«INITIATION A LA COMPREHENSION DES CONTRATS DE PARTENARIAT PUBLIC-PRIVE» Par Pr Bernard-Raymond GUIMDO DONGMO Agrégé des facultés de droit

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Transcription:

«INITIATION A LA COMPREHENSION DES CONTRATS DE PARTENARIAT PUBLIC-PRIVE» Par Pr Bernard-Raymond GUIMDO DONGMO Agrégé des facultés de droit PLAN DE L EXPOSE INTRODUCTION I- LA CONCEPTION A- Définition et typologie B- Justification et objectifs C- Principes et conditions II- LA REALISATION A- Passation B- Exécution et contrôle C- Régime fiscal, financier et comptable III- LA CESSATION A- Cessation normale B- Cessation à l initiative de la personne publique C- Cessation prononcée par le juge CONCLUSION INTRODUCTION Corriger les limites de la privatisation, pérenniser la maîtrise publique de la définition de la nature et de l étendue des prestations fournies aux usagers. C est pour ces deux raisons essentielles que les contrats de partenariat public-privé ont été imaginés en Grande-Bretagne. Il ne s agissait donc pas, contrairement à une idée reçue, d un désengagement de la puissance publique.

La Private Finance Initiative (PFI), qui en constitue la forme dominante, a été conçue comme une alternative aux problèmes de la privatisation, dont les limites commençaient à apparaître dès le milieu des années 1980. L «Accountability» ou l obligation de rendre compte, qui est un principe dans le mode de gestion privée, va être progressivement réceptionnée dans les services publics. Les règles nouvelles qui vont apparaitre vont donner naissance à ce qu on va appeler «le nouveau management public». Il exige transparence et responsabilité. Il est favorisé par ailleurs par l accroissement important des déficits et de la dette qui réduisent considérablement les ressources publiques. Le contrat de partenariat public/privé se présente alors comme un moyen permettant de réduire les couts et d obtenir un meilleur résultat. Le contrat de partenariat est donc apparu à coté d autres contrats entre les personnes publiques et le secteur privé que sont notamment les marchés publics et les délégations de service public (concession, affermage). Cette multiplicité des contrats administratifs rend pertinente une interrogation sur l identification du contrat de partenariat public-privé, sa conception, sa réalisation et sa cessation. Ainsi, qu est-ce que le contrat de partenariat public-privé? Comment est-il formé et exécuté? Quand et comment prend-t-il fin? Il s agit globalement de poser la question de savoir comment peut-on appréhendé les contrats de partenariat public-privé au regard de sa spécificité et surtout de la nouvelle logique de gestion du service public qu il apporte? La question est importante dans la mesure où elle permet de lever le voile sur une catégorie relativement nouvelle de contrats administratifs qui se présentent comme une solution efficace à la réalisation du service public dans les Etats qui ne disposent pas toujours des moyens suffisants pour réaliser des investissements importants pour la satisfaction de ses missions d intérêt général. Pour mieux appréhender ces contrats de PPP, il convient de s intéresser à leurs conception (I), réalisation (II) et cessation (III). I- LA CONCEPTION Après avoir défini et indiqué la typologie des contrats de partenariat publicprivé (A), il conviendra d en donner les justifications et de présenter les objectifs (B) avant d en préciser les principes et les conditions pour y recourir (C). A- Définition et typologie Nous allons considérer d une part la définition, et, d autre part, la typologie des contrats de partenariat. 1- Définition Le droit camerounais en la matière nous servira de socle définitionnel.

Au terme de l article 2 alinéa 1 de la loi n 2006/012 du 29 décembre 2006 fixant le régime général des contrats de partenariat, «le contrat de partenariat régit, dans le cadre des projets d une grande envergure technique et financière, les relations de partenariat entre : les personnes publiques et une ou plusieurs autres personnes publiques ; les personnes publiques et une ou plusieurs personnes privées». Il est alors définit dans l alinéa 2 du même article comme : «un contrat par lequel l Etat ou l un de ses démembrements confie à un tiers, pour une période déterminée, en fonction de la durée d amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, la responsabilité de tout ou partie des phases suivantes d un projet d investissement : la conception des ouvrages ou équipements nécessaires au service public ; le financement ; la transformation des ouvrages ou des équipements ; l entretien ou la maintenance ; l exploitation ou la gestion». Au regard de cette définition, on peut se rendre compte que les contrats de partenariat se distinguent des autres types de contrats conclus par les personnes publiques entre elles ou entre elles et les personnes privées. Ils se distinguent des marchés publics sur au moins deux points : la rémunération et la durée. Dans les marchés publics, le paiement est fait après la réalisation de la prestation. Il n y a pas de report de paiement. Dans les contrats de PPP, le partenaire est rémunéré en partie ou totalement selon les termes du contrat sur la gestion qu il fait de l investissement. Les premiers s exécutent sur une période relativement courte, tandis que les seconds s exécutent sur une période plus longue (10 ans, 20 ans ). Ils se distinguent également des délégations de service public sur trois points principaux. -Tout d abord dans les délégations de service public, le projet est financé par la personne publique qui en confie simplement la gestion à son cocontractant dans les contrats de ppp, le financement est fait en tout ou partie par le cocontractant. - Ensuite, dans les contrats de délégation, il n y a aucun partage des risques. Ils sont entièrement de la responsabilité, sauf exception du délégataire. Le CPPP vise à réaliser un partage optimisé des risques. Il permet d allouer les responsabilités à la partie qui sera à même de les assumer le plus efficacement. - Enfin, il ouvre la possibilité d avoir comme client principal du service fourni, une collectivité publique et de ne plus être ainsi tenu de tirer une part essentielle de ses ressources des paiements directs des usagers. Le contrat de partenariat se distingue aussi du bail emphytéotique administratif. En effet, ce dernier permet essentiellement le transfert de droits à construire à un partenaire privé sur un terrain public et a en conséquence pour domaine de prédilection la construction, l exploitation étant la plupart du temps limitée à la gestion de la maintenance et des installations. En outre, le bail emphytéotique administratif offre moins de flexibilité pour les recettes annexes, provenant des utilisateurs, et les financements innovants.

2- Typologie Concernant la typologie des contrats de partenariat public-privé, elle varie en fonction du critère retenu. Il peut s agir notamment du degré de participation de l autorité publique au financement initial ou ultérieur du projet, de la durée et de la nature du contrat qui lie l autorité publique au partenaire privé du PPP, du partage des risques entre le secteur privé et le secteur public, des tâches qui composent le projet, des montages financiers ou le ratio entre projets en site vierge et projets de reprise. Il n est pas facile de classer les PPP en catégories homogènes car chaque projet se caractérise par de nombreuses particularités qui le rendent unique. Par exemple, sur le critère du degré de participation de l autorité publique au financement initial ou ultérieur du projet, on a le BOT (Build-operate-Transfert) (ou contrat construction, exploitation et transfert). Ainsi, il existe une variété de BOT. On a : la Concession à péages de type BOT avec subventions publiques : l autorité publique subventionne en partie l exploitation en fonction du volume de trafic. Bien que cela augmente son exposition financière dans le cadre du projet, c est le partenaire privé qui continue d assumer la plupart des risques ; la Concession à péages (de type BOT) avec apport de fonds publics : l autorité publique contribue à l investissement initial. Dans ce cas, le niveau d exposition financière de l autorité publique est semblable au cas de figure précédent, à ceci près que cette approche diminue le capital initial que doit mobiliser le partenaire privé et donc réduit son risque ; la Concession à péages (de type BOT) avec emprunt d Etat : l autorité publique fournit une partie du capital requis sous forme de prêts assortis de conditions préférentielles. Ces prêts doivent être remboursés à un moment ou à une autre pendant la durée du projet ; la Concession à péages (de type BOT) avec caution de l Etat : ce montage est structuré comme une concession de type BOT classique, mais l autorité publique se porte caution pour l emprunt contracté par le partenaire privé du PPP ; le DBFO (Design-Build-Finance an Operate ou péages fictifs : ces systèmes peuvent être considérés comme des cas extrêmes de concessions à péages subventionnées de type BOT dans le cadre desquelles l autorité publique paie 100% du péage ; le Financement par le constructeur : Il s agit de contrats de construction pour lesquels l autorité publique effectue un seul versement pour régler l infrastructure une fois que les travaux sont terminés. Délégation de la gestion : l autorité publique signe un contrat avec une société privée qu elle charge d assurer l exploitation pour son compte, mais sans cession ou bail des actifs.

Qu est ce qui justifie ou peut justifier le recours aux contrats de partenariat public-privé et quels en sont les objectifs? B- Justification et objectifs C est un fait. La gestion publique et la gestion privée sont construites sur deux paradigmes distincts. Tandis que dans la gestion publique, la logique est celle de la recherche de l intérêt général, dans la gestion privée, la logique est plutôt celle de la recherche du profit. Cette division fondamentale fait en sorte que la gestion publique soit moins axée sur les résultats et que l accent soit mis dans une moindre mesure sur la dépense. Qu est-ce qui a donc justifié le changement de ce paradigme par les personnes publiques et quels en sont les objectifs? 1- Justification C est l endettement progressif des Etats Africains qui va favoriser l émergence d un nouveau mode de gestion publique qui n oblitère plus complétement l idée de performance. En effet, c est sur proposition des institutions financières internationales que la plupart des Etats africains vont se tourner vers ce nouveau moyen d investir dans la réalisation du service public sans avoir besoin de disposer des fonds importants ou suffisants. Les contrats de PPP s inscrivent donc dans une logique de gestion et de contrôle centrés sur les résultats et non plus sur les ressources consommées, et dans la mise en place d une organisation comptable fondée sur le modèle privé. Les contrats de PPP sont une solution pour la réalisation des projets pour lesquels les personnes publiques ne disposent pas d importants moyens. Ils permettent en effet à l Etat d investir sans sortir son portefeuille dans des délais courts et pour un résultat optimal. En Afrique, on observe que la demande sociale s accroit provoquant l augmentation des dépenses de fonctionnement et d intervention de l Etat. Cette situation a conduit les autorités publiques à différer les investissements et l entretien des infrastructures existantes. Dans ce contexte, les contrats de partenariats public-privé apparaissent comme une solution adéquate. Ils favorisent le développement de nouvelles infrastructures que seules les personnes publiques ne peuvent réaliser. Cette nouvelle configuration oblige donc les personnes publiques à avoir une gestion non plus axée sur la dépense, mais sur le résultat selon la logique du secteur privé. 2- Objectifs

Pour ce qui est des objectifs, les PPP visent l augmentation de la disponibilité des ressources financières, l augmentation de la rentabilité d un projet, la réduction des coûts, de la simplification de l élaboration du projet, de la réduction des délais de développement, de l optimisation des coûts sur l ensemble du cycle de vie du projet, de la permission d une structure financière qui dépende plus des usagers ou encore le retardement du passif du secteur public sans que ce passif n apparaisse dans les comptes publics. Les contrats de partenariat public-privé sont assis sur des principes classiques des contrats administratifs, mais leurs conditions d existence sont tout à fait atypiques. C- Principes et conditions Quid d abord des principes, puis des conditions de recours aux contrats de PPP? 1- Principes Le rapprochement de la gestion privée n oblitère pas du tout les principes classiques des contrats administratifs auxquels sont soumis les contrats de partenariat public-privé. Au Cameroun, par exemple, l article 8 alinéa 1 de la loi n 2006/012 du 29 décembre 2003 fixant le régime général des contrats de partenariat, dispose à ce propos que «la passation d un contrat de partenariat public-privé est soumise aux principes de liberté d accès, d égalité de traitement des candidats, d objectivité des procédures, de concurrence et de transparence». 2- Conditions Concernant les conditions, l article 6 de la loi n 2006/012 fixe des conditions de forme et de fond de recours aux contrats de partenariat public-privé. Relativement aux conditions de forme, l article 6 en pose deux : une évaluation effectuée par la personne publique avant le lancement de la procédure de passation et l avis motivée du ministre en charge des finances avant le déclenchement de la procédure d appel à concurrence. Concernant les conditions de fond, la loi en pose deux : la complexité et l urgence du projet à réaliser et les motifs économiques. L article 6 alinéa 1 dispose à ce propos que «le contrat de partenariat ne peut-être conclu que pour la réalisation de projets pour lesquels, une évaluation effectuée par la personne publique avant le lancement de la procédure de passation : - montre que, compte tenu de la complexité du projet, la personne publique n est pas en mesure de définir seule et à l avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins ou d établir le montage financier ou juridique du projet, ou bien que le projet présente un caractère d urgence ; - expose avec précision les motifs de caractère économique, financier, juridique et administratif, qui l ont conduite, après une analyse comparative notamment en

termes de cout global, de performance et de partage des risques, de différentes options, à retenir le projet envisagé et à décider de lancer une procédure de passation d un contrat de partenariat.» Il est à noter que le législateur camerounais a réceptionné là les conditions posées en France pour le recours aux PPP. Cette limitation du recours aux contrats de PPP en France a une valeur constitutionnelle et est liée à l existence d autres types de contrats administratifs qui font intervenir les acteurs privés. Le Conseil constitutionnel français en a ainsi posé progressivement les limites. En 2003, il pose la première réserve en jugeant que l utilisation des contrats de partenariat ne pouvait être généralisée, mais réservée uniquement à des situations répondant à des motifs d intérêt général. De cette première réserve d interprétation, le recours au contrat de partenariat ne pouvait initialement être envisagé qu au regard des critères de la complexité ou de l urgence du projet. Le CC consacrait ainsi le caractère dérogatoire au droit commun du contrat de partenariat. Cette règle va être confirmée en 2008 et une nouvelle condition ajoutée : il s agit de celle de l efficience économique. Il s est donc agit d une rationalisation du domaine des contrats de PPP que l ont ne retrouvent pas toujours dans d autres Etats comme l Angleterre, qui offre une ouverture assez importante aux contrats de PPP. Dans son document d orientation intitulé : «Une nouvelle approche des contrats de partenariat public-privé» publié en décembre 2012, le Trésor britannique indique que plus de 700 Public Finance Initiative ont été conclus depuis l origine pour un montant correspondant à un investissement du secteur privé d environ 55 milliards de livres (soit un peu plus de 65 milliards d euros) et ajoute que les PFI ont toujours représenté «une petite part mais néanmoins importante de la totalité des investissements du Gouvernement en infrastructures et services publics». En France où ils (contrats de PPP) ont été introduit en 2004, on compte en 2014, 540 projets contrats de partenariat signées par les personnes publiques (collectivités territoriales et Etat) pour un montant de 14, 14 milliards. Au Cameroun, en 2013 on comptait 12 contrats de partenariat public-privé en cours d exécution et 21 autres projets qui étaient annoncés par le gouvernement. L idée de contrat de partenariat économique est réalisée à partir des règles juridiques. II- LA REALISATION La réalisation des contrats de partenariat public-privé passe par sa passation, son exécution et son contrôle. A- Passation

La passation des contrats de partenariat public-privé se fait en trois grandes étapes. La première étape consiste à lancer l appel à concurrence par l autorité publique. L article 8 alinéa 2 de la loi n 2006/012 indique, à ce propos, que l appel public est précédé d une publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes dans les conditions fixées par décret. La deuxième étape consiste à sélectionner le cocontractant. Elle s effectue à travers trois étapes que précise l article 9 de la loi suscitée. D abord, la présélection, qui consiste à retenir, sur la base des pièces produites par les candidats, les offres les plus qualifiées techniquement et financièrement pour répondre aux besoins de la personne publique. Ensuite, le dialogue de pré-qualification, qui est une concertation engagée par la personne publique avec les candidats présélectionnés, afin de définir les moyens techniques, ainsi que le montage juridique et financier les mieux à même de répondre à ses besoins. Il permet, par ailleurs, de s assurer de l expérience et des capacités professionnelles avérées des candidats. Enfin, l adjudication, qui est l aboutissement de la procédure de sélection des offres par la désignation du cocontractant. Cette troisième étape de la procédure consiste à attribuer le contrat au candidat qui a présenté l offre économiquement la plus avantageuse. L alinéa 3 de la loi n 2006/012 précise toutefois que même en cas de candidature unique, son examen reste soumis à la procédure prévue à l article 9 suscité. Loi n 2006/012 indique les critères d attribution au rang desquels figurent le cout de l offre, les objectifs de performance définis en fonction de l objet du contrat, la part d exécution du contrat que le candidat s engage à confier à des petites et moyennes entreprises et à des artisans locaux, la valeur technique et le caractère innovant de l offre, le délai de réalisation des ouvrages ou des équipements, leur qualité esthétique ou fonctionnelle. L article 32 du décret n 2008/0115/PM du 24 janvier 2008 précisant les modalités d application de la loi n 2006/012 du 29 décembre 2006 fixant régime général des contrats de partenariat, précise que le contrat de partenariat est constitué d un document unique rédigé recto verso. Y sont annexées toutes pièces contractuelles prévues par le règlement de la concurrence. Une fois donc le document signé, s ouvre la phase d exécution suivie du contrôle. B- Exécution et contrôle On verra d abord l exécution, puis le contrôle. 1- Exécution

Le cadre d exécution des contrats de partenariat public-privé est fixé par la loi n 2006/012 et le décret n 2008/0115/PM du 24 janvier 2008 précisant les modalités d application de la loi n 2006/012 du 29 décembre 2006 fixant régime général des contrats de partenariat. Ces textes fixent le cadre juridique dérogatoire des CPPP. Le contrat de partenariat entre en vigueur après sa notification à l adjudicataire par l administration publique initiatrice du projet. L article 13 alinéa 1 de la loi dispose que : «Lorsqu un contrat de partenariat confie au cocontractant tout ou partie de la conception des ouvrages, il est fait obligation à la personne contractante d identifier une équipe de maîtrise d œuvre chargée de la conception des ouvrages et du suivi de leur réalisation, d exiger un projet architectural, s agissant des offres relatives aux bâtiments et aux ouvrages d art, afin de connaître la qualité globale des ouvrages concernés comme critère d attribution du contrat». L alinéa 2 précise que «lorsque la personne publique ne confie au cocontractant qu une partie de la conception des ouvrages, elle peut elle-même faire appel à une équipe de maîtrise d œuvre pour la partie de la conception qu elle assume». 2- Contrôle Concernant le contrôle de l exécution du contrat de partenariat, le décret n 2008/0115/PM précise que les deux parties procèdent chaque année à une évaluation de l exécution du contrat, les modalités de celle-ci étant consignés dans le contrat de partenariat. Par ailleurs, lorsque le contrat de partenariat emporte occupation du domaine public, les conditions de cette occupation sont déterminées selon les mêmes modalités que pour une concession de service public. Pour ce qui concerne l encadrement des autres aspects qui ne sont pas développés par ces textes notamment le pouvoir de direction de l administration, son pouvoir de contrôle, son pouvoir de modification unilatérale, les dispositions y relatives doivent être expressément prévues dans le contrat de partenariat. Quid du régime fiscal, financier et comptable des contrats de partenariat? C- Régime fiscal, financier et comptable Les contrats de partenariat et les prestations du cocontractant de la personne publique sont soumis à un régime fiscal, financier et comptable spécifique et stable fixé par la loi. Ce régime est contenu dans la loi n 2008/009 du 16 juillet 2008 fixant le régime fiscal, financier et comptable applicable aux contrats de partenariat. 1- Concernant le régime fiscal, il varie selon qu on se trouve dans la phase de conception, de réalisation ou d exploitation du projet d investissement. Pour les deux premières phases, les avantages sont :

- la prise en charge par le budget de la personne contractante de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) relative aux importations et aux achats locaux de matériels ; - l enregistrement gratis des conventions et actes passés par le cocontractant de la personne publique dans la phase de la réalisation du projet d investissement. Par ailleurs, les matériels et équipements importés, destinés aux projets d investissement réalisés en contrats de partenariat, bénéficient de la mise à la consommation avec prise en charge des droits et taxes de douane par le budget de la personne publique contractante, de même qu ils peuvent bénéficier du régime de l Admission Temporaire Spéciale (ATS) ou de la procédure d enlèvement direct. Ces matériels et équipements peuvent également être dispensés de l inspection avant embarquement à la demande du cocontractant de la personne publique. Pour ce qui est du régime fiscal de la phase d exploitation, le cocontractant bénéficie d une décote de cinq points en principal sur le taux d impôt sur les sociétés durant les 5 premières années d exploitation et dans la même période, les actes et conventions qu il passe sont enregistrés gratis. 2- Concernant le régime financier, le financement des projets d investissement réalisés en contrat de partenariat peut être fait selon 3 modalités : - soit intégralement par le partenaire privé ; - soit par un organisme tiers ; - soit conjointement entre lui et une personne publique, qui peut être l Etat ou une collectivité territoriale décentralisée ; - soit conjointement entre lui, l Etat et les CTD ; - soit conjointement entre les personnes publiques (l Etat et les CTD ; et CTD entre elles). 3- Pour ce qui est du régime comptable, le cocontractant de la personne publique peut déduire de ses bénéfices imposables des amortissements calculés selon un système constant préférentiel au titre des biens amortissables utilisés dans le cadre de son exploitation. Ce taux d amortissement est égal au taux normal majoré de 25%. Le point de départ de la computation du délai d amortissement prévu à l alinéa 1 ci-dessus est la date de commencement de l exploitation proprement dite. Cette exécution peut mener au terme normal du contrat de partenariat, ce qui n est pas toujours le cas. III- LA CESSATION Le contrat de partenariat PP peut prendre fin de manière naturelle (A), mais son terme peut également être provoqué, aussi bien par la personne publique (B) que par le juge (C). A- Cessation normale

Le contrat de partenariat peut prendre fin lorsque, au bout du temps déterminé dans le contrat, chacune des parties à respecté ses engagements. C est la fin normale ou naturelle du contrat de partenariat. La fin du contrat de partenariat est tributaire de sa nature. Il s inscrit presque toujours dans une logique de longue durée, parce que la prise en charge de la gestion d ensemble d un service public suppose le plus souvent la réalisation, par le cocontractant d investissements matériels ou immatériels qu il doit pouvoir amortir dans le cadre de l exécution du contrat. La durée de la concession constitue donc un élément important de la rémunération du cocontractant. Par ailleurs, la fin du contrat doit composer avec la nécessaire continuité du service public. Lorsque le terme arrive, la personne publique prend les dispositions pour assurer la continuité du service public. L expiration de la durée stipulée dans le contrat entraîne normalement de plein droit l extinction du contrat. B- Cessation à l initiative de la personne publique C est l hypothèse de la sanction de l administration qui peut résilier le contrat avec son partenaire. Elle est prévue à l article 39 du décret n 2008/0115/PM, qui dispose que «le contrat de partenariat peut être résilié ( ) par la personne publique concédante, soit pour faute grave du cocontractant, soit pour des motifs d intérêt général. Dans ce dernier cas, une indemnité couvrant les charges d investissement est versée au cocontractant». Dans cette hypothèse, la personne publique concédante doit prendre «des mesures pour assurer la continuité du service public ou des travaux. Elle peut, à cet égard, faire appel au candidat le mieux classé à l issue du dialogue de préqualification ou alors assurer la continuité des travaux en régie». C- Cessation prononcée par le juge C est également l article 39 du décret n 2008/0115/PM qui fixe le cadre de la cessation du contrat de partenariat public-privé par le juge. Il dispose que «le contrat de partenariat peut être résilié par le juge compétent, à la demande du cocontractant de la personne publique». Le juge compétent peut être précisé dans le contrat de partenariat. Si ce n est pas le cas, c est le droit commun des contrats administratifs qui s applique. Cela signifie que dans le cas où un juge n est pas désigné dans la convention, compétence revient naturellement au juge administratif. CONCLUSION Si les contrats de partenariat sont pertinents dans le contexte actuel des Etats en voie développement, il reste qu il présente des dangers qu il faut absolument noter. La mise en place des conditions qui peuvent permettre d optimiser le cycle de vie du projet à réaliser, le recours à des capitaux et au savoir faire du secteur privé, l option d u service plus axé sur le client et le développement de nouvelles

opportunités commerciales peuvent à coup sur booster la performance de la gestion publique et donner une chance au développement. Seulement, il convient de garder présent à l esprit que le partenaire de la personne publique est une personne privé et par conséquent est davantage porté vers la réalisation du profit. On peut donc craindre une certaine dénaturation du service public avec une gestion qui remettrait en cause le principe de la gratuité du service. C est pour cette raison qu il est essentiel que le cadre juridique d effectuation des contrats de partenariat public-privé soit clair et précis, de même que les obligations contenues dans le contrat. Yaoundé, le 05 décembre 2016 Pr Bernard-Raymond GUIMDO DONGMO Agrégé des facultés de droit