Généalogie de la psychanalyse

Documents pareils
Qu est-ce que le philosopher?

3 thèses : Problématique :

2010/2011 MASTER 2 SPECIALITE 8 MEF (IUFM/UPV/INSHEA)

Nature et formes du don : résumé

le «Yoga psychologique», créé par Nicolas Bornemisza.

Que peut nous apporter une réflexion sur nos désirs?

Florent Vaubourdolle Vendredi 27 mai 2011

Emmanuel, Dieu avec nous

C'est moi la Vérité À PROPOS D'UN LIVRE RÉCENT

DOSSIER DE PRESSE. PENTA Editions Des livres qui résonnent

Faut-il tout démontrer?

Encyclopaedia Universalis Guide d utilisation

Peut-on assimiler le vivant à une machine?

Le réel. Marguerite Angrand. Le réel selon Lacan. Philopsis : Revue numérique

Méthode universitaire du commentaire de texte

Marquage CE des enrobés bitumineux à chaud QUESTIONS - REPONSES SUR LE MARQUAGE CE DES ENROBES BITUMINEUX A CHAUD

ETRE VRAIMENT DISCIPLE

C R É D I T A G R I C O L E A S S U R A N C E S. Des attitudes des Européens face aux risques

Guide à destination des usagers. Mise à jour le 7 mars 2014

Coaching et Team Building

LES DROITS DE LA PERSONNALITE

François Balmès. L aliénation et le désir de l analyste 1

Pascal Engel. Si l une des marques de l époque moderne a été le désenchantement. vis à vis des valeurs, et en particulier vis à vis des valeurs de la

ARTS, LETTRES & LANGUES LICENCE INFORMATION ET COMMUNICATION. Culture et Médias.

Usage des photos pour Internet et pour la presse

Pour un principe matérialiste fort. Jean-Paul Baquiast

France métropolitaine, juin 2008 SUJET 7. Série ES, France métropolitaine, juin 2008

Quand la peur nous prend, qu est-ce qu elle nous prend? Vivre la crainte, l inquiétude, la panique, l affolement ou la terreur; la peur est

La stratégie de la SWX Swiss Exchange pour la place financière suisse

Etat des lieux de la nullité pour fausse déclaration intentionnelle de risques S. Abravanel-Jolly

LA FIN DE VIE AUX URGENCES: LES LIMITATIONS ET ARRÊTS DES THÉRAPEUTIQUES ACTIVES. Dr Marion DOUPLAT SAMU- Urgences Timone

«Les essentiels du coaching» «Le Coaching existentiel»

DIPLOMES UNIVERSITAIRES

Ne vas pas en enfer!

Les archives. On conserve ces documents pour faire des recherches historiques, administratives ou généalogiques.

Auxiliaire avoir au présent + participe passé

Une philosophie du numérique

FORMATION PROFESSIONNELLE DE SOPHROLOGIE DOSSIER D INSCRIPTION. Académie de Sophrologie de Bourgogne Franche-Comté - Ecole de Sophrologie de Dijon

UEO11 COURS/TD 1. nombres entiers et réels codés en mémoire centrale. Caractères alphabétiques et caractères spéciaux.

Christina Quelqu'un m'attendait quelque part...

NOTRE PERE JESUS ME PARLE DE SON PERE. idees-cate

Suite dossier d appel

Les 100 plus belles façons. François Gagol

Suis-je toujours le même?

Qu est-ce que l interprétation?

Annie Claude Sortant-Delanoë. L angoisse, nécessité logique entre jouissance et désir

Électricité statique. Introduction. Quelques étapes historiques importantes

Sujet : Pouvons-nous affirmer que le temps nous appartient?

Chapitre 2 LE CAS PRATIQUE

3-La théorie de Vygotsky Lev S. VYGOTSKY ( )

TABLE RONDE SUR LE «TRAIT DU CAS»

INTRODUCTION. Moi aussi, j'aurais voulu être quelqu'un d'autre, j'aurais voulu être moimême

«Je pense, donc je suis» est une grande découverte

La question de la représentation chez Schopenhauer*

X. Entreprise

La question de recherche

Master Etudes françaises et francophones

MÉDECINE PSYCHANALYSE DROIT JURISPRUDENCE QUESTIONS À FRANÇOIS-RÉGIS DUPOND MUZART. première partie

L état de mort cérébrale: approche transculturelle

Le développement cognitif selon Jean Piaget. Les stades du développement cognitif selon Piaget

Degré de confiance pour les indicateurs de performance : degré de fiabilité du processus de production et écart significatif 1

Sergiu Celibidache: La musique n est rien

Périodisation ou chronologie du développement de la littérature française. Tendances générales - époques. I. LE MOYEN AGE

2 Grad Info Soir Langage C++ Juin Projet BANQUE

Jouer, c'est vivre! Repères sur le jeu en Action Catholique des Enfants

PEUT- ON SE PASSER DE LA NOTION DE FINALITÉ?

POURQUOI DIEU PERMET-IL LE MAL? Masson Alexis -

Gescrise Exercice de crise - p4. Continuité - p6. Gestion de crise - p7

CONTRAT DE PRESTATION DE RECHERCHE

Ebauche Rapport finale

L il y a, au foyer de la discorde 1

HABITAT INDIGNE, SOUFFRANCE PSYCHIQUE. ET DEFENSES DELIRANTES DANS LES EXCLUSIONS (internes et externes) Lyon, 2014

A vertissement de l auteur

Cahier Technique Différences Batigest Standard/Evolution. Apibâtiment. Documentation technique

Terminale des séries générales Présentation

Charte Les projets pédagogiques / éducatifs au LEAP

a) La technique de l analyse discriminante linéaire : une brève présentation. 3 étapes de la méthode doivent être distinguées :

Mais revenons à ces deux textes du sermon sur la montagne dans l évangile de Matthieu.

«Si quelqu un veut venir après moi qu il renonce à lui-même, qu il se charge chaque jour de sa croix et qu il me suive» Luc 9 : 23.

Faculté des Sciences Juridiques et Economiques de la Guadeloupe. Campus de Fouillole. Pour mieux vous aider A choisir vos matières

UN GRAND SUCCES TOUJOURS AUSSI FIABLE

REVUE DE PRESSE. Suite à l annonce de l ouverture du Musée Mohammed VI d art moderne et contemporain

RÉSOLUTION DE SYSTÈMES À DEUX INCONNUES

Banque Nationale de Belgique Certificate Practice Statement For External Counterparties 1

1. Création d'un état Création d'un état Instantané Colonnes Création d'un état Instantané Tableau... 4

LES MECANISMES DE DEFENSE

Le besoin d'être reconnu

«POUR NOUS IL L A FAIT PÉCHÉ» Sur II Corinthiens V, 20 - VI, 2

Migration: un plus pour la Suisse Relations entre État social et migration: la position de Caritas

Campagne. aprem GELAUCOURT. les. à la. août 25. septembre DOSSIER DE PRESENTATION Éditions précédentes Programme prévisionnel 2012

MARCHE PUBLIC DE SERVICE. Maintenance balisage lumineux de la piste, des taxiways et parking de l aéroport Châteauroux-centre ACTE D ENGAGEMENT

Chacun peut-il penser ce qu il veut? - Chacun : concerne l individu, pas la collectivité - Peut-il : a) a-t-il la capacité? b) a-t-il le droit?

Photos et Droit à l image

Algèbre 40 Analyse Stat. 1 - IES : Probabilités discrètes et calcul intégral 29,5 6 Stat. 2 - IES : Probabilités générales 54 8 UE1-02 M-E-IS

TRUECRYPT SUR CLEF USB ( Par Sébastien Maisse 09/12/2007 )

Répéteur Wi-Fi GUIDE D'INSTALLATION

Smart city. Smart agriculture. Construire aujourd hui le monde de demain!

Transcription:

Généalogie de la psychanalyse " M. HBMBV. ninâsinow tif il nwrhsh^lvm Pan't P T T R 1Q8«And n A PROPOS D'UN LIVRE RÉCENT» L'ouvrage réunit sous ce titre les textes des séminaires tenus par Michel Henry à l'université d'osaka, sur invitation du gouvernement japonais, d'octobre à décembre 1983, ainsi que des conférences données aux Universités d'osaka, de Tokyo et de Kyoto. La psychanalyse joue ici pour la réflexion de Michel Henry le rôle de fil conducteur, mais en réalité sa pensée déborde largement la question des antécédents de la psychanalyse. L'auteur précise d'ailleurs en quel sens il parle de généalogie : il ne s'agit pas d'une archéologie, comme serait le simple inventaire de pensées aujourd'hui dépassées ou de systèmes morts ; il s'agit bien plutôt de la saisie d'un dynamisme vivant, d'un courant de pensée qui, prenant sa naissance chez Descartes, cherche à s'exprimer et s'exprime en fait, mais sous des formes diverses et sans qu'il y ait entre elles de lien direct de filiation, chez Kant et Schopenhauer, chez Nietzsche et Heidegger, pour aboutir finalement à Freud. Le déclin de la psychanalyse, que stigmatise M. Henry, sert en somme de catalyseur à sa réflexion. C'est à partir de ce constat d'échec que l'auteur en est venu à réaliser ce «retour en arrière» magistral sur trois siècles de philosophie occidentale, en vue de mettre à jour ce fond impensé dont procède le freudisme. C'est en tant qu'héritier de Descartes un Descartes considéré selon un certain point de vue que Freud est ici étudié ; c'est en tant que révélatrice d'autre chose qu'elle-même que la psychanalyse, prise en sa généalogie, intéresse l'auteur. Cette mise en perspective avec, comme point de fuite, les deux notions conjointes de conscience et d'inconscient nous vaut d'intéressantes et profondes relectures des philosophies considérées. Le projet cartésien, qui coïncide avec le projet même de la philosophie, est une recherche du commencement. Ce commencement radical, Descartes le trouve, nous dit M. Henry, dans l'apparaître. Non pas l'apparaître de l'étant, ni même l'être de l'étant, mais l'apparaître se révélant comme tel, à la fois apparaître et être c'est ce que M. Henry appelle une «ontologie phénoménologique» ou encore une «phénoménologie matérielle». Videre videor. Ce n'est pas le voir qui intéresse Descartes,

572 P. MASSET le voir avec ses contenus de connaissance, avec les phénomènes car ceux-ci tombent sous le coup du doute ; c'est bien plutôt le sentir immédiat, primitif, le videor (je me sens voyant) ; c'est la pensée se sentant elle-même (Descartes appelle en effet ce sentir immédiat la «pensée» ou encore «l'âme») ; c'est l'originel apparaître à soi de l'apparaître. Le cartésianisme est une phénoménologie ; il voit dans l'automanifestation de l'apparaître le fondement et l'essence de toute vérité absolue. Mais le cartésianisme n'a pas su s'en tenir à ces absolus phénoménologiques que sont la subjectivité pure, l'immanence radicale de la vie, il a dérivé très vite vers la pensée au sens moderne, à savoir la pensée non plus comme vie mais comme connaissance. Et si Descartes luimême a su se garder de cette dérive, au terme de laquelle le cogito disparaît devant le cogitatum et le videor s'abolit dans le videre, c'est au prix d'une équivoque constante, entre l'idée comme immanente et l'idée comme désignation extatique. Mais les cartésiens, eux, ont précipité cette dérive de la vie vers la représentation. Leibniz parle de perception sans aperception, donnant ainsi naissance au concept de perception inconsciente, lointaine annonce de la psychanalyse. Heidegger achèvera la réduction du cogito à la représentation. Pour lui, penser c'est percevoir, c'est poser devant soi, se représenter. L'intention inavouée de l'interprétation heideggérienne est d'insérer l'ego cogito dans l'histoire de la métaphysique occidentale, elle-même identifiée à l'histoire de la pensée de l'être, conçue à partir de l'étant. Mais cette interprétation du cogito en est la totale dénaturation. Cette même dérive de la subjectivité vers la représentation, de la vie vers la connaissance, était déjà manifeste chez Kant. M. Henry voit dans la Critique de la Raison pure une tentative d'élucidation de la représentativité, conçue comme l'essence des phénomènes et de l'être même. Mais la critique kantienne aboutit à une impasse : elle est à la fois la mise à jour de la représentation comme condition apriorique de possibilité de la connaissance et la critique radicale de la représentation elle-même en tant que forme vide. La réalité en effet, l'être de la sensation, lui échappe. Kant ne saisit pas l'essence originelle de l'impression réelle, mais seulement la représentation de l'impression. Il ne saisit pas le cogito comme sujet pensant réel : la pensée n'étant pour lui qu'une fonction logique de liaison du divers, elle ne peut pas nous donner l'être du je pense, l'essence de la vie, mais seulement sa représentation. Cette vie perdue, c'est Schopenhauer qui a su la retrouver. Aussi M. Henry voit-il en lui, malgré ses faiblesses et ses incohérences, l'un des philosophes les plus importants de notre histoire. Son apport décisif

GÉNÉALOGIE DE LA PSYCHANALYSE 573 Avec la «volonté de puissance» Nietzsche retrouvait ce vouloirvivre schopenhauérien, l'essence de la vie en tant qu'elle est immanence et affectivité, mais avec une plus nette affirmation de soi, l'ivresse d'exister comme surabondance de la vie. La vie est perpétuelle venue en soi et accroissement de soi ; elle est oubli, égoïsme et santé ; elle est cohérence avec soi et impossibilité de se défaire de soi ; elle est une force sans justification, ni raison, ni transcendance aucune ; elle est à la fois joie et souffrance ; elle est l'être en tant que s'auto-affectant, l'être comme le «se souffrir soi-même». La philosophie de Nietzsche, nous dit M. Henry, est une philosophie de la vie : en elle se révèle et s'affirme l'être comme incessant parvenir en soi de la vie. C'est la vie qui, chez Nietzsche, détermine les valeurs, en est le principe. La vie est la vérité et le bien, le bonheur et la plénitude, et la Parousie de l'être. La vie n'est pas susceptible d'être connue et la connaissance n'est que «l'autre» de la vie, aussi bien la connaissance ordinaire que la science. Apollon, qui est la représentation, n'est que l'image de Dionysos, qui est l'essence de la vie. Aussi bien le monde de la lumière est-il habité de l'obscurité primordiale ; les pensées ne sont pas lumière, mais seulement l'ombre de la lumière ; seule l'affectivité est à elle-même lumière ; le jour a son principe dans la nuit. C'est donc dénaturer totalement la métaphysique nietzschéenne des valeurs que de la ramener, comme le fait Heidegger, à une métaphysique de la représentation. Ce faisant, Heidegger intègre la pensée de Nietzsche dans l'histoire de la métaphysique occidentale, mais il l'interprète à contresens. est d'avoir explicitement rejeté l'interprétation de l'être comme représentation. La réalité en soi échappe à la représentation, elle est volonté, au sens de vouloir-vivre ; elle est la vie qui s'affirme et veut vivre. Dans mon corps, originellement senti, je saisis l'essence de la vie, non seulement comme présente en moi, mais aussi comme présente en toute chose derrière l'apparence du monde de la représentation. Mais Schopenhauer, outre qu'il trouvait absurde ce vouloir-vivre de la nature entière et voulait s'employer à y meure un terme, n'a pas su s'en tenir à cette notion de la vie comme essence première et absolue. Comme Kant, il en est venu à voir dans la représentation la médiation par laquelle la vie doit nécessairement passer pour se connaître. Le «monde comme volonté» est chez lui absorbé par le «monde comme représentation», le vouloir-vivre redevient la chose en soi inconnaissable et la philosophie occidentale, une fois de plus, ne voit pas d'autre alternative à la représentation que l'inconscient, un inconscient d'ailleurs sans raison et sans but, une facticité aveugle.

574 P. MASSET Mais si elle ne se laisse pas réduire à la clarté de la représentation extatique, la volonté de puissance cet autre nom de la vie ne se ramène pas davantage à la nuit, comme le croit la philosophie de l'inconscient. La psychanalyse ne saisit l'inconscient que sous son aspect ontique, comme un ensemble donné de pulsions, de représentations ; psychologie grossière, naturaliste, elle ignore le concept ontologique de l'inconscient, à savoir l'inconscient comme se référant à l'essence de la vie. En réalité, dit M. Henry, l'inconscient ne s'explique nullement par un processus purement ontique, comme est le refoulement, mais il s'enracine dans l'ontologique, c'est le statut même de la vie qu'il exprime. Le freudisme aboutit à concevoir l'inconscient comme un ensemble de significations arbitrairement hypostasiées et d'«explications» pseudoscientifiques. Il confond la vie et la représentation de la vie. Certes Freud accède, en un premier temps peut-on dire, à un domaine qui est le tout autre de la représentation, le domaine de la vie : là, l'inconscient a son efficience propre ; il est le dynamisme de la psyché comme telle. Mais à peine la pulsion a-t-elle été reconnue pour elle-même, comme pulsion vitale, qu'elle tombe aussitôt sous la loi de la représentation : elle n'est reconnue que par la médiation de son équivalent représentatif. L'inconscient n'est donc plus l'autre de la représentation, il est au contraire tout prégnant d'elle ; c'est le concept aberrant de «représentation inconsciente». Le freudisme représente, selon M. Henry, la dernière manifestation de ce courant de la pensée philosophique qui, à partir de Descartes et à travers Schopenhauer et Nietzsche, conteste la définition de l'homme par la pensée et découvre au plus profond de lui la vie. «Mais le freudisme n'a pris en compte la vie que pour la liquider.» D'où l'aspiration de la vie à sa propre mort. La mort, comme l'essence de la vie. En résumé, et selon Henry, l'inconscient conçu comme un ensemble de représentations inconscientes, d'entités imaginaires, cet inconscient n'existe pas. Freud, il est vrai, a su aussi voir dans l'inconscient tout autre chose, à savoir l'en deçà de toute représentation, le premier apparaître à soi de la vie en tant qu'affectivité ; mais il n'a pas su s'y tenir. Le freudisme est «une pensée de la vie qui a été incapable de s'égaler à son projet». C'est ce projet que M. Henry veut pousser à son terme, et cela au moyen d'une phénoménologie radicale, qu'il appelle «matérielle», et qui vise l'accomplissement concret de l'apparaître originel. La vie s'y saisit comme telle et comme consistant précisément en ce «s'éprouver soi-même». Le cogito s'épuise dans le videor, en deçà du videre. L'homme se définit alors phénoménologiquement comme vivant ; il est

GÉNÉALOGIE DE LA PSYCHANALYSE 575 une puissance, une force, qui ne peuvent jamais venir dans la lumière de la représentation. Cette possibilité ontologique constitutive de l'être, Henry l'appelle «la potentialité». Elle est notre corps originel, c'est-àdire l'ensemble des pouvoirs qui nous ouvrent sur le monde, l'hyperpuissance originelle qui n'est autre que la vie et dont l'inconscient est une bien mauvaise traduction, la venue en soi de la vie, l'essence même de notre être. Ainsi la psychanalyse apparaît-elle comme une tentative, après quelques autres, pour élaborer une philosophie de la vie, tentative qui tourne court, comme les autres, pour dévier dans une philosophie de la représentation, pour penser le monde et la science. Mais c'est une tentative qui va plus loin que la philosophie classique : elle veut en effet nous dire, en fin de compte, que notre relation primitive à l'être n'est pas la simple ek-stasis de la connaissance, mais que nous avons rapport à ce Fond essentiel et secret qui est la vie. A travers cette série d'études, c'est donc la philosophie de M. Henry lui-même qu'il nous est donné de saisir : une recherche phénoménologique de l'essence de l'homme, de l'essence de la vie. Une philosophie dont l'intention profonde est de saisir en son apparaître originel la venue en soi de la vie. Mais voilà que nous sommes nous-mêmes mis en appétit et nous voudrions en savoir davantage : qu'est-ce donc que la vie? et comment déjouer ce secret «vouloir de la vie de demeurer en soi»? Le présent ouvrage est à coup sûr un jalon important dans la recherche de M. Henry, un des rares philosophes français contemporains qui s'attachent à élaborer une œuvre originale et pensée en profondeur. F-34000 Montpellier Pierre MASSET Enclos Tissié-Sarrus Collège privé Saint-François Régis