Association des pilotes d Air Canada SOUMISSION AU COMITÉ PERMANENT DES TRANSPORTS, DE L INFRASTRUCTURE ET DES COLLECTIVITÉS : ÉTUDE SUR LA SÉCURITÉ AÉRIENNE Le 6 avril 2017 Nos 3 400 pilotes transportent passagers et marchandises dans le monde entier avec Air Canada et Air Canada rouge, ce qui fait de l Association des pilotes d Air Canada (APAC) le plus important groupe de pilotes professionnels du Canada. La mission première de tous les pilotes de l APAC tous les jours est la sécurité des passagers, des membres du personnel de cabine, de l aéronef et du public. Les Canadiens s attendent, à juste titre, aux normes les plus élevées de sécurité lorsqu ils voyagent en avion. C est pourquoi l APAC plaide pour une sécurité accrue dans les airs au nom de ses membres et des passagers. Aujourd hui, le Canada n est pas au diapason des données scientifiques reconnues en matière de fatigue et accuse un retard important face aux pays comparables en ce qui concerne cet élément clé de la sécurité aérienne. Fatigue des pilotes et temps de service sur les vols long-courriers La plupart des Canadiennes et des Canadiens tiennent pour acquise la sécurité aérienne. Lorsque nous prenons un vol, peu importe l heure du jour ou de la nuit, nous nous fions pleinement à l intégrité de notre système aéronautique. Cette confiance est attribuable aux compétences et à l expérience des pilotes canadiens, au dévouement des agents de bord et des équipes de maintenance et au sol, ainsi qu à l'œil vigilant de nos contrôleurs aériens. Or, nos pilotes dépendent en dernier ressort de règlements fédéraux décisifs pour assurer leur sécurité, et celle des passagers, durant le vol. Les pilotes, les passagers et le public se fient à ces règlements pour encadrer de façon sécuritaire notre système de transport. Cependant, le Canada n arrive plus à suivre le rythme dans un domaine crucial de la sécurité aérienne, avec une réglementation déficiente en ce qui a trait à la fatigue des pilotes et au temps de service sur les vols long-courrier outre-mer. Depuis 2010, des membres de l APAC consacrent bénévolement beaucoup de temps au groupe de travail du Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne (CCRAC) de Transport Canada, au sein duquel ils utilisent leur expertise pour faire de la recherche en collaboration avec l industrie et la
main-d œuvre. Toutefois, la majorité des exploitants qui ont œuvré au sein de ce groupe de travail n effectuent pas de long-courriers outremer. Par conséquent, les recommandations originales du CCRAC ne tenaient pas compte du point de vue de l APAC sur les vols long-courriers de nuit, ce qui a donné lieu à une omission grave à ce propos dans l Avis de proposition de modification de 2012 de Transport Canada. Dans le projet de règlements publié récemment à titre d avis d intention, cette omission s est même aggravée et a eu pour effet d écarter encore plus les données scientifiques et les limites imposées dans d autres pays. Temps de vol maximum pour un seul secteur Temps de vol maximum (heures) Heure de la journée RAC actuelle Proposition originale NASA Proposition révisée É.-U. Midi L inclusion du principe de sensibilité à l heure du jour, lequel reconnaît qu une journée de travail débutant à 9 h est moins fatigante que si elle débute à 21 h, est une amélioration bienvenue de notre approche actuelle désuète. Toutefois, le projet de réglementation tel que proposé impose encore à plusieurs passagers aériens canadiens des règlements déphasés par rapport aux données scientifiques généralement acceptées de la NASA, et moins fermes que ceux de nos voisins les plus près aux États- Unis. En effet, les pilotes américains qui décollent à 21 h ne sont autorisés à voler que pour un maximum de huit heures avant qu un troisième pilote soit requis, soit une pratique d atténuation de la fatigue nommée augmentation. Selon les normes actuelles, plusieurs pilotes canadiens devraient voler durant 10,5 heures (deux heures complètes de plus que ce que recommande la science), souvent sur des
parcours semblables, avant la relève d un autre pilote. TEMPS DE VOL MAXIMUM DE NUIT (21 H) 8 HR 8,5 HR 9,5 HR 10,5 HR 12,5 HR É.-U. NASA UE CANADA (RÈGLEMENTS PROPOSÉS) CANADA (ACTUELLEMENT) La science du sommeil Les autorités mondiales aéronautiques conviennent que l atténuation de la fatigue est un élément clé de la sécurité publique. Selon les conclusions de la NASA, un maximum de 8,5 heures de vol de nuit devrait être autorisé. Cette recommandation est fondée sur les recherches qui ont permis de mesurer l activité des ondes cérébrales et le microsommeil dans des situations réelles de vol de nuit. Après avoir mesuré le degré de fatigue de pilotes dans un contexte réel, les chercheurs ont découvert qu ils commençaient éventuellement à expérimenter des épisodes de «microsommeil», comme un chauffeur somnole au volant. Pourtant, ces recommandations de la NASA n ont pas été retenues dans les règlements canadiens proposés. Selon les études scientifiques, lorsqu il fait nuit, notre rythme circadien est à son plus bas; notre besoin de dormir est alors à son plus fort et peut se solder par de la fatigue. Elles concluent également que la fatigue altère les facultés cognitives au même titre que l alcool. Par ailleurs, les risques d accident ou d incident sont huit fois plus élevés pour les vols qui atterrissent entre minuit et 5 h, et 10 fois plus pour les vols qui décollent entre minuit et 5 h 1. 1 Deborah A. P. Hersman, présidente du Conseil national de la sécurité des transports, a témoigné devant le Sénat des
Les départs de nuit, les arrivées tôt le matin et l adaptation à plusieurs fuseaux horaires en quelques jours seulement peuvent sérieusement bouleverser les rythmes circadiens du pilote. Pourtant, de nombreux pilotes doivent subir ces conditions tout en se débattant avec un travail techniquement compliqué dans le cadre duquel ils sont responsables de centaines de vies. Une sécurité aérienne accrue pour tous les pilotes Au Canada, notre règlement désuet autorise actuellement les pilotes à voler jusqu à 12,50 heures et ne reconnaît pas le besoin de règles sur la fatigue, différentes selon le jour ou la nuit. Transport Canada propose maintenant un temps de service de vol de 10,5 heures pour les départs après 17 h. En tant que pilotes responsables du déroulement sécuritaire de nos vols et en nous fiant à notre vaste expérience sur le terrain, nous affirmons catégoriquement que cette mesure est tout simplement insuffisante. Pour ce qui est de la sécurité aérienne, le Canada accuse un retard. Presque tous les pays, y compris les États-Unis et l Europe, ont mis à jour leur réglementation pour refléter davantage les données scientifiques présentées par l Organisation de l aviation civile internationale (OACI). Les heures de vol long-courrier sont donc réduites durant la nuit et les pilotes doivent prendre plus de pauses et des périodes de repos prolongées pour prévenir les problèmes de sécurité provoqués par la fatigue. La fatigue affecte tous les pilotes. C est pourquoi les pilotes et les passagers canadiens méritent un ensemble de règles. Les Canadiens doivent être sûrs que leur législateur prend des dispositions fidèles à la science et qu il fournit des mesures de sécurité pour tous. Recommandations Pour garantir la sécurité des passagers, de l équipage et du public, l APAC recommande que les règlements sur la gestion de la fatigue de l équipage de conduite : 1. prévoient que tous les exploitants aériens offrant des vols long-courriers - tant les transporteurs de passagers que de marchandises - soient assujettis aux mêmes normes de sécurité en matière de fatigue; 2. trouvent des solutions aux risques de fatigue établis résultant des vols long-courriers de nuit - exposés dans les recherches de la NASA - en limitant les périodes de service débutant après 17 h à 10 heures (8,5 heures de temps de vol); 3. tiennent compte des points de vue importants et de l expérience des pilotes canadiens dans tous les aspects des règles relatives à la fatigue. Conclusion En 2009, la Federal Aviation Administration des États-Unis a mis à jour ses règlements aériens après l écrasement d un avion à Buffalo, où 50 personnes ont perdu la vie. La fatigue était la principale cause de l accident. Nous ne devrions pas avoir besoin d un accident pour nous inciter à agir. Les conventions sur la fatigue devraient être fondées sur les données scientifiques et inspirées de États-Unis; la présidente du Conseil national de la sécurité des transports témoigne devant le Congrès sur l écrasement du vol aérien Colgan 3407.
l expérience et des compétences des pilotes qui volent en long-courrier. Tous les passagers et les pilotes doivent être protégés par le même niveau de règles de sécurité.
Les Canadiens s attendent légitimement à une sécurité aérienne accrue et à des normes aéronautiques de classe mondiale. Sincères salutations, Capitaine Matt Hogan Président, division de la Sécurité aérienne