TOXICOMANIE ET INFECTION À VIH EN AFRIQUE SUB SAHARIENNE: UNE ÉPIDÉMIE NEGLIGÉE. G Raguin ESTHER et Hôpital Saint Antoine, Paris, France

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Transcription:

TOXICOMANIE ET INFECTION À VIH EN AFRIQUE SUB SAHARIENNE: UNE ÉPIDÉMIE NEGLIGÉE G Raguin ESTHER et Hôpital Saint Antoine, Paris, France Casablanca, Mars 2010

Usage de drogues par voie IV (UDI) Entre 11 et 21 millions UDIs dans le monde Entre 0.8 et 6.6 M infectés par le VIH Largement documenté dans les pays riches, en Asie, en Europe de l Est, Moyen orient, Maghreb Encore peu documenté en Afrique subsaharienne: 3 pays officiellement (Afrique du Sud, Kenya et Maurice; ONUDC 2009)

Reference Group to the United Nations on HIV and injecting drug use, 2008

UDI en Afrique: une épidémie négligée Le trafic et la consommation de cocaïne, d héroïne et d autre drogues ne sont pas un problème marginal en Afrique (The Drug Nexus in Africa,1999 et world drug report 2009, ONUDC)

Production et voies de trafic (1) L héroïne, produite en Asie, est acheminée vers l Europe et les USA via l Afrique de l est et, plus récemment, l Afrique de l ouest La cocaïne, produite en Amérique du sud, transite par l Afrique de l ouest: 27% de la cocaïne entrée en Europe en 2006 a transité par l Afrique de l ouest (UNODC).

Production et voies de trafic (2) La cocaïne est acheminée vers l Europe par bateau et avion mais également par la route via les réseaux précédemment dédiés au cannabis. Le transport intérieur est donc en développement avec introduction de ces nouvelles drogues dans les «corridors de transport» et l apparition de marchés locaux.

Dr Leprêtre-IMEA-2008

Source ONUDC

Source ONUDC

Les produits consommés localement La consommation de cocaïne est rapportée au Burkina Faso, Cote d ivoire, Ghana, Guinée, Kenya, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone, Afrique du sud et Togo L héroïne est arrivée dans la région dans les années 80, et les pays les plus consommateurs sont le Kenya, l île Maurice, la Tanzanie, le Mozambique et l Afrique du sud.

Usage de drogues par voie IV (1) Données UNODC: 27 pays de la région dont 12 pays d Afrique de l ouest (Bénin, Burkina, Cap vert, Cote d ivoire, Gambie, Ghana, Liberia, Mali, Nigeria, Sénégal, Sierra Léone, Togo). Documenté au Kenya, à Maurice, au Nigeria, en Afrique du Sud et en Tanzanie. Peu documenté ailleurs Manque de données sur l étendue de l usage IV et la nature des produits injectés.

Usage de drogues par voie IV (2) (estimations IHRA 2008) Nombre d Usagers de Drogues IV Vert clair: <5000 Vert: 5000-10 000 Vert foncé: >10 000 Gris: pas de données

Usage de drogues par voie IV (3) Estimations du Groupe de référence des UN sur VIH et usage de drogues injectables 2007 (Mathers, Lancet, 2008) : Kenya : 30 000 à 231 000 UDI Maurice : 17 000 à 18 000 UDI Afrique du Sud : 263 000 UDI Afrique Sub-saharienne :534 000 à 3 000 000

Usage de drogues par voie IV (4) Dans le corridor Abidjan Lagos (Koffi, 2008 et Busari, 2008), entre 7% et 15% des TS consomment des drogues injectables Au Sénégal (Ba I, Abs 161/31A), usage de cocaïne/crack et d heroïne largement répandu, Dans les autres pays, pas de données

Prévalence du VIH chez les UDI Données disponibles principalement en Afrique de l Est et du Sud: A Maurice, en 2005, 90% des nouvelles contaminations étaient dues à l UDI. 80% des PvVIH sont des UDI. A Dar es Salam (Timpson, 2006), 58% chez les femmes UDI et 28% chez les hommes

Prévalence du VIH chez les UDI A Mombasa (Kenya), 49% chez les injecteurs (Devau, 2006). A Zanzibar (Dahoma, 2006) 26% chez les injecteurs et 4.1 % chez les non injecteurs. En Afrique du sud, 34% chez les TS injecteurs (Parry, 2009) Dans les prisons, prévalence>10%

Prévalence VIH chez UDI (IHRA 2008) Taux de prévalence du VIH chez les UDI Bleu clair: <20% Bleu moyen 20-50% Bleu foncé : >50% Gris: pas de données

La réponse sanitaire Face au risque épidémique et sanitaire, un paquet d interventions de prévention et de prise en charge adaptées et efficaces (Politique de réduction des risques) a été défini et validé (ONUSIDA, ONUDC, OMS)

La réduction des risques associe Des stratégies d interventions au contact des usagers (activités hors les murs), menées par des pairs Du conseil et de l IEC La fourniture de matériel d injection stérile et de préservatifs. Des traitements de substitution aux opiacés Dépistage VIH, hépatites, IST et TB Des programmes de soins intégrés pour toxicomanes incluant ARV, vaccination, traitements hépatites TB IST

Exemple de la France Diminution majeure des cas de nouvelles contaminations VIH chez les toxicomanes entre 1996 et 2005: 25% des cas de SIDA avant 1996, 10% en 2005 et 2% en 2009 Politique de réduction des risques 1993-1994 seringues en vente libre : 1987 échanges de seringues :1989 (MDM) et1993 Traitements de substitution,1994

La réponse sanitaire Ces interventions sont efficaces là où elles sont mises en place à large échelle: Europe de l Ouest, Australasie, Amérique En Afrique, seulement 3 pays ( Maurice, Tanzanie et Kenya) ont inclus un programme spécifique aux UDI dans leur programme national. Déni, répression et stigmatisation prévalent ailleurs

Mathers et al, Lancet 2010, 375:1014-28

Mathers et al, Lancet 2010, 375:1014-28

La question de l équité: Part des UDI parmi ceux qui reçoivent des ARV, 2006

Proportion de groupes à risque ayant accès à des services de prévention du VIH dans un environnement légal protégé 100 Median percentage of population reached with HIV prevention services (UNGASS indicator 9) 80 60 40 20 Pays disposant de lois anti discrimination protégeant ce groupe Pays ne disposant PAS de lois anti discrimnation protégeant ce groupe de population 0 TS (N=42) IDUs (N=17) MSM (N=28) Source: UNGASS Country Progress Reports 2008

En conclusion Plus de 20% des PVVIH Accès PES 8%, TSO 8%, ARV 4% Afrique subsaharienne: peu de données, PES<1% (2 pays), TSO<1% (4 pays), ARV<1% (2 pays) Nécessité d un sursaut politique et sanitaire La toxicomanie augmente en Afrique subsaharienne La responsabilité des politiques Le rôle central de la société civile La mobilisation régionale (Abidjan, 2009 et Sénégal 2010)

Remerciements IMEA/Hop St Antoine, Paris Annie Leprêtre Abdalla Toufik Pierre-Marie Girard Université Cheikh Anta Diop, Dakar Idrissa Ba CNLS, Dakar I Ndoye ANRS B Bazin UNODC Margarete Molnar Fabienne Hariga ESTHER Sandra Perrot Arnaud Laurent Gilles Brucker