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Transcription:

UNIVERSITE PARIS VAL-DE-MARNE FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL ****************** 2005 N THESE POUR LE DIPLOME D ETAT DE DOCTEUR EN MEDECINE Discipline : Médecine générale ------------ Présentée et soutenue publiquement le à la Faculté de Médecine René Descartes Paris V ------------ Par Vincent Montheil Né le 20 décembre 1973 à Angoulême ------------ TITRE : INDIVIDUALISATION DE LA SURVEILLANCE AMBULATOIRE APRES CHIMIOTHERAPIE PAR DOCETAXEL EN FONCTION DU RISQUE DE TOXICITE PRESIDENT DE THESE : LE CONSERVATEUR DE LA M. le Pr. François GOLDWASSER BIBLIOTHEQUE UNIVERSITAIRE DIRECTEUR DE THESE : M. le Dr. Jérôme ALEXANDRE Signature du Président de thèse Cachet de la bibliothèque universitaire

2 Remerciements A Monsieur le Dr Jérôme Alexandre, qui m a proposé ce travail et en a assuré la direction, pour sa très grande disponibilité y compris les week-end, et sa gentillesse inégalée. A Monsieur le Pr François Goldwasser qui m a fait l honneur de présider cette thèse, pour son accueil, son écoute, et ses bons conseils. Profondément humains et humbles, toujours à l écoute du patient et de l équipe soignante, j ai eu la chance depuis mon passage comme interne, de travailler et apprendre auprès d eux ces dernières années. Je les remercie donc sincèrement, et je leur dois probablement plus qu il ne se dit. Avec toute mon amitié. A toutes les personnes qui ont participé au bon déroulement de cette étude : Aux pharmacologues et pharmaciens de l Hôpital Saint Vincent de Paul, en particulier au Pr Gérard PONS et au Pr Jean-Marc TRELUYER et leur équipe Aux Dr V Dieras et V Gine qui ont réalisé l inclusion des patients à l Institut Curie A Monsieur le Pr Joël COSTE et son équipe à qui je dois beaucoup, puisque ils ont réalisé les analyses statistiques de l étude. A F Rabillon Infirmière de Recherche Clinique et à toutes les infirmières de l Hôpital de jour de Cochin à qui je rends hommage pour leur dévouement et l accueil qu elles m ont réservées. A tous les membres du jury qui m ont fait l honneur d être présents A Mr le Pr Stéphane OUDARD, oncologue à l HEGP A Mr le Pr Olivier RIXE, oncologue à la Pitié Salpêtrière A Mr le Pr Jean-Yes PIERGA, oncologue à l institut Curie A Olivier M, Véritable encyclopédie médicale, économique, politique, cinématographique, musicale.. et j en passe. Pour son aide amicale et précieuse, sa disponibilité et toutes nos discussions à refaire le monde au «centpote»..

3 A mes parents, Mijo et mon regretté père Francis. Je leur dois tout et je les aime. A ma moitié, ma tendre femme, Marie-aude, qui m a toujours écouté, conseillé et réconforté. Merci d avoir supporté mes humeurs et tous ces weekends de travail! Pour toutes tes attentions, tes bons petits plats, ta présence je te remercie. A Fred et Momo, Aude, Cricri, pour leur soutien et tous les «sas de décompression organisés à la campagne» A tous mes amis qui se sont régulièrement manifestés particulièrement Seb alias Supersalakis et tous ceux que j aime

4 Table des matières LEXIQUE 7 INTRODUCTION 8 PATIENTS ET METHODES 13 1/ Sélection des patients 13 a - Critères d inclusion 13 b - Critères de non-inclusion 13 c - Estimation du nombre de patients à inclure 14 2/ Traitement de l étude : le docétaxel 14 a - Modalités d administration 14 b - Traitements associés 15 3/ Suivi des patients 15 a - Bilan avant inclusion 15 b - Visite pré-thérapeutique 16 c - Evaluation de l activité du CYP3A4 par mesure de la concentration plasmatique du midazolam (Hypnovel ) 17 d - Pharmacocinétique du docétaxel 17 e - Surveillance post-thérapeutique 18 f - Durée de participation 18 4/ Evaluation et méthodes statistiques 18 a - Critères de jugement 18 b - Co-variables 19 c - Analyse statistique 20 RESULTATS 21 Liste des tableaux et figures 21 1/ Description de la population 22 a - Paramètres cliniques 22 b - Paramètres biologiques 24 2/ Traitement et pharmacocinétique 26 a - Doses administrées 26 b - Pharmacocinétique du docétaxel et du midazolam 26

5 3/ Toxicité clinique et biologique du docétaxel après le premier cycle 27 a - Neutropénies fébriles 27 b - Neutropénies grade III-IV (<1000 PNN/mm3) 29 4/ Prise en charge des patients ayant fait une neutropénie fébrile 29 a - Prise en charge ambulatoire exclusive 29 b - Prise en charge hospitalière exclusive 31 c - Prise en charge mixte 33 5/ Analyse univariée pour le risque de neutropénie fébrile 34 6/ Analyse multivariée pour le risque de neutropénie fébrile 36 7/ Analyse univariée pour le risque d hématotoxicité 38 8/ Recherche d une corrélation entre les paramètres de l inflammation et l activité du cytochrome P450 3A4 39 DISCUSSION 40 1/ Recherche de facteurs prédictifs de toxicité aigue 40 Fragilité de la population traitée par docétaxel 40 Pharmacocinétique du midazolam et du docétaxel in vivo 41 Toxicités aigues induites par le docétaxel 42 Facteurs de risque de neutropénie fébrile et de neutropénie sévère 43 Influence de l inflammation et du syndrome cachectique sur l activité du cytochrome P3A4 46 Limites de l étude 47 2/ Facteurs prédictifs du risque de complications en cas de neutropénie fébrile 48 Généralités et définitions 48 Modèles d évaluation actuels 48 Conséquences thérapeutiques sur la prise en charge des neutropénies fébriles 50

6 3/ Perspective : vers une individualisation de la surveillance ambulatoire 51 Visite pré-traitement pour identifier les patients à fort risque toxique 51 Cas particulier du sujet âgé 52 Décisions adaptées à l évaluation du risque toxique avant chimiothérapie par docétaxel 53 Procédures de surveillance ambulatoire, et mise en œuvre de traitements à domicile après chimiothérapie par docétaxel 55 Surveillance clinique et biologique adaptée au risque toxique 55 Quelles procédures en cas de neutropénie fébrile? 56 Quels protocoles de traitement et de surveillance? 56 CONCLUSION 59 BIBLIOGRAPHIE 60 ANNEXE 1 Principaux médicaments susceptibles de modifier l activité du CYP 3A4 68 ANNEXE 2 Indice de performance classification OMS 69 ANNEXE 3 Modèle de Talcott et score de MASCC 70

7 LEXIQUE AMM CCPPRB FEVG G/L HTA NPC OMS PNN Autorisation de Mise sur le Marché Comités Consultatifs de Protection des Personnes dans la Recherche Biomédicale Fraction d Ejection du Ventricule Gauche Giga par Litre Hypertension Artérielle cancers du poumon Non à Petites Cellules Organisation Mondiale de la Santé Polynucléaires Neutrophiles

8 INTRODUCTION Ces dernières années les indications de la chimiothérapie anticancéreuse se sont fortement développées dans les tumeurs solides de l adulte. Les traitements cytotoxiques s adressent à des patients de plus en plus fragiles, non seulement en raison des indications palliatives nouvelles dans certains cancers métastatiques, mais aussi du fait du vieillissement de la population ; ces deux facteurs pouvant bien entendu être associés. En outre la manipulation des chimiothérapies anticancéreuses est rendue difficile par un index thérapeutique étroit. Les toxicités aigues limitantes, pour la majorité des cytotoxiques utilisés, sont surtout hématologiques et principalement la neutropénie, facteur de risque majeur d infection. Une neutropénie fébrile complique 5 à 50 % des administrations de chimiothérapies selon le protocole utilisé. La prescription d une antibiothérapie à large spectre et les progrès de la réanimation ont permis d améliorer la prise en charge de cette complication, mais il n en demeure pas moins que 5 à 10 % des épisodes de neutropénie fébrile sont encore responsables du décès du patient (78). Plusieurs essais randomisés ont montré que la chimiothérapie permettait d améliorer la qualité de vie des patients dans des tumeurs métastatiques jusqu alors considérées comme très chimiorésistantes (comme les cancers du poumon, de la prostate, du colon, et du pancréas.), l objectif du traitement dans ces indications reste toutefois palliatif. Il convient donc de pouvoir identifier au mieux les patients susceptibles de bénéficier de tels traitements. L utilisation de plus en plus large de la chimiothérapie cytotoxique chez les sujets âgés, impose davantage encore de disposer d éléments fiables pour prévoir le risque de survenue d une complication hématologique sévère, en particulier les neutropénies fébriles. En effet, la survenue de telles complications chez ces patients peut entraîner la décompensation de co-morbidités, une perte d autonomie, et conduire indirectement à son décès ou à la nécessité d une hospitalisation. Un problème similaire se pose chez des patients, quel que soit leur âge, qui présentent une co-morbidité sévère telle qu une coronaropathie récente, un diabète mal équilibré, une cirrhose ou une insuffisance respiratoire chronique. La prévention des complications sévères de la chimiothérapie répond aussi à un impératif économique. La survenue d une neutropénie fébrile implique la mise en jeu

9 immédiate d un grand nombre de ressources hospitalières, humaines (médecin de garde, infirmières formées à la cancérologie, hématologiste, bactériologiste) et matérielles (hospitalisations en chambre seule, antibiothérapie). D autres coûts dits «en temps», très souvent ignorés, sont également importants ; ils sont liés à la morbi-mortalité de cette affection aiguë, comme la perte de salaire du patient lors de la prise en charge de l infection ou encore les conséquences économiques liées au décès d un patient encore en activité. Par ailleurs, le fonctionnement en «flux tendus» des services hospitaliers et les difficultés croissantes rencontrées pour hospitaliser un patient, imposent également de réduire au maximum les situations d urgence et les besoins d hospitalisation non programmée en cours de chimiothérapie. La prévention des complications cliniques liées à la neutropénie repose avant tout sur l identification des patients les plus à risque. Chez ces patients, différentes mesures protectrices pourront alors être établies, telles que une surveillance clinique et biologique rapprochée ou la prescription de facteurs de croissance. Dans certains cas, l abstention de tout traitement spécifique pourra être discutée. Une meilleure évaluation du risque toxique permettrait également de mieux individualiser la surveillance ambulatoire. De nombreuses études montrent qu il existe une grande variabilité inter-individuelle, pour un même traitement, tant dans la réponse que pour la toxicité (7, 8, 19, 61). On peut distinguer deux types de paramètres susceptibles d influencer le risque de toxicité : ceux qui aboutissent à une exposition excessive et ceux témoignant d une sensibilité tissulaire accrue. Actuellement, faute de mieux, la prescription est ajustée à la surface corporelle, et adaptée en fonction de l existence d une dysfonction rénale et/ou hépatique. La dose est également fréquemment diminuée chez les patients âgés, obèses, ou lourdement prétraités, sans que cela puisse toujours reposer sur des données validées (66). Une altération de l état général, mesurée par l indice de performance et l amaigrissement sont des facteurs prédictifs reconnus d une toxicité accrue de la chimiothérapie. Ils sont cependant d apparition tardive dans l évolution du cancer et manquent chez la majorité des patients présentant une toxicité sévère (3).

10 C est pourquoi devant l insuffisance des moyens prédictifs disponibles, plusieures équipes se sont intéressées plus récemment à l influence de la réponse inflammatoire et de la dénutrition sur la toxicité des chimiothérapies. En effet un hypercatabolisme et une stimulation importante des protéines de l inflammation sont observés dans de nombreuses maladies graves et chroniques parmi lesquelles les cancers. Les altérations biologiques, et les modifications cliniques qui en résultent comme l amaigrissement, l asthénie, constituent ce que l on appelle la cachexie (3, 66). Elle induit une dégradation progressive de l état général, et s associe à une mauvaise réponse aux traitements et à un pronostic plus sévère. Deux paramètres biologiques semblent corrélés sur certaines observations au risque de neutropénie fébrile (3, 10) : une lymphopénie inférieure à 700/mm3, témoin d une immunosuppression (10), et l index nutritionnel et inflammatoire (ou PINI) supérieur à 1. Cet index, marqueur de l état cachectique, est défini par le rapport entre des paramètres reflétant l inflammation et l état nutritionnel suivant la formule (CRP x orosomucoïde) / (albumine x pré-albumine) (3). Ils n ont toutefois pas encore fait l objet d étude prospective sur des populations homogènes de patients. Nous avons choisi le docétaxel (Taxotère Aventis Pharma), comme support de notre étude pour différentes raisons. Ce médicament de la famille des taxanes est actuellement un des cytotoxiques les plus utilisés à l Assistance Publique des Hôpitaux de Paris. Il s agit d un dérivé d hémi-synthèse issu de l if taxus baccata et dont la principale cible cellulaire est la β-tubuline du fuseau mitotique. De nombreux patients fragiles, tel que définis précédemment, peuvent bénéficier de cette molécule. En effet, administré en monothérapie, le docétaxel s est montré très actif dans certaines pathologies malignes en augmentant la survie de patients atteints de cancers du sein (50), du poumon (64), ou de la prostate, au stade métastatique. Son emploi est cependant difficile en raison d un intervalle thérapeutique étroit. La principale toxicité aigue de ce médicament est la neutropénie fébrile. Dans une étude portant sur 825 patients non sélectionnés, atteints de cancer du sein, 25% ont présenté au moins un épisode de neutropénie fébrile après administration de docétaxel (2). Il semblerait de plus que la toxicité du docétaxel soit majorée chez les patients cachectiques ; cela est suggéré par un essai randomisé de phase III concernant le docétaxel dans le cancer du poumon métastatique (64). Dans cette étude, la dose habituellement utilisée de 100 mg/m² de docétaxel s est avérée être

11 responsable d un nombre inacceptable de neutropénies fébriles létales (15%) alors que la tolérance de cette dose paraissait acceptable dans le cancer du sein métastatique (50). Enfin, l administration du produit est rapide, en une heure, et réalisée en hôpital de jour. Cela signifie que les complications aigues surviennent au retour à domicile. Une altération de l état général ou des anomalies importantes de la fonction hépatique sont des facteurs de risque bien établis de la toxicité du docétaxel (2, 17,18), mais de nombreux patients n'ayant pas ces facteurs de risque présentent des signes de toxicité à ce médicament. Le docétaxel subit un métabolisme hépatique via les cytochromes P450 et plus précisément les sous-types 3A4 et de façon moins importante 3A5, comme bon nombre de cytotoxiques et autres médicaments (7, 23, 35,47). L activité de ces cytochromes est cependant très variable entre les individus pouvant conduire à une sur- ou sous-exposition au médicament. La compréhension de cette variabilité inter-individuelle passe par une évaluation correcte de l activité des cytochromes, qui, malheureusement n est pas mesurable aisément. On pallie à cette carence en utilisant différents substrats métabolisés spécifiquement par les cytochromes pour en refléter l activité. A ce jour nous connaissons quelques paramètres qui participent à la variation d activité. Il existe en effet un polymorphisme génétique en cours d exploration, mais aussi de nombreux facteurs non génétiques comme l état nutritionnel, l inflammation (1), les comédications (27), l altération de la biologie hépatique ou les métastases hépatiques. S il a été montré que l intensité de l inflammation et celle du syndrome cachectique étaient associées à une diminution de l activité du cytochrome (7) (58), il n y a pas encore eu d étude prospective concernant l influence de la cachexie sur le métabolisme de cytotoxiques substrats du CYP3A4, tels que le docétaxel. Nous avons donc cherché par une étude de pharmaco-épidémiologie à mettre en évidence de nouveaux facteurs prédictifs de neutropénie fébrile, après administration de docétaxel, en émettant deux hypothèses : D une part, l évaluation de l activité du cytochrome 3A4 par une méthode simple, réalisable en routine chez des patients ambulatoires, peut permettre de prédire le risque de surexposition au docétaxel, et de fait le risque toxique.

12 D autre part, des paramètres cliniques et biologiques simples, reflétant l existence d un syndrome cachectique, peuvent être associés à une susceptibilité tissulaire des tissus sains accrue à la toxicité de la chimiothérapie et à une surexposition par le biais d une diminution d activité du cytochrome 3A4. Cela corroborerait ce qui a déjà été observé (4, 5), et participerait à expliquer une toxicité hématologique plus importante chez ces patients. Les résultats de cette observation pourraient permettre dans un second temps d élaborer des procédures de suivi ambulatoire des patients adaptées au risque toxique, en complément d études qui ont cherché à identifier les patients à faible ou haut risque de complications en cas de neutropénie fébrile (68, 40, 12). En effet l individualisation de la surveillance ambulatoire doit probablement inclure non seulement une évaluation préalable du risque toxique et des modalités de suivi des patients les plus fragiles, mais proposer aussi des protocoles d intervention en cas de neutropénie fébrile. Le maintien à domicile des patients neutropéniques fébriles aurait pour avantage de préserver leur qualité de vie et de diminuer les coûts. Il importe toutefois d en définir les conditions et les moyens indispensables à son organisation pour qu il se réalise en toute sécurité.

13 PATIENTS ET METHODES 1/ Sélection des patients Le recrutement des patients a été prospectif, formé de cas consécutifs, et bicentrique (Hôpital Cochin et Institut Curie) selon les modalités suivantes : a - Critères d inclusion Tout patient dont la pathologie cancéreuse était susceptible de bénéficier d un traitement par docétaxel en monothérapie (documentation histologique à l appui). Age supérieur à 18 ans. La réserve médullaire devait être satisfaisante, c est pourquoi un taux de polynucléaires neutrophiles supérieur à 1,0 Giga/Litre (=1000/mm3), et de plaquettes supérieur à 100 Giga/Litre (=100 000/mm3) étaient exigés. Biologie hépatique récente comprenant transaminases, gamma GT, phosphatases alcalines, bilirubine totale et conjuguée. Tous les patients devaient donner leur consentement éclairé et signé à leur participation à l étude. b - Critères de non-inclusion Tout patient qui avait reçu soit une chimiothérapie cytotoxique moins de quatre semaines auparavant, soit des corticoïdes dans les deux semaines qui précédaient la première injection de docétaxel (à l exception de l hydrocortisone en cas d insuffisance surrénale, et de la prémédication systématique avant la perfusion de docétaxel). L administration concomitante de médicaments connus pour modifier l activité du CYP 3A4 (annexe 1). Les femmes enceintes, allaitantes ou qui étaient en âge de procréer sans contraception adéquate. Les malades qui participaient de façon concomitante à un autre essai clinique.

14 Les malades qui pour des raisons familiales, psychologiques, ou géographiques n auraient pas pu être suivis selon le protocole. Les patients qui avaient une élévation de la bilirubinémie conjuguée au dessus de la limite supérieure de la normale. L existence d une pathologie systémique sévère concomitante (à la discrétion de l investigateur). c - Estimation du nombre de patients à inclure D après le recrutement des patients, 20% environ des patients étaient susceptibles de présenter une toxicité aiguë sévère. Il était donc nécessaire d inclure 240 sujets (40 sujets présentant une toxicité et 200 sans toxicité) dans l étude pour mettre en évidence des odds ratio* de 3 pour des facteurs de risque dont la prévalence varie de 10 à 50% avec une puissance de 80% et un risque α de 5%. *Odd-ratio= rapport de cotes qui traduit grossièrement un risque relatif 2/ Traitement de l étude : le docétaxel Le docétaxel est actuellement commercialisé par Sanofi-Aventis. Il est disponible sous forme de solution à diluer, dosée à 20 mg / 0,5 ml et 80 mg / 2 ml et dont l excipient est le polysorbate 80. a - Modalités d administration Voie intra-veineuse, par l intermédiaire d une voie veineuse centrale. Dose de 75 mg/m² dans le cancer bronchique, 100 mg/m² dans le cancer du sein, en accord avec les recommandations de l AMM. Une dose de 75 mg/m² est également recommandée en cas d anomalies majeures du bilan hépatique associant les transaminases supérieures à une fois et demie la limite supérieure de la normale et les phosphatases alcalines supérieures à deux fois et demie la limite supérieure de la normale. Perfusion de 60 minutes.

15 b - Traitements associés Prémédication systématique à visée anti-allergique et anti-émétique avec de l ondansetron (Zophren ) - 8 mg en intra-veineuse lente - et de la méthylprednisolone (Solumedrol ) - 60 mg en intra-veineuse lente - administrés 30 minutes avant le docétaxel. Aucun autre cytotoxique ne pouvait être administré simultanément. L utilisation préventive de facteur de croissance granulocytaire ou d une antibiothérapie prophylactique n était pas autorisée. 3/ Suivi des patients a - Bilan avant inclusion Les malades éligibles pour l étude ont subi un bilan dans les 21 jours précédents l inclusion comportant le recueil des données suivantes : Antécédents médicaux et chirurgicaux Les comorbidités recherchées, et susceptibles de se décompenser à l occasion de la chimiothérapie, étaient les suivantes: o Principalement les facteurs de risques cardiovasculaires suivant : HTA, diabète de type 2, cardiopathie ischémique récente ou ancienne, cardiopathie hypertensive, insuffisance cardiaque gauche documentée à l échographie (FEVG<60%) ou par mesure de la fraction d éjection du ventricule gauche (FEVG<50%), troubles du rythme cardiaque récents ou anciens. Mais aussi, o Les affections pulmonaires chroniques qu elles soient restrictives ou obstructives (documentées par des explorations fonctionnelles respiratoires) o L insuffisance rénale chronique o L existence d une hépatopathie chronique qu elle qu en soit l origine

16 Histoire de la maladie Traitements en cours Dans les 10 jours précédents la première cure Examen clinique complet : poids, surface corporelle, indice de performance (OMS), pouls, pression artérielle, température Numération formule sanguine et plaquettes Bilirubinémie totale et conjuguée, transaminases, phosphatases alcalines. b - Visite pré-thérapeutique Elle a été réalisée après l inclusion et dans les 10 jours qui précédaient l administration de docétaxel (éventuellement le jour même, mais avant toute administration de corticoïdes). Elle comprenait le recueil suivant : Données cliniques : poids, taille, indice de performance (OMS) (annexe 2) Examens biologiques : Numération formule sanguine et plaquettes Ionogramme sanguin, créatinémie, transaminases, phosphatases alcalines, gamma-glutamyl transférase, bilirubine totale et conjuguée Proteine C-Réactive, orosomucoïde, albumine, pré-albumine, ferritine.

17 c - Evaluation de l activité du CYP3A4 par mesure de la concentration plasmatique du midazolam (Hypnovel ) Principes : Plusieurs techniques ont été développées pour évaluer in vivo l activité du cytochrome CYP3A4. L estimation de la clairance du midazolam est le procédé le plus utilisé. La clairance du midazolam total a été retrouvée très corrélée à l expression et à l activité du cytochrome CYP3A4 mesurée sur biopsie hépatique (69). Il a également été montré que la concentration plasmatique du midazolam mesurée 4 heures après son injection permettait une estimation précise de la clairance de ce médicament et donc du métabolisme du CYP3A4 (46). C est cette technique qui a été utilisée. Modalités pratiques : Le midazolam a été injecté par voie intra-veineuse directe à la dose de 0.015 mg par kilo de masse corporelle. Un prélèvement sanguin de 10 ml sur héparinate de lithium a été réalisé quatre heures après l injection de midazolam. Le prélèvement a été centrifugé immédiatement à 3000 tr/min pendant 15 min puis le plasma a été congelé à 20 c jusqu à l analyse. Le dosage plasmatique du midazolam a été réalisé par chromatographie en phase gazeuse et spectrométrie de masse. A la dose utilisée de midazolam (0,015 mg/kg) l effet hypnotique est très faible et de courte durée. d - Pharmacocinétique du docétaxel La clairance a été calculée à partir de deux dosages plasmatiques du docétaxel, selon une méthode décrite précédemment (6). Ces deux prélèvements ont été réalisés à partir d une veine périphérique du coté opposé à celui de la voie veineuse centrale à la fin de la perfusion (H1), et 6 heures après le début (H6). 10 ml de sang étaient collectés sur héparinate de lithium et centrifugés immédiatement à 3000 tr/min pendant 15 min. Le plasma a été collecté et congelé à 20 pour analyse ultérieure.

18 Le dosage du docétaxel a été réalisé par chromatographie liquide de haute performance (CLHP). e - Surveillance post-thérapeutique Numération formule sanguine et plaquettes à J4 +/- 1 jour, J7 +/- 1, J10 +/- 1, J15 +/- 1, J20 +/- 1, et systématiquement en cas de fièvre Contact téléphonique avec le patient à J4 +/- 1 jour, J7 +/- 1, J10 +/- 1, J15 +/- 1, J20 +/- 1. Les données suivantes ont été systématiquement recherchées : présence d une fièvre, d une mucite, d un saignement extériorisé. Consultation systématique avant la réalisation du deuxième cycle ou au plus tard un mois après la première injection de docétaxel. f - Durée de participation Le patient a été considéré comme participant à l étude jusqu au jour de la deuxième injection de docétaxel - 3 semaines au minimum après la première - en l absence de fièvre, de mucite, de neutropénie grade 3-4 (inférieure à 1000 polynucléaires neutrophiles / mm 3 ) ou de thrombopénie au moins grade 1 (inférieure à 75 000 plaquettes / mm 3 ). Lorsque la deuxième injection ne pouvait pas être réalisée, la durée maximale de participation à l étude était fixée à 4 semaines après la première administration. 4/ Evaluation et méthodes statistiques a - Critères de jugement La survenue d une neutropénie fébrile, dans les quatre semaines suivant l injection de docétaxel, constituait le critère principal de jugement. Ce paramètre est une variable qualitative à deux classes (absence ou présence de cette toxicité aiguë). La neutropénie fébrile était définie par un nombre de polynucléaires neutrophiles inférieurs à 1 G/L (1000 PNN / mm3), et une fièvre supérieure ou égale à 38 5 sur une mesure, ou supérieure ou égale à 38 C sur deux recueils séparées d au moins douze heures.

19 Les critères secondaires retenus étaient la survenue d une neutropénie sévère, c'est-à-dire avec un nombre de PNN inférieur à 1,0G/L (ou <1000 / mm3). Les facteurs associés à une diminution de l activité du cytochrome 3A4 On s intéressait également rétrospectivement à la prise en charge et l évolution de la neutropénie fébrile. b - Co-variables Paramètres recueillis avant l administration de docétaxel : L âge Le nombre de traitements cytotoxiques utilisés antérieurement L indice de performance, côté de 0 à 4 (annexe 2) La présence ou non d une dysfonction hépatique définie par : transaminases (ASAT ou ALAT) > 1.5 fois la limite supérieure de la normale et phosphatases alcalines > 2,5 la limite supérieure de la normale La concentration sérique de protéine C-Réactive (CRP) L albuminémie La concentration sérique de pré-albumine La concentration sérique d orosomucoïde, de ferritine L indice nutritionnel et inflammatoire (NIS) : (CRP x orosomucoïde) / (albumine x pré-albumine) La concentration plasmatique de midazolam à H4 de l injection Paramètre recueilli après l administration de docétaxel : L aire sous la courbe (ASC) du docétaxel mesurée à partir des dosages plasmatiques

20 c - Analyse statistique Analyse univariée Les variables qualitatives binaires ont été comparées par un test exact de Fisher Les variables continues : un test de Kruskal Wallis a été utilisé L odd ratio (avec l intervalle de confiance) a été calculé pour chacune de ces co-variables. Le seuil de significativité a été fixé à 0,05. Analyse multivariée Les facteurs statistiquement significatifs dans l analyse univariée ont été entrés dans une régression logistique par un test de Spearman, afin d en déterminer l effet indépendant (ajusté) Cette étude a été approuvée par le CCPPRB de Paris Cochin le 15 juillet 2002.

21 RESULTATS Liste des tableaux et figures Tableau 1 - Caractéristiques cliniques de la population Tableau 2 - Caractéristiques cliniques par localisation tumorale Tableau 3 - Caractéristiques biologiques de la population Tableau 4 - Caractéristiques biologiques par localisation tumorale Tableau 5 Doses de docétaxel administrées (n=56) Tableau 6 Pharmacocinétique du docétaxel et du midazolam (n=56) Figure 1 Répartition des neutropénies fébriles par tumeur Tableau 7 Descriptif des patients ayant fait une neutropénie fébrile Tableau 8 Variables qualitatives et risque de neutropénie fébrile (n=56) Tableau 9 Variables continues et risque de neutropénie fébrile (n=56) Tableau 10 - Variables indépendantes associées au risque de neutropénie fébrile Tableau 11 - Analyse multivariée après exclusion de l ASC Tableau 12 Influence du type tumoral sur le risque de survenue d une neutropénie fébrile (n=56) Tableau 13 Facteurs de risque de neutropénie sévère (n=56)

22 1/ Description de la population De novembre 2002 à juin 2004, 58 patients ont été inclus. Les inclusions ont été interrompues en juin 2004, avant que le nombre de patients prévus ne soit atteint du fait d une insuffisance de recrutement. Quarante deux patients (72%) provenaient de Cochin et représentaient 90% des patients traités par taxotère dans ce centre, pendant la même période. La concentration de docétaxel en fin de perfusion était très faible pour deux patients. Il est possible de l expliquer soit par une erreur dans la réalisation du dosage, soit parce qu ils avaient reçu une dose de docétaxel inférieure à celle prescrite. Ces deux patients n ont pas présenté de neutropénie fébrile. Dans le doute, il a été jugé préférable de ne pas les inclure dans l analyse. a - Paramètres cliniques Quatre vingt quinze pourcents des patients étaient à un stade métastatique de leur maladie, dans un état de forme globalement bon avec un indice de performance médian pour notre cohorte égal à 1. L âge médian des 56 patients était de 61 ans, et 10 d entre-eux avaient plus de 70 ans. Les principales caractéristiques générales sont réunies dans le tableau 1, et détaillées par localisation tumorale dans le tableau 2. Tableau 1 - Caractéristiques cliniques de la population (n=56) Nb de patients % Sexe H/F 28/28 50/50 Age médian (min-max) 61 47-75 Indice de performance 0-1 42 75.0 2 13 23.2 3 1 1.8 Type de tumeur -sein 16 28.6 -prostate 15 26.8 -poumon non à petites cellules (NPC) 13 23.2 -autres* 12 21.4 *ovaire : 5; estomac : 2; œsophage, pancréas, vessie, pénis, ACUP : 1

23 Tableau 2 - Caractéristiques cliniques par localisation tumorale (n=56) Type de tumeur Sein Prostate Poumon Autres (NPC) Nb patients 16 15 13 12 Age médian (min-max) 46 (49-75) 63 (52-73) 56 (47-74) 62 (48-73) Sexe H/F 0/16 15/0 9/4 3/9 Indice de performance 0-1 2 3 14 (87.5%) 2 (12.5%) 0 8 (53.3%) 6 (40%) 1 (6.7%) 10 (76.9%) 3 (23.1%) 0 9 (75%) 3 (25%) 0 Patients avec métastases 16 (100%) 12 (80%) 13 (100%) 12 (100%) Sites métastatiques : Médiane (min-max) 2 (1-4) 1 (0-2) 1 (1-5) 1 (1-3) Patients avec métastases hépatiques 6 (37.5%) 1 (6.7%) 4 (30.8%) 1 (8.3%) Lignes de traitements antérieurs Médiane (min-max) 1 (0-4) 0 (0-2) 1 (1-2) 2 (1-8) Patients avec comorbidités (%) 8 (50%) 11 (73%) 4 (31%) 3 (25%) Les valeurs sont données en nombre de patient sauf précision NPC= cancers du poumon Non à Petites Cellules

24 b - Paramètres biologiques Les variables biologiques de la population, recueillies avant traitement, sont résumées dans le tableau 3. L observation de ces mêmes variables par type tumoral (tableau 4), suggère l existence d un syndrome cachectique plus marqué (PINI>1) pour les patients souffrant d un cancer du poumon que pour les autres. Tableau 3 - Caractéristiques biologiques de la population (n=56) Médiane min-max Leucocytes (G/L) 6,5 2,4-16,9 Hémoglobine (g/dl) 11,8 7,8-15,5 Polynucléaires neutrophiles (G/L) 4,4 1,5-14,8 Lymphocytes (G/L) 1,050 0,201-2,300 Plaquettes (G/L) 252 118-594 Ferritine (ng/ml) 266 25-9 180 PINI 0,7 0,0-949,6 Orosomucoide (g/l) 1,0 0,5-2,6 Nb patients % Taux ASAT>1,5 N 4 7 Taux ALAT>1,5 N 2 3,6 Taux phosphatases alcalines>2,5 N 7 12,5

25 Tableau 4 - Caractéristiques biologiques par localisation tumorale (n=56) Type de tumeur Sein Prostate Poumon Autres Nb patients 16 15 13 12 Leucocytes (G/L) 4,4 (2,4-10,2) 7,2 (3,0-16,9) 7,1 (4,1-15,6) 7,2 (4,3-12,1) Hémoglobine (g/dl) 11,3 (7,8-13,6) 12,1 (8,5-15,5) 11,3 (9,9-15,1) 11,6 (8,3-12,9) Polynucléaires 2,9 (1,54-8,0) 5,0 (1,8-13,8) 5,0(2,0-14,8) 4,7(2,3-9,9) neutrophiles (G/L) Lymphocytes (G/L) 1,015(0,201-1,5) 1,48 (0,38-2,2) 0,98 (0,45-1,81) 1,05 (0,24-2,3) Plaquettes (G/L) 218 (119-370) 272 (168-356) 265 (118-594) 233 (151-445) Ferritine (ng/ml) 212,5 (44-530) 375 (51-1 619) 264,5 (101-530) 145 (25-9 180) PINI 0,6 (0,0-10,2) 0,8 (0,3-23) 8,6 (0,1-52,8) 0,9 (0,2-949,6) Taux ASAT>1,5 N* 3 0 0 1 Taux ALAT>1,5 N* 1 0 0 1 Taux phosphatases 0 5 2 0 alcalines>2,5 N* Les résultats ci-dessus correspondent aux médianes assorties extrêmes (min-max) * données en nombre de patient des valeurs

26 2/ Traitement et pharmacocinétique a - Doses administrées Elles s échelonnaient de 70 mg/m² à 100 mg/m². Le choix de la dose était laissé à la décision de l investigateur, en fonction du type tumoral et du risque de toxicité perçu par le clinicien Tableau 5 - Doses de docétaxel administrées (n=56) Dose administrée 70-75 mg/m² 85 mg/m² 100 mg/m² Nb de patient (%) 9 (16%) 40 (71,5%) 7 (12.5%) b - Pharmacocinétique du docétaxel et du midazolam Tableau 6 - Pharmacocinétique du docétaxel et du midazolam (n=56) Moyenne (Ecart type) Concentration midazolam à H4 (ng/ml) 14,2 22,2 Clairance de docétaxel (L/h) 38,5 12,8 ASC* du docétaxel (mg.h/l) 4,4 1,6 *ASC= Aire Sous la Courbe Il a été montré une corrélation significative entre la concentration du midazolam à H4 et l Aire Sous la Courbe du docétaxel (r = 0.38, p = 0.004)

27 3/ Toxicité clinique et biologique du docétaxel après le premier cycle a - Neutropénies fébriles : Sept cas (ratio H/F : 5/2) ont été observés soit 12.5% des 56 patients. Ces neutropénies fébriles sont toutes survenues à la dose de docétaxel de 85mg/m² dans la semaine qui a suivi l administration du cytotoxique (J4 :2 patients ; J5 :1patient et J7 :4 patients). Figure1 - Répartition des neutropénies fébriles par tumeur 60,00% 4/7 50,00% 40,00% 30,00% 2/7 20,00% 1/7 10,00% 0,00% pourcentage de neutropénie fébrile poumon (NPC):4 prostate:1 autres:2 (ovaire, ACUP:1) 57,10% 14,30% 28,60%

28 Tableau 7 - Descriptif des patients ayant fait une neutropénie fébrile (n=56) Patient par Patient Patient Patient Patient Patient Patient Patient N d inclusion 3 4 11 47 56 38 2 Type de tumeur NPC NPC NPC NPC Prostate Ovaire ACUP Sexe F H H H H F H Age 58 56 66 74 58 70 60 Indice de 1 2 2 1 2 1 2 performance Nb de sites 1 2* 1 1 1 3* 1 métastatiques Nb de lignes de 1 1 1 1 1 6 1 traitements antérieurs PNN (G/L) initiaux NADIR de PNN (G/L) Lymphocytes (G/L) 6,5 14,8 4,3 4,68 0,684 0,960 0,180 0,070 7,87 3,14 ND 0,397 0,143 0,592 0,980 0,470 0,450 0,980 0,380 1,230 0,240 Ferritine (ng/ml) 260 350 509 530 1 619 57 9 180 PINI 50,10 52,80 28,47 0,25 0,36 1,09 949,58 Concentration de 7,65 46,3 6,09 64,2 14,5 7,08 130 midazolam à H4 (ng/ml) ASC docétaxel 6,6 8,3 5,8 5,2 4,7 ND 6,6 (mg.h/l) *patients avec métastases hépatiques Aucun des patients ayant fait une neutropénie fébrile n avait d anomalie significative de la biologie hépatique. Seul un patient (Patient 3) avait une comorbidité documentée (diabète non insulino-dépendant)

29 b - Neutropénies grade III-IV (<1000 PNN/mm3) : 76.8% des patients traités ont fait une neutropénie sévère (<1000PNN/mm3) Polynucléaires neutrophiles/mm3 Nb patients (%) Neutropénie grade III Entre 500 et 1000 16 (28.6 %) Neutropénie grade IV < 500- pendant moins de 7 jours 14 (25.0 %) < 500- pendant plus de 7 jours 13 (23.2%) 4/ Prise en charge des patients ayant fait une neutropénie fébrile Tous les patients étaient à leur domicile lors de la survenue de l épisode infectieux. Cinq des sept patients ont bénéficié d une consultation en urgence dans les 24h qui ont suivi le début de la fièvre, soit par l intermédiaire du médecin traitant, soit via un médecin des urgences. Aucun des patients n avait de point d appel infectieux clinique évident. a - Prise en charge ambulatoire exclusive Dans notre observation, aucun des patients soignés exclusivement en ambulatoire n a bénéficié de prélèvement bactériologique ou de cliché thoracique avant la mise en route du traitement antibiotique. Patient 3 Neutropénie fébrile (nadir de PNN à 0,684 G/L) à J7 de la chimiothérapie. Traitement le jour même, par voie orale, avec une double antibiothérapie associant Amoxicilline+ac clavulanique : 1 gramme 3 fois/jour et Ciprofloxacine : 500mg 2 fois/jour. Apyréxie en 72 heures. Contrôle biologique au quatrième jour de traitement (PNN : 2922/mm3). Poursuite des antibiotiques pour une durée totale de traitement de 10 jours.

30 Patient 47 Neutropénie fébrile (nadir de PNN à 0.070 G/L) à J7 de la chimiothérapie. Instauration d un traitement probabiliste le jour même, avec une monothérapie par voie orale : Ciprofloxacine : 500mg 2 fois/jour. Au troisième jour de traitement, apyréxie, et contrôle biologique (PNN : 2303/mm3). Poursuite de l antibiothérapie pour une durée totale de 10 jours. Patient 56 Fièvre à 38.4 à J4 de la chimiothérapie. Automédication sans avis médical par ciprofloxacine 500mg 2 fois/jour. Persistance de la fièvre 72h après le début du traitement. Consultation, à J7, avec numération formule sanguine. Neutropénie fébrile (nadir de PNN à 0,397 G/L). Poursuite du même traitement, en monothérapie, et surveillance clinique et biologique toutes les 48h. Evolution favorable avec retour à l apyréxie le lendemain ; et les dosages de PNN à J9 et J11 objectivent la sortie d aplasie (respectivement 1000 puis 4838 PNN/mm3). Au total, traitement de 10 jours.

31 b - Prise en charge hospitalière exclusive Patient 38 Consultation spontanée aux urgences pour fièvre élevée (>38.5), à J7 de la chimiothérapie. Neutropénie fébrile (143 PNN/mm3), (le nadir de PNN était à J8 à 0.100 G/L)). Hospitalisation pendant 6 jours. Prélèvements bactériologiques (examen cytobactériologique des urines, hémocultures sur la chambre implantable et en périphérie) et cliché thoracique. Aucun de ces examens n a apporté d éléments contributifs pour l étiologie de cet épisode fébrile. Antibiothérapie probabiliste, en l absence de documentation bactérienne, avec une double thérapie administrée par voie veineuse associant Tazocilline 4grammes 3 fois/jour Ciprofloxacine 200 mg 2 fois/jour Traitement concomitant avec des facteurs de croissance (Neupogen 30) : une injection par jour, par voie sous cutanée, pendant trois jours. Apyrexie en 24h de traitement, sortie d aplasie en 48h. Arrêt de l utilisation de la voie veineuse 48h après le retour à l apyréxie, pour un relais per-os par Amoxicilline+ac clavulanique 1 gramme 3 fois / jour pendant 3 jours Durée totale de traitement de 8 jours Patient 2 Hospitalisation via les urgences en médecine interne pour sepsis à J6 de la chimiothérapie. Neutropénie fébrile (nadir à 592G/l). Prélèvements bactériologiques (examen cytobactériologique des urines, hémocultures sur la chambre implantable et en périphérie) et cliché thoracique. Antibiothérapie probabiliste initiale par voie veineuse associant Tazocilline 4 grammes 3 fois par jour Ciprofloxacine 400mg 2 fois par jour

32 Une hémoculture se positive secondairement à E.Coli et le traitement est adapté à l antibiogramme Amoxicilline+ ac.clavulanique 1 gramme 3 fois par jour Ofloxacine 200mg 2 fois par jour Malgré l adaptation du traitement, le patient décède rapidement de son infection à J4 de l hospitalisation.

33 c - Prise en charge mixte Patient 4 Neutropénie fébrile (nadir de PNN à 0,960 G/L) à J4 de la chimiothérapie. Traitement probabiliste instauré par le médecin traitant, en l absence d élément d orientation par Ciprofloxacine 500mg 2 fois/jour prescrit pour 8 jours. Biologie et surveillance clinique toutes les 48h. Sortie d aplasie en 48h, mais 4 jours après le début du traitement, persistance d un fébricule et surtout mucite grade 3 motivant une hospitalisation en médecine pendant 14 jours. Mise en évidence radiologique d une pneumopathie extensive droite qui évolue favorablement sous Amoxicilline+ac clavulanique 1gramme 3 fois/jour d abord par voie veineuse 72h, puis per-os pour 5 jours de traitement, et relais par amoxicilline seul 1 gramme 3 fois/jour pour durée totale de traitement de 15 jours. (la mucite a été traitée par triflucan 200mg par voie veineuse) Patient 11 Fièvre à plus de 38.7 à partir de J4 de la chimiothérapie et ce pendant 3 jours, sans contact médical ni aucun traitement. C est à l occasion de la surveillance téléphonique de l infirmière de recherche clinique que la situation est révélée à J7. Le patient est examiné le jour même en hôpital de jour, la neutropénie fébrile est alors confirmée (nadir de PNN à 0,180 G/L) et après prélèvements bactériologiques, étant donné la bonne tolérance du patient, il bénéficie d un traitement en externe. Traitement en ambulatoire par Amoxicilline+ac clavulanique 1 gramme 3 fois/jour Ciprofloxacine 500mg 2 fois/jour. Evolution favorable, avec surveillance clinique et biologique toutes les 48h. Durée de traitement 8 jours.

34 5/ Analyse univariée pour le risque de neutropénie fébrile Paramètres cliniques Tableau 8 - Variables qualitatives et risque de neutropénie fébrile (n=56) Neutropénie fébrile Pas de neutropénie (n=7) fébrile (n=49) Valeur du test p Age médian (min-max) 61 (56-74) 61 (47-75) 0,7 Tumeur primitive (Nb de patients) Sein 0 16 0,08 Prostate 1 14 Poumon 4 9 Autres 2 10 Poumon 4 9 0,04 Autres 3 40 Indice de performance 2 (1-2) 1 (0-3) 0,04 Nb de lignes antérieures de chimiothérapie 1 (1-6) 1 (0-8) 0,3

35 Paramètres biologiques Tableau 9 - Variables continues et risque de neutropénie fébrile (n=56) Neutropénie fébrile Pas de Neutropénie Valeur de p (n=7) fébrile (n=49) Polynucléaires neutrophiles 6,5 (3,1-14,8) 4,3 (1,5-13,8) 0,06 (G/L) Lymphocytes (G/L) 0,47 (0,24-1,23) 1,13 (0,21-2,3) 0.01 Ferritine (ng/ml) 509 (57-9 180) 238 (25-1 407) 0,07 Orosomucoide (g/l) 1,3 (0,54-2,64) 1,0 (0,66-2,29) 0,3 PINI 28,5 (0,3-949,6) 0,7 (0,04-46,5) 0,08 Concentration moyenne de midazolam à H4 (ng/ml) (+/-écart type) 39,4 (+/-45,9) 10,6 (+/-14) 0,03 ASC moyenne de docétaxel 6,5(+/-1,5) 4,1(+/-1,4) 0,002 (mg x h/l) Toutes les valeurs sont données en médianes avec les valeurs extrêmes, sauf précision

36 6/ Analyse multivariée pour le risque de neutropénie fébrile Réalisation d une première régression logistique qui a inclus les variables associées à un p<0.05 dans l analyse univariée. Seuls l ASC du docétaxel et le taux de lymphocytes avant traitement étaient des variables indépendantes associées au risque de neutropénie fébrile (tableau 10). Tableau 10 Variables indépendantes associées au risque de neutropénie fébrile Odd-ratio Valeur de p (intervalle de confiance à 95%) ASC du docétaxel 2.51 (1.23-5.12) 0.01 lymphocytes 0.99 (0.99-1) 0.03 Une seconde analyse a été effectuée (tableau 11), en excluant l ASC du docétaxel. En effet, l aire sous la courbe est un paramètre qui ne peut être recueilli qu après la réalisation du traitement. Il n a donc pas d intérêt pour prévoir le risque de neutropénie fébrile. Le cancer bronchique et le taux de lymphocytes avant traitement étaient alors les deux variables indépendantes et significatives de facteur de risque de survenue d une neutropénie fébrile. Nous avons comparé, dans les deux groupes cancer du poumon versus autres cancers, les variables qui étaient susceptibles d être prédictives d une toxicité aigue (tableau 12). Seul l indice nutritionnel et inflammatoire différait de façon importante, sans pour autant que cette différence ne soit significative (p>0.05).

37 Tableau 11 Analyse multivariée après exclusion de l ASC Odd-ratio (intervalle de confiance à 95%) Valeur de p Lymphocytes Cancer bronchique versus autres 0.99 (0.99-1) 8.3 (1.1-62.3) 0.02 0.04 Tableau 12 - Influence du type tumoral sur le risque de survenue d une neutropénie fébrile (n=56) Cancer pulmonaire Autres (N=13) (N=43) Indice de performance Médian (min-max) 1 (0-2) 1 (0-3) Polynucléaires neutrophiles (G/L) 5,0 (2,0-14,8) 4,2 (1,5-13,8) Lymphocytes (G/L) 0,98 (0,45-1,81) 1,06 (0,201-2,3) Ferritine (ng/ml) 264,5 (101-530) 264 (25-9 180) PINI 8,6 (0,1-52,8) 0,68 (0,04-949) Dose de docétaxel (mg/m²) 85 (75-85) 85 (70-100) Concentration moyenne de midazolam à H4 (ng/ml) (+/-écart type) 14,2 (+/- 18,9) 14,2 (+/- 23,3) ASC moyenne de docétaxel 4,9 (+/- 2) 4,2 (+/-1,5) (mg x h/l) (+/- écart type) Les valeurs non précisées sont des médianes assorties des valeurs extrêmes

38 7/ Analyse univariée pour le risque d hématotoxicité Pour affiner l identification des patients «vulnérables» face au risque de neutropénie fébrile, nous nous sommes intéressés également à la recherche de facteurs prédictifs d hématotoxicité, et plus précisément de neutropénie sévère (grade 3 et 4 soit un taux de PNN<1000 G/L) (Tableau 13): La concentration de midazolam à H4 était significativement liée au risque de survenue d une neutropénie sévère (p=0.04) Les patients atteints d un cancer du poumon faisaient moins de neutropénies sévères que les autres cancers (p=0.01). Tableau 13 - Facteurs de risque de neutropénie sévère (n=56) Neutropénie G3-4 Neutropénie G2-3 (N=44) (N=12) Age Indice de performance Tumeur primitive Poumon Autres Polynucléaires neutrophiles (G/L) Lymphocytes (G/L) Ferritine (ng/ml) PINI Dose de docétaxel (mg/m²) Concentration moyenne de midazolam à H4 (+/- écart type) 63 (48-75) 1 (0-3) 7 37 4,4 (1,5-14,8) 1,0 (0,24-2,3) 288 (25-9 180) 0,7 (0,04-950) 85 (70-100) 17 +/-24,6 59 (47-71) 1 (0-2) 6 6 5,32 (2,86-9,3) 0,99 (0,20-1,81) 199 (44-869) 6,9 (0,1-46,5) 85 (75-100) 5,3 +/- 5,3 Données en médianes assorties des extrêmes sauf précision

39 8/ Recherche d une corrélation entre les paramètres de l inflammation et l activité du cytochrome P3A4 En dehors de la recherche de facteurs prédictifs de toxicité aigue du docétaxel, nous souhaitions également rechercher s il existait un lien, dans le risque de survenue d une neutropénie fébrile, entre l activité du cytochrome et les paramètres de l inflammation. Il a été mis en évidence une corrélation entre la concentration du midazolam à H4 et le taux de ferritine (r = 0.4, p = 0.002). En revanche ce lien n a pas été retrouvé entre la concentration de midazolam à H4 et l indice nutritionnel et inflammatoire.

40 DISCUSSION 1/ Recherche de facteurs prédictifs de toxicité aigue Cette étude est la première étude prospective qui s intéresse spécifiquement au risque de neutropénie fébrile du docétaxel, principale toxicité aiguë potentiellement létale (2). Fragilité de la population traitée par docétaxel Notre échantillon, constitué de 56 patients évaluables, avec une moyenne d âge d environ 62 ans dont 20% de plus de 70 ans, reflète bien l évolution démographique. En effet, pour la première fois en France métropolitaine, l espérance de vie à la naissance en 2004, hommes et femmes réunis, dépassait 80 ans (80.2ans) ; elle était de 76,7ans pour les hommes et 83,8 ans pour les femmes, et les «plus de 65 ans» représentaient 16,4% de la population métropolitaine (53). Le bon état général de nos patients, si on se réfère à l indice de performance globalement bon (= 0 ou 1) pour 75% d entre-eux, ne doit pas masquer la vulnérabilité de cette population. Cette fragilité est liée à l age des patients que nous venons d exposer, mais aussi au stade métastatique de la maladie pour 95% d entre-eux. D autres éléments interviennent encore comme le nombre de lignes de traitement antérieur ou la présence de comorbidités. Si la majorité des patients n avait pas été lourdement pré-traités puisque 75% d entre-eux avaient reçu au maximum une ligne de traitement, deux des patientes atteintes de cancers de l ovaire et un patient souffrant d un cancer du poumon avaient subit respectivement 6, 8 et 4 lignes de chimiothérapie avant le docétaxel. En proportion, ce sont les patients avec un cancer de la prostate qui avaient le plus de comorbidités, probablement du fait qu il s agit d une maladie du sujet âgé. On a pu constater sur le plan biologique que quatre patients avaient des perturbations minimes du bilan hépatique. Enfin, le syndrome cachectique semblait quand à lui plus important chez les patients souffrant d un cancer du poumon que chez les autres, avec un index nutritionnel et inflammatoire à 8,6.

41 Pharmacocinétique du midazolam et du docétaxel in vivo Les doses de docétaxel administrées étaient comprises entre 70 et 85 mg / m² pour 49 patients (87.5%) et les sept autres ont bénéficié d une dose de 100 mg / m². Nous nous sommes d abord intéressés aux données de pharmacocinétiques sur le métabolisme du docétaxel et du midazolam. Il a précédemment été montré que la concentration plasmatique du midazolam mesurée quatre heures après son injection constituait un moyen simple et fiable d évaluer l activité du cytochrome 3A4 et 3A5 (46). Plus récemment Goh et coll. ont montré, à partir d un échantillon de 31 patients traités en monothérapie par docétaxel, une corrélation significative en analyse uni et multivariée entre la clairance du docétaxel et celle du midazolam (31). Ces données suggéraient déjà l intérêt potentiel du midazolam comme paramètre d évaluation du métabolisme du docétaxel. Cependant, dans cette étude la détermination de la clairance du midazolam nécessitait la réalisation de 8 prélèvements en 5 heures, ce qui paraît peu réalisable en pratique courante. Nous avons, pour notre part, retrouvé une corrélation significative entre la concentration du midazolam à H4 et une variable traduisant l exposition systémique au docétaxel : l Aire Sous la Courbe (r=0.38, p= 0,004). Ce résultat répond ainsi en partie à notre première hypothèse puisque une seule mesure de la concentration de midazolam semble être un paramètre prédictif du risque de sur-exposition au docétaxel et donc de toxicité. L intérêt de cette technique est qu elle repose sur un seul prélèvement, est sans toxicité, n utilise pas de radioactivité et est réalisable en ambulatoire. Si notre choix s est porté sur le midazolam, d autres études utilisant des substrats différents du cytochrome P3A4 ont également permis d en évaluer correctement l activité. Citons le test respiratoire à l érythromycine marquée (7) (23) (35) (58) ou le dosage urinaire du 6 -β hydrocortisol après injection d hydrocortisone (75). Trouver le «substrat parfait» est un défi important. Il doit être exclusivement métabolisée par le cytochrome 3A4 ; utilisable facilement en routine sans être invasif et doit permettre d obtenir des résultats fiables rapidement. Son utilisation pourrait en théorie aider à identifier les patients les plus à risque de toxicité, permettant ainsi d individualiser la prescription du cytotoxique. Dans cette perspective, une étude prospective et randomisée de pharmacocinétique portant sur 59 patients et évaluant l intérêt de l utilisation de tels substrats vient tout juste d être publiée. Elle a montré que la variabilité inter-individuelle de l exposition systémique au docétaxel était moins