À propos de... UNE LONGUE CONQUÊTE LE DROIT DE VOTE EN ANJOU ( ) N 31

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Transcription:

À propos de... UNE LONGUE CONQUÊTE LE DROIT DE VOTE EN ANJOU (1789-1945) «Voter est un droit, c est aussi un devoir civique». Derrière cette formule simple, inscrite sur chaque carte électorale, se résume plus de deux siècles d une lente conquête, d un droit fondamental des Français, celui de choisir ses représentants par l élection. Né des bouleversements de la Révolution française, le principe de la souveraineté du peuple s impose et remplace le pouvoir absolu du monarque. C est un idéal, celui du citoyen, exerçant le pouvoir politique par l intermédiaire de représentants élus dont le pouvoir émanerait de la volonté de tous. Tous? En réalité, le droit de vote tel qu il est imaginé dans les premiers temps exclut de fait l essentiel de la population par des conditions de sexe, d âge, de résidence et surtout de fortune! Qu il soit censitaire ou universel, le suffrage ne concerne en réalité qu une minorité de Français jusqu à la fin du XIX e siècle. Ce sont surtout les femmes qui auront à se battre pour obtenir enfin l égalité politique. Oubliées par la Révolution, niées sous la monarchie constitutionnelle et le Second Empire, ignorées sous les II e et III e Républiques, ce n est qu en 1945 qu elles peuvent enfin voter, et être élues. Mais victimes des préjugés masculins, elles sont alors peu nombreuses lors des premiers scrutins à parvenir à pouvoir s insérer dans la vie publique. LES DOSSIERS DU SERVICE ÉDUCATIF N 31

1 - LA NAISSANCE DU DROIT DE VOTE (1789-1848) Avec la Révolution, les Français cessent d être des sujets pour devenir des citoyens. Affirmé dans la Déclaration des Droits de l Homme et du Citoyen, le principe de la souveraineté de la Nation est inscrit dans la Constitution qui met fin à la monarchie absolue. Néanmoins ce texte restreint le suffrage à une minorité d électeurs élus par des citoyens actifs payant un impôt équivalant à 3 journées de travail, le cens. C est le suffrage censitaire. La Révolution avait pourtant voulu en 1792, adopter le principe de suffrage universel pour l élection de ses représentants. Dans chaque Carte d électeur du Maine-et-Loire, 1797 (1 L 335). commune sont alors établies les premières listes électorales et imprimées les premières cartes d électeur. Mais le Directoire revient sur ce principe et le Premier Empire met en place un suffrage ne permettant de désigner que des candidats et non des élus. Sous les monarchies constitutionnelles qui se succèdent de 1815 à 1848, le suffrage est toujours censitaire même si le corps électoral est progressivement élargi par l abaissement de l âge et du cens sans que le principe censitaire soit remis en cause. Même sous la Monarchie de Juillet, la part des électeurs ne dépassera jamais 3 % des hommes de plus de 21 ans. Document 1. État de la population électorale commune de Pruniers, 1793, (2 L 49). 1 - D après ce document, qui peut voter en 1793? À quelle unique condition? 2 - Comment s appelle ce type de suffrage? Quel régime le met en place? 3 - Comment est qualifiée la date de 1793 dans ce document? Pourquoi? Document 2. Fête de la souveraineté du peuple Angers 1798 (extraits transcrits) (1 L 416). «Quatre jeunes gens portaient chacun une bannière où on lisait sur l une : «la souveraineté réside essentiellement dans l universalité des citoyens». Sur la seconde : «l universalité des Français est le souverain». Sur la troisième : «nul ne peut sans une délégation légale exercer aucune autorité ni remplir aucune fonction publique». Sur la quatrième : «les citoyens se rappelleront sans cesse que c est de la sagesse des choix dans les assemblées primaires et électorales que dépendent principalement la durée, la conservation et la prospérité de la République». Cette fête a été embellie par un concours innombrable de citoyens qui joignaient à la gaité et à la joie cette dignité qui caractérise un peuple souverain». 1 - Que peut signifier la phrase inscrite sur la première bannière? 2 - D après la dernière bannière, que permet le droit de vote? 3 - Pourquoi le Directoire a-t-il instauré cette fête de la souveraineté? Par quoi peut-elle être menacée? 2 l Une longue conquête, le droit de vote en Anjou (1789-1945)

2 - UN SUFFRAGE UNIVERSEL MAIS CONTROLÉ (1848-1870) En février 1848, la II e République est proclamée et instaure immédiatement le suffrage universel. Ce sont désormais près de 10 millions d électeurs qui peuvent choisir leurs représentants mais ce suffrage reste interdit aux femmes. Très vite, dès 1850, d autres restrictions sont imposées qui limitent fortement ce mode d élection démocratique. L obligation de résidence pendant trois ans dans la commune de vote exclut de fait les ouvriers et les travailleurs agricoles qui se déplacent en permanence là où ils peuvent trouver de l embauche. Le Second Empire, qui succède à la II e République va encore plus loin dans le contrôle du droit de vote. L usage du plébiscite et de la candidature officielle est systématique. Le régime utilise tous les relais locaux (préfets, maires, etc.) pour encadrer le vote et mettre en avant des candidats soutenus par le Gouvernement, c est la pratique des «affiches blanches». Influences et parfois corruption de la part des élus locaux et de la bourgeoisie conservatrice sont dénoncées par les Républicains qui y voient une confiscation du droit de vote. Jusqu à l instauration de la III e République, et même au-delà, le recours à ces candidatures officielles et les limites imposées aux libertés d expression politique et de réunion empêchent une réelle expression démocratique du vote. Documents 3 et 4. Affiches électorales élections législatives de 1877 (3 K 173). Recours en invalidation de l élection du député Fairé par le candidat Maillé. Il lui reproche d utiliser la procédure de «candidat officiel» en vigueur sous le Second Empire. L élection sera invalidée et le candidat républicain finalement élu. 1. Qu utilise le candidat Fairé pour gagner la confiance des électeurs? 2. Qui signe cette affiche électorale? 3. Que reproche le candidat républicain à cette «affiche blanche»? Une longue conquête, le droit de vote en Anjou (1789-1945) l 3

3 - LE DROIT DE VOTE, UN COMBAT AU FÉMININ Souvent évoqué, le droit de vote n est accordé aux femmes que tardivement en France. Au XIX e siècle, le mouvement des suffragettes y reste limité. La question du vote des femmes divise les associations féministes. Elle concerne alors avant tout des femmes cultivées, des intellectuelles. Dès 1917 pourtant, des propositions prévoient, en vain, de récompenser l immense effort économique des femmes pendant le conflit par un droit accordé aux plus méritantes. Pendant l entre-deux guerres, six propositions de loi votées par l Assemblée sont rejetées par le Sénat qui juge les femmes trop influençables. C est le général de Gaulle, chef du gouvernement provisoire, qui signe l ordonnance du 21 avril 1944. Les premières élections mixtes au suffrage universel montrent une forte participation des femmes, de 2% supérieure à celle des hommes Document 5. «Les Françaises veulent voter», UFSF (1909-1914), (7 Fi 1041). 1 - Quelle est la revendication de cette affiche? Quel symbole républicain y retrouve-t-on et pourquoi? 2 - Quelles catégories de femmes peut-on identifier sur ce document? Comment voit-on qu elles sont prêtes à la démarche revendiquée? 3 - La stratégie de l Union Française pour le Suffrage des Femmes peut-elle être comparée à celles des suffragettes? L Union Française pour le Suffrage des Femmes (UFSF), créée en 1909, réunit des militantes en majorité issues de la bourgeoisie ou des milieux intellectuels. Elle tient sa première réunion publique à Angers en 1913 sur le droit de la femme à participer au suffrage universel. Mais si l UFSF utilise les mêmes moyens de communication que les partis politiques, le ton reste à la modération. Après une pause de 1914 à 1918 en vue de contribuer à l effort de guerre, l Union Française pour le Suffrage des Femmes reprend sa lutte pour le droit de vote féminin dès mai 1918 en Anjou. Le ton change. Document 6. «Ceux qui n ont pas le droit de voter», UFSF, 1924 (7 Fi 1034). 1 - Qui est à l origine de ce document? Quel en est l objectif principal? 2 - Quels procédés utilisés sur cette affiche vous paraissent efficaces pour faire passer son message? De quel type de presse peut-on les rapprocher? 3 - Quelle image cette affiche donne-telle des femmes? En quoi justifie-t-elle leurs revendications? 4 l Une longue conquête, le droit de vote en Anjou (1789-1945)

4 - PREMIÈRES ELECTRICES, PREMIERES ÉLUES Germaine Canonne en 1945 (Archives municipales d Angers) Bien que plus nombreuses que les hommes en 1945, peu de femmes sont élues à la première Assemblée constituante et seules 39 prennent place à l Assemblée nationale de 1946. Les élues sont en plus grand nombre à siéger dans les instances locales, à l image de Germaine Canonne, première femme élue d Angers en 1945. Confrontée aux préjugés masculins, elle n oublie pas, dans un de ses premiers discours officiels, de rassurer les hommes sur la capacité des femmes à participer à égalité à la vie politique. Germaine Canonne (1909-2009) s installe à Angers en 1939 où elle est nommée professeur d anglais au lycée Joachim du Bellay. Militante socialiste SFIO, elle est élue, le 13 mai 1945, conseillère municipale de 1945 à 1947, puis en septembre, conseillère générale de 1947 à 1949. En charge des affaires sociales, elle organise le ravitaillement en lait pour les petits, grâce à la «Goutte de lait» municipale, puis obtient l ouverture d une crèche, du nom de sa légataire Marie-Placé. Elle lance aussi le premier «Foyer des Vieux Travailleurs». Elle obtient même la fermeture des maisons de tolérance d Angers avant Marthe Richard, le 11 février 1946. Document 7 : Discours prononcé par Germaine Canonne pour les élections à l Assemblée Constituante, octobre 1945, (319 J). Mes camarades, mes amis, Avant de vous parler de notre programme socialiste sur le plan national je voudrais dissiper l inquiétude de quelques-uns qui peut-être hésitent encore à placer leur confiance dans une femme. La femme je le sais a des programmes d action bien définis ; elle doit fonder un foyer, élever ses enfants dans une morale élevée, leur inculquer le goût du travail, le respect filial, l amour de leur Patrie. Ce sont des tâches bien absorbantes qui ne lui permettent pas de s occuper de politique, allez-vous dire. Mes chers amis, je vous répondrai tout de suite : vous ignorez le véritable sens du mot politique(1). Faire de la politique de nos jours ce n est pas déserter la vie du foyer, c est au contraire la protéger par tous les moyens. La politique n est pas les luttes de parti et ces discussions oiseuses, mais tout simplement la bonne organisation du pays, le prix des denrées alimentaires, du pain, du lait, celui du loyer, tout ce qui est pour nous les femmes la source même de notre vie et de notre bienêtre. Le prix des légumes que la femme achète au marché découle de certains rapports économiques dont on voit mal pourquoi elle devrait se désintéresser. Il y a des domaines où sa compétence et son expérience peuvent dépasser celle de l homme : hygiène, éducation, protection de l enfance, la famille, les lois sociales et précisément toutes ces matières sont régies par des lois et ce sont ces lois sur lesquelles il faut que les femmes puissent dire leur mot. (1) Mot souligné par l oratrice dans son manuscrit. 1 - Quelles raisons ont été avancées pour empêcher le vote des femmes? 2 - Quels arguments Germaine Canonne met-elle en avant pour justifier l entrée des femmes en politique? Une longue conquête, le droit de vote en Anjou (1789-1945) l 5

5 - LE RITE ÉLECTORAL «Être citoyen c est être électeur, être électeur c est être citoyen», cet adage républicain s est inscrit lentement dans les pratiques politiques pour devenir une évidence, mais selon des dispositifs pratiques et une appropriation du geste électoral progressive et toujours plus individuelle. Préalablement au vote, l électeur du XIX e siècle forge son opinion essentiellement grâce à la presse qui depuis 1881 est libre ; les lieux de sociabilité comme les nombreux cafés à la fin du XIX e siècle sont des lieux de débat et de rencontre entre les candidats et les citoyens. L affichage public libre permet également d élargir l écho des campagnes électorales des candidats avant le développement des médias de masse au XX e siècle. Document 8. Affiche du Comité angevin républicain pour les élections législatives de 1902 (7 Fi 1693). 1 - Où et quand se tient la réunion du Comité angevin républicain de la patrie française? Quel est le but de cette réunion? 2 - D après cet exemple de mouvement politique, comment les candidats étaient- ils désignés au début du XX e siècle? Document 9. Carte d électeur, Angers, 1919 (34 AC / 1 K 11). 1 - Décrivez les différentes parties composant cette carte d électeur. 2 - Comparez ce document à la carte d électeur de 1798 (page 2) puis à une carte contemporaine. Mettez en évidence les évolutions successives. 6 l Une longue conquête, le droit de vote en Anjou (1789-1945)

6 - LES CONDITIONS DU VOTE Longtemps soumis à l autorité, celle des notables de la commune, ou celle du clergé, le dispositif électoral permet peu à peu à l électeur de voter librement. Même si le vote devient théoriquement secret dès 1848, l électeur agit encore sous le regard du président du bureau alors qu il plie son bulletin avant de le lui remettre. Ce n est qu en 1913 que les conditions sont vraiment réunies pour garantir le vote libre ; le rituel électoral s installe alors avec : un lieu : le bureau de vote établi dans la mairie ou l école publique formant la bulle laïque propice au vote, des accessoires civiques : l urne et l isoloir garantissant le secret et limitant la fraude ; également la carte d électeur, des enveloppes opaques, puis le(s) bulletin(s) imprimé(s), des gestes : sous l œil du scrutateur, l électeur dépose son enveloppe dans l urne. La tradition civique par-delà même les prescriptions du code électoral a même laissé une formule rituelle «a voté» venant conclure le geste électoral. Document 10. Loi du 29 juillet 1913 ayant pour objet d assurer le secret et la liberté du vote ainsi que la sincérité des opérations électorales. Article 4 À son entrée dans la salle du scrutin, l électeur, après avoir fait constater son identité suivant les règles et usages établis, ou après avoir fait preuve de son droit de voter par la production de la décision ou de l arrêt mentionné à l article 23 de la loi municipale du 5avril 1884*, prend lui-même une enveloppe. Sans quitter la salle de scrutin, il doit se rendre isolément dans la partie de la salle aménagée pour le soustraire aux regards pendant qu il met son bulletin dans l enveloppe ; il fait ensuite constater au président qu il n est porteur que d une seule enveloppe : le président le constate sans toucher l enveloppe que l électeur introduit lui-même dans l urne. Dans chaque commune, il y aura un isoloir par trois cents électeurs inscrits ou par fraction ; il y aura au moins deux isoloirs par salle de vote. Article 5 L urne électorale n ayant qu une ouverture destinée à laisser passer le bulletin muni de son enveloppe devra, avant le commencement du vote, avoir été fermée à deux serrures dissemblables, dont les clefs restent, l une dans les mains du président, l autre entre les mains de l assesseur le plus âgé. *obligation d inscription sur les listes électorales de la commune de résidence. 1 - Relevez les différents dispositifs garantissant le secret du vote. 2 - Quel est le titre complet de cette loi de 1913? Selon vous, comment la liberté de vote est-elle aussi garantie? Document 11. Une du Courrier de l Ouest en octobre 1945 lors du référendum sur le maintien ou non des institutions de la III e République et les élections législatives, 21 octobre 1945, (30 J0 1). 1 - À quelles élections les citoyens sont-ils convoqués? 2 - Selon vous, pourquoi ce genre de dessin était-il nécessaire à la Une d un journal? 3 - Décrivez les étapes du vote. Quel est le visage de l électeur «type» en 1945? Qu en pensez-vous (voir chronologie)? Une longue conquête, le droit de vote en Anjou (1789-1945) l 7

LEXIQUE Affiche blanche : affiche électorale officielle signée par le Préfet du département et portant la mention de «candidat du gouvernement» Suffrage : vote Suffrage censitaire : mode de suffrage dans lequel le droit de vote est réservé aux citoyens qui acquittent un impôt (le cens) Suffrage universel : droit de vote accordé à l ensemble des citoyens Scrutin : ensemble des opérations qui constituent un vote Plébiscite : procédé par lequel un homme au pouvoir demande à l ensemble des citoyens de lui manifester leur confiance, en se prononçant par oui ou par non FRISE CHRONOLOGIQUE EN FRANCE 1944 Droit de vote des femmes Suffrage universel 1913 Loi sur le secret et la liberté de vote 1881 Loi sur la liberté de la presse et de l affichage XX e 1974 Majorité civique à 18 ans Septembre 1792 I ère République Suffrage masculin élargi Février à mars 1790 1848-1852 II e République 1815-1848 Restaurations et Monarchie de Juillet Suffrage censitaire XVIII e Élection des municipalités par les citoyens actifs Suffrage universel masculin 1820 1 690 électeurs dans le Maine-et-Loire 1852-1870 Second Empire Candidatures officielles 1870-1940 III e République 1846 3 392 électeurs XIX e 1857 Très forte abstention > à 51 % à Angers 1848 Louis Napoléon Bonaparte élu président à 73,6 % dans le département 1945 Germaine Canonne 1 ère femme élue conseillère municipale à Angers EN ANJOU Venez poursuivre la découverte de ce thème en travaillant directement sur les documents originaux aux Archives départementales... Couverture : Frédéric Sorrieu, Le suffrage universel, dédié à Ledru-Rollin, 1830. Gravure sur papier. Musées d Angers. Bibliographie : Christine Bard, Les femmes dans la société française au XX e siècle, éd. A. Colin, 2003. Jean-Luc Marais, Le Maine-et-Loire aux XIX e et XX e siècles, Paris : Picard, 2009. Éditeur : Département de Maine-et-Loire / DGA Territoires Responsable de publication : Archives départementales de Maine-et-Loire / Élisabeth Verry, Directeur Texte : Christophe Barlier, professeur d histoire-géographie chargé de mission / Sylvain Lavergne, professeur d histoire-géographie chargé de mission / Claudine Poulet, professeur de lettres chargée de mission Photographie : Éric Jabol Coordination : Sarah Boisanfray, responsable des actions éducatives Conception et réalisation : Direction de la communication Impression : LGL Archives départementales de Maine-et-Loire - 106 rue de Frémur - 49 000 Angers Téléphone : 02 41 80 80 00 - Mail : service-educatif-archives@maine-et-loire.fr - www.archives49.fr Diffusion gratuite - Septembre 2017 Département de Maine-et-Loire