La lettre de la RMF UE



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Transcription:

La lettre de la RMF UE La lettre d information de ce mois de février est l occasion de mettre en avant des éléments nouveaux qui doivent alimenter notre réflexion stratégique, en particulier notre capacité à anticiper et à maitriser les crises à venir. Nous nous intéressons donc ce mois-ci à la guerre hybride. Cette nouvelle manière d appréhender la guerre envisage un continuum de la stratégie à la tactique et entre les différents outils pouvant concourir à l action offensive, qui a comme fin l érosion du pouvoir étatique adverse. Nous tacherons de définir ce qu implique cette nouvelle conflictualité, et de quelle manière il faut y faire face. Les questions financières sont aussi au cœur des problématiques de sécurité européenne. L Union dispose d un certain nombre d instruments financiers lui assurant un rayonnement extérieur certain ; à l aune de nos engagements à titre collectif, il y a un réel besoin d une réflexion sur l utilisation de ces fonds et leur complémentarité avec la PSDC. Sur un autre plan, nous étudierons l action préparatoire de Défense, qui vise à favoriser une réelle autonomie stratégique de l Union en protégeant son industrie de Défense. Et pour finir, nous recevrons le général de brigade Laugel, Mission Commander de la nouvelle mission européenne de conseil auprès des forces armées centrafricaines, EUMAM RCA. Ce sera l occasion pour lui, peu de temps avant son départ à Bangui, de nous faire part de ses impressions et de ses analyses. Bonne lecture. Vice-Amiral d escadre Charles-Edouard de Coriolis Représentant militaire permanent de la France auprès de l Alliance atlantique et de l Union européenne Sommaire Le Focus du mois : la guerre hybride... 2 Finances : Les instruments de financement de l action extérieure de l Union Européenne... 3 Capacités : L action préparatoire de défense... 5 Entretien : Avec le général de brigade Laugel, Mission Commander d EUMAM RCA&&&&&&..6

LETTRE DE LA RMF n 60 Focus Février 2015 La guerre hybride, approche globale des conflits Remise à l ordre du jour suite aux évènements récents en Ukraine, la «guerre» ou conflit hybride serait une approche renouvelée de la conflictualité. Elle peut se définir comme un effort offensif et global visant à déstabiliser un Etat en favorisant une insurrection, des situations de crise humanitaires, voire une guerre civile. Cela passe par l utilisation combinée de manière conventionnelle ou non conventionnelle d instruments relevant du domaine militaire, mais aussi du domaine économique, humanitaire, ainsi que de stratégies d influence (Stratcom) offensives. L approche hybride de la guerre cherche à influer sur les lignes de failles d une société, qu elles soient économiques, ethniques ou culturelles, pour créer des tensions permettant de déstabiliser le pouvoir étatique. Dans une stratégie hybride, l essentiel de l effort de déstabilisation est assuré par des forces irrégulières et des modes d action non conventionnels, non liées par les cadres classiques de la guerre, qui sont soutenues par des forces régulières, y compris par l engagement militaire de l adversaire. Ce modus operandi assure une relative supériorité de l agresseur sur des forces purement régulières. De manière générale, la guerre hybride prend en compte l «approche globale» d une crise, mais renverse l idée classique de l approche globale en ayant comme objectif final non pas la stabilisation, mais bien l affaiblissement généralisé du pouvoir étatique visé. Après ce constat, se pose la question de la réponse nécessaire aux menaces hybrides. Il faut initialement noter que l OTAN, pilier de notre défense collective, n a pas à sa disposition les outils qui lui permettent de réagir à une telle menace et qu une coordination suffisante avec les institutions disposant de ces outils, en particulier l UE, fait pour le moment défaut. Cette carence a donc été utilisée comme une faiblesse dans le cadre de la crise ukrainienne. Séparatistes pro russes dans la province de Donestk

Répondre à une menace hybride implique donc soit de neutraliser les éléments irréguliers qui sont les acteurs principaux de la déstabilisation, soit de combattre les forces conventionnelles qui les soutiennent. Dans le cas d une situation où les forces conventionnelles appartiennent à une grande puissance dotée de l arme nucléaire, la première option est préférable, évitant ainsi une dramatique escalade. Une menace hybride appelle nécessairement une réponse hybride. Il s agira donc d utiliser non seulement des outils militaires mais aussi provoquer des actions économiques et des manœuvres de contre-influence. Notamment, pour ce qui est de la Stratcom, il s agit de réagir par la contre propagande, tout en développant un schéma narratif de communication adapté. Pour ce qui est de la réponse militaire, elle doit reposer sur trois piliers, qui permettent d entraver, voire d enrayer l action des irréguliers : - des chaines de commandement, des moyens de communication et de renseignement efficaces et centralisés, permettant d avoir une maitrise réelle de la situation de crise ; - le besoin d une force conventionnelle de réaction rapide, apte à réagir aux situations asymétriques propres aux menaces hybrides ; - l utilisation massive de forces spéciales à des fins de collecte de renseignements ou de neutralisation de points sensibles et de centres de gravité des forces adverses. La guerre hybride implique donc nécessairement, lorsque l on veut y répondre, une action de riposte de même nature que celle de l attaque. Il est primordial dans ce cadre, de penser un continuum entre les niveaux stratégique, opératif et tactique, ainsi qu entre les domaines militaires et civils. La dé-compartimentation des efforts est une condition et une solution de la guerre hybride Finances Les instruments de financement de l action extérieure de l Union Européenne L Union Européenne met en œuvre plusieurs instruments financiers qui permettent de donner un fondement matériel solide à son action extérieure. Ainsi, l Union a la possibilité de mettre en avant ses valeurs et de défendre ses intérêts, mais aussi de soutenir le développement économique et institutionnel de ses partenaires à travers le monde. Ces instruments, ayant chacun différentes vocations, représentent près de 59 milliards d euros sur la période 2014-2020, ce qui équivaut à un peu plus de 6% du budget de l Union sur la même période. Les divers instruments suivent un programme de mise en œuvre préalablement défini, qui se décline en trois modalités, selon les projets et la nature des objectifs. Ainsi, ces aides peuvent prendre la forme d une aide à un projet précis, d un appui direct au budget d un Etat, ou d un «mix prêt-don» qui, par des subventions, permet d instaurer un effet de levier attractif pour les bailleurs de fonds internationaux. Les fonds sont attribués selon les décisions des institutions européennes en charge des différents fonds, notamment la Commission et le SEAE. Les plans d aides se traduisent par la rédaction de programmes régionaux pluriannuels et de programmes indicatifs nationaux. Après discussion avec

les pays partenaires, est rédigé une single support framework qui détermine les champs d action par pays concernés. Les instruments se déclinent selon leurs finalités; on trouve par exemple l Instrument de Coopération au Développement (ICD), un des plus conséquents d un point de vue financier, dont l objectif est le développement économique et social, ainsi que la lutte contre la pauvreté. Pour la période 2014-2020, l ICD dispose de 19,6 milliards d euros. On peut aussi citer l Instrument européen pour la démocratie et les droits de l Homme, doté de 1,3 milliards d euros, qui vise à favoriser les dynamiques démocratiques et à soutenir les défenseurs des droits de l homme, et cela y compris sans accord du pays destinataire. Deux fonds intéressent particulièrement les problématiques de sécurité ; il s agit tout d abord de l Instrument de Stabilité (IdS) ayant à sa disposition 2,3 milliards d euros. Il est divisé en un volet court terme et un volet long terme selon la logique d action qui est mise en avant. Cet instrument a pour but de maitriser les crises ou de les prévenir, notamment dans le domaine du terrorisme et de la lutte contre le crime organisé. Aujourd hui, la mise en œuvre du volet court terme est sous la responsabilité du Service des instruments de politiques étrangères (FPI), en lien avec les directions géographiques et les Délégations de l Union Européenne. En cas de crise sensible, le volet court terme est élaboré avec l assistance du service «réponses aux crises et coordination opérationnelle» du SEAE. Ces deux services font leur rapport conjoint à la Haute Représentante, autorité de tutelle du FPI. Quant à la planification du volet long terme, c est l apanage de la direction «Politique de sécurité et prévention des conflits» du SEAE. Les actions de l IdS sont déterminées par des documents de stratégie, accompagnés de programmes pluriannuels, qui déterminent les axes d intervention et domaines éligibles à des financements ; à cela s ajoute les programmes annuels d action, qui proposent une répartition des financements au sein des projets. Le 11ème Fonds Européen de Développement (FED) tire ses financements directement des Etats membres et est dirigé par un comité ad hoc, composé de représentants des Etats, et présidé par la Commission. Ce fonds permet de soutenir le développement économique et social dans les Etats partenaires. Pour la période 2014-2020, ce fonds est doté d un budget de 30,5 milliards d euros. L octroi de fonds pour un projet respecte le processus suivant : l Etat ou l organisation, en lien avec la Commission, élabore une stratégie de coopération et un Programme Indicatif National. Ces documents sont présentés au comité, qui les sanctionne par un vote à la majorité qualifiée. Le vote n est, en général, que l officialisation d un consensus élaboré dans des discussions informelles en amont. De plus, le comité suit la progression de la programmation et entame une révision générale de ces processus en milieu ou en fin de parcours. Dans l optique de l approche globale, ces moyens financiers pourraient utiliser leurs ressources considérables pour appuyer l action de l Union Européenne dans le domaine de la PSDC. Ainsi, dans la logique du concept «Train and Equip», une répartition des rôles et des acteurs entre Commission et forces militaires déployées dans un cadre UE pourraient voir leurs efforts se concrétiser par un appui matériel et pédagogique aux forces concourant à la sécurité de la nation hôte. Le FED semble être le plus adapté à cet exercice. Ne relevant pas du budget de l Union, il n est pas limité dans son utilisation par l article 41-2 du Traité de l Union Européenne, qui stipule que l Union ne peut financer des programmes liés à la Défense ou à implication militaire.

Capacités L action préparatoire de défense Le principe de l action préparatoire de défense est tiré d une communication de la Commission de 2013, reprise dans les conclusions du Conseil Européen consacré à la défense de décembre 2013, qui mettait en avant l intérêt d une action préparatoire de recherche liée à la PSDC. Cette action est une opération expérimentale qui vise à tester sur un échantillon réduit la viabilité d un futur programme de recherche communautaire sur la période 2021-27 consacré aux besoins des missions PSDC, de la même façon que le programme de recherche Horizon 2020 a intégré un programme de recherche de sécurité On considère que les Etats membres consacrent chaque année environ 2 milliards d euros à la recherche dans le domaine de la Défense. Le programme de recherche envisagé suite à cette action pourrait représenter 1,5 à 2 milliards d euros sur la durée du cadre financier, ce qui constituerait un apport conséquent à ce qui est mis en œuvre par les Etats. L action préparatoire aura à sa disposition un budget de l ordre de 50 millions d euros, pour une durée maximum de trois ans. Cette action se déroulera selon le calendrier suivant : - 2015 : définition du programme de l action ; - 2016 : négociation du budget ; - 2017 : mise en œuvre de l action préparatoire ; - 2019-2020 : rédactions des conclusions du projet. Le succès de l action préparatoire, qui déterminera la viabilité du futur programme, en favorisant la création d un programme de recherche dédié à la PSDC à l image d Horizon 2020, permettrait de mettre en place de facto un instrument de financement de la recherche dans le secteur de la défense. Cela qui contribuerait au renforcement de l autonomie stratégique de l UE via celui de la base industrielle et technologique de défense (BITD). L effet recherché est de favoriser les coopérations communautaires sur ces questions, au-delà des approches nationales ou multilatérales. Cette action préparatoire et le programme de recherche concerneront le secteur de la défense et impliquent donc des contraintes et des modalités d action particulières. Premièrement, si ces initiatives visent à répondre aux besoins capacitaires des missions issues de la PSDC, les Etats membres doivent pouvoir en assurer le contrôle, la défense demeurant un domaine régalien. Se pose ensuite la problématique de la gestion des informations sensibles et de la confidentialité inhérente à ce genre de programmes. Et enfin, à l issue du programme, le contrôle des exportations est un enjeu de grande ampleur. Les Etats membres, dont la France, souhaitent que ce futur programme soit complémentaire des efforts de R&T de défense nationaux et se distingue de la recherche communautaire civile d Horizon 2020. Le travail de l action préparatoire se fait notamment par une série d ateliers présidés par la Commission et l Agence Européenne de Défense, impliquant les Etats membres et les industriels. En outre, la Commission va s appuyer sur un groupe de personnalités de haut niveau qui, par leur influence, permettront de légitimer l action préparatoire et son principe auprès du Parlement, des Etats membres et du Conseil.

Entretien Entretien avec le général de brigade Laugel, Mission Commander d EUMAM RCA Né en 1957, le général de brigade Dominique Laugel intègre Saint Cyr en 1980, et choisit de servir dans l arme de l Infanterie. Après un temps de commandement de chef de section au 2eme Régiment Etranger d Infanterie, le Général Laugel a eu une carrière riche en engagements opérationnels, notamment en ex Yougoslavie, au sein de la SFOR, ou en Afrique, que ce soit avec l'opération Artémis au Congo, Licorne en Côte d Ivoire et Epervier au Tchad. Breveté de la Führungsakademie der Bundeswehr de Hambourg et ancien chef de corps du 110 ème Régiment d Infanterie, le Général Laugel a occupé de nombreux postes d étatmajor à vocation opérationnelle, que ce soit en tant que chef d état-major du Regional Command de Kaboul ou de la 2eme brigade blindée. Après deux ans au Corps de Réaction Rapide de Lille, il est aujourd hui le Mission Commander d EUMAM RCA. 1. Mon Général, alors que la mission a débuté, quelles sont vos premières impressions en tant que Mission Commander? Je suis tout d abord heureux d avoir été désigné par le Conseil ; de plus, je suis honoré d avoir la chance de pouvoir commander une mission européenne en Afrique. C est un continent avec lequel j ai des liens forts, ayant participé à des opérations marquantes sur plusieurs théâtres, que ce soit EUFOR Artémis en 2003, en Côte d Ivoire en 2005, ou le Tchad en 2010. EUMAM RCA est aussi l opportunité pour un officier général habitué aux cadres nationaux et otaniens de travailler avec les institutions européennes, dans un environnement à dominante internationale, en particulier le Comité Politique de Sécurité (COPS), l état-major de l Union Européenne (EMUE) pour la planification et la rédaction du Mission Plan, ou le Comité militaire de l Union Européenne. Mon premier souci reste la génération de force ; nous travaillons avec tous les acteurs en vue de parvenir à un résultat satisfaisant.

LETTRE DE LA RMF n 60 Février 2015 2. Quelle doit être la plus-value apportée par EUMAM RCA aux forces armées centrafricaines (FACA), et plus largement en Centrafrique? EUMAM intervient à la suite d EUFOR RCA ; sa vocation est de faire bénéficier les forces armées centrafricaines (FACA) de conseils d experts qui permettront de mettre en place les premières étapes d une réforme du secteur de sécurité (RSS) en RCA. Il s agit d aider à la naissance d une armée centrafricaine professionnelle, multiethnique, et républicaine, et de donner aux FACA les outils leur permettant d être le pilier d un gouvernement de droit et de la souveraineté de leur pays. 3. Une fois sur le terrain, quels seront à votre avis les principaux défis auxquels la mission devra faire face? Notre premier défi sera de réussir notre travail de pédagogie auprès de la population, qui pourrait s inquiéter du départ de EUFOR, et des autorités, qui doivent comprendre que nous sommes une mission de conseil et non pas d entrainement. Nous ne sommes pas une mission devant faire usage de la force ; de plus, notre format est limité à une soixantaine de militaires. Cette contrainte, en plus d une situation sécuritaire volatile, implique que la sécurité de mes hommes sera un défi supplémentaire. Enfin, compte tenu de la désactivation de l OHQ de Larissa, il me sera nécessaire de faire de nombreux allers et retours entre Bruxelles et Bangui, ce qu il faudra aussi apprendre à gérer. 4. EUMAM RCA a vocation à être en place pour une année suite à son activation ; qu imaginez-vous pour la suite? Nous espérons qu au bout d une année de travail, les FACA seront aptes à entreprendre une RSS ; à ce moment-là, il appartiendra à l Europe de faire un constat sur ce qu il conviendra de faire. Les FACA devront élaborer un programme d entrainement ; elles le feront soit seules, soit avec l aide des nations africaines, soit avec celle de la communauté internationale. Rédacteur en chef: Pour s'abonner à la diffusion numérique : repmilue.bruxellesdfra@diplomatie.gouv.fr Paul Fritsch Pour retrouver les numéros précédents de la Lettre d information RMF :