies. Cette étude a été réalisée par une équipe mixte composée de deux experts de l'aiea et de cinq employés algériens de la Société nationale de l'électricité et du gaz. Bien qu'il n'y ait pas eu création officielle d'une équipe nationale pluridisciplinaire aux fins de cette étude, les représentants d'autres agences et organisations algériennes y ont participé grâce aux contacts directs pris à l'initiative des experts algériens. Cette participation s'est avérée d'une grande importance au niveau de la collecte des données. Elle a notamment permis d'élaborer en connaissance de cause différents scénarios de développement tenant compte de toutes les options retenues ou envisagées en matière de développement pour les différents secteurs, sans exclure les améliorations techniques de l'équipement en place et l'introduction de technologies nouvelles. * Pour plus de détails sur les étapes de l'étude, voir le Bulletin de l'aiea, vol. 24, n 3. ** Pour plus de précisions sur les trois premières études, consulter «Etude nucléo-énergétique pour l'algérie», AIEA (1984); Energy and Electricity Planning Study for Jordan up to the year 2010, IAEA- TECDOC-439 (1987); et Energy and Nuclear Power Planning Study for Thailand, IAEA-TECDOC-518 (1989). Les documents sur les études faites dans les autres pays ne sont pas encore disponibles. AIEA BULLETIN, 3/1990 5

Entreprise en 1980, cette étude n'a été effectivement terminée qu'en 1983, du fait de la mise au point parallèle du modèle informatique MAED (Model for Analysis of the Energy Demand), l'un des instruments d'analyse économique utilisés pour ces travaux*. On a choisi comme cadre de l'étude la période de 1979 à 2015 pour mieux étudier les tendances à long terme et évaluer l'impact des politiques énergétiques, et pour examiner les tendances à long terme de développement du réseau électrique. Conformément aux objectifs de l'étude, les divers scénarios de développement socio-économique et technique retenus partaient de la double hypothèse d'un niveau plus ou moins équivalent de consommation d'énergie finale et de niveaux très contrastés de besoins en électricité. On a ainsi sélectionné trois scénarios (faible, moyen et fort). Les paramètres communs à ces trois scénarios étaient la croissance démographique, l'évolution du produit intérieur brut (PIB), le développement socioéconomique et les politiques énergétiques (y compris en matière d'économies d'énergie). Toutes ces données étaient reprises du plan quinquennal de développement du pays (1980-1984) avec quelques extrapolations à long terme. Les scénarios se différenciaient par la consommation spécifique d'électricité des diverses formes d'énergie finale par secteur, la pénétration de l'électricité dans le système énergétique des divers secteurs et, parallèlement, celle des énergies nouvelles (notamment de l'énergie solaire). Aux fins de l'analyse du développement du réseau électrique, on a retenu comme unités de production des centrales au gaz (avec turbines à vapeur et turbines à gaz) et des centrales nucléaires de diverses puissances. Les résultats en ce qui concerne la consommation d'énergie finale (MAED) sont conformes aux hypothèses de départ, à savoir un niveau de consommation annuelle plus ou moins équivalant à l'horizon 2015 (entre 81 et 87 gigawatts selon les scénarios) et une pénétration de l'électricité dans le système énergétique considérablement accrue par rapport à l'année de référence, atteignant entre 10,4% et 20,8 % de la demande totale selon les scénarios (voir la figure). Les scénarios ont été également soumis à l'analyse du développement de la production d'électricité à l'aide du modèle viennois de planification automatique des systèmes (WASP)*, d'où il ressort que pour tous les scénarios le développement du réseau pourrait être assuré essentiellement par des centrales au gaz (en majorité thermiques à vapeur). Les centrales nucléaires (d'une puissance de 1200 mégawatts) n'apparaissent que dans le scénario fort où la demande d'électricité est supérieure (voir le tableau). Développement de la capacité du réseau électrique de l'algérie et rôle du nucléaire Scénario faible Scénario moyen Scénario fort 90 80-70- 60- Etude pour l'algérie: structure de la demande totale d'énergie finale ^3 Combustibles fossiles I Coke/gaz pour la sidérurgie E3 Electricité CD Carburants IB Energie solaire 16 575 MW installés entre 1986 et 2015, dont: 11 100 MW GV 5 475 MW TG annuel maximum en 2010: 4354 x 10 6 DA a (soit 0,7% du PIB) total: 61,5 x 10 9 DA annuelle de de gaz naturel en 2015: 18,2 x 10 9 m 3 23 550 MW installés entre 1986 et 2015, dont: 17 100 MWGV 6 450 MW TG annuel maximum en 2009: 4024 x 10 6 DA (soit 0,8% du PIB) total: 85.5 x 10 9 DA annuelle de de gaz naturel en 2015: 24.6 x 10 9 m 3 38 025 MW installés entre 1986 et 2015, dont: 14 400 MW PWR 13 800 MWGV 9 825 MW TG annuel maximum en 2009: 9979 x 10 6 DA (soit 1,7% du PIB) total: 188 x 10 9 DA annuelle de gaz naturel en 2015: 19,2 x 10 9 m 3 totale de gaz naturel: 279 x 10 9 m 3 totale de gaz naturel: 379 x 10 9 m 3 totale de gaz naturel: 416 x 10 9 m 3 1979 1986 1990 1995 2000 2015 Notes: Le tableau ne mentionne que la puissance supplémentaire installée dans le cadre du programme d'expansion; autrement dit, il n'est pas tenu compte des tranches supplémentaires faisant déjà l'objet d'une option ferme. DA = dinar algérien. PWR = réacteur à eau ordinaire sous pression. GV = centrale au gaz/turbine à vapeur. TG turbine à gaz. * Voir Model for Analysis of the Energy Demand (MAED) Users ' Manual for Version MAED-1, IAEA-TECDOC-386 (1986), et Expansion Planning for Electrical Generating Systems: A Guidebook, Collection Rapports techniques n 241 (1984). * Pour une présentation générale du modèle WASP (Wien Automatic Planning System), voir Expansion Planning for Electrical Generating Systems: A Guidebook, Collection Rapports techniques de l'aiea n 241 (1984). 6 AIEA BULLETIN, 3/1990

Dans le choix de la solution optimale pour chaque scénario, deux considérations ont été jugées essentielles en raison de leurs répercussions sur l'économie algérienne: à savoir les investissements en capitaux et la consommation de gaz naturel (principale source de revenus du pays) correspondant à chaque solution. Diverses études de sensibilité ont confirmé l'intérêt économique de l'option nucléaire dans les hypothèses suivantes: Augmentation d'environ 10% du prix du gaz naturel (combustible local) par rapport au prix de référence; Accroissement de 0,5% par an des coûts d'investissement dans les centrales thermiques au gaz par rapport à la valeur de référence; Réduction à 7,5% par an (par rapport à la valeur de référence de 10% par an) du taux d'actualisation utilisé pour le calcul des coûts. L'étude pour la Jordanie Elle a été demandée par la Banque mondiale qui avait entrepris une étude consultative globale sur la gestion et la planification de l'énergie pour la Jordanie. Dans ce cas précis, il était exclu dès le départ d'envisager l'option nucléaire pour ce pays dans les 20 prochaines années, le développement prévisible du réseau électrique étant trop faible par rapport à la puissance des réacteurs disponibles sur le marché. L'Agence et les autorités jordaniennes sont donc convenues d'entreprendre une étude de planification de l'énergie et de l'électricité afin d'analyser les besoins futurs de la Jordanie au cours des 20 à 30 prochaines années en utilisant les modèles prévisionnels de l'aiea (MAED et WASP). Les principaux objectifs de l'étude étaient les suivants: proposer des méthodologies de planification prévisionnelle à long terme de la demande d'énergie et d'électricité ainsi que des schémas de développement du parc de production; créer le noyau d'une base de données pour les statistiques énergétiques; présenter une méthode de formation sur l'utilisation des programmes informatiques de planification à l'intention du personnel local; prévoir la demande d'énergie et d'électricité et planifier le développement du parc de production à l'aide des méthodes qui viennent d'être citées. L'étude a été confiée à une équipe mixte d'experts de l'aiea et de techniciens nationaux de la Jordan Electricity Authority (JEA). I^e travail n'a réellement commencé qu'en septembre 1983 lorsque l'ordinateur de la JEA a reçu les logiciels indispensables et que la collecte des données a débuté. L'étude a duré en gros 21 mois. Le modèle MAED a permis de fournir des estimations des besoins futurs d'énergie sous toutes ses formes (y compris l'électricité) pour la période 1981-2010. Les calculs ont été faits en fonction des orientations définies dans les plans nationaux et sectoriels de développement alors en vigueur et de l'évolution prévisible selon les tendances observées dans le passé. Pour l'analyse de la demande d'énergie, on a retenu trois scénarios possibles de développement national, un 16 14 12 C10 n i <z S. 8.ï «-» o *-> -o o c «E ai a 4 - Etude pour la Jordanie: tendances de la consommation d'électricité totale et par habitant en fonction des divers scénarios A X Scénario faible - Scénario moyen Scénario fort Demande totale J? 2 - Demande par habitant 8000 7000 6000 j 01 5000 5 o 4000 A +^.o m 3000 S. o> o c n 2000 o. Q 1000 1981 1985 1990 1995 2000 I 2005 2010 AIEA BULLETIN, 3/1990 7

faible, un moyen et un fort, en fonction du degré escompté de réalisation des plans de développement déjà envisagés pour le pays. Le scénario moyen correspondait au développement le plus probable des tendances actuelles, alors que les scénarios faible (pessimiste) et fort (optimiste) représentaient des déviations extrêmes par rapport aux tendances moyennes. Il ressort de ces trois scénarios qu'il faut s'attendre à un accroissement important de la demande globale d'énergie finale à long terme (celle-ci devant tripler ou quintupler pendant la période 1981-2010). Cet accroissement apparaît moins prononcé quand on analyse cette évolution de la demande globale par habitant (voir la figure). Il ressort de l'analyse qu'en l'an 2010 la crête de la demande se situerait respectivement à 1491, 2449 et 3272 mégawatts respectivement pour les trois scénarios. Le développement du parc pour la période 1989-2000 a pu être analysé grâce aux projections du modèle WASP. Si l'on a adopté en l'occurrence une période plus courte, c'est que toute décision d'investir dans le secteur de la production électrique en vue de répondre aux besoins du développement jusqu'en 1997 devait intervenir dans les toutes prochaines années, compte tenu des délais de planification normalement nécessaires pour la construction des grandes centrales. Le calendrier optimal de construction des centrales devant répondre aux besoins futurs en électricité n'a été établi que pour le scénario moyen. En effet, il suffisait pour extrapoler aux autres scénarios d'avancer (hypothèse optimiste) ou de retarder (hypothèse pessimiste) le calendrier établi pour le scénario intermédiaire. Dans le cadre de cette étude strictement économique sur le développement du parc en Jordanie, il est apparu Etude pour la Jordanie: puissance installée totale prévue pour le plan d'expansion optimal basé sur le scénario moyen 1985 1990 1995 2000 que les centrales thermiques au charbon assurant la charge de base pouvaient répondre dans l'ensemble à la demande nationale, les turbines à gaz apportant le complément en période de pointe. Le pétrole continuerait à être utilisé dans les centrales existantes ou prévues pour satisfaire la demande intermédiaire, mais l'importance des centrales au mazout devrait diminuer au fil des ans (voir la figure). L'étude pour la Thaïlande L'étude concernant la Thaïlande visait trois objectifs: adopter des procédures systématiques de planification en vue d'évaluer, en fonction de différents scénarios de développement socio-économique et technique, la place du nucléaire dans un plan optimal de développement énergétique national; former, en la dirigeant, une équipe d'experts thaïlandais aux méthodes de planification de la production énergétique et électrique et à l'utilisation des moyens informatiques nécessaires; enfin, constituer une capacité nationale de réalisation de futures études dans le secteur. Les conclusions de l'étude, associées à celles des autres études nécessaires à ce niveau de préfaisabilité, devaient fournir une base plus sûre pour la décision quant à la viabilité du nucléaire en Thaïlande. L'équipe d'experts thaïlandais, créée pour travailler en collaboration avec les experts de l'aiea, s'est acquittée de diverses tâches correspondant à ces objectifs. Il s'agissait en fait d'une sous-commission, dépendant de la Thai Atomic Energy for Peace, qui comprenait des spécialistes du Bureau de l'énergie atomique pour la paix de l'administration nationale de l'énergie, du Conseil national de développement économique et social et de la Compagnie thaïlandaise d'électricité. L'année 1982 a été retenue comme année de base car c'était celle pour laquelle on disposait des statistiques officielles complètes et cohérentes les plus récentes sur la consommation d'énergie, lorsque l'étude a été entreprise en 1984. C'était aussi la première année du cinquième plan quinquennal de développement économique et social de la Thaïlande. En élaborant des scénarios pour l'étude MAED, on s'est particulièrement efforcé de définir les principaux facteurs susceptibles d'affecter la consommation d'énergie. Il a donc été décidé d'analyser l'impact de quatre paramètres majeurs sur la consommation d'énergie finale: la population, l'économie (PIB), la consommation d'énergie et la pénétration de l'électricité au niveau du consommateur final. Trois scénarios (faible, moyen et fort) ont été élaborés pour décrire l'évolution possible de ces différents facteurs en fonction des politiques gouvernementales et des principales hypothèses, et ceci pour une période de 30 ans (de 1982 à 2011). D'après ces hypothèses, la consommation totale d'énergie de la Thaïlande devrait obéir aux mêmes tendances dans les trois cas de figure, mais aboutir à des valeurs différentes (voir la figure). Le secteur de l'industrie (qui englobe les industries de transformation, le bâtiment, l'industrie minière et l'agriculture) absorberait la majeure partie de la consommation totale 8 AIEA BULLETIN, 3/1990

Notes: 1982 1991 2001 2011 Le secteur «industrie» comprend l'agriculture, la construction, l'industrie minière et l'industrie manufacturière L'expression «énergie finale» englobe l'énergie non commerciale d'énergie en Fan 2011, l'accroissement étant dû pour l'essentiel au développement des industries de transformation. Les résultats sont donc conformes à la politique de développement industriel du Gouvernement et à la contribution escomptée du secteur de l'industrie au PIB thaïlandais. Les projections WASP concernant le développement du parc électrique montrent que toutes les formules utilisant les ressources locales (houille blanche, lignite et gaz naturel) ont été retenues dans le scénario optimal. Il apparaît également que les ressources locales seront pleinement mobilisées pour alimenter les centrales en service et celles que prévoient les plans de développement jusqu'en 2000. Les centrales thermiques au charbon et les centrales nucléaires deviendront prépondérantes à partir de l'an 2000. Des analyses de sensibilité ont été effectuées en ce qui concerne le coût de construction brut (c'est-à-dire sans le calcul des intérêts perçus pendant la construction) pour les centrales nucléaires et le taux d'actualisation. Il ressort en gros de l'analyse du coût de construction brut d'une centrale nucléaire de 900 mégawatts que la solution optimale ne serait pas affectée par des variations de 20% en plus ou en moins du coût de référence. En revanche, comme il fallait s'y attendre, la réduction du taux d'actualisation à 10% par an (contre 12% dans la solution de référence) rendrait l'option nucléaire plus avantageuse. Leçons à tirer Du point de vue de l'aiea, ces études sont très instructives, surtout en ce qui concerne l'organisation et la méthodologie. Cadre de l'étude. Impliquant l'analyse des besoins en électricité et en énergie pour les 20 à 30 prochaines années et le choix du système de production d'électricité le mieux adapté à ces besoins, l'étude apparaît comme très satisfaisante pour une évaluation économique de l'option nucléaire au stade de la préfaisabilité. A l'avenir, ces études devront être plus explicites en ce qui concerne l'impact sur l'environnement des différentes projections de la consommation d'énergie et du développement du parc électrique, compte tenu de la prise de conscience croissante des problèmes écologiques. Si les résultats de l'étude prouvent qu'un programme nucléo-énergétique présenterait des avantages économiques certains (à condition bien entendu qu'il y ait une volonté politique dans ce sens), on peut envisager des études plus fines. Composition de l'équipe nationale. La participation de spécialistes de différents organismes compétents en matière de planification de l'énergie au niveau national a été un élément très important. Dans bien des cas, l'étude représentait pour ces organismes la première occasion de participer effectivement à une entreprise mixte de coopération internationale. Cela posait certains problèmes concrets, car une étude de ce genre dure environ deux ans en moyenne; les spécialistes nationaux désignés doivent donc y être affectés pour des longues périodes. La formule de l'équipe mixte présente néanmoins de grands avantages, notamment en ce qu'elle renforce la crédibilité de l'étude, dont les conclusions sont ainsi mieux acceptées localement tout en favorisant un réel transfert des techniques de planification au pays. Formation des équipes nationales. Elle est assurée par une formation en cours d'emploi associée à des cours réguliers organisés par l'aiea sur des thèmes précis. Des problèmes concrets peuvent se poser au niveau du choix des participants aux cours de l'aiea, ceux-ci étant organisés sur une base annuelle et ne coïncidant pas toujours avec le calendrier de l'étude de planification. Les pays intéressés peuvent pallier cette difficulté en inscrivant leurs spécialistes aux stages de formation avant même de demander qu'une étude soit faite. Méthodologies. Aussi bien les modèles MAED que WASP sont des instruments bien adaptés pour étudier les politiques énergétiques au niveau national. Dans tous les cas, ces modèles ont prouvé leur efficacité à cet égard. Mais, en dépit de leurs avantages reconnus, les deux modèles présentent aussi certaines insuffisances. Le modèle MAED. La méthode employée est assez simple dans sa structure, mais exige énormément de données. L'élaboration des scénarios de développement repose sur l'analyse minutieuse de l'évolution des principaux facteurs susceptibles d'influer sur la consommation d'énergie (population, production industrielle, besoins en matière de transport, etc.). En outre, comme la demande d'électricité est traitée de façon très détaillée, une très abondante information est nécessaire pour schématiser les besoins des principaux consommateurs. La masse de données requise par ce modèle explique que cette phase de l'étude ait été la plus longue dans les trois cas examinés ici. Pourtant, les équipes nationales AIEA BULLETIN, 3/1990 9

reconnaissent unanimement que cet aspect de leur travail est très gratifiant, car il permet aux planificateurs d'avoir une image complète de la situation énergétique du pays, y compris de la consommation nationale d'énergie et de son évolution prévisible en fonction de ses divers paramètres socio-économiques et techniques. Avant tout, cette phase permet d'apprécier l'influence que la planification peut avoir sur cette évolution. Dans la plupart des cas, on a constaté une insuffisance de données statistiques détaillées et fiables sur la consommation d'électricité et d'énergie. En conséquence, et compte tenu des délais impartis, on a dû adopter une approche pragmatique pour établir les données du scénario, en commençant l'exercice avec des données brutes que l'on affine peu à peu en se basant sur les résultats et sur les avis des experts nationaux qui participent à l'étude. Le même problème s'est posé à l'occasion des analyses détaillées de la demande d'électricité, étant donné que la plupart des pays en développement ne disposent pas d'information sur le comportement des différents secteurs en matière de consommation. En conséquence, il a généralement fallu procéder par enquête, en ne retenant que les données correspondant à certains consommateurs jugés particulièrement représentatifs de leurs secteurs d'activité. Malgré ses inconvénients, cette approche permet de mieux comprendre le comportement des consommateurs. En outre, elle permet aux planificateurs d'appeler l'attention des fournisseurs d'électricité sur l'intérêt de ce genre d'information. Elle donne également l'occasion d'entreprendre un programme systématique d'analyse du comportement des consommateurs qui permet d'étayer non seulement les études de planification mais aussi la structuration des tarifs et la gestion de la consommation. De tels programmes impliquent des recherches portant sur deux ou trois ans; ils ont été recommandés par la plupart des études de planification en question. Dans le cas de la Tunisie, cette recommandation a déjà été suivie d'effet. La méthode WASP. Bien qu'elle fasse appel à des techniques relativement complexes au niveau de la programmation, la méthode WASP exige une information que les compagnies nationales d'électricité sont couramment en mesure de fournir. L'expérience montre que le gros problème consiste à définir certains paramètres techniques et économiques comme le taux d'actualisation et le niveau de fiabilité des futurs remaniements du réseau. Ces questions sont toujours soumises aux études de sensibilité que permet le modèle WASP, où les valeurs de référence sont définies à partir des pratiques nationales courantes ou des indications des experts nationaux et des organismes de financement (telles la Banque mondiale et la Banque asiatique de développement). L'AIEA peut fournir des avis sur le choix des paramètres techniques et économiques à retenir pour l'analyse WASP, particulièrement pour les centrales nucléaires. Toutefois, c'est à chaque pays qu'il incombe en dernier ressort de définir ces paramètres à la lumière de l'expérience acquise (solution préférable quand on dispose de l'information nécessaire) ou des données concernant des installations similaires de pays voisins à un stade de développement comparable. Par ailleurs, l'aiea gère un programme de révision et de mise à jour des modèles MAED et WASP en fonction des nouveaux besoins de planification de la consommation d'énergie et d'électricité. Une attention particulière est accordée aux conditions qui prévalent dans la plupart des pays en développement. Assistance intégrée En vue d'améliorer l'efficacité de son aide, l'aiea prévoit une assistance intégrée pour les pays en développement souhaitant planifier leur équipement nucléo-énergétique. Il s'agit en l'occurrence d'adapter les diverses activités actuelles de l'aiea en matière de planification et d'équipement nucléo-énergétique aux besoins des pays en développement au niveau de l'infrastructure et plus spécialement des ressources humaines*. Le principal objectif de cette forme d'assistance est d'appliquer une méthode séquentielle clairement définie pour planifier les programmes d'équipement nucléoénergétique, depuis le tout début du processus jusqu'à la décision des autorités nationales de construire leur première centrale. Cette assistance intégrée est étroitement associée aux missions des nouvelles équipes consultatives de planification nucléaire NUPAT dans les pays concernés. Une première mission s'est rendue en juin 1990 au Maroc et une autre était prévue en Malaisie pour le second trimestre de 1990. Ces activités, ainsi que les études de planification et les études connexes, contribuent largement à aider les pays en développement à assurer l'expansion rationnelle de leur production énergétique. * «L'énergie, l'électricité et le nucléaire dans les pays en développement» par K.F. Schenk et coll.. Bulletin de l'aiea, vol. 30, n 2 (1988). 10 AIEA BULLETIN, 3/1990