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Transcription:

Paris, le 7 avril 2017 Décision du Défenseur des droits n 2017-070 Le Défenseur des droits, Vu l article 71-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 ; Vu la loi organique n 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits ; Vu le décret n 2011-904 du 29 juillet 2011 relatif à la procédure applicable devant le Défenseur des droits ; Vu la Directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ; Vu la loi n 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; Vu la loi n 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ; Vu la loi n 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ; Vu le décret n 88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière ; Vu le décret n 2016-1156 du 24 août 2016 portant application de l'article 32 de la loi n 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; Saisi par Mme X, candidate à un poste d agent contractuel au sein de l hôpital Y, qui estime que sa candidature aurait été rejetée en raison de son handicap ;

Décide, en vue de régler la situation exposée dans la note ci-jointe, de recommander à la directrice de l hôpital : de verser à Mme X la somme correspondant aux frais engagés en vue de sa prise de poste, à savoir ses abonnements pour le stationnement et pour les déplacements ferroviaires ; de se rapprocher de la réclamante afin d examiner avec elle les modalités de réparation intégrale du dommage subi. Demande à être tenu informé des mesures prises conformément à ses recommandations dans un délai de trois mois.. Jacques TOUBON

Recommandations dans le cadre de l article 25 de la loi organique n 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE Mme X est atteinte d une déficience auditive qui justifie la reconnaissance de sa qualité de travailleur handicapé. Elle s est portée candidate à une offre d emploi sur un poste administratif, à pourvoir au sein de l hôpital Y, en janvier 2015. Un entretien a été programmé avec le responsable du contrôle de gestion des ressources humaines, M. Z, pour le 9 janvier 2015. Dès le 7 janvier, Mme X a averti M. Z par mail qu elle souffrait d une déficience auditive, qui nécessiterait la mise à disposition du système TADEO pour exercer les fonctions postulées : «Monsieur, suite à l envoi de ma candidature pour le poste de gestionnaire des ressources humaines au sein de votre établissement, vous m avez contactée le mardi 6 janvier afin de convenir d un rendez-vous. Etant malentendante, je rencontre des difficultés à communiquer par téléphone. Cependant, sachez que je parle et j entends tout de même. [L administration] utilise une plate-forme de communication pour les personnes malentendantes/sourdes, nommée TADEO. Cela serait la solution pour pallier ma déficience auditive sur le poste que vous proposez.» (mail de Mme X à M. Z, émis le 7 janvier 2015). Le 8 janvier 2015, M. Z confirme l entretien : «J ai le plaisir de vous transmettre la fiche de poste et la présentation des activités de notre groupe hospitalier. Je vous confirme notre entretien le 9 janvier à 10 heures, à l adresse indiquée dans la signature.» (mail adressé à Mme X). Suite à l entretien du 9 janvier, le recrutement de Mme X semble être confirmé puisque, dans un mail du jour même, M. Z demande à la réclamante de fournir les pièces administratives nécessaires à l élaboration de son contrat de travail (carte d identité, attestation de carte vitale, RIB, copie des diplômes, carte de transport ), ce que Mme X a transmis par mail dès le 10 janvier. La date de prise de poste est fixée au 13 janvier 2015. Le 12 janvier, Mme X est reçue par le Dr A, interne en médecine, qui fait office de médecin du travail en l absence du titulaire du poste. Celui-ci reconnaît l aptitude de Mme X aux fonctions postulées. Le jour même, Mme X rencontre la référente-handicap de l établissement, Mme BG, avec qui elle rédige une proposition d aménagement de poste en vue de bénéficier de l installation du système TADEO. Le 13 janvier 2015, Mme X se présente à son poste. Elle est alors reçue par M. Z qui lui fait part de sa décision d interrompre le recrutement. Dans la journée du 13 janvier, Mme X est contactée par le médecin-chef du service de médecine du travail, le Dr C. Celui-ci insiste pour recevoir lui-même la réclamante.

Le 19 janvier 2015, Mme X se rend à la visite médicale proposée par le Dr C. Il reconnaît l aptitude de Mme X, en préconisant, sur la fiche d aptitude médicale, un «aménagement obligatoire pour la partie communication téléphonique (TADEO) et la partie formation». Malgré la confirmation de son aptitude médicale au poste, Mme X n est pas recrutée par l hôpital. Au regard de ces éléments, le Défenseur des droits a adressé un courrier d instruction, le 15 octobre 2015, à la directrice de l hôpital, Mme D. En réponse, celle-ci fait valoir, par un courrier reçu le 18 avril 2016, que «M. Z a mal évalué la capacité pour l intéressée à occuper les fonctions proposées. Dès lors, il a lancé le recrutement ( ) sans avoir un recul suffisant et sans avoir vérifié ni la faisabilité technique de l implantation de TADEO, ni avoir vérifié que la candidature de Mme X correspondait bien au profil de poste et que cette dernière ne serait pas en difficulté dans l exercice de ses fonctions». Suite à un nouveau courrier du Défenseur des droits, émis le 16 septembre 2016, Mme D met en avant, dans sa réponse reçue le 19 décembre 2016, «l absence d intention de discrimination». Surtout, l hôpital fait valoir que «les charges consécutives à la mise en œuvre de ces aménagements techniques indispensables pour permettre à Mme X d exercer en qualité de référent-gestion des temps du travail étaient manifestement disproportionnées, longues et coûteuses pour un contrat d une durée de 2 mois». Il ajoute que «les délais inhérents à la mise en œuvre de ces aménagements ne permettraient pas de répondre au besoin de remplacement sur la période de janvier à mars 2015 qui justifiait le recours à un contractuel». Or, l argument évoqué dans le courrier du 19 décembre 2016, relatif à la courte durée du contrat de travail, semble contredit par les faits portés à la connaissance du Défenseur des droits. ANALYSE JURIDIQUE Le principe de non-discrimination fondé, notamment, sur le handicap, est prohibé par la Directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail. En droit interne, l article 6 de la loi n 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose qu «aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison ( ) de leur handicap». Le décret n 2016-1156 du 24 août 2016 portant application de l'article 32 de la loi n 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires précise qu «aucune mesure discriminatoire, directe ou indirecte, concernant le recrutement ( ) ne peut être prise à l'égard d'un agent contractuel de droit public, qui bénéficie des garanties mentionnées aux articles 6 à 6 ter et 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983». De même, l article 1 er de la loi n 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, applicable aux employeurs publics, prohibe toute forme de discrimination fondée sur le handicap. Conformément au principe d aménagement de la charge de la preuve applicable lorsque le moyen tiré de la violation du principe de discrimination est soulevé, il appartient à la personne qui s estime victime d une discrimination de présenter les éléments de fait

permettant d en présumer l existence, puis il incombe au mis en cause de produire les informations permettant d établir que les faits contestés sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (CE, 30 octobre 2009, n 298348, et article 4 de la loi du 27 mai 2008). En outre, il n est pas nécessaire de démontrer l intention de l auteur des faits pour caractériser une discrimination, sauf en matière pénale. Le principe de non-discrimination à raison du handicap comprend une obligation d aménagement raisonnable du poste de travail, telle que définie par l article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983. Cet article est libellé comme suit : «afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, les employeurs ( ) prennent, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs [handicapés] d'accéder à un emploi ( ), sous réserve que les charges consécutives à la mise en œuvre de ces mesures ne soient pas disproportionnées, notamment compte tenu des aides qui peuvent compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l'employeur». De la même manière, l article 27 de la loi n 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière dispose qu «aucun candidat ( ) ne peut être écarté, en raison de son handicap ( ) d'un emploi de la fonction publique, sauf si son handicap a été déclaré incompatible avec la fonction postulée à la suite de l'examen médical destiné à évaluer son aptitude à l'exercice de sa fonction ( )». Dans une décision du 14 novembre 2008, le Conseil d Etat (n 311312) a considéré que les dispositions législatives précitées «imposent à l'autorité administrative de prendre tant les règlements spécifiques que les mesures appropriées au cas par cas pour permettre l'accès de chaque personne handicapée à l'emploi auquel elle postule sous réserve, d'une part, que ce handicap n'ait pas été déclaré incompatible avec l'emploi en cause et, d'autre part, que lesdites mesures ne constituent pas une charge disproportionnée pour le service». En l espèce, il ressort des pièces du dossier que, à deux reprises (le 12 puis le 19 janvier 2015), la médecine du travail a reconnu l aptitude de Mme X à exercer les fonctions, estimant que son handicap était compatible avec l emploi postulé, moyennant un aménagement de poste. Dans ces conditions, il incombait à l hôpital, soit de procéder à cet aménagement, soit, selon les dispositions de l article 11 du décret n 88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière, de contester l avis de la médecine du travail en saisissant le comité médical. Or, l hôpital confirme qu il n a pas contesté les avis de la médecine du travail (courrier du 19 décembre 2016), et il a refusé de mettre en place les mesures appropriées définies par la réclamante, la référente-handicap, puis par le médecin du travail, qui auraient permis à Mme X d accéder à l emploi postulé. L hôpital soutient que le recrutement de la réclamante visait à pallier un manque de personnel sur la période de janvier à mars 2015 (courrier du 19 décembre 2016). A cet égard, l investissement pour aménager le poste de travail de la réclamante se serait révélé trop coûteux. De plus, la procédure à suivre pour aménager le poste de travail serait trop longue pour garantir la mise à disposition du matériel à temps. Le délai d aboutissement de la procédure d aménagement de poste serait, selon l hôpital, de trois mois. Il est vrai que l obligation d aménagement raisonnable n est pas absolue. Aussi, dès lors que l employeur public démontre que l aménagement du poste serait disproportionné, il n est pas

tenu de répondre favorablement à la demande d aménagement du poste de travail de l intéressé. Il pourrait apparaître comme disproportionné d investir dans un matériel particulièrement coûteux, sans soutien financier, pour un agent qui serait recruté pour une très courte durée. Conformément au principe d aménagement de la charge de la preuve, il appartenait à l hôpital Y de démontrer, le cas échéant, le caractère disproportionné de l aménagement du poste. Toutefois, en l espèce, l hôpital n a pas apporté de tels éléments de preuve. Le Défenseur des droits a sollicité la communication de l appel à candidature et du contrat de travail de l agent qui aurait été finalement recruté sur le poste de référent gestion du temps de travail pour pallier l absence d effectif sur la période de janvier à mars 2015. Il s avère que l appel à candidature ne fait pas référence à un recrutement pour un contrat de travail à durée déterminée de deux mois. De plus, l hôpital n a pas produit le contrat de l agent qui aurait été recruté pour pourvoir le poste de référent gestion du temps de travail entre janvier et mars 2015. La réclamante soutient de surcroit qu il n a jamais été évoqué une durée de contrat aussi courte. Elle indique que, lors de l entretien, M. Z aurait précisé que le recrutement visait à remplacer un agent qui quittait le service. Il aurait souligné l investissement que demande la formation d un nouvel agent, ajoutant que «si je vous embauche aujourd'hui, ce n'est pas pour partir dans un an». M. Z aurait même évoqué la possibilité de stagiariser Mme X sur le fondement de l article 27-II de la loi du 9 janvier 1986 ouvrant une voie de recrutement spécifique aux travailleurs en situation de handicap dans la mesure où elle est titulaire de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. L hôpital ne démontre pas davantage que le coût du matériel serait excessif et qu il ne bénéficierait d aucune aide financière, notamment celle accordée par le fonds pour l insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP). A cet égard, le tribunal administratif de Caen a estimé que doit être annulée la décision de refus de l administration de prendre en charge les ménagements demandés au motif de leur caractère disproportionné, considérant qu elle ne justifie pas de l inéligibilité de cette dépense aux aides du FIPHFP (TA Caen, 15 octobre 2009, n 08025480). En l absence de ces éléments de preuve, l hôpital ne saurait prétendre que l achat du matériel visant à compenser le handicap de Mme X serait disproportionné. Dès lors, l interruption du recrutement de Mme X en raison du refus de l hôpital de prendre les mesures appropriées pour aménager son poste de travail est constitutive d une discrimination en raison de son handicap. Lorsque le recrutement a été interrompu, la procédure était à un stade très avancé. Il ne peut donc pas être contesté que Mme X a perdu une chance sérieuse d accéder à cet emploi. L interruption soudaine du recrutement, alors même que Mme X avait, dès les premiers échanges avec l hôpital, fait état de son handicap, a emporté un préjudice moral conséquent pour la réclamante.

Dans la mesure où il était convenu que Mme X prenne ses fonctions le 13 janvier 2015, elle a souscrit, le 12 janvier 2015, un abonnement mensuel pour prendre les transports en commun (soit 391.90 euros pour la période du 13 janvier au 12 février 2015), ainsi qu un contrat d abonnement mensuel pour le stationnement à la gare proche de son domicile (soit 52,00 euros pour le mois). Mme X a donc bien subi un préjudice financier. Conformément à une jurisprudence constante, la victime d un agissement fautif, tel une discrimination, a droit, tant en matière civile qu administrative, à une réparation intégrale des préjudices subis (par exemple, Cass. Soc, 23 novembre 2005, n 03-40.826 ; CE, 11 juillet 2011, n 321225). En conséquence, le Défenseur des droits décide de recommander à la directrice de l hôpital : de verser à Mme X la somme correspondant aux frais engagés en vue de sa prise de poste, à savoir ses abonnements pour le stationnement et pour les déplacements ferroviaires ; de se rapprocher de la réclamante afin d examiner avec elle les modalités de réparation intégrale du dommage subi. Jacques TOUBON