LES ECHECS D ADOPTIONS INTERNATIONALES Que faire en cas d échec d une adoption internationale? Cette question se pose de plus en plus souvent aux services de l aide sociale à l enfance, auxquels des parents adoptifs viennent confier un enfant adopté à l étranger, dont ils disent ne pouvoir continuer à s occuper. Il peut s agir de parents qui ont besoin d un soutien éducatif temporaire comme d adoptants qui souhaitent définitivement abandonner leur enfant. Cette fiche a donc pour objet d analyser les solutions pouvant être envisagées pour faire bénéficier les enfants dans cette situation de la meilleure protection juridique possible en France. Deux hypothèses doivent être distinguées: - l adoption prononcée à l étranger est reconnue en France (ou l enfant a fait l objet d une nouvelle adoption en France). L adoption peut-elle être révoquée? L enfant peut-il être admis en tant que pupille de l Etat? Quel est son statut? Quelle est sa nationalité? Peut-il être adopté à nouveau, et le cas échéant, sous quelle forme? - l adoption prononcée à l étranger n est pas reconnue en France (et/ou la demande d adoption en France est rejetée). Quelle est la situation juridique de l enfant? De quelle(s) mesure(s) de protection peut-il bénéficier? La situation est à étudier au cas par cas, selon que les parents veulent s occuper de l enfant ou non et selon les conditions de déroulement de la procédure à l étranger. 1) L adoption produit des effets en France Il s agit des cas où le jugement étranger d adoption a fait l objet d un contrôle de son opposabilité et de ses effets, soit à l occasion d une demande de transcription directe auprès du parquet de Nantes, soit d une demande d exequatur. Le jugement étranger d adoption, qui concerne l état des personnes, est reconnu de plein droit en France, sous réserve de sa régularité internationale. Il est donc présumé opposable indépendamment de toute déclaration d exequatur, tant que sa régularité ne fait l objet d aucune contestation. Toutefois, dans le cas d une situation d échec, il est indispensable de vérifier l opposabilité et les effets de l adoption en France pour pouvoir déterminer la situation juridique de l enfant. Par conséquent, un service de l aide sociale à l enfance ne saurait accepter la remise de l enfant et son immatriculation en qualité pupille de l Etat avant d avoir déterminé si celui-ci a une filiation établie en France. En cas «d abandon» d enfant avant que son statut ne soit établi, il convient par conséquent que celui-ci fasse l objet d un recueil provisoire par les services de l aide sociale à l enfance, éventuellement sous le contrôle du juge des enfants. Le Procureur de la République, garant du droit de chacun à se voir établir un état civil, doit être parallèlement saisi, afin de faire vérifier l opposabilité et les effets de l adoption en France (par le parquet ou le tribunal de grande instance). 1
En cas de refus des parents adoptifs de lui transmettre le jugement d adoption étranger, le parquet peut s adresser au Ministère des affaires étrangères, qui est destinataire des jugements prononcés à l étranger préalablement à la délivrance du visa adoption. Le statut de l enfant dépend des effets et de l opposabilité du jugement d adoption étranger en France. a) Le jugement étranger produit les effets d une adoption plénière - Cas des adoptions prononcées dans les pays parties à la Convention de La Haye dès lors que le lien de filiation avec la famille d origine est rompu complètement, même de façon révocable (article 26.2) - Cas des adoptions prononcées dans les pays non parties à la Convention de La Haye : si le lien de lien de filiation est rompu de façon complète et définitive (art 370-5 code civil) (adoption plénière irrévocable ou plénière révocable sans renaissance du lien de filiation avec la famille d origine). Cette adoption est irrévocable (art 359 du code civil). Les parents adoptifs sont considérés comme les parents de l enfant au regard de la loi française. Cependant, ils peuvent remettre l enfant à l aide sociale à l enfance en vue de son immatriculation en qualité de pupille de l Etat. En effet, selon l article L 224-4 2 du CASF, sont admis comme pupilles de l Etat les enfants dont la filiation est établie et connue, qui ont expressément été remis au service de l aide sociale à l enfance en vue de leur admission comme pupilles de l Etat par les personnes qui ont qualité pour consentir à leur adoption, depuis plus de deux mois. Or, l article 360 alinéa 2 du code civil prévoit que l adoption simple d un enfant ayant fait l objet d une adoption plénière est permise, s il est justifié de motifs graves. Il peut s inférer de cet article que les parents adoptifs ont qualité pour consentir à l adoption simple de leur enfant, sous certaines conditions. Par ailleurs, l article L 225-1 du CASF, s il prévoit que les enfants admis comme pupilles de l Etat doivent faire l objet d un projet d adoption, précise que ce projet peut concerner une adoption simple comme une adoption plénière, suivant les circonstances particulières à la situation de l enfant. Certes, la situation juridique d enfant ayant déjà fait l objet d une adoption plénière fait obstacle au prononcé d une nouvelle adoption de cette nature. Mais, le conseil de famille des pupilles conserve toute faculté pour définir un projet d adoption simple. Enfin, lorsque les parents adoptifs ayant remis l enfant aux services de l Aide sociale à l enfance se désintéressent manifestement de lui, c est-à-dire n entretiennent pas avec lui les relations nécessaires au maintien des liens affectifs, le service a la possibilité de déposer une requête en déclaration judiciaire d abandon devant le tribunal de grande instance du chef-lieu du département dans lequel l enfant a été recueilli, soit directement auprès du greffe, soit par l intermédiaire du procureur de la République (articles 1158 et 1160 du CPC). En application de l article 350 du code civil, la requête est présentée à l expiration du délai d un an de désintérêt manifesté par les parents. Le jugement de déclaration d abandon emporte délégation d autorité parentale au profit du service de l aide sociale à l enfance. L enfant devient alors admissible comme pupille de l Etat, en application de l article L. 224-4, 6 du code de l action sociale et des 2
familles), et peut donc, le cas échéant, faire l objet d une adoption simple en application de l article 360 alinéa 2 du code civil précité. Dans tous les cas, si les parents adoptifs n ont pas consenti à l adoption simple de l enfant lors de sa remise aux services de l aide sociale à l enfance, il appartient au conseil de famille des pupilles de donner ce consentement (article 349 du code civil). b) Le jugement étranger produit les effets d une adoption simple - Cas d une adoption simple prononcée à l étranger ou d une adoption plénière révocable prononcée dans un pays non partie à la Convention de la Haye, lorsque la révocation fait renaître le lien de filiation avec la famille d origine. L adoption peut être révoquée en France (à l initiative des parents si l adopté a plus de quinze ans, ou du ministère public). Dans ce cas, ce sont les parents d origine qui doivent consentir à une nouvelle adoption ou l institution qui avait la charge de l enfant. L adoptabilité de l enfant est régie par sa loi personnelle. Il convient alors d étudier, au cas par cas, l opportunité de mettre en place une tutelle d Etat, en fonction du projet pour l enfant. A titre d exemple, le retour envisagé vers le pays d origine ou l imminence d un nouveau placement en vue d adoption rendant inutiles la constitution d une tutelle d Etat. En cas d urgence, si les parents n ont pas déjà remis l enfant à l aide sociale à l enfance préalablement au jugement de révocation (cas d école), la saisine du juge des enfants est envisageable. 2) L adoption n est pas reconnue en France Il peut s agit d un refus de transcription d un jugement d adoption plénière par le parquet de Nantes, de mention d un jugement d adoption simple par le parquet territorialement compétent, d exequatur par le tribunal de grande instance ou de rejet d une nouvelle demande d adoption en France. Il convient dans tous les cas que le parquet saisi informe l Autorité centrale pour l adoption internationale de la situation pour que le nécessaire soit fait auprès de l Autorité Centrale étrangère si elle existe, et que les pays pour lesquels des trafics sont avérés soient bien connus, l autorité centrale pouvant proposer une éventuelle suspension de l adoption dans ces pays. Deux hypothèses doivent être envisagées. a) Les personnes ayant recueilli l enfant sur la base du jugement étranger souhaitent s en occuper : - Si l adoption prononcée à l étranger a rompu le lien de filiation avec la famille d origine de l enfant ou que l enfant n avait pas de filiation d origine (parents inconnus ou décédés), il est considéré comme étant sans filiation en France. Il est donc possible de demander l ouverture d une tutelle au juge des tutelles, qui sera organisée selon les règles de droit français. 3
En effet, en matière de protection des mineurs résidant habituellement sur le territoire français, les questions de conflits de compétence et de loi applicable sont réglées par la Convention de La Haye du 5 octobre 1961, entrée en vigueur en France le 10 novembre 1972. Cette Convention, qui s applique à tous les mineurs qui résident dans un Etat partie, même s ils sont originaires d un pays non contractant (article 13 alinéa 1), prévoit que les autorités compétentes pour prendre des mesures tendant à la protection de la personne ou des biens du mineur sont celles de l Etat de sa résidence habituelle (article 1). Par ailleurs, l article 2 de la Convention dispose que les autorités compétentes en vertu de l article 1 er prennent les mesures prévues par leur loi interne (application du principe de la loi du for), sauf quelques cas limitativement énumérés où la loi de l Etat d origine de l enfant peut trouver à s appliquer. Mais, ces exceptions ne paraissent pas pouvoir s appliquer à la situation d un enfant sans filiation établie. L organisation de la tutelle s effectue au cas par cas, avec un conseil de famille composé de toute personne intéressée par la situation de l'enfant. En principe, les personnes qui l ont recueilli sur la base du jugement étranger en feront partie, mais ceux-ci ne seront pas forcément désignés comme tuteur. Le juge des tutelles pourra ainsi avoir le temps de vérifier les raisons de la nonreconnaissance de l'adoption en France (et de cerner le rôle des «parents», leur éventuelle fraude à la loi...), avant de confirmer ou non ces derniers dans leur rôle auprès de l'enfant. - Si l adoption prononcée à l étranger a maintenu un lien de filiation avec la famille d origine, il semble également possible, dans la mesure où les parents d origine peuvent être considérés comme privés de l exercice de l autorité parentale, de constituer une tutelle avec conseil de famille. Après cinq années de recueil en France, l enfant pourra demander la nationalité française (article 21-12 du code civil). b) Les personnes ayant recueilli l enfant sur la base du jugement étranger ne veulent pas s en occuper : - Si l adoption prononcée à l étranger a rompu le lien de filiation avec la famille d origine de l enfant ou que l enfant n avait pas de filiation d origine (parents inconnus ou décédés), il peut bénéficier du statut de pupille de l Etat en application des 1 et 2 de l article L 224-4 du CASF. - Si l adoption prononcée à l étranger a maintenu un lien de filiation avec la famille d origine. Il convient d étudier au cas par cas la situation de l enfant et l opportunité de constituer une tutelle d Etat, en fonction de l éventualité ou non d un retour dans le pays d origine, ou encore de l existence d un nouveau projet d adoption. 3) Effets sur la nationalité de l enfant 1) L enfant qui a fait l objet d une adoption plénière non contestée est français dès sa naissance (article 18 et 20 du code civil). 4
2) L enfant qui a fait l objet d une adoption simple par une personne de nationalité française peut, jusqu à sa majorité, réclamer la nationalité française par déclaration (article 21-12 alinéa 1 du code civil). 3) Lorsque l'adoption plénière n'est pas opposable en France, il reste à l enfant mineur étranger qui n'a pas de filiation établie avec un parent de nationalité française la possibilité de souscrire une déclaration pour acquérir la nationalité française. a- Durant sa minorité, en application de l article 21-12 du code civil 1, comme enfant recueilli en France et élevé par une personne de nationalité française depuis 5 années. b- Très exceptionnellement, lorsque l enfant est devenu majeur il pourra bénéficier des dispositions de l article 21-13 du code civil mais, à condition, qu il puisse justifier d une possession d état de français de plus de dix ans. Il convient d observer que l article 21-12 du code civil permet à l enfant, lorsqu il s agit d une adoption simple d acquérir la nationalité française sans condition de délai, alors qu il ajoute un délai de 5 ans lorsque l enfant est seulement recueilli par une personne de nationalité française. 5