Mise en Œuvre du Programme d Action National de Lutte Contre la Désertification au Maroc GHANAM MOHAMED Haut Commissariat aux Eaux et Forêts et à la Lutte Contre la Désertification INTRODUCTION Définie comme étant «la dégradation des terres dans les zones arides, semi arides et subhumides sèches par suite de divers facteurs, parmi lesquels les variations climatiques et les activités humaines», la désertification touche de plus en plus d espace. Elle se traduit par une réduction substantielle de la productivité biologique et économique des terres. Le Maroc est l un des pays d Afrique les plus touchés par la Désertification. En effet, 93 % de la superficie du territoire national est touchée à des degrés différents : une partie est complètement désertifiée (provinces au sud des Atlas), une autre partie partiellement touchée (terres agricoles et pastorales dans les zones arides et semi arides des plaines et plateaux) et une troisième partie sérieusement menacée (zones sub-humides en bordures des montagnes du Rif, du moyen Atlas et du haut Atlas). Même dans les régions humides de l Atlas et du Rif, qui couvrent les 7 % restant de la superficie et qui ne sont pas concernés par la convention des nations unies sur la lutte contre la désertification, les terres sont partiellement dégradées. Le processus de la désertification affecte de plus en plus de terres et est d autant plus prononcé que le climat est aride avec des cycles de plus en plus long de sécheresse. De plus, la précarité des conditions de vie des populations rurales les pousse à surexploiter les ressources naturelles pour satisfaire leurs besoins croissants, ce qui amplifie davantage la dégradation des milieux. 2- AMPLEUR DE LA DESERTIFICATION ET EFFORTS DE LUTTE Le niveau de la dégradation des terres au Maroc est apprécié par plusieurs indicateurs : La dégradation du couvert forestier est estimée à 31.000 ha /an, due essentiellement à la récolte excessive de bois de feu, le surpâturage, les défrichements pour la recherche de nouvelles terres de cultures, les incendies et l urbanisation. L érosion hydrique est intense avec des dégradations spécifiques dépassant 2000 t/km 2 /an dans les versants du Rif au Nord du Maroc, entre 1000 et 2000 t/km 2 /an dans le pré-rif, entre 500 et 1000 t/km 2 /an dans les Moyen et Haut Atlas et moins de 500 t/km 2 /an dans les autres régions. Dans les régions du Sud et de l Oriental du pays, l érosion éolienne et l ensablement qui en découle constituent les principales manifestations de la désertification. En plus de la perte de fertilité des sols, les infrastructres hydroagricoles et de communication, ainsi que les agglomérations sont sérieusement menacées par ce fléau. La salinisation et la remontée de la nappe phréatique touchent presque tous les grands périmètres irrigués. La superficie touchée par la salinisation secondaire est estimée à 350 000 ha. Une grande partie des terres de culture connaissent une dégradation de la structure des sols. 1
Devant la situation du phénomène de désertification et de ses répercussions tant socio-économiques qu environnementales, le Maroc a, depuis longtemps, initié des mesures susceptibles d infléchir la tendance de ce phénomène et d en atténuer l ampleur. Les réalisations physiques ont concerné particulièrement la mobilisation des ressources en eau et le développement de l agriculture aussi bien irriguée qu en bour. En matière de parcours, le programme d aménagement et de mise en valeur pastorale a permis l identification et l amélioration de plusieurs périmètres pastoraux et la constitution de plusieurs coopératives et groupements dans les différentes zones pastorales. Pour le secteur forestier, la politique poursuivie vise la conservation et le développement durable des ressources forestières. Les réalisations ont porté sur l aménagement de forêts et de nappes alfatières, le reboisement, l aménagement des bassins versants, la lutte contre l ensablement et la création de parcs nationaux et de réserves biologiques et de chasse. Plusieurs plans, stratégies et programmes ont vu le jour récemment après le sommet de Rio (1992) sur la terre, l environnement et le développement durable. Le processus de leur élaboration a donné lieu à une réflexion approfondie et holistique sur le diagnostic de la situation actuelle, l identification des contraintes, et la définition d une nouvelle approche de développement. Certains de ces plans, stratégies et programmes ont une portée sectorielle clairement affichée et d autres visent plutôt une mission horizontale de développement intégré. Une troisième catégorie regroupe des programmes transversaux s inscrivant dans le cadre d une politique de résorption du retard dans les domaines sociaux et donnant un contenu concret aux politiques de lutte contre la pauvreté. 3 LE PAN : UN CADRE STRATEGIQUE DE CONCERTATION 3.1. Contexte Dans le cadre de la mise en œuvre de la convention des Nations Unies sur la Lutte Contre la Désertification,le Maroc a adopté son Programme d Action National (PAN-LCD) en juin 2001. L option retenue par le PAN - LCD est de privilégier les mesures susceptibles de compléter les programmes sectoriels existants, de catalyser leur mise en œuvre et de promouvoir une véritable dynamique de développement rural basée sur l intégration, la territorialisation, le partenariat et l adoption de l approche participative. Ainsi, le PAN est un cadre stratégique permettant l intégration des plans et programmes sectoriels dans temps et dans l espace. Il repose sur 4 piliers : la lutte contre la pauvreté, le développement rural, l atténuation des effets de la sécheresse et la protection des ressources naturelles. Quatre grandes catégories d actions sont prévues: i) les actions institutionnelles, législatives et règlementaire d appui à lutte contre la désertification, ii) les actions de lutte contre la désertification, iii) les actions génératrices de revenus et iv) les actions d amélioration des connaissance et du suivi-évaluation. 3.2. Réalisations accomplies dans le cadre de la mise en œuvre du PAN 2
- Au niveau institutionnel Le Comité national de lutte contre la désertification, érigé de manière informelle comme Organe National de Coordination (ONC) de la mise en œuvre de la CCD et qui regroupe les différents acteurs impliqués dans les activités de mise en oeuvre de la CCD tient, depuis 1992 et de manière ad hoc, des réunions sur les aspects de LCD. Le nouvel organigramme du niveau central du HCEFLCD, publié en février 2005, a institué un service doté des moyens humains et financiers pour assurer le suivi des programmes et la coordination entre les départements ministériels et les autres acteurs impliqués dans la lutte contre la désertification. - Pour l aspect information et sensibilisation Les premières manifestations ont eu lieu en 1996 avec des journées d'information sur la CCD au niveau national et au niveau des différentes provinces notamment à l'occasion de la célébration de la journée mondiale de lutte contre la désertification (JMLCD). Depuis, cette occasion a toujours été saisie pour informer et sensibiliser aussi bien sur la CCD que sur l évolution de sa mise en œuvre aux niveaux national et international et le PAN a fait l objet de plusieurs présentations dans des manifestations scientifiques et techniques organisées au Maroc et à l étranger. Un effort considérable a été consenti, au moment des activités de développement de partenariat et de mobilisation des ressources pour informer et sensibiliser les départements ministériels concernés, la société civile et les partenaires au développement, aussi bien les bilatéraux que les multilatéraux. Pour appuyer ces aspects, des réflexions ont été menées et des réunions et concertations tenues au sujet de la mise en place d un système de circulation de l information sur la désertification. Un site SCID-Maroc est mis en place dans le cadre d un projet SMAP en collaboration avec l Observatoire du Sahara et du Sahel (OSS) avec un financement de l Union Européenne. - Un premier portefeuille de projets prioritaires élaboré Depuis la validation du PAN, le mécanisme mondial et le PNUD ont appuyé le Maroc dans l identification des thèmes et zones prioritaires des projets éligibles pour le PAN, dans la recherche de nouveaux partenariats. Un premier atelier a été organisé dans le cadre de l ONC en juin 2003 pour présenter une première plateforme d idées de projets et de zones prioritaires. Cette réflexion s est poursuivie dans la perspective d élaborer un premier programme de projets prioritaires. En septembre 2004, un portefeuille de 53 projets prioritaires a été présenté aux partenaires au développement du Maroc. - Des financements de projets accrus Le financement de la lutte contre la désertification devrait être basé sur des apports financiers extérieurs mais aussi sur la mobilisation des ressources internes et la mise en place de mécanismes financiers appropriés. Au niveau national, le forum de validation du PAN de 2001 a préconisé d utiliser le Fonds du développement rural (FDR) comme mécanisme de financement des activités de lutte contre la désertification à mener dans le cadre du PAN. 3
Pour le moment les projets sont soumis par les différentes administrations et les ONGs directement aux bailleurs de fonds en fonction de leurs thèmes et zones d intervention prioritaires. Certains projets prioritaires ont déjà été financés et d autres sont en cours de discussion. - Un effort de participation/partenariat en construction Les ONG nationales exerçant dans les domaines en relation avec la lutte contre la désertification, organisées en réseau RIOD, ont participé au processus d élaboration et de validation du PAN. Le RIOD-Maroc, a élaboré une stratégie pour son implication dans la mise en œuvre du PAN. Le premier portefeuille des priorités du PAN, examiné en septembre 2004, intègre des projets identifiés et présentés par ledit réseau. La circulaire du Premier Ministre (2003) sur le partenariat entre l État et les associations avait fixé le cadre et la forme d intervention des ONG en tant qu acteur principal dans la mise en œuvre des projets LCD. En matière de partenariat, des initiatives ont eu lieu avec la préparation du PAN (RFA, PNUD, CCD, MM, OSS) poursuivies dans le cadre de l appui à la mise en œuvre dudit PAN. Au titre de ce dernier aspect, la RFA, le PNUD, la CE/OSS, le MM, la Belgique, la France et l Espagne appuient la mise en œuvre de projets actuellement en cours de réalisation. Au titre du partenariat national, des projets en cours d exécution impliquent la participation, en plus des institutions (MADRPM et HCEFLCD), les deux agences «de développement des provinces et préfectures du nord» et «du développement social» ainsi que des ONG. 4 UNE PREMIERE EVALUATION La mise en œuvre du PAN Maroc est bien engagée. L évaluation de la mise en œuvre du PAN, effectuée en 2003 avait identifié les acquis précités en matière d intégration, d approche ascendante participative, d implication effective progressive des partenaires au développement et de la société civile. Cependant, la mise en œuvre de la convention et du PAN depuis sa validation en juin 2001, a montré un certain nombre d insuffisances. En effet, leur mise en œuvre s est heurtée à un certain nombre de difficultés d ordre institutionnel, d approche liée au financement, de renforcement des capacités et de déficit de connaissances. CONCLUSIONS La lutte contre la désertification est un processus complexe et de longue halène. Le PAN Maroc considère le développement rural intégré, la lutte contre la pauvreté et l atténuation des effets de la sécheresse comme le moyen le plus efficace de lutter contre la désertification. Cependant, la mise en œuvre du PAN et des projets de développement rural a pu identifier un handicap majeur lié au caractère sectoriel des activités. L intégration demeure un défi important à relever. 4
Le volet renforcement des capacités sur les plans institutionnel, technique, financier et de gestion mérite d être amélioré. En plus la synergie entre les 3 conventions environnementales est un voeux réalisable qui permettra de mieux capitaliser les moyens disponibles. La réussite du PAN- LCD dans sa double dimension d engagement politique et d outil de planification d actions concrètes novatrices sur les plans des interventions et des modalités de mise en œuvre, nécessitera la mobilisation de toutes les énergies disponibles. 5