Guide d application de la norme blanchiment COLLECTION PRATIQUE PROFESSIONNELLE



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Guide d application de la norme blanchiment COLLECTION PRATIQUE PROFESSIONNELLE

Guide d application de la norme Blanchiment

Ce guide a été préparé par le Comité Blanchiment et les services du Conseil Supérieur de l Ordre des experts-comptables. Il a été approuvé par la Commission des Normes Professionnelles le 26 mai 2011. 3

Sommaire Introduction... 07 PREMIÈRE PARTIE : LE BLANCHIMENT...11 1. Contexte et évolution... 13 2. Le délit de blanchiment... 35 3. Le concept de soupcon... 59 4. Le rôle des instances ordinales... 65 DEUXIÈME PARTIE : APPLICATION DE LA NORME BLANCHIMENT...71 5. La norme Blanchiment... 73 6. Obligation de vigilance... 83 7. Documentation... 93 4 GUIDE D APPLICATION DE LA NORME BLANCHIMENT

8. Obligation de déclaration à TRACFIN... 95 9. Exonération de l obligation de déclaration...105 10. Forme et contenu de la déclaration...109 11. Confidentialité de la déclaration...115 12. Obligations relatives aux procédures et mesures de contrôle interne à mettre en œuvre au sein des structures d exercice professionnel...119 13. Formation et information continues...147 TROISIÈME PARTIE : ANNEXES... 153 14. FAQ sur le blanchiment de capitaux (Source : GAFI)...155 15. Code monétaire et financier...163 16. Bibliographie...187 17. Table des matières...193 5

Introduction 7

Introduction Les dernières décennies ont été marquées par l explosion des procédures judiciaires dans le domaine financier. En particulier, en France, les poursuites pour abus de biens sociaux et pour certains délits relatifs aux comptes annuels ont connu une forte recrudescence. Dans le même temps, et depuis les années 60, au niveau international, est apparue une volonté marquée de combattre la délinquance financière, et notamment celle touchant au blanchiment. En outre, les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis ont provoqué un cataclysme qui a conduit les États à accentuer la lutte contre le terrorisme et ses modes de financement. Plus récemment encore, le «séisme» de l affaire Enron / Arthur Andersen, ainsi que les affaires Worldcom et Parmalat ont considérablement secoué la communauté financière internationale et ont conduit les législateurs des grands pays industrialisés à renforcer les procédures sécuritaires et la répression de la délinquance financière. La profession comptable libérale est totalement impliquée dans cette lutte et il lui est de plus en plus demandé, en sus de ses missions classiques : de sécuriser les entreprises et les tiers sur le fonctionnement des opérations financières et de garantir la probité des transactions ; de déclarer, dans ses fonctions d expert-comptable, les anomalies ou les soupçons qui pèsent sur des activités ou des opérations dont le praticien est le témoin ; de contribuer à la lutte contre la corruption et de favoriser la transparence des opérations. Pour ce qui concerne le blanchiment, les directives européennes de 2001 puis de 2005 ont adopté une large extension de la déclaration de soupçon. Les transpositions en droit français de la directive 2001 par la loi du 11 février 2004 puis de celle de 2005 en 2009 entérinent l extension de cette obligation aux professionnels comptables, avec toutefois une dérogation applicable aux experts-comptables en matière de consultation juridique (loi du 23 juillet 2010). L ordonnance relative à la prévention de l utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme a été promulguée le 30 janvier 2009. Les nouvelles dispositions législatives sont très largement entrées en vigueur depuis la promulgation des décrets d application. 8 GUIDE D APPLICATION DE LA NORME BLANCHIMENT

Le décret du 16 juillet 2009 fixe les (16) critères de déclenchement de la déclaration de soupçon à TRACFIN de sommes ou opérations dont les professionnels savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu elles proviennent d une fraude fiscale. Le décret du 2 septembre 2009 relatif aux obligations de vigilance et de déclaration pour la prévention de l utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, précise la portée et le contenu de cette obligation auprès du service TRACFIN. Il définit notamment les notions : de bénéficiaire effectif, d activité financière accessoire, d identification du client ou adhérent, d identification du bénéficiaire effectif, d identification du client occasionnel. L arrêté du 2 septembre 2009 pris en application de l article R. 561-12 du Code monétaire et financier définit des éléments d information liés à la connaissance du client ou adhérent et de la relation d affaires aux fins d évaluation des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Le décret du 15 janvier 2010 relatif aux obligations des professionnels de l expertise comptable est venu imposer de nouvelles obligations en matière de contrôle qualité, de mise en place de procédures de contrôle interne dans les structures d exercice professionnel, de formation et d information des professionnels et de leurs collaborateurs. Le décret du 18 janvier 2010 a institué un Conseil d orientation de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme auquel participent le Conseil Supérieur de l Ordre des experts-comptables et le Haut Conseil du commissariat aux comptes. En conséquence de ces textes, une nouvelle norme professionnelle, la norme «Blanchiment», a été adoptée en mars 2010 par le Conseil Supérieur de l Ordre des experts-comptables en remplacement de l ancienne norme générale «116» adoptée en juin 2006. 9

PREMIÈRE PARTIE : LE BLANCHIMENT 11

1. Contexte et évolution 13

1.1. Prise de conscience internationale Depuis le début des années 1980, il y a eu une prise de conscience par les organisations internationales de la nécessité de lutter contre le blanchiment. Des initiatives ont été prises tant au niveau européen (Conseil de l Europe) que mondial (Nations Unies) et également par de nombreuses institutions professionnelles (banques notamment). Les principales décisions internationales ayant eu un impact sur la création d un délit de blanchiment en droit français sont les suivantes : Recommandation du Conseil de l Europe n R (80) 10 du 27 juin 1980 Cette recommandation, adoptée par le Comité des ministres du Conseil de l Europe, est relative aux mesures à prendre contre le transfert et la mise à l abri des capitaux d origine criminelle. Elle propose notamment d imposer aux établissements financiers la vérification de l identité de leurs clients et la formation du personnel bancaire. Mais ce texte est dépourvu de caractère contraignant. Déclaration de Bâle du 12 décembre 1988 Cette déclaration émanant du «Comité des règles et pratiques de contrôle des opérations bancaires» ou «Comité de Bâle» (représentants des banques centrales et des autorités de contrôle des principaux pays occidentaux) pose les principes relatifs à la prévention de l utilisation du système bancaire pour le blanchiment des fonds d origine criminelle. Il s agit de la première dénonciation internationale du blanchiment d argent par des organisations criminelles. Elle vise à l établissement de règles déontologiques que doivent impérativement respecter les établissements financiers : identification des clients, surveillance de certaines opérations suspectes, coopération avec les autorités judiciaires et administratives. Convention de Vienne du 20 décembre 1988 Cette convention des Nations Unies (119 États adhérents) relative à la 14 PREMIÈRE PARTIE : LE BLANCHIMENT 1. Contexte et évolution

lutte contre le trafic de stupéfiants a pour objectif de réprimer le blanchiment et le recel du produit de ce trafic. Elle instaure une obligation pour les États signataires d incriminer (inscrire dans le Code pénal) le blanchiment de fonds provenant du trafic de drogue. Convention de Strasbourg du 8 novembre 1990 Cette convention du Conseil de l Europe est relative au blanchiment, au dépistage à la saisie ou à la confiscation des produits du crime. Elle vise au renforcement de l efficacité de la lutte contre le blanchiment (détection et répression) par la coopération entre les États. Elle fait obligation aux États signataires d ériger en infraction pénale les actes intentionnels de blanchiment. Un projet de directive par l Union européenne sera mis en chantier à la suite de cette convention. Convention de l OCDE du 17 décembre 1997 Il s agit d une convention relative à «la lutte contre la corruption des agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales». Elle fait obligation aux États signataires d incriminer le blanchiment de fonds provenant de la corruption. Convention de Palerme de décembre 2000 Cette convention des Nations Unies (140 États adhérents) est relative à la promotion de la coopération afin de prémunir et de combattre plus efficacement la criminalité transnationale organisée (appréhendée de manière globale, dans l ensemble de ses activités délictueuses). Elle fait obligation aux États signataires d incriminer les blanchiments du produit du crime, l infraction de blanchiment déjà prévue par les textes sur le trafic de drogue étant étendue à toutes les activités criminelles visées par la convention. Déclaration de Paris contre le blanchiment (février 2002) La Conférence des Parlements de l Union européenne fait des propositions relatives : à la transparence des mouvements de capitaux aux sanctions contre les pays et territoires non coopératifs à la coopération judiciaire, policière et administrative aux règles prudentielles L ensemble de ces prises de positions d instances internationales s est traduit notamment par des modifications de la législation européenne (directives de 1991 et 2001) et par des modifications de la législation française, sur le délit de blanchiment (lois de 1987, 1988 et 1996) et sur la déclaration dite «de soupçon» (lois de 1990, 1993, 1998, 2001, 2004, 2009). 15

1.2. Objectifs des autorités publiques Depuis une loi du 11 février 2004, les professionnels de l expertise comptable font partie intégrante du dispositif général de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, en application du Code monétaire et financier et des textes organisant la profession d expert-comptable. Ces textes ont été modifiés fin 2009 et début 2010, en particulier par un décret du 15 janvier 2010, ce qui a conduit le Conseil Supérieur de l Ordre des experts-comptables à rédiger une nouvelle norme professionnelle, conforme au nouveau référentiel normatif, en remplacement de l ancienne norme dite «Norme 116». La nouvelle norme précise les obligations des professionnels de l expertise comptable et notamment leurs obligations en matière d organisation du cabinet, de formation et d information des collaborateurs. La lutte contre la criminalité est depuis longtemps un souci majeur des États de droit. L idée première qui sous-tend l organisation de la lutte contre le blanchiment est de rendre difficile l utilisation des fonds récoltés par les criminels, ou de les repérer lors de leur utilisation. Il s agit de faire en sorte que «le crime ne paie pas». A l origine du terme «blanchiment» est le célèbre bandit américain Al Capone, qui pour donner une apparence respectable aux produits de ses activités criminelles, notamment la vente de boissons alcoolisées pendant la prohibition, achetait des blanchisseries, ces entreprises ayant la particularité de manier essentiellement de l argent liquide. Certains pensent aussi que le terme de blanchiment vient du fait qu il s agit de rendre «propre» de l argent «sale». L exercice se révélant pour les États et leur police assez difficile et les activités criminelles ayant une tendance naturelle à augmenter plutôt qu à régresser, il a été progressivement adopté des textes de toute nature, au plan international, visant à mobiliser le plus grand nombre possible d États. L objectif est d arriver à une réglementation mondiale, d application universelle, car le crime ne connaît pas les frontières et l argent circule de plus en plus facilement et de plus en plus vite. 16 PREMIÈRE PARTIE : LE BLANCHIMENT 1. Contexte et évolution

Pour améliorer l efficacité de la lutte contre le blanchiment, ont été mises en place des obligations de déclaration auprès des autorités de contrôle par les professionnels qui sont en situation de constater ou de participer, de multiples façons, à des opérations qui entraînent des mouvements de capitaux. Les premiers concernés ont été les professionnels de la finance (banques, ) puis progressivement d autres professionnels, qu ils manipulent ou non des fonds, dès lors qu ils exercent une profession dans laquelle ils peuvent être témoins d opérations financières. C est ainsi qu en France, les professionnels de l expertise comptable et les commissaires aux comptes se sont vu imposer des obligations de déclarer au service TRACFIN les opérations dont ils soupçonnent qu elles peuvent avoir une origine délictueuse ou être destinées au financement du terrorisme. La lutte contre le blanchiment de capitaux se complique à mesure de la sophistication croissante des montages financiers dans un cadre mondialisé. En marge des instruments de blanchiment classiques (jeux d argent, assurance-vie, transferts d argent à l étranger, etc.) sont apparus des moyens plus modernes liés à l informatique et aux technologies de l information (dont Internet évidemment) permettant des transferts d argent extrêmement rapides. La première manifestation de la prise de conscience de la communauté internationale vis-à-vis de ce problème du recyclage de l argent sale s est traduite par une recommandation du Conseil de l Europe en juin 1980. Cette recommandation a été complétée par la déclaration de Bâle de 1988, appelée déclaration de principe du Comité des règles et pratiques de contrôle des opérations bancaires. La Convention de 1988 des Nations Unies, dite Convention de Vienne, contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, définit pour la première fois le délit de blanchiment comme : «le délit de recel ou de recèlement classique mais étendu aux produits c est-àdire tout bien provenant directement ou indirectement de la commission d une infraction visée par la convention». Cette convention introduit l obligation pour les États d ériger en infraction le blanchiment d argent, facilitant ainsi, pour l avenir, l entraide judiciaire pénale. Elle a été signée par la France le 13 novembre 1990 et ratifiée le 15 mai 1992 par soixante-et-un États. En 1989 est fondé le Groupe d Action Financière (GAFI), organisme intergouvernemental visant à développer et promouvoir des politiques nationales et internationales afin de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Le GAFI, organe de décision, s efforce de susciter la volonté politique nécessaire pour réformer les lois et réglementations dans ce domaine, notamment par la publication de recommandations. 17

1.2. Objectifs des autorités publiques Au niveau européen, plusieurs directives ont vu le jour, dont trois sont considérées comme déterminantes pour la profession : celles de 1991, 2001 et 2005 qui ont fait l objet d une transposition dans notre droit national. La troisième directive européenne de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme du 26 octobre 2005 a été transposée en droit français par voie d ordonnance le 30 janvier 2009 et ratifiée par la loi du 28 avril 2009. Le dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux concerne également la lutte contre le financement du terrorisme. Si les techniques de blanchiment et de financement du terrorisme diffèrent, surtout dans leurs finalités, elles ont une caractéristique commune : la volonté de leurs auteurs de dissimuler leurs forfaits et de pouvoir utiliser des fonds sans attirer l attention. 18 PREMIÈRE PARTIE : LE BLANCHIMENT 1. Contexte et évolution

1.3. Ampleur du problème Aucune statistique économique ne permet d appréhender le volume financier concerné par les actes de blanchiment, par nature habilement dissimulés et donc largement occultes. Néanmoins certaines estimations ont pu être avancées. D après le Fonds monétaire international, en 2010, le volume agrégé du blanchiment de capitaux dans le monde se situe sans doute dans une fourchette de : 2 % à 5 % du PIB mondial soit entre 800 et 2 000 milliards de dollars soit entre 45 % et 95 % du PIB de la France (environ 2 000 milliards d euros en 2010). Dans certains pays à risques (Russie, Ukraine), près du quart des mouvements financiers pourrait être d origine malhonnête. Au Mexique, une part très significative de l économie serait liée au «narcodollar». Le marché de la drogue aux États-Unis représenterait annuellement entre 100 et 300 milliards de dollars. En France, les fonds blanchis chaque année représenteraient 6 milliards d euros, et le stock des fonds blanchis représenterait un montant de 120 milliards d euros, soit environ 10 % du total mondial des fonds blanchis. 19

1.4. Les autorités compétentes en matière de lutte contre le blanchiment 1.4.1. Le GAFI Créé lors du sommet de l Arche des 14 et 15 juillet 1989 par les chefs d État du G7, le Groupe d action financière sur le blanchiment des capitaux (GAFI) a été chargé par les dirigeants des sept principaux pays industrialisés et la Commission européenne d une double mission : Évaluer les résultats de la coopération déjà mise en œuvre pour prévenir l utilisation des institutions financières aux fins de blanchir l argent ; Étudier des mesures préventives supplémentaires en la matière, y compris l adaptation des systèmes juridiques et réglementaires de façon à renforcer l entraide judiciaire multilatérale. Il réunit annuellement les représentants d une trentaine de pays avec pour mission de prévenir l utilisation du système bancaire et des institutions financières à des fins de blanchiment ainsi que d étudier les mesures préventives à adopter. La première œuvre accomplie par le GAFI a été la formulation de quarante recommandations publiées en février 1990 qui renforcent les dispositions de la convention de 1988 et qui peuvent être regroupées autour de trois thèmes : Le droit pénal de chaque État doit être adapté afin que les définitions de l incrimination de blanchiment de capitaux soient suffisamment proches les unes des autres pour permettre à la coopération judiciaire internationale de mieux fonctionner. Le droit bancaire de chaque État doit également être précisé pour permettre une coopération entre les professions financières et les autorités compétentes pour mieux détecter les opérations mettant en jeu des capitaux d origine criminelle. La coopération internationale doit être renforcée au niveau des échanges d informations sur les méthodes et les flux de blanchiment, sur les enquêtes et les décisions de justice. Le Groupe d action financière sur le blanchiment de capitaux, reconnu 20 PREMIÈRE PARTIE : LE BLANCHIMENT 1. Contexte et évolution

comme l organisme international d établissement de normes en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, définit brièvement le blanchiment de capitaux comme le fait de «retraiter ces produits d origine criminelle pour en masquer l origine illégale» afin de «légitimer» ces gains mal acquis du crime. Toutefois, dans ses quarante Recommandations sur la lutte contre le blanchiment de capitaux, le GAFI intègre spécifiquement la définition technique et juridique du blanchiment de capitaux de la Convention de Vienne et recommande d étendre l infraction du blanchiment des capitaux issus du trafic de stupéfiants au blanchiment de capitaux se rapportant aux infractions graves. Le GAFI est également reconnu comme l organisme international d établissement de normes en matière de lutte contre le financement du terrorisme. Il ne définit pas spécifiquement le terme «financement du terrorisme» dans ses huit Recommandations Spéciales sur le financement du terrorisme (Recommandations Spéciales) élaborées après les événements du 11 septembre 2001. Toutefois, le GAFI recommande aux pays de ratifier et de mettre en œuvre la Convention internationale des Nations unies pour la répression du financement du terrorisme. 1.4.2. TRACFIN TRACFIN est un service à compétence nationale placé sous la tutelle du ministère de l Économie, de l Industrie et de l Emploi et du ministère du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l État. Cellule de coordination, ses attributions sont définies par deux lois, celle du 12 juillet 1990 et celle du 29 janvier 1993. Deux missions essentielles lui ont été confiées : recueillir, traiter et diffuser le renseignement relatif aux circuits financiers clandestins et au blanchiment de l argent au sein du ministère de l Économie et des Finances. recevoir et traiter les déclarations de soupçon des organismes financiers, dans le cadre de la loi du 12 juillet 1990. Pour mener à bien sa mission, TRACFIN dispose de pouvoirs spécifiques : droit de communication (pas d opposabilité du secret professionnel) auprès des établissements financiers (le droit bancaire n est pas opposable à TRACFIN - art. 15 de la loi du 12 juillet 1990), des administrations, autorités de contrôle et services de police afin d établir l origine des sommes concernées et de cerner le contexte des opérations faisant l objet de déclarations de soupçon ; droit de bloquer la réalisation d une opération signalée par une déclaration de soupçon ; droit d échange de renseignements auprès d organismes étrangers 21

1.4. Les autorités compétentes en matière de lutte contre le blanchiment exerçant des compétences analogues et soumis aux mêmes obligations de secret professionnel. TRACFIN est une centrale de renseignements, ce n est pas un service d enquêtes. Si le droit bancaire ne lui est pas opposable et si elle peut recevoir des informations de la part de ses homologues, elle n a pas de pouvoir d investigation spécifique. Mais elle peut, le cas échéant, transmettre ses dossiers au procureur de la République, en application de l article 40 du Code de procédure pénale. TRACFIN est un service «étanche» qui ne peut transmettre les informations reçues par les déclarations de soupçon à d autres personnes ou instances que celles limitativement prévues par la loi : procureurs près les cours d appel, OPJ sous certaines conditions, DGFIP. Ces transmissions se font par voie de «notes d information» reprenant les éléments communiqués par les déclarations de soupçon, ceux obtenus dans l exercice du droit de communication ou lors d une enquête. L identité du ou des déclarants n y figure jamais. Cette identité ne peut être communiquée au parquet que sur réquisition, motivée par les besoins de l instruction et dans l hypothèse d une éventuelle mise en cause du déclarant, mais cette procédure est extrêmement rare (5 cas en 2009 pour près de 18 000 déclarations de soupçon). TRACFIN conserve un fichier des personnes signalées par les déclarations de soupçon qui n échappe pas au contrôle de la CNIL. Les personnes signalées demeurent dans ce fichier pendant dix ans, quelle que soit la suite donnée à la déclaration, y compris si elles ont été soupçonnées à tort. Ce délai de conservation peut être prolongé pour la même durée en cas de transmission au parquet. En onze ans, de 1999 à 2009, depuis sa création, TRACFIN a été destinataire de plus de 100 000 déclarations de soupçon, avec une très nette accélération à partir de 2004. 1.4.3. Le Conseil d orientation sur le blanchiment Le Conseil d orientation sur le blanchiment et le financement du terrorisme (COLB) a été créé par un décret 2010-69 du 18 janvier 2010, codifié à l article D. 561-51 du Code monétaire et financier. Il a pour objet : D assurer une meilleure coordination des services de l État et autorités de contrôle concernés par la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, afin de renforcer l efficacité de celle-ci ; De favoriser la concertation avec les professions mentionnées à l article L. 561-2 en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et 22 PREMIÈRE PARTIE : LE BLANCHIMENT 1. Contexte et évolution

le financement du terrorisme, afin d améliorer leur participation à celle-ci ; De proposer des améliorations au dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ; De suivre l élaboration et la mise à jour régulière d un document de synthèse sur la menace de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Il est présidé par une personnalité qualifiée désignée par le ministre du Budget et regroupe les représentants des différents services de l État (DGFIP, DGT, TRACFIN, Justice, Police Nationale, Gendarmerie) et les représentants des autorités de contrôle des professionnels tenus à l obligation de déclaration par l article L 561-2 du Code monétaire et financier, parmi lesquels le Conseil Supérieur de l Ordre des expertscomptables et le Haut Conseil du commissariat aux comptes. A l intérieur du COLB, différents groupes travaillent sur des sujets particuliers comme l échange de bonnes pratiques entre les autorités de contrôle ou la déclaration de soupçon en vue de proposer des améliorations au dispositif de lutte contre le blanchiment. 23

1.5. Rapports et outils 1.5.1. Rapports du GAFI A. Les 49 recommandations Ce rapport définit les mesures que les gouvernements nationaux doivent prendre pour appliquer des plans efficaces de lutte contre le blanchiment de capitaux et notamment : L harmonisation de la définition du délit de blanchiment, afin de renforcer l efficacité de la coopération judiciaire internationale, La modification du droit bancaire permettant de mieux identifier les clients, d accroître la collaboration entre les professions financières et les autorités administratives et de définir des règles applicables aux relations financières avec les centres financiers «offshore», L amélioration de la coopération internationale. Ces quarante-neuf recommandations comprennent quarante recommandations relatives à la lutte contre le blanchiment et 9 recommandations spécifiques sur le financement du terrorisme. B. Les 25 critères (publié en février 2000) Ces critères permettent d identifier les pays et territoires jugés non coopératifs, c est-à-dire ceux qui présentent des lacunes dans les réglementations financières (surveillance, agrément, identification des clients, secret excessif, non-déclaration des transactions suspectes), d autres obstacles réglementaires (en droit commercial : enregistrement des entreprises, identification des propriétaires), des obstacles à la coopération internationale (entre autorités administratives et entre autorités judiciaires), ou encore une insuffisance des ressources consacrées à la prévention et à la détection du blanchiment. La «Liste noire» des pays favorisant le blanchiment (pays et territoires non coopérants en matière de blanchiment : ETNC), ne comprenait, après sa mise à jour en 2006, plus aucun pays. En 2010, trois pays, dont l Iran, ont été inscrits sur cette liste. 24 PREMIÈRE PARTIE : LE BLANCHIMENT 1. Contexte et évolution

C. Pays retirés de la liste En 2001 : Bahamas, Îles Caïmans, Liechtenstein, Panama En 2002 : Dominique, Hongrie, Israël, Liban, îles Marshall, Niue, Russie, Saint-Kitts-et-Nevis En 2003 : Grenade, Saint-Vincent et Grenadines En 2004 : Ukraine, Egypte, Guatemala En 2005 : Îles Cook, Indonésie, Philippines En 2006 : Nigéria, Nauru, Myanmar (ex-birmanie) Pays Juin 2000 Fév. 2001 Juin 2001 Sept 2001 Juin 2002 Oct. 2002 Fév. 2003 Juin 2003 Fév. 2004 Oct. 2004 Mars 2005 Oct. 2005 Mars 2006 Oct. 2006 Bahamas Dominique Egypte Grenade Guatemala Hongrie Îles Caïmans Îles Cook Îles Marschall Indonésie Israël Liban Liechtenstein Myanmar Nauru Nigéria Niue Panama Philippines Russie Saint-Kittset-Nevis Saint-Vincentet-Grenadines Ukraine Progrès Sortie Progrès Sortie Progrès Sortie Progrès Sortie Sortie Sortie Progrès Sortie Progrès Sortie Sortie Sortie Contre-mesures Sortie Sortie Sortie Sortie Sortie Contre-mesures Sortie Sortie Progrès Sortie Sortie Contre-mesures Sortie Contre-mesures Sortie Contre-mesures Sortie Total 15 15 17 19 15 11 10 9 7 6 3 2 1 0 Sortie 25

1.6. Évolution législative et réglementaire Depuis 1990, l arsenal répressif de la France n a cessé de se renforcer avec une série de lois, d ordonnances et de décrets. A. Loi du 12 juillet 1990 L article 3 de la loi du 12 juillet 1990, modifié par la loi n 193-22 du 29 janvier 1993 stipule que les infractions visées sont : «les opérations qui portent sur des sommes lorsque celles-ci paraissent provenir du trafic de stupéfiants ou de l activité d organisations criminelles». B. Loi n 93-392 du 13 mai 1996 Cette loi relative à la lutte contre le blanchiment et le trafic des stupéfiants a institué un délit général de blanchiment qui est codifié dans le Code pénal aux articles 324-1 (blanchiment simple) et 324-2 (blanchiment aggravé). Le délit de blanchiment est un délit intentionnel qui se caractérise par des opérations matérielles. Il faut une justification mensongère de l origine des biens et un concours apporté à l opération. L art. 4 de la loi de 1996 étend l application de l art. 415 du Code des douanes à l ensemble des infractions douanières. Ne sont donc plus seulement visées les infractions relatives à la législation sur les stupéfiants, mais toutes les opérations de blanchiment d argent issu de l importation ou de l exportation illégale de produits hors du commerce ou dans le commerce lorsqu une autorisation pour l importation ou l exportation est nécessaire. Le nouvel article 324-1 du Code pénal a évité l écueil d une énumération limitative des activités illicites qui ne pouvait être que lacunaire, les organisations criminelles répondant souvent aux opportunités du marché et «s enrichissant» régulièrement de spécialités nouvelles. La loi de 1996 présente un progrès incontestable en ce qu elle permet d atteindre des opérations de blanchiment qui auparavant ne pouvaient être sanctionnées. 26 PREMIÈRE PARTIE : LE BLANCHIMENT 1. Contexte et évolution

C. Loi du 15 mai 2001 La loi NRE du 15 mai 2001 introduit un nouveau type d obligation de déclaration des sommes et opérations qui «pourraient» provenir du trafic de stupéfiants ou «d activités criminelles organisées» (et non plus «de l activité d organisations criminelles»). La criminalité est désormais appréhendée en termes de comportement et non plus structurellement. Désormais, un simple doute sur l éventualité d un trafic de drogue ou d activités criminelles organisées doit donner lieu à une déclaration, même en l absence d indices précis ou probants. D. Loi du 11 février 2004 Cette loi traite des produits de la corruption et de la fraude aux intérêts financiers des Communautés européennes. E. Loi du 9 mars 2004 Cette loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (loi dite Perben 2) étend le blanchiment aux opérations qui pourraient participer au financement du terrorisme, ce qui anticipe la transposition de la 3 e directive sur ce point. F. Ordonnance du 30 janvier 2009 L ordonnance relative à la prévention de l utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, qui transpose la troisième directive européenne sur le blanchiment de capitaux, a été promulguée le 30 janvier 2009. Les nouvelles dispositions législatives sont très largement entrées en vigueur depuis la promulgation des décrets d application qui l ont suivi (16 juillet 2009, 2 septembre 2009). En premier lieu, l ordonnance opère un élargissement du domaine de l infraction sous-jacente. En effet, jusqu alors réservé à des cas limitativement énumérés, le domaine de la déclaration de soupçon est étendu à toute infraction passible d une peine de prison supérieure à un an. Des infractions telles que la contrefaçon mais aussi la fraude fiscale sont désormais susceptibles d être à l origine de déclaration. En pratique, la quasi-totalité des infractions susceptibles de procurer des fonds est visée. En second lieu, le champ des obligations de vigilance est affiné et échelonné sur trois niveaux en fonction des risques : vigilance allégée en cas de risque faible, standard en cas de risque normal, renforcée en cas de risque élevé. Selon le cas, les exigences d identification et de connaissance du client seront étendues ou réduites. Notons que cette dernière notion est elle aussi issue de la 3 e directive. Elle constitue l une des pierres angulaires de ce nouveau dispositif, puisqu elle permet de vérifier notamment la cohérence des opérations effectuées par le client. 27

1.6. Évolution législative et réglementaire Parallèlement, l ordonnance apporte des changements majeurs en matière d échanges d informations. En effet, outre la possibilité de communiquer sous certaines conditions à l intérieur d un même groupe, il est désormais possible entre organismes financiers n appartenant pas à un même groupe de s informer sur l existence et le contenu d une déclaration de soupçon lorsqu ils interviennent pour un même client et dans une même transaction. G. Décret n 2009-874 du 16 juillet 2009 C est ce décret du 16 juillet 2009 qui fixe les critères de déclenchement de la déclaration de soupçon à TRACFIN portant sur des sommes ou opérations dont les professionnels savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu elles proviennent d une fraude fiscale lorsqu il y a présence d au moins un des 16 critères définis. H. Décret du 2 septembre 2009 Ce décret n 2009-1087 du 2 septembre 2009 relatif aux obligations de vigilance et de déclaration pour la prévention de l utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, précise la portée et le contenu de cette obligation auprès du service TRACFIN. Il définit notamment les notions de : bénéficiaire effectif, activité financière accessoire, identification du client, identification du bénéficiaire effectif, identification du client occasionnel, nouvelle identification du client. Le décret précise aussi : les conditions de mise en œuvre des obligations de vigilance par des tiers, les obligations applicables lorsqu il est mis fin à la relation d affaires, les obligations en cas de faible risque de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme, le contenu des mesures de vigilance complémentaires et des mesures de vigilance renforcée, l obligation de désigner un déclarant et un correspondant, en fonction de la fonction exercée par le déclarant, le contenu et la transmission des déclarations. I. Arrêté du 2 septembre 2009 L arrêté du 2 septembre 2009 pris en application de l article R. 561-12 du Code monétaire et financier définit des éléments d information liés à la connaissance du client et de la relation d affaires aux fins 28 PREMIÈRE PARTIE : LE BLANCHIMENT 1. Contexte et évolution

d évaluation des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. J. Décret du 15 janvier 2010 Ce décret vient modifier l article 2 du décret du 14 février 1986 relatif à l examen de l activité professionnelle des membres de l Ordre des experts-comptables. Cet examen comporte maintenant le contrôle du respect par les professionnels de leurs obligations en matière de prévention de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, telles qu elles résultent des dispositions du titre VI du livre V du Code monétaire et financier, notamment de celles relatives aux procédures et mesures de contrôle interne définies par le Conseil supérieur de l Ordre des experts-comptables. Pour ce contrôle mentionné, la personne contrôlée doit, en outre, mettre à disposition du contrôleur, sur simple demande, les documents dont la conservation est prescrite par l article L. 561-12 du Code monétaire et financier. Il modifie également le décret du 30 mai 1997 relatif au fonctionnement des instances ordinales, en faisant obligation à l Ordre de définir, pour l application du III de l article R. 561-38 du Code monétaire et financier, sur la base d une classification des risques présentés par les activités des professionnels, les procédures et mesures de contrôle interne, qui sont soumises à l agrément du ministre chargé du Budget, à mettre en œuvre en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, notamment par la désignation par chaque professionnel d un responsable de ce contrôle interne et par l organisation d une formation continue des professionnels sur les objectifs et les méthodes de cette lutte et les obligations auxquelles ils sont soumis à ce titre. K. Décret du 18 janvier 2010 Le décret n 2010-69 du 18 janvier 2010 institue le Conseil d orientation de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (COLB). La composition de ce conseil comprend un représentant du Conseil Supérieur de l Ordre des experts-comptables et un représentant du Haut Conseil du commissariat aux comptes. L. Loi du 23 juillet 2010 Cette loi (dite «loi consulaire») rétablit l exonération de l obligation de déclaration des professionnels de l expertise comptable en cas de consultation juridique, qui avait été «omise» dans l ordonnance de transposition de la directive européenne. Les professionnels de l expertise comptable sont donc exonérés de l obligation de déclaration lorsqu ils donnent des consultations juri- 29

1.6. Évolution législative et réglementaire diques dans le cadre de l article 22 de l ordonnance de 1945. La réglementation relative à l obligation de déclaration constitue une exception au secret professionnel qui s impose aux professionnels de l expertise comptable. L exception introduite par le texte (dans la logique de la directive européenne qu elle transpose) vise à maintenir l obligation de secret, de façon absolue, dans le cadre des consultations juridiques. Dans le cas où, à l occasion d une consultation juridique, les informations reçues donnent naissance à un soupçon de blanchiment, le professionnel de l expertise comptable ne doit pas établir de déclaration à TRACFIN. Il apparaît que les confidences ou informations sensibles, confiées par le client pour les besoins de l évaluation de sa situation fiscale et sociale, ou même pour le traitement d éventuelles irrégularités juridiques, voire, le cas échéant, à caractère pénal, peuvent entrer dans le périmètre de la dérogation. Bien entendu, l exonération ne peut être étendue aux informations recueillies (même «en confidence»), a posteriori, sur des opérations figurant dans la comptabilité, notamment dans le cadre de la démarche d éclaircissement destiné à lever un doute. M. Arrêté ministériel du 7 septembre 2010 L arrêté du 7 septembre 2010 portant agrément des règles professionnelles relatives aux obligations des professionnels de l expertise comptable pour la prévention de l utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme donne l agrément de la norme préparée et approuvée par le Conseil Supérieur de l Ordre des experts-comptables. 30 PREMIÈRE PARTIE : LE BLANCHIMENT 1. Contexte et évolution

1.7. Volume et traitement des déclarations de soupçons A. Évolution du nombre de déclarations à TRACFIN Activité déclarative des professionnels depuis 2005 20 000 15 000 10 000 5 000 11 553 12 047 12 469 14 565 17 310 0 2005 2006 2007 2008 2009 Analyse détaillée de l activité déclarative des professionnels en 2008 et 2009 2008 2009 Banques, établissements de crédit 11511 12254 Changeurs manuels 1467 2249 Compagnie d assurance 703 1007 Instituts d émission 200 675 Notaires 347 370 Cercles, jeux de hasard, pronostics sportifs ou hippiques 148 361 Entreprise d investissements 58 67 Mutuelles et institutions de prévoyance 10 58 Administrateurs de justice et mandataires judiciaires 18 57 Experts-comptables 19 55 Conseils en investissements financiers 14 46 Professionnels de l immobilier 3 33 Casinos 37 30 Commissaires aux comptes 5 22 Marchands de biens précieux 11 12 Commissaires-priseurs, sociétés de ventes 5 5 Sociétés de gestion de portefeuille 0 3 Huissiers 1 2 Intermédiaires en assurance 0 2 Avocats 3 2 Participants système de règlement et de livraison 5 0 Société de domiciliation Non applicable 0 Total 14565 17310 NB : Les chiffres ci-dessus comptabilisent les signalements reçus par TRACFIN tels que déclarés dans le formulaire de déclaration de soupçon par les professionnels eux-mêmes. 31

1.7. Volume et traitement des déclarations de soupçons B. Les déclarations des professionnels du chiffre en 2009 Les professionnels de l expertise comptable se sont mobilisés dès 2006 dans la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, mais il faudra encore quelques années pour que les obligations de vigilance et de déclaration s intègrent dans les habitudes. C est pourquoi, dans son rapport sur 2009, TRACFIN mentionnait : Une mobilisation accrue des professionnels du chiffre qui doit encore être renforcée. Les commissaires aux comptes et les experts-comptables ont transmis 77 déclarations de soupçon en 2009 contre 24 en 2008. En valeur absolue, le nombre de signalements émis par les commissaires aux comptes s élève à 22 en 2009 contre 5 en 2008. Les experts-comptables ont, pour leur part, fait parvenir à Tracfin 55 déclarations de soupçon en 2009 et 98 en 2010. Répartition de la diffusion du renseignement financier par TRACFIN 400 350 359 384 2008 300 2009 250 200 150 100 50 0 Justice 93 106 Douane 28 Administration fiscale 35 45 Service de police judiciaire 118 Service de renseignement 4 Autorité de contrôle 32 PREMIÈRE PARTIE : LE BLANCHIMENT 1. Contexte et évolution

C. Transmission à la justice En 2009, TRACFIN a transmis 384 dossiers à l autorité judiciaire, contre 359 en 2008, soit une progression de 7 %. Neuf de ces dossiers relevaient d une présomption de financement du terrorisme (contre cinq en 2008). Analyse des notes d information transmises à la justice par catégories d infractions principales Blanchiment 131 Travail dissimulé 93 Abus de biens sociaux 67 Escroquerie 53 Abus de confiance 34 Infractions à la lois des stupéfiants 26 Escroquerie en bande organisée 15 Abus de faiblesse 14 Exercice illicite de la profession de banquier 13 Corruption 12 Infraction douanière 9 Proxénétisme 9 Financement du terrorisme 9 Banqueroute 7 Vol, recel 7 Faux et usage de faux 3 Délit d initié 3 Fraude fiscale 3 Organisation de jeux de hasard illicites 3 Association de malfaiteurs 3 Infraction à la législation sur les étrangers 2 Tous crimes ou délits 98 Nombre d infractions de blanchiment ayant donné lieu à condamnation en justice (source ministère de la Justice) 150 142 134 2005 120 110 98 2006 2007 90 2008 67 60 51 38 37 30 25 24 9 11 0 Blanchiment simple Blanchiment aggravé Blanchiment douanier 33

1.8. Sort des déclarations de soupçon après intervention de TRACFIN S il n y pas de fondement justifiant une présomption sérieuse, l affaire fait l objet d un classement provisoire. Mais pas d un classement définitif car la déclaration pourra être utilisée a posteriori en cas d apparition d éléments nouveaux. S il y a un faisceau de présomptions suffisant (notamment du fait de l existence de plusieurs déclarations émanant de professionnels différents relatives à la même opération), la cellule de renseignement financier transmet une note d information au procureur de la République, lequel diligente une enquête judiciaire et transmet à TRACFIN les décisions définitives dans les affaires concernées. 1.8.1. Tribunaux destinataires des déclarations Rouen 4 Douai 12 Amiens 8 Caen 3 Paris 145 Reims 5 Metz 1 Rennes 22 Versailles 21 Nancy 4 Orléans 6 Angers 3 Colmar 9 Bourges 1 Dijon 1 Poitiers 6 Limoges 1 Riom 2 Lyon 10 Diffusion des informations remises à la justice par cour d appel Besançon 3 Chambéry 2 Total Paris + Versailles + Aix en Provence = 210 soit 55% Bordeaux 14 Grenoble 4 Agen 2 Toulouse 6 Pau 2 Montpellier 14 Nîmes 3 Aix-en-Provence 44 Bastia 7 34 PREMIÈRE PARTIE : LE BLANCHIMENT 1. Contexte et évolution

2. Le délit de blanchiment 35

2.1. Définition économique Le blanchiment est le recyclage de capitaux issus d activités illégales. Il permet la conversion de ces capitaux en fonds apparemment légitimes, par l intermédiaire du système financier. Le blanchiment est donc l instrument essentiel permettant aux auteurs d actes criminels de profiter du résultat de leur forfait, en réinjectant dans le circuit de l économie légale, une fois blanchis, les fonds provenant de leurs activités illégales. La difficulté pour les criminels résulte de la nécessité d utiliser les fonds sans attirer l attention sur l activité criminelle qui en constitue l origine. Il s agit donc de masquer les sources des capitaux illégitimes, soit en agissant sur la forme que revêtent les fonds, soit en les déplaçant vers des lieux plus discrets. 36 PREMIÈRE PARTIE : LE BLANCHIMENT 2. Le délit de blanchiment

2.2. Définition du délit de blanchiment en droit international L article 6-1 de la convention des Nations Unies sur la criminalité transnationale organisée (Palerme, décembre 2000) relatif au blanchiment demande aux États signataires de : «conférer le caractère d infraction pénale, lorsque l acte a été commis intentionnellement : a) i) À la conversion ou au transfert de biens dont celui qui s y livre sait qu ils sont le produit du crime, dans le but de dissimuler ou de déguiser l origine illicite desdits biens ou d aider toute personne qui est impliquée dans la commission de l infraction principale à échapper aux conséquences juridiques de ses actes ; ii) À la dissimulation ou au déguisement de la nature véritable, de l origine, de l emplacement, de la disposition, du mouvement ou de la propriété de biens ou de droits y relatifs dont l auteur sait qu ils sont le produit du crime ; b) et, sous réserve des concepts fondamentaux de son système juridique : i) À l acquisition, à la détention ou à l utilisation de biens dont celui qui les acquiert, les détient ou les utilise sait, au moment où il les reçoit, qu ils sont le produit du crime ; ii) À la participation à l une des infractions établies conformément au présent article ou à toute autre association, entente, tentative ou complicité par fourniture d une assistance, d une aide ou de conseils en vue de sa commission». 37

2.3. Définition du délit de blanchiment en droit européen 2.3.1. Sources législatives A. Directive du 10 juin 1991 (n 091-308 CEE) Cette directive, relative à la prévention de l utilisation du système financier aux fins de blanchiment (limité au trafic de drogue), demande aux États membres de veiller à l interdiction du blanchiment. Elle demande notamment aux institutions financières des États membres : d identifier leurs clients de surveiller les opérations inhabituelles ou complexes susceptibles d être liées à une opération de blanchiment de capitaux de coopérer avec les autorités chargées de la lutte contre le blanchiment de signaler toutes les transactions susceptibles de constituer la preuve d un blanchiment de capitaux. Date d entrée en vigueur et date limite de transposition : 1 er janvier 1993. B. Directive du 4 décembre 2001 (n 2001-97 CE) Cette directive opère la refonte de la directive de 1991 notamment par l actualisation et l extension du champ d application : Le délit de blanchiment concerne désormais tous les délits graves et plus seulement le trafic de stupéfiants ; Les obligations de la directive sont étendues à des activités et professions non financières ; Les professions visées doivent instaurer des procédures de contrôle interne, de communication, de formation et de sensibilisation envers leurs personnels et/ou membres ; Les autorités nationales ont l obligation de coopérer en vue de combattre les activités illicites portant atteinte aux intérêts financiers de la Communauté. Date d entrée en vigueur : 28 décembre 2001 Date limite de transposition : 15 juin 2003 38 PREMIÈRE PARTIE : LE BLANCHIMENT 2. Le délit de blanchiment

Cette directive a été abrogée par la «troisième directive blanchiment» ci-dessous. C. Directive du 26 octobre 2005 (n 2005-60 CE) Cette nouvelle directive relative à la prévention de l utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, vient abroger la directive antérieure. a. Calendrier Publication au Journal Officiel de l UE : 25 novembre 2005 Entrée en vigueur : 15 décembre 2005 Délai de transposition prévu : 15 décembre 2007 Cette directive a été finalement transposée par la France par l ordonnance du 30 janvier 2009. b. Objectifs Évaluation du niveau de transposition de la directive de 2001 Intégration des recommandations du GAFI (actualisées en 2003) Élargissement du champ d application de la directive Amélioration des mesures existantes Définition précise des délits graves concernés par le blanchiment Introduction d exigences et de garanties supplémentaires pour des situations à haut risque (par exemple : transactions avec des correspondants bancaires situés en dehors de l Union). c. Caractéristiques Abrogation de la directive existante (1991 modifiée en 2001) remplacée par la nouvelle directive. Maintien de la dérogation particulière pour juristes et comptables en matière de déclaration de soupçon (considérants 20 et 21 et article 23 2). d. Extension du périmètre Activités criminelles liées au terrorisme (articles 1 4 et 3 5a). Activités de prestations de services aux sociétés et fiducies (article 2 c). Fournisseurs de biens et services lorsque les paiements en espèces dépassent 15 000 euros (article 2 e). Le blanchiment porte notamment sur toutes les infractions punies d une peine privative de liberté au moins égale à un an (article 3 5c). De ce fait, influence de l échelle variable des sanctions prévues au niveau national par les États membres. Par exemple, en France, la fraude fiscale est visée. e. Obligations Les personnes relevant de la directive doivent : Établir et vérifier l identité de leur client et de son ayant droit, et 39

2.3. Définition du délit de blanchiment en droit européen soumettre la relation d affaires avec le client à une surveillance. Faire état des soupçons de blanchiment d argent ou de financement du terrorisme aux pouvoirs publics. Prendre des mesures adéquates, comme assurer une bonne formation du personnel et instaurer des politiques et procédures internes de prévention appropriées. f. Obligation de vigilance Interdiction des comptes anonymes ou ouverts sous des noms fictifs (article 6). Procédure d identification des nouveaux clients ou lors d opérations exceptionnelles supérieures à 15 000, sur la base de documents, de données ou d informations de source fiable et indépendante (article 7). Vérification préalable de l identité du client et de celle de l ayant droit économique (article 8). «Exercice d une vigilance constante de la relation d affaires» (article 8 1 d). g. Obligations spécifiques Obligations simplifiées : en cas de faible risque de blanchiment (article 11). Obligations renforcées : en cas de risques accrus, flux transfrontaliers, absence de contact en face à face, personnes politiquement exposées (article 13). Conservation pendant 5 ans des documents et informations matérialisant le respect de l obligation de vigilance aux fins de leur utilisation à titre de preuve dans une éventuelle enquête sur le blanchiment de capitaux (article 30). Toutes ces obligations, en ce qu elles concernent les professionnels de l expertise comptable, figurent maintenant dans la norme Blanchiment publiée en 2010. 2.3.2. Définitions Selon les termes de l article 1 er 2 de la directive du 26 octobre 2005, le blanchiment de capitaux correspond aux : «Agissements ci-après énumérés, commis intentionnellement : - la conversion ou le transfert de biens, dont celui qui s y livre sait qu ils proviennent d une activité criminelle ou d une participation à une telle activité, dans le but de dissimuler ou de déguiser l origine illicite des dits biens ou d aider toute personne qui est impliquée dans cette activité à échapper aux conséquences juridiques de ses actes, 40 PREMIÈRE PARTIE : LE BLANCHIMENT 2. Le délit de blanchiment