KF/TG/OE REPUBLIQUE DE CÔTE D IVOIRE ------------------ COUR D APPEL D ABIDJAN -------------------- TRIBUNAL DE COMMERCE D ABIDJAN -------------------- RG N 2057/2014 du 12/02/2015 JUGEMENT CONTRADICTOIRE ------------------ Affaire : LA SOCIETE USAN (la SCPA KONAN-KAKOU-LOAN et Associés) Contre Le PORT AUTONOME D ABIDJAN dite P.A.A (Maître DAH Fréderic) ------------------------ DECISION : Contradictoire Déclare la société USAN recevable en son action ; Constate la non conciliation des parties ; L y dit partiellement fondée ; Condamne le PAA à lui payer la somme de trois cent millions (300.000.000) de francs CFA au titre de la liquidation de l astreinte ; Dit qu il n y a pas lieu d ordonner l exécution provisoire de la présente décision ; Condamne le PAA aux dépens. AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU 12 FEVRIER 2015 Le Tribunal de Commerce d Abidjan, en son audience publique ordinaire du jeudi douze février de l an deux mil quinze tenue au siège dudit Tribunal, à laquelle siégeaient : DOCTEUR KOMOIN FRANCOIS, Président du tribunal ; Messieurs KACOU BREDOUMOU Florent, FOLOU Ignace, SILUE Daoda, N GUESSSAN Gilbert, NIAMKEY Kodjo Paul et Madame ESSO épouse ABANET Blanche, Assesseurs, Avec l assistance de Maître ANGUI Atsé, Greffier ; A rendu le jugement dont la teneur suit dans la cause entre : LA SOCIETE USAN, SA ayant son siège à Abidjan plateau, immeuble le Mali, 03 BP 678 Abidjan 03 ; Demanderesse représentée par la SCPA KONAN-KAKOU- LOAN et Associés, Avocats près la cour d Appel d Abidjan y demeurant 19, boulevard Angoulvant, résidence Neuilly, 1 er étage aile gauche, 01 BP 1366 Abidjan 01, tel : 20 22 40 41 / 20 22 40 43 ; Et ; D une part ; Le PORT AUTONOME D ABIDJAN en abrégé P.A.A, société d Etat au capital de 16 milliards de FCFA, dont le siège est à Abidjan, Treichville, zone portuaire, BP V 85 Abidjan ; Défenderesse, représentée par Maître DAH Fréderic, Avocat ; D autre part ; Enrôlée pour l audience du jeudi 17 juillet 2014, l affaire a été appelée. Le tribunal ayant constaté la non conciliation des parties a ordonné l instruction du dossier confié au juge KACOU Bredoumou et renvoyé la cause à l audience publique du 30 octobre 2014. L instruction a été clôturée par ordonnance N 719/2014 du 29 octobre 2014. A la date de 1
renvoi, l affaire est mise en délibérée pour le 27 novembre 2014. A cette audience, ledit délibéré est rabattu et l affaire renvoyée au 18 décembre 2014 pour les conclusions du Ministère Public puis au 15 janvier 2014 toujours pour le même motif. La cause étant en état, elle a été mise en délibéré pour décision être rendue le 12 février 2015. Advenue cette audience, le Tribunal a vidé son délibéré comme suit. Vu les pièces du dossier ; LE TRIBUNAL Ouï le demandeur en ses prétentions ; Après en avoir délibéré conformément à la loi ; FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES Suivant exploit d huissier de justice en date du 07 juillet 2014 la société USAN a assigné le port autonome d Abidjan en abrégé PAA à comparaître devant le Tribunal de Commerce d Abidjan pour entendre : - condamner le PAA à lui payer la somme de 3.385.000.000 francs CFA à parfaire au titre de la liquidation de l astreinte ; - Ordonner l exécution provisoire ; Au soutien de son action, la société USAN explique que le 14 mai 2003, elle a été autorisée par le PAA à occuper une parcelle du domaine portuaire moyennant paiement d une redevance annuelle de 2.067.300 francs CFA ; Que le 11 juillet 2005, le PAA, en dehors de toute procédure judiciaire, l a expulsée de l espace susdit et confisqué son matériel ; Que pour faire valoir son droit, elle a saisi le juge des référés du tribunal de première instance d Abidjan ; Que par ordonnance n 1078/2005 du 15 juillet 2005 ladite juridiction présidentielle a ordonné sa réintégration sous astreinte comminatoire de 2.000.000 francs CFA par jour de 2
retard ; Que sur appel relevé par le PAA, la cour d appel d Abidjan a dans son arrêt n 001 du 03 janvier 2006, infirmé l ordonnance du juge des référés ; Qu elle a alors formé un pourvoi devant la chambre judiciaire de la cour suprême ; Que celle-ci dans l arrêt n 251 du 02 avril 2012 a cassé l arrêt de la cour d appel et ordonné sa réintégration sous astreinte comminatoire de 5.000.000 francs CFA par jour de retard ; Que bien qu elle ait signifié l arrêt susdit le 31 mai 2012 au PAA, celui-ci n s est pas à ce jour exécuté ; Elle ajoute que néanmoins, en août 2012, le PAA a saisi l inspection générale d Etat en vue d un règlement amiable de leur litige, qui n a pu aboutir par la faute du PAA, lequel ne lui a pas fait des propositions réalistes ; Elle sollicite donc la liquidation de l astreinte ; Le PAA oppose pour sa part que la chambre judiciaire de la cour suprême n a pas motivé sa décision de sorte qu elle manque de base légale ; Partant, il considère l astreinte ordonnée à son encontre inopportune et injustifiée ; Il argue en outre que le juge des référés était incompétent pour ordonner la réintégration de la demanderesse au motif que le retrait de l autorisation d occupation du domaine portuaire est un acte administratif, et que la société USAN aurait dû préalablement obtenir son annulation devant la juridiction administrative ; Elle fait valoir au demeurant qu elle n oppose pas de résistance à l exécution de l arrêt de la cour suprême puisqu elle a offert à la société USAN de l installer sur un autre site, mais qu il s est heurté à son refus ; Le Ministère Public qui a reçu communication de la procédure a conclu qu il plaise au tribunal liquider l astreinte et ordonner l exécution provisoire de la décision qui sera prononcée. SUR CE 3
EN LA FORME Sur le caractère de la décision Le défendeur a comparu et conclu. Il y a lieu de statuer contradictoirement. Sur le taux du ressort L article 8 de la loi organique n 2014-424 du 14 juillet 2014 portant création, organisation et fonctionnement des juridictions de commerce dispose que : «Les tribunaux de commerce statuent : - en premier ressort, sur toutes les demandes dont l intérêt du litige est supérieur à un milliard de francs CFA ou est indéterminée ; - en premier et dernier ressort, sur toutes les demandes dont l intérêt du litige n excède pas un milliard de francs CFA.» En l espèce l intérêt du litige qui s élève à trois milliards trois cent quatre vingt cinq millions (3.385.000.000) de francs CFA, excède un milliard de francs CFA. Dans ces conditions, il convient de statuer en premier ressort. Sur la recevabilité L action de la société USAN est régulièrement introduite ; il y a lieu de la recevoir. AU FOND Sur la demande en liquidation de l astreinte La société USAN sollicite le paiement de la somme de trois milliards trois cent quatre vingt cinq millions (3.385.000.000) de francs CFA au titre de la liquidation de l astreinte. Elle prétend que le PAA fait montre de défiance envers l autorité judiciaire, car depuis que la décision de justice qui ordonne sa réintégration sous astreinte comminatoire de cinq millions (5.000.000) de francs CFA par jour de retard lui 4
a été signifiée, celui-ci n a pas entrepris d exécuter celle-ci ; situation qui dure depuis trois (03) ans. Le PAA, quant à lui, juge injustifiée et inopportune l astreinte ordonnée et précise n opposer aucune résistance à la décision judiciaire dont s agit. L astreinte est une condamnation à une somme d argent à raison de tant par jour, semaine ou mois de retard prononcée par le juge contre un débiteur en vue de l amener à exécuter en nature son obligation. Pour sa liquidation, il est tenu compte de l attitude de ce débiteur et notamment des difficultés qu il a rencontrées dans l exécution de l injonction judiciaire. En l espèce, il est constant que le PAA a été condamné sous astreinte à réintégrer la demanderesse dans l espace d où elle avait été irrégulièrement expulsé. Il est également constant qu il ne l a pas fait. Les pièces du dossier établissent qu il continue malgré le fait que l arrêt de la Cour Suprême soit définitif à contester cette décision qu il trouve injustifiée et inopportune. Il y a là manifestement une volonté de résistance indéniable du PAA à l injonction judiciaire qui lui a été faite. Cette résistance ne peut être annihilée par sa déclaration selon laquelle elle a offert à la demanderesse de l installer sur un autre site, car tel n est pas ce qui lui a été judiciairement ordonné. Dans ces conditions, la liquidation de l astreinte se justifie. Il y a lieu d y procéder. A cet égard, le tribunal rappelle qu il ne s agit pas en cette matière d effectuer une simple opération mathématique consistant à multiplier le nombre de jour de retard par le montant de l astreinte. En tenant compte des circonstances de la cause, le tribunal liquide l astreinte à la somme de trois cent millions (300.000.000) de francs CFA au paiement de laquelle est condamné le PAA. Sur l exécution provisoire 5
Aux termes de l article 146 du code de procédure civile, commerciale et administrative, «l exécution provisoire peut sur demande, être ordonnée dans tous les autres cas présentant un caractère d extrême urgence». la société USAN ne démontre pas en l espèce qu il y a extrême urgence à voir exécuter la présente décision. Il y a lieu de la débouter de sa demande d exécution provisoire. Sur les dépens Le PAA succombant, il y a lieu de le condamner aux dépens de l instance. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort ; Déclare la société USAN recevable en son action ; Constate la non conciliation des parties ; L y dit partiellement fondée ; Condamne le PAA à lui payer la somme de trois cent millions (300.000.000) de francs CFA au titre de la liquidation de l astreinte ; Dit qu il n y a pas lieu d ordonner l exécution provisoire de la présente décision ; Condamne le PAA aux dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus. ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER. /. 6
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