MOTIVATION DE L UTILISATION D INTERNET dans la pratique prostitutionnelle à Madagascar

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Transcription:

MOTIVATION DE L UTILISATION D INTERNET dans la pratique prostitutionnelle à Madagascar

Cette publication a été réalisée avec le soutien financier de l Agence Française de Développement, l Union européenne, Australian Aid et AIRFRANCE. Le contenu de cette publication relève de la seule responsabilité d ECPAT France et ne reflète pas nécessairement la position de ses bailleurs. Equipe sociale d ECPAT France Madagascar Editeur : ECPAT France Madagascar www.ecpat-france.org

LES MOTIVATIONS La migration des pratiques prostitutionnelles vers le cyberespace se constate depuis quelques années déjà. Depuis toujours, la prostitution se définit par «le fait de livrer son corps aux plaisirs sexuels d autrui pour de l argent». On entend par prostitution des enfants «le fait d utiliser un enfant aux fins d activités sexuelles contre rémunération ou toute autre forme d avantage» (Source : Protocole facultatif à la Convention Internationale des Droits de l Enfant concernant la vente d enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants). La présence des deux éléments «activités sexuelles» et «contrepartie» sont constitutifs d une situation de prostitution. Cette contrepartie n est pas caractérisée : elle peut être de l argent mais aussi des bijoux ou des vêtements. L enquête a voulu en savoir plus sur les avantages liés à l utilisation d internet dans la pratique prostitutionnelle. La sélection des enfants s est faite sur leur utilisation effective d internet. Le tableau suivant nous expose les motivations des jeunes non scolarisés à utiliser internet. Les pourcentages mentionnés sont relatifs au nombre de réponses données par les enfants. MOTIFS Nb. de fois cités par les enfants non scolarisés à Antananarivo Fréquence Nb. de fois cités par les enfants non scolarisés à Nosy Be Fréquence Recherche clients 56 64,5% 28 46% Conversation avec contacts 16 18,5% 26 42,6% Divertissement 15 17% 7 11,5% TOTAL 87 100% 61 100% Tableau n 1: motivation des enfants non scolarisés dans l utilisation d Internet à Antananarivo et Nosy Be 3

La première raison citée est la recherche des clients qui représente 64,5% des réponses pour Antananarivo et 46% pour Nosy Be. Internet est donc intimement lié pour ces jeunes à leur pratique prostitutionnelle. La seconde raison est la conversation avec les personnes en contact, ce qui peut également faire partie de la pratique prostitutionnelle. L enquête a cherché à comprendre les avantages que les jeunes trouvent à utiliser internet pour chercher des clients. Les questions ont été posées aux enfants non scolarisés. MOTIFS Facilité et confort de recherche Beaucoup de client / clients Vazahas Nb. de fois cités par les enfants non scolarisés à Antananarivo Fréquence Nb. de fois cités par les enfants non scolarisés à Nosy Be Fréquence 29 33% 22 37% 25 25% 23 39% Contact stable 0 0% 8 13,5% Meilleure tarification 20 22,5% 0 0% Discrétion 11 12% 0 0% Nouvelle pratique 4 4,5% 6 10,5% TOTAL 89 100% 59 100% Tableau n 2 : motivation principale des enfants non scolarisés dans l utilisation d Internet à Antananarivo et Nosy Be 4

Les avantages cités par les enfants sont en premier lieu du ressort de l efficacité. La recherche des clients est facilitée par internet, notamment par les réseaux sociaux qui ont été conçus pour faciliter les mises en contact. Facebook est un réseau social en ligne qui permet à ses utilisateurs de publier du contenu (texte, image, vidéo), d échanger des messages et d utiliser une variété d applications. Pour se faire identifier, les mineurs exposent des photos incitatives (maillot de plage, buste avec soutien-gorge), souvent accompagnés par de messages donnant indice de leurs prestations sexuelles. Le besoin d être au même endroit qu un client potentiel est effacé. Avant le recours à internet, les études sur les pratiques prostitutionnelles montraient que les filles fréquentaient en majorité certaines rues où les clients pouvaient s attendre à les trouver. Le racolage permettait alors de montrer sa disponibilité aux clients qui cherchent à consommer les services sexuels. Mais la pratique oblige à rester débout durant des heures pour attendre les clients. Le racolage se faisait aussi dans les bars mais consommer dans les bars pendant des heures coûte de l argent et la concurrence y reste importante. A part ces endroits, les parkings de bus et d autres endroits discrets comme les karaokés étaient aussi utilisés, notamment par les enfants scolarisés. De nombreuses difficultés étaient citées, comme le respect du territoire des autres qui était une source de conflit et de violence quotidienne. Les travailleuses du sexe adultes chassent notamment les mineurs dans leurs territoires car elles prennent tous les clients, concurrence déloyale. Trouver un lieu de passage tout en restant discret pour éviter les patrouilles des forces de l ordre était problématique pour les mineurs. L interdiction du racolage par la mairie de Tananarive en 2014 a augmenté les difficultés de mise en contact. Ces contraintes ont été résolues par l utilisation de l internet plus particulièrement Facebook. Une fille qui se prostitue depuis plus de 4 ans confirme ces changements : «mahita clients betsaka dia nitombo ny vola miditra» (on trouve beaucoup de clients et les revenus sont meilleurs). «Lasa any daholo ny olona no mitady sipa hatramin ilay hoe tsy mahazo ijoroana intsony eto amin ny ville. (Les clients se sont orientés vers l utilisation de l internet pour trouver 5

les personnes en situation de prostitution depuis l interdiction du racolage dans la grande ville). La demande pour des prestations sexuelles sur internet semble être particulièrement importante. D après le récit des jeunes, plus ils ont recruté de clients sur internet et plus les demandes de contacts se multiplient. Ce qui permet une augmentation rapide de la liste des clients qui veulent connaitre les prestations des mineurs et engagent des conversations jusqu à la réalisation d une rencontre. A noter que certains clients se connaissent et ils partagent leurs points de vue par rapport au mineur qui vient de sortir avec eux. Le besoin d être en relation en même temps que le client est également effacé. D une manière générale, le temps où les jeunes sont «accessibles» est important: les mineurs se connectent sur le téléphone portable, et ils réduisent seulement la fenêtre sans fermer l application en cours. Dès qu un message privé arrive, ils ouvrent et répondent. Les jeunes scolarisés se connectent même pendant les cours, avec discrétion. Ils déclarent néanmoins les heures de pointes, indispensable pour l échange avec les clients entre 12 à 14h et le soir après l école. Le téléphone portable est l outil indispensable pour 52% d entre eux : ils peuvent l utiliser n importe où à n importe quel moment. Les autres fréquentent des cybercafés. Ils s y connectent de Exploitation manière continue sexuelle et en des moyenne enfants en cela ligne dure un peu moins de deux heures. Le coût est faible. A Antananarivo ou à Nosy Be, le prix de connexion y reste très abordable avec des forfaits 15mn à 300 ariary dans la commune urbaine d Antananarivo et 50 ariay/mn à Nosy Be. Les conversations peuvent se faire de façon différée voire simultanément avec plusieurs clients potentiels. Autre motif mentionné par les jeunes concernant l utilisation de l internet est la tarification. Quand ECPAT France a mené une étude quantitative sur la prostitution des mineurs en 2013, la moyenne du coût par passe se trouvait à 5000 ariary, et beaucoup d enfant touchait donc bien moins que cette somme. Pour les enfants avec lesquels nous avons mené les entretiens, à Antananarivo, la fourchette de prix 6

est assez étendue mais le prix par passe commence à 5.000 ariary avec un maximum de 100.000 ariary, alors qu à Nosy Be, on trouve une passe qui commence à 10.000ar et jusqu à plus de 100.000ar. Globalement, le tarif se concentre entre 15.000ar à 50.000 que ce soit pour les jeunes scolarisés ou déscolarisés. Ce qui différencie Nosy Be est la possibilité de sortir avec un expatrié pendant une semaine. Dans ce cas, l enfant accompagnera son client de manière continue durant son passage sur le lieu et cette prestation est tarifée à environ 100 euros. Par ailleurs, certains enfants reçoivent plutôt des objets de valeur : téléphones portables de gamme, bijoux, ou vêtements chics. Les mineurs ne se comparent pas aux jeunes qui se prostituent dans les rues au vu de leur démarche, leur apparence et le types de clients. Tout cela détermine le tarif plus élevé. Internet offre en effet plus de capacité de négociation. Le type de conversation dans les messages privés s oriente souvent vers un processus de drague. L élément de conversation préalable, le fait d être des «contacts», sont des éléments qu on ne retrouve pas dans la prostitution de rue. Tout d abord, les deux parties essaient de nouer une relation de type «non commerciale». Quand la question de la rencontre sexuelle arrive, les deux parties discutent alors des conditions. Vu le nombre des clients qui veulent devenir amis du mineur, ce dernier peut trier les personnes qui l intéressent et les conditions qui lui conviennent. A la différence de la prostitution dans les rues, où les négociations se font sans protocole, les rencontres arrangées par internet sont précédées d un restaurant ou d un verre. Seulement après cette étape, ils passent à l acte. «Passage dia samy miparitaka, raha tsy hoe vazaha angaha» (on se rencontre et terminé, sauf s il est vazaha). Cette dernière affirmation confirme que l acte sexuel est bien la finalité de la relation virtuelle engagée. Mais internet permet de reprendre contact, quand le client était potentiellement intéressant. La relation virtuelle permet de garder un lien stable entre les deux parties. Une fille lycéenne de 16 ans raconte : «Tsia, izay mba metimety na olona fantatro fa tsy ny olona rehetra. Bogosy na ireny mba malazalaza 7

ireny, mba mikata» (Non, ceux qui sont plaisants, mais pas tout le monde, beau gosse, des gens célèbres ou qui présentent bien). Un garçon de 17 ans affirme à son tour que si les demandeurs sont des filles, il accepte de suite par contre si ce sont des garçons, je regarde d abord son profil et je trie après. Le point commun est le refus des noms qu ils jugent étranges et aussi des fausses identités de profil. Les contours de la prostitution deviennent ainsi plus difficiles à cerner. Les mineurs comme les clients ne considèrent pas leur pratique comme de la «prostitution». Certains enfants considèrent leur pratique comme une forme de relation comme les autres «fiarahana ohatran ny fiarahana rehetra ihany». Une jeune fille essaie d expliquer son point de vue en ces termes : «rehefa manao firaisana aho mba mila vola koa hamenoako ny tsy ampy amiko na dia eo aza ny fitiavana» (quand j ai eu une relation sexuelle avec une personne, je demande aussi de l argent pour que je puisse satisfaire aussi mes besoins malgré la présence de l amour). Cette affirmation marque le fait que même si la jeune fille a établi une relation beaucoup plus intime avec son client, il doit payer. Et elle rajoute «ny olona rehetra afaka manao izay tiany rehefa eo amin ny fitiavana fa tsy hoe mivaro-tena aho akory, tsy matetika koa anie izany e!» (Tout le monde peut faire ce qu il veut dans le domaine de l amour, je ne me prostitue pas du tout et je ne fais pas cela souvent). Elle met l accent sur sa liberté de vivre Exploitation pleinement sa sexuelle sexualité des ou enfants ce qu elle en ligne perçoit comme de l amour. Quand on interroge les enfants scolarisés, ils parlent de chercher de «nouveaux amis» sur internet pour 56% des enfants à Antananarivo et 61% à Nosy Be. Ils refusent catégoriquement d employer le terme de prostitution. Les échanges avec les jeunes montrent clairement qu une relation sexuelle avec «vazaha» n est pas du tout considérée comme de la prostitution, même s il y a (parce qu il y a forcément) une contrepartie. Une jeune fille explique qu elle a établi une relation virtuelle avec un expatrié. S ils ne sont pas encore dans une relation sexuelle, la mineure obtient de l argent venant de cette personne qui doit venir bientôt. Pour eux, garçons ou filles, la recherche des clients expatriés par 8

internet est une démarche pour arriver à leur fin qui est de trouver un «mari vazaha» ou au moins un «malgache riche». Avant de tomber sur celui qui sera leur mari, il faut se proposer au plus grand nombre possible. Trouver un mari expatrié est un signe de réussite. S afficher au restaurant ou sortir avec eux est un privilège qui renforce son image sociale. Etre marié avec un «vazaha» signifie une vie pleine d argent, des voyages à l étranger, de possibilité de construction de maison en dur, bref, une possibilité de réaliser ses rêves et de fuir la vie quotidienne des malgaches. Les éléments financiers sont inhérents au «vazaha». La prostitution ne peut s appliquer pour ces jeunes qu à une relation avec un national. Autre motif qui ressort est la discrétion. Vu que la prostitution enfantine est poursuivie par la loi en vigueur à Madagascar, les comptes en ligne permettent de cacher son identité et sa pratique. Les enfants peuvent y changer leur nom, leur âge, leur photo, de même que leurs clients. L anonymat permet de ne pas s exposer aux forces de l ordre mais aussi à des processus d exclusion sociale que les autres enfants en situation de prostitution de rue subissent. L anonymat reste néanmoins relatif. 46% des enfants interviewés à Antananarivo connaissent les paramètres de confidentialité dans l utilisation de Facebook, alors qu à Nosy be 83% les ignorent. Ce qui montre que malgré l utilisation quotidienne de cet outil de communication, les enfants ne le maitrisent pas convenablement. Internet permet également aux jeunes de cacher leurs pratiques à leurs parents. Plus de 80% de ces enfants utilisent internet sans aucune forme de contrôle parental. Les parents ne savent pas forcement comment opère Facebook ou les autres réseaux sociaux, ne connaissent pas les mots clés comme «mp» (message privé). Ce décalage de connaissances dans la manipulation des produits technologiques rend difficile le rôle des parents dans la supervision de leurs enfants. Les seules limites que les parents imposent s orientent sur la durée de l utilisation, ou les horaires (heure de dormir ou de faire les devoirs). Par contre, ils ont des difficultés à poser des limites sur les contenus consultés. 9

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